Asie et Océanie - Mise à jour régionale

Les événements nouveaux survenus entre janvier et avril 2008

Les premiers mois de l’année 2008 sont venus rappeler cruellement que la croissance économique rapide constatée dans certaines parties de la région n’a apporté aucun changement au quotidien de nombreuses personnes, qui vivent toujours dans la pauvreté et sous l’autorité de gouvernements répressifs. Un exemple particulièrement dramatique est celui du régime du Myanmar qui, ne faisant aucun cas des souffrances des hommes et des femmes touchés par le cyclone Nargis, a refusé de laisser passer l’aide humanitaire à destination des populations.

Un grand nombre de personnes ont été exécutées par les autorités de leur pays en ce début d’année, et des milliers d’autres restaient sous le coup de la peine capitale. On ignorait quel était leur nombre total car la Chine et le Viêt-Nam, entre autres pays, ne rendaient pas publics leurs chiffres en la matière. Des conflits ont redoublé d’intensité et d’autres se sont rouverts, plaçant des milliers de personnes en situation de violence extrême et face au risque de perdre leurs moyens de subsistance.


Répression de la dissidence

Au Tibet, des manifestations pacifiques de moines à Lhassa ont donné naissance à des mouvements de protestation violents, marqués notamment par des attaques ciblées contre les Chinois hans. Ces événements ont déclenché une violente répression de la part des autorités chinoises. Plus de 150 personnes ont été tuées durant les troubles, selon des sources tibétaines, et l’on reste sans nouvelles de milliers d’autres qui ont été arrêtées.

Au Myanmar, la répression s’est poursuivie contre les personnes soupçonnées d’avoir participé aux manifestations antigouvernementales pacifiques de 2007, ou d’avoir soutenu ce mouvement. De nouvelles arrestations ont eu lieu et de lourdes peines d’emprisonnement ont été prononcées. Au moins 700 hommes et femmes arrêtés dans le cadre de la répression des manifestations et considérés par Amnesty International comme des prisonniers d’opinion restent détenus. Après s’être rendu une nouvelle fois dans le pays, en mars, le conseiller spécial du secrétaire général de l’ONU, Ibrahim Gambari, a estimé que sa visite n’avait pas donné de « résultat concret ». Le 10 mai, alors même que des centaines de milliers de rescapés du cyclone Nargis luttaient pour survivre sans nourriture suffisante, sans abri et sans accès aux soins, les autorités ont tenu un référendum national sur le projet de Constitution élaboré à l’issue d’un très long processus. Le gouvernement avait auparavant promulgué une loi prévoyant des sanctions pénales contres les personnes exprimant leur opposition à cette consultation.

Le Viêt-Nam n’a pas varié dans sa politique de répression contre l’opposition pacifique et légitime. Au moins sept dissidents ont été jugés et condamnés à de longues peines d’emprisonnement, tandis que 14 personnes, peut-être davantage, ont été arrêtées alors qu’elles manifestaient contre la politique de la Chine lors du passage de la flamme olympique, en avril.

En Indonésie, 20 habitants de l’archipel des Moluques ont été condamnés à de longues peines d’emprisonnement en avril pour avoir tenté, en 2007, de hisser le drapeau d’un État indépendant. L’un d’eux, Johan Teterisa, s’est vu infliger une peine de détention à perpétuité.

Signe de la poursuite des intimidations exercées contre la presse par le gouvernement militaire provisoire de Fidji, les directeurs de la publication du Fiji Sun et du Fiji Times, tous deux de nationalité australienne, ont été expulsés du pays respectivement en février et en mai.

Défenseurs des droits humains
À l’approche des Jeux olympiques de Pékin, les autorités chinoises ont renforcé les mesures de sécurité et multiplié les arrestations et les condamnations de défenseurs des droits humains, souvent pour « subversion du pouvoir de l’État ».

Au Cambodge, les autorités ont appréhendé 16 villageois qui s’étaient mobilisés pour protéger leurs terres – au moins quatre expulsions forcées se sont déroulées durant les premiers mois de l’année. Ces arrestations figurent au nombre des préoccupations plus générales concernant l’utilisation abusive du système de justice pénale par les autorités, qui cherchent à réduire au silence les défenseurs du droit à la terre et du droit au logement. La plupart des personnes arrêtées ont été remises en liberté, dont six sur intervention directe du Premier ministre.

De nouveaux assassinats politiques de militants de gauche ont eu lieu aux Philippines. Le syndicaliste Gerardo Cristobal a ainsi été tué en mars. Les autorités ont poursuivi leurs efforts visant à améliorer l’efficacité des enquêtes de police et le travail des procureurs, et la Cour suprême a adopté, en janvier, de nouvelles règles renforçant la protection offerte par l’habeas corpus.

En Malaisie en revanche, les recours en justice présentés contre la détention sans jugement, aux termes de la Loi relative à la sécurité intérieure, de cinq membres de la Force d’action pour les droits des hindous, ont échoué.

Les populations prises au piège des conflits
En Afghanistan, les populations prises sous les feux croisés des différentes forces en présence n’ont connu aucun répit. Les violences insurrectionnelles, notamment les attentats-suicides commis par les talibans, ont au contraire redoublé et provoqué la mort de civils. En avril, on dénombrait déjà 20 attentats-suicides, qui avaient fait au moins 120 victimes.

À Sri Lanka, la population civile était exposée chaque jour davantage au risque d’atteintes aux droits humains commises par toutes les parties au conflit après la rupture, en janvier, de l’accord de cessez-le-feu conclu en 2002 entre le gouvernement et les Tigres libérateurs de l’Eelam tamoul (LTTE). Plus de 100 personnes ont trouvé la mort lors de plusieurs attentats à l’explosif perpétrés dans des bus et attribués aux LTTE.

Dans le sud de la Thaïlande, toujours en proie à la violence, les atteintes aux droits humains se poursuivaient dans les deux camps. Des cas de torture de détenus par les forces de sécurité ont été signalés et des groupes armés ont pris pour cibles des civils.

Le pouvoir citoyen
Dans toute la région, les électeurs ont, au-delà de toute attente, sanctionné dans les urnes les gouvernements peu respectueux des droits humains et œuvré ardemment pour que les candidats s’engagent à respecter les droits fondamentaux. Les dirigeants élus ont fait des promesses encourageantes, qu’ils doivent maintenant traduire dans la réalité.

Au Népal par exemple, les élections de mars, d’importance historique, ont débouché sur la mise en place d’une assemblée constituante. Les citoyens ont exprimé sans ambigüité leur désir de voir s’accomplir pleinement les engagements en matière de droits humains contenus dans l’accord de paix de 2006, notamment de voir mises en œuvre des mesures pour faire échec à l’impunité et d’autres pour garantir tous leurs droits aux groupes marginalisés depuis toujours – les femmes, les castes inférieures et plusieurs minorités ethniques. Des cas d’utilisation excessive de la force par la police durant la campagne électorale, mais aussi lors d’opérations en avril contre des manifestants pacifiques, notamment des Tibétains, ont suscité de nouvelles préoccupations.

Les électeurs de Malaisie étaient eux aussi appelés aux urnes en mars. Mettant un terme à un demi-siècle d’exercice du pouvoir par le même parti, les formations de l’opposition ont fait naître l’espoir que les lois restreignant la liberté d’expression, d’association et de réunion soient assouplies, et que la réforme de la police s’accélère.

Au Pakistan, les élections de février ont porté au pouvoir un gouvernement de coalition composé de partis opposés au régime de Pervez Musharraf. Ce nouveau gouvernement a promis de rétablir les garanties en matière de droits humains mises à mal durant l’état d’urgence imposé à la fin de l’année 2007, notamment de réintégrer dans leurs fonctions les juges indépendants injustement évincés par le président Musharraf et d’abroger des dispositions législatives restrictives adoptées récemment. En avril, le nouveau gouvernement a signé ou ratifié trois importants protocoles internationaux en matière de droits humains.


Impunité

La recrudescence du conflit à Sri Lanka a ravivé les préoccupations concernant l’administration de la justice et l’utilisation abusive de la législation d’exception. Les disparitions forcées et les homicides illégaux, notamment de professionnels des médias, ne faisaient l’objet d’aucune enquête appropriée de la part des autorités.

De meilleures nouvelles sont parvenues du Bangladesh où, en avril, trois mois après la visite d’une délégation de haut niveau d’Amnesty International, le gouvernement provisoire a évoqué avec le secrétaire général des Nations unies la possibilité d’un soutien de l’ONU dans un processus d’examen des crimes de guerre qui auraient été commis durant le conflit de 1971 ayant abouti à l’indépendance du pays.

Toujours en avril, la Cour suprême d’Inde a demandé à la Commission nationale des droits humains d’enquêter sur les violations des droits fondamentaux qui auraient été commises par des miliciens soutenus par le gouvernement dans des zones où vivent des adivasi (aborigènes), où se poursuivaient de violents mouvements de protestation contre des grands projets industriels.

Torture
Des cas de brutalités et de mauvais traitements de détenus par des policiers étaient toujours signalés dans toute la région Asie et Océanie. En Indonésie, de nouvelles informations ont fait état de torture et de mauvais traitements infligés par des agents de l’État. Le Comité contre la torture [ONU] devait examiner au début du mois de mai la mise en œuvre de la Convention contre la torture dans le pays.

Peine de mort
Tandis que l’attention de la communauté internationale se focalise, à l’approche des Jeux olympiques, sur l’application de la peine de mort en Chine, d’autres pays de la région continuent de recourir à ce châtiment. Sept détenus ont ainsi été exécutés depuis le début de l’année au Japon, où au moins 105 personnes restent sous le coup d’une condamnation à mort. En Corée du Nord, 15 personnes ont été exécutées en public pour avoir tenté de franchir illégalement la frontière chinoise. De meilleures nouvelles nous sont parvenues de Corée du Sud, où six des 64 détenus sous le coup d’une condamnation à mort ont bénéficié d’une commutation de leur peine. En Indonésie, par ailleurs, la Cour suprême a commué en peine de réclusion à perpétuité la condamnation à mort pesant sur trois des « Neuf de Bali », des ressortissants australiens reconnus coupables de trafic de stupéfiants. Il restait au moins 112 condamnés à mort dans le pays.

Demandeurs d’asile
En Australie, les autorités ont annoncé en février qu’elles allaient remettre en liberté 21 demandeurs d’asile sri-lankais encore détenus à Nauru et qu’elles avaient entamé des discussions avec le gouvernement de l’île en vue de fermer le centre de détention et mettre un terme à la « solution du Pacifique », la politique très controversée consistant à placer les personnes en quête d’asile en détention à l’extérieur du territoire.

En Malaisie, au moins 75 demandeurs d’asile et réfugiés chins du Myanmar se seraient retrouvés sans abri après que des fonctionnaires de l’immigration eurent incendié le camp où ils vivaient.

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