Liban

L’année a été marquée par la violence politique et l’instabilité. Plus de 40 personnes ont trouvé la mort dans des attentats à l’explosif, entre autres attaques, et des centaines d’autres ont été blessées à la suite des combats qui ont opposé pendant plusieurs mois l’armée libanaise et les membres de Fateh el Islam, un groupe armé, dans le camp de réfugiés palestiniens de Nahr el Bared et aux alentours. Alors que le pays se relevait à peine de la guerre dévastatrice qui a opposé Israël au Hezbollah en 2006, les tensions et divisions internes ont pratiquement paralysé le Parlement et empêché l’élection d’un nouveau président. Les femmes étaient victimes de discrimination dans la législation et la pratique, et l’État ne les protégeait pas suffisamment contre les violences. Les réfugiés palestiniens continuaient d’être victimes de discrimination et de violations de leurs droits économiques et sociaux. Des informations répétées ont fait état de torture et de mauvais traitements infligés aux détenus. Comme les années précédentes, des tribunaux ont prononcé des condamnations à mort, mais aucune exécution n’a été signalée.


Nahr el Bared

Des affrontements de grande ampleur ont éclaté le 20 mai dans le camp de réfugiés palestiniens de Nahr el Bared entre l’armée libanaise et des membres de Fateh el Islam, un groupe armé islamiste, qui s’étaient installés peu de temps auparavant dans ce camp. Selon les informations reçues, 168 soldats libanais, 42 civils et 220 membres de Fateh el Islam ont été tués avant que l’armée ne prenne le contrôle du camp, le 2 septembre.
Les deux parties ont mis les civils en danger au cours des affrontements. Les membres de Fateh el Islam ont établi des positions armées à l’intérieur du camp, dans lesquelles ils se sont retranchés après avoir attaqué une base militaire. L’armée a procédé à des tirs d’artillerie intenses, et dans certains cas peut-être aveugles, contre le camp, qui a été en grande partie détruit. Des pillages, des incendies et des actes de vandalisme d’habitations abandonnées et de biens ont, semble-t-il, eu lieu après l’entrée de l’armée dans le camp.
Dans une lettre adressée à Amnesty International en décembre, le Premier ministre a affirmé que l’armée avait ouvert une enquête sur ces allégations, précisant que des soldats avaient incendié une maison pour éliminer un poison qui avait été répandu par des membres de Fateh el Islam.
La plupart des quelque 30 000 réfugiés palestiniens déplacés de Narh el Bared se sont réinstallés dans le camp de réfugiés de Baddaoui. Ils ont été autorisés à retourner à Nahr el Bared à partir du mois d’octobre, mais la majorité d’entre eux étaient toujours déplacés à la fin de l’année. L’accès au camp restait interdit aux médias et aux organisations locales de défense des droits humains.
 ?Le 22 mai, deux civils ont été tués et plusieurs autres ont été blessés lorsqu’un convoi d’aide humanitaire des Nations unies a été la cible d’au moins un engin explosif à l’intérieur du camp. L’armée aurait nié toute responsabilité. Le même jour, Nayf Selah Selah et Maha Abu Radi, une femme enceinte, ont été abattus alors que l’autobus qui les emmenait hors du camp s’approchait d’un poste de contrôle de l’armée ; d’autres passagers ont été blessés. Des hommes armés ont contraint un adolescent de treize ou quatorze ans à descendre du véhicule, ils l’ont menacé avec un couteau et lui ont administré des décharges électriques pour le forcer à « avouer » qu’il préparait un attentat-suicide ; ils l’ont ensuite relâché. À la connaissance d’Amnesty International, aucune enquête indépendante n’a été effectuée sur cette affaire.
De très nombreux Palestiniens ont été menacés, humiliés et insultés par des militaires, le plus souvent après avoir été retenus à des postes de contrôle de l’armée. Certains ont été déshabillés et forcés de s’allonger sur la route, frappés – notamment à coups de pied et de crosse de fusil –, insultés et humiliés. Plusieurs personnes auraient été fouettées, auraient reçu des décharges électriques et subi des sévices sexuels.
Deux cents personnes environ soupçonnées de liens avec Fateh el Islam ont été arrêtées et maintenues en détention. Plusieurs dizaines auraient été inculpées d’actes de terrorisme passibles de la peine de mort. Selon certaines sources, des détenus ont été torturés ou maltraités.
 ?Le 29 juin, trois personnes ont été tuées au cours d’une manifestation pacifique organisée pour que les déplacés de Nahr el Bared soient autorisés à rentrer chez eux. Des soldats libanais ont ouvert le feu sur le cortège et ils ne seraient pas intervenus quand des civils libanais ont attaqué les manifestants.
 ?Le 12 décembre, le général François el Hajj, chef des opérations de l’armée libanaise durant les combats de Nahr el Bared, a été tué ainsi qu’un de ses gardes du corps dans l’explosion d’une voiture piégée à Baabda.

Homicides
Plus de 40 personnes ont trouvé la mort à la suite d’attentats à la bombe ou ont été abattues par des hommes armés non identifiés.
 ?Deux députés partisans du gouvernement de Fouad Siniora ont été assassinés à Beyrouth dans des attentats à la voiture piégée distincts : Walid Eido et neuf autres personnes ont été tués le 13 juin ; Antoine Ghanem et cinq autres personnes ont trouvé la mort le 19 septembre.
 ?Six membres de la force de maintien de la paix des Nations unies ont été tués, le 24 juin, à la suite d’une explosion visant leur convoi non loin de la ville de Khiam, dans le sud du pays.

Assassinat de Rafic Hariri
Le 30 mai, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté la résolution 1757, relatif à la création d’un Tribunal spécial pour le Liban chargé de juger les responsables présumés de l’assassinat, en février 2005, de Rafic Hariri et de 22 autres personnes. Si cette juridiction l’estime opportun, elle devrait aussi être saisie d’un certain nombre d’autres attentats perpétrés depuis octobre 2004 et qui pourraient être liés à celui visant l’ancien Premier ministre.
 ?Cinq hauts responsables des services de sécurité et quatre autres individus arrêtés entre août et novembre 2005 dans le cadre de l’enquête étaient maintenus en détention sans inculpation.
Le 28 novembre, la Commission d’enquête internationale indépendante des Nations unies a soumis son neuvième rapport sur cet assassinat ainsi que sur 18 autres attentats pour lesquels elle assistait les autorités libanaises dans leurs investigations.

Torture et autres mauvais traitements
Les cas de torture et de mauvais traitements signalés se sont multipliés. Les victimes étaient notamment des Palestiniens, des sunnites auteurs présumés d’atteintes à la sécurité et des personnes soupçonnées de liens avec le groupe Fateh el Islam. Deux personnes au moins sont mortes en détention, probablement des suites de sévices.
 ?Neuf hommes dont le procès s’est ouvert le 21 avril devant le Tribunal militaire se sont plaints d’avoir été torturés durant leur détention au secret à partir de mars et d’avril 2006 dans les locaux du ministère de la Défense à Beyrouth. Ghassan al Slaybi aurait reçu des décharges électriques et aurait été frappé à coups de bâton ; il a affirmé qu’on l’avait forcé à participer aux actes de torture infligés à son fils Muhammad, également détenu. D’autres prisonniers auraient été soumis à la falaqa (coups assenés sur la plante des pieds) et au balanco (suspension par les poignets préalablement attachés dans le dos). Plusieurs accusés ont affirmé avoir signé des « aveux » sous la contrainte. Le tribunal aurait rejeté leur demande d’examen médical.
Le 20 février, les autorités libanaises ont signé un protocole avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) autorisant les délégués de cet organisme à rencontrer « tous les détenus dans tous les lieux de détention ».
 ?Le 19 août, Fawzi al Saadi, un Palestinien soupçonné d’appartenance au groupe Fateh el Islam, est mort dans la prison de Roumié après avoir, selon certaines informations, été privé des soins médicaux nécessités par son état. Aucune enquête n’a semble-t-il été effectuée.
 ?Dans un cas rare de poursuites ayant abouti, un membre des Forces de sécurité intérieure a été condamné, le 8 mars, par un juge de Beyrouth à une peine de quinze jours d’emprisonnement pour avoir torturé un ouvrier égyptien en mai 2004 dans un poste de police de la capitale. Ce dernier avait été soumis à la méthode du farruj (le poulet rôti), qui consiste à suspendre la victime par les pieds et les mains liés ensemble à une barre de fer passée sous les genoux.
En février, le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a conclu que le maintien en détention de Nehmet Naim al Haj depuis novembre 1998 était arbitraire et que ses « aveux » avaient été obtenus sous la torture. En mai, cet organe a conclu que la détention de Yusef Chaaban était arbitraire, que cet homme avait été déclaré coupable essentiellement sur la base d’« aveux » qui auraient été obtenus sous la torture et qu’il avait été privé du droit d’interjeter appel devant une instance supérieure.

Peine de mort
Quatre hommes auraient été condamnés à la peine capitale pour meurtre le 4 décembre. Quarante autres prisonniers au moins étaient sous le coup d’une condamnation à mort. Aucune exécution n’a été signalée.

Réfugiés
Plusieurs centaines de milliers de réfugiés palestiniens, dont la plupart ont vécu toute leur vie au Liban, continuaient d’être victimes de discrimination affectant leurs droits sociaux et économiques et qui se traduisaient par des restrictions dans le domaine de l’accès au travail, à la santé, à la sécurité sociale, à l’enseignement et au logement. Plus de la moitié des réfugiés palestiniens vivaient dans des camps surpeuplés et délabrés ou dans des regroupements non officiels, dépourvus des infrastructures indispensables.
Le Liban accueillait également quelque 50 000 réfugiés irakiens. Plusieurs centaines d’entre eux ont été arrêtés pour défaut de visa ou de permis de séjour. Ils risquaient d’être maintenus en détention illimitée ou d’être renvoyés en Irak.


Violences et discrimination à l’égard des femmes

Les femmes continuaient d’être victimes de discrimination sévère, tant dans la sphère publique que dans la vie privée. Ni la législation, ni la politique et les pratiques de l’État ne protégeaient suffisamment les femmes contre les violences domestiques. Les pratiques discriminatoires étaient légalisées par les lois relatives au statut personnel et à la nationalité, ainsi que par les dispositions du Code pénal sur les violences au sein de la famille. Comme les années précédentes, les employées de maison étrangères n’étaient pas suffisamment protégées. Elles risquaient d’être exploitées et maltraitées par leur employeur et d’être victimes de sévices psychologiques et physiques, notamment sexuels.
Au moins six employées de maison étrangères seraient mortes dans des circonstances controversées. On ignorait si des investigations avaient été menées sur ces décès ou sur des mauvais traitements qui auraient pu les provoquer.
 ?On a appris le 25 janvier que Bereketi Amadi Kasa, une Éthiopienne de vingt-deux ans, avait fait une chute mortelle en tentant de s’enfuir du domicile de son employeur à Al Zalqaa, au nord de Beyrouth.
En août, le dignitaire chiite Sheikh Muhammad Hussein Fadlallah a émis une fatwa (avis religieux) contre les crimes « d’honneur », qu’il a qualifiés d’actes répugnants interdits par le droit musulman.

Suites de la guerre de 2006
Aucun participant de l’un ou l’autre camp à la guerre ayant opposé en 2006 Israël et le Hezbollah n’a été traduit en justice pour des violations graves du droit international humanitaire.
Au moins sept civils ont été tués et 32 autres blessés au cours de l’année par l’explosion de bombes à sous-munitions larguées par les forces israéliennes durant le conflit de 2006. Par ailleurs, deux civils ont été tués et neuf autres blessés par de petites bombes qui n’avaient pas explosé ou par des engins militaires non identifiés. Cinq personnes qui travaillaient dans des équipes de déminage ont été tuées et 14 autres ont été blessées. Les autorités israéliennes refusaient toujours de fournir aux Nations unies des informations complètes sur les secteurs exacts où leurs forces avaient largué des bombes à sous-munitions.
On ne disposait pas d’information sur le sort de deux soldats israéliens capturés en juillet 2006 par des combattants du Hezbollah dans le nord d’Israël. Le Hezbollah refusait toujours d’autoriser le CICR à les rencontrer.

Impunité
Aucune information judiciaire débouchant sur des poursuites n’a été ouverte sur les atteintes aux droits humains commises en toute impunité pendant la guerre civile de 1975-1990 et à l’issue de celle-ci : homicides de civils, enlèvements et disparitions forcées de Palestiniens, de Libanais et d’étrangers, détention arbitraire de personnes par diverses milices armées et par les forces gouvernementales syriennes et israéliennes, entre autres. Le gouvernement libanais a indiqué, en 1992, que 17 415 personnes avaient « disparu » durant la guerre civile.

Visites d’Amnesty International
Des délégués d’Amnesty International se sont rendus au Liban en mai et juin, ainsi qu’en octobre, pour effectuer des recherches sur les événements de Nahr el Bared et sur la situation des réfugiés palestiniens dans le pays.

Autres documents d’Amnesty International

  • Liban. L’exil et la souffrance. Les réfugiés palestiniens au Liban (MDE 18/010/2007).
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