Le mouvement en 2001 (5)

Droits des femmes
La campagne mondiale d’Amnesty International intitulée Pour un monde sans torture a constitué un nouveau temps fort du travail de l’organisation en faveur des droits des femmes. Publié le 8 mars à l’occasion de la Journée internationale de la femme, le rapport intitulé Torture. Ces femmes que l’on détruit (ACT 40/001/01) a suscité un très grand intérêt dans les médias et dans l’opinion publique à travers le monde. Amnesty International a présenté des recommandations détaillées aux gouvernements, demandant notamment la condamnation publique et la pénalisation des actes de violence envers les femmes, l’ouverture d’enquêtes sur toutes les allégations de violence à l’égard des femmes, l’engagement de poursuites contre les auteurs présumés de tels actes et le châtiment des responsables de ces actes.
Les sections d’Amnesty International de plus de 40 pays répartis en cinq grandes régions ont participé à la campagne internationale qui a accompagné le lancement du rapport. Les activités de campagne ont essentiellement consisté à développer les liens avec les organisations de femmes dans le pays et à sensibiliser l’opinion publique sur la corrélation entre la torture et la violence à l’égard des femmes. Voici quelques exemples d’actions importantes organisées durant cette campagne :
• en collaboration avec un réseau national de centres d’accueil pour femmes, la section norvégienne a dénoncé l’absence de protection et d’assistance pour les femmes battues ou violées, malgré les engagements fermes du gouvernement norvégien sur la question de la violence à l’égard des femmes ;
• la section thaïlandaise a organisé une série de réunions avec des ONG œuvrant en faveur des femmes qui travaillent dans l’industrie du sexe. Un séminaire a été consacré à la discrimination latente à l’égard des travailleuses du sexe et au besoin d’une réforme législative de grande ampleur afin de protéger leurs droits. Cette initiative a été suivie par une conférence d’une journée sur les droits humains destinée aux travailleuses du sexe et par une rencontre à haut niveau avec la Commission sénatoriale sur les femmes, les jeunes et les personnes âgées ;
• aux États-Unis, des groupes locaux et des groupes d’étudiants ont organisé une série de conférences données par des militants travaillant en faveur des détenues et des demandeuses d’asile dans le pays. La tournée, qui a touché huit villes, a été l’occasion de publier un manuel sur la protection des femmes incarcérées aux États-Unis ainsi qu’une campagne de soutien aux demandeuses d’asile fuyant les persécutions liées à leur sexe ;
• soulignant que c’est le climat d’impunité toléré par l’État qui constitue la principale entrave à la lutte contre la torture et la violence à l’égard des femmes, la section philippine, en collaboration avec un réseau en expansion d’ONG partenaires, a fait un travail de pression auprès du Congrès en faveur de l’adoption d’une loi protégeant les femmes de ces exactions ;
• les sections palestinienne et marocaine ont travaillé avec des ONG de femmes à l’élaboration de manuels à utiliser dans des ateliers de formation et sur le terrain, afin que les droits de la femme deviennent une réalité.
Les sections d’Amnesty International ont saisi l’occasion offerte par la campagne contre la torture pour se rapprocher des organisations de femmes de leur pays et évoquer avec elles la question du nouveau Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, qui établit un mécanisme de plainte individuelle ainsi qu’une procédure d’enquête sur les violations des droits des femmes. Le 8 mars, à l’occasion de la Journée de la femme, le Paraguay est devenu le quatrième pays à ratifier le Protocole facultatif. En Mongolie, des membres d’Amnesty International ont participé avec un influent réseau de femmes à une manifestation publique consacrée à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. La section des Bermudes a demandé, en liaison avec des ONG de défense des droits des femmes, que la ratification par le Royaume-Uni de la Convention s’applique aussi aux Bermudes.
Plusieurs rapports faisant état d’informations et de témoignages sur les violences dont sont victimes les femmes ont été publiés durant l’année. Certains faisaient état de viols et de violences sexuelles sur des détenues aux États-Unis, en Jamaïque, au Liban, aux Philippines et en Turquie ; un autre mettait en évidence des actes de torture, notamment des viols, et de violence sexiste dans plusieurs communautés en Inde.

Droits des lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels
L’année a été très fructueuse sur le plan de la défense des droits des lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels (LGBT). Dans le cadre de la campagne contre la torture, Amnesty International a publié, au mois de juin, un rapport intitulé Torture. Identité sexuelle et persécutions (ACT 40/016/01). Ce document, le premier sur la question des LGBT à s’intégrer dans le cadre d’une campagne internationale de l’organisation, a été accueilli avec enthousiasme par les militants qui travaillent sur ce thème.
Lancé en Argentine lors d’une rencontre entre des représentants d’ONG et la presse nationale et internationale, le rapport mettait en lumière de nombreux cas de personnes victimes de torture en raison de leur identité sexuelle, réelle ou supposée. Le lancement international du rapport a été relayé par de nombreuses initiatives sur le plan national. La section des États-Unis a organisé des manifestations publiques à Chicago, New York, San Francisco et Washington. La section philippine a fabriqué des pancartes, des banderoles, des autocollants et des tatouages effaçables pour le défilé de la Gay Pride à Manille, où les militants ont distribué le rapport et le communiqué de presse. La section polonaise a tenu une conférence de presse en compagnie d’une association locale de défense des droits des lesbiennes et des gays. Au Salvador, le rapport a été présenté publiquement devant la presse, la télévision et les stations de radio nationales. En Israël, un membre du bureau de la section est intervenu sur la torture et l’identité sexuelle lors d’une manifestation publique organisée par l’Association de défense des LGBT. La section néerlandaise a organisé l’envoi par téléphone de milliers de mini messages aux autorités namibiennes sur la question des crimes homophobes. Au Royaume-Uni, le lancement a été couplé à un hommage à Poliyana Mangwiro, connue également sous le nom de Tsitsi Tiripano, une Zimbabwéenne qui militait en faveur des droits des homosexuels et qui avait travaillé en étroite collaboration avec Amnesty International, décédée peu de temps avant la publication du document. Il a été répercuté par les médias de 23 pays.
La liberté d’expression et d’association de plusieurs militants et organisations de défense des droits des LGBT à travers le monde a été mise en cause cette année. De nombreux cas de personnes harcelées ou agressées en raison de leur identité sexuelle ont également été rapportés. Lors d’une visite effectuée au Honduras, une délégation d’Amnesty International a fait part de sa préoccupation devant le refus, qui dure depuis sept ans, des autorités honduriennes d’accorder une personnalité juridique aux ONG locales travaillant sur les questions liées aux droits des lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels. L’organisation s’est adressée aux autorités de la République fédérale de Yougoslavie pour déplorer le fait que la police de Belgrade se soit abstenue de protéger les personnes participant à la première célébration de la Gay Pride organisée en Serbie ; elles ont été agressées par des individus et des mouvements homophobes. Amnesty International a protesté contre la fin de non-recevoir opposée à l’International Lesbian and Gay Association (ILGA, Association internationale des gays et des lesbiennes) qui souhaitait participer à la Conférence mondiale contre le racisme organisée par l’ONU.
En mai, une soixantaine d’hommes ont été interpellés et placés en détention en Égypte, apparemment en raison de leur orientation sexuelle. Cinquante-deux d’entre eux ont été jugés en juillet. Vingt-deux adultes et un mineur ont été adoptés par Amnesty International comme prisonniers d’opinion après leur condamnation à des peines allant d’un à cinq ans d’emprisonnement. Les membres du réseau mondial pour la défense des droits des LGBT ont été à la pointe du travail de l’organisation sur ce thème. Le 15 août, à l’occasion de l’ouverture d’un procès lié à cette affaire, des militants de toutes les régions du globe ont manifesté en faveur de ces hommes. Parmi les multiples actions entreprises par Amnesty International, on peut citer celle de la section suisse, qui a manifesté avec d’autres ONG devant le bâtiment des Nations unies à Genève en août, et celle de la section suédoise, qui a participé à une manifestation organisée par la Fédération suédoise de défense des droits des lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels (RFSL) devant l’ambassade d’Égypte à Stockholm. À la suite de cette manifestation, le président de la RFSL et le coordonnateur du groupe de la section suédoise pour les questions des droits des LGBT ont été invités à rencontrer le chargé d’affaires égyptien pour évoquer cette question. En Asie, des sections d’Amnesty International ont joint leurs critiques aux protestations qui se sont élevées dans toute la région contre les mauvais traitements infligés par l’Égypte aux hommes arrêtés.
Les militants d’Amnesty International qui défendent les droits des LGBT ont pu se réjouir de certaines avancées. Au mois de juin, le gouvernement roumain a adopté en procédure d’urgence une ordonnance abrogeant l’article 200 du Code pénal relatif, entre autres, aux relations homosexuelles entre adultes consentants, et en vertu duquel des prisonniers d’opinion avaient été détenus. Le travail en faveur des droits des lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels s’est poursuivi durant toute l’année. Au mois d’août, Amnesty International a fait une déclaration sur la discrimination fondée sur l’identité sexuelle de la victime auprès de la Sous-Commission des Nations unies pour la protection et la promotion des droits de l’homme.
Parallèlement au développement des actions militantes sur la question, l’année 2001 a vu éclore de nouveaux groupes, structures et réseaux travaillant sur les droits des LGBT, et a été marquée par l’amélioration du fonctionnement du réseau international de ces groupes et structures. Au mois d’octobre, une délégation d’Amnesty International a participé aux Pays-Bas à la 23e Conférence régionale de l’ILGA ­ Section Europe, au cours de laquelle des organisations et des mouvements européens de défense des droits des LGBT ont pu partager leurs expériences et leurs compétences.

Transferts d’équipements ou de compétences dans les domaines militaires, de sécurité ou de police
Au cours de l’année 2001, les membres d’Amnesty International ont continué à faire campagne en faveur de l’imposition de contrôles efficaces sur les transferts d’armes et d’assistance en matière de sécurité, afin d’éviter que ces armes soient utilisées pour commettre des violations flagrantes des droits humains. L’organisation a mené campagne en faveur de l’interdiction au niveau mondial de la production, de la promotion et du commerce de tout matériel de sécurité utilisé à des fins foncièrement cruelles, inhumaines ou dégradantes, et de leur suspension quand il s’agit de matériel sur lequel des doutes existent, comme les armes à électrochocs.
La publication dans le cadre de la campagne d’Amnesty International contre la torture du rapport intitulé Torture. Pour en finir avec le commerce de la souffrance (ACT 40/002/01) a donné lieu à un travail de pression et à des actions médiatiques concertées. Au Nigéria par exemple, une conférence de presse a été tenue et des lettres ont été envoyées au ministre des Affaires étrangères, au ministre de la Défense et à des parlementaires. En Irlande, les groupes d’Amnesty International et des professionnels de la santé ont effectué un travail de pression de grande ampleur sur les responsables politiques. En Allemagne, l’organisation a demandé au gouvernement la suspension du commerce des armes à électrochocs, tandis qu’en Espagne, des membres ont contribué à révéler les activités d’une société impliquée dans le trafic d’entraves pour les pieds et les jambes et d’autres équipements de sécurité. Toujours en Espagne, le gouvernement a accepté d’interdire la vente d’entraves pour les pieds et les jambes et de chaînes de ceinture. L’action menée par la section britannique a entraîné le lancement d’une étude officielle sur l’équipement utilisé par la police, notamment les armes à électrochocs.
Amnesty International a salué l’adoption par la Commission des droits de l’homme de l’ONU, au mois d’avril, d’une résolution demandant à tous les gouvernements de prendre les mesures appropriées pour empêcher la production, l’utilisation et l’exportation d’équipements conçus pour infliger des tortures ou d’autres formes de traitements cruels, inhumains ou dégradants. La Commission a demandé au rapporteur spécial des Nations unies sur la torture de trouver le moyen d’interdire le commerce de tels équipements et de combattre leur prolifération. La Commission a également demandé à la haut-commissaire aux droits de l’homme d’aider les gouvernements à former les responsables de l’application des lois afin de prévenir la torture et les mauvais traitements. Grâce à son travail de pression, la section des États-Unis a contribué à l’initiative du Congrès américain qui, en septembre, a commencé à préparer l’interdiction des exportations de matériel de répression de la criminalité vers les pays dont les gouvernements sont impliqués de manière fréquente dans des actes de torture, en préalable à l’interdiction totale des exportations d’équipement utilisé pour torturer.
La première Conférence des Nations unies sur le commerce illicite des armes légères et de petit calibre, qui s’est tenue à New York en juillet, a fourni à Amnesty International de nouvelles occasions de sensibiliser l’opinion publique et de faire pression sur les gouvernements pour qu’ils élaborent une convention internationale contraignante relative au contrôle des exportations d’armes. Plusieurs sections se sont appuyées sur cet événement pour lancer des actions médiatiques sur ce thème. En France, un film vidéo sur les armes légères mettant en scène Lilian Thuram, footballeur de l’équipe détentrice de la Coupe du monde, a été diffusé à la télévision et dans les salles de cinéma de juillet à novembre. En Italie, la Coalition italienne sur les armes légères, emmenée par la section d’Amnesty International, a présenté au gouvernement une étude sur la production et l’exportation d’armes légères à partir de l’Italie. La section des États-Unis a contribué à l’organisation, lors de la tenue de la Conférence, d’un rassemblement international de familles de victimes d’armes à feu et de militants des droits humains venus du monde entier.
L’initiative des délégués du Canada, de la Norvège et de l’UE visant à la conclusion d’accords explicites prévoyant l’arrêt des exportations d’armes légères vers des pays où il existe un risque manifeste qu’elles soient utilisées pour commettre des violations des droits fondamentaux de la personne humaine a été bloquée par plusieurs États, notamment la Chine, les États-Unis, la Fédération de Russie et des pays d’Asie et du Moyen-Orient. La délégation d’Amnesty International à la Conférence a travaillé avec le Réseau international d’action sur les armes légères (IANSA), qui réunit plus de 300 ONG. L’organisation a continué de mener campagne en faveur de contrôles sur les armes fondés sur les normes internationales en matière de droits humains, et a participé à l’organisation d’une conférence internationale qui a réuni plus de 100 représentants d’ONG à Nairobi (Kenya), en novembre. En compagnie d’autres organisations, la section des États-Unis a exercé des pressions sur le Congrès américain afin que le projet de loi de finances pour 2002 sur les opérations à l’étranger comporte une suspension de l’aide militaire à la Colombie, en raison de l’absence de garanties en matière de droits humains présentée par le gouvernement colombien. Le travail de la section et d’une coalition d’organisations a permis que la version finale du projet de loi comporte la diminution du montant alloué aux forces armées colombiennes et le maintien des exigences en matière de droits humains imposées en échange de l’octroi de l’aide.
Amnesty International a également fait campagne en faveur du renforcement du Code de conduite européen relatif aux exportations d’armes. Afin de permettre une protection plus étendue des droits fondamentaux de la personne, le Code de conduite doit être juridiquement contraignant et les États parties doivent être tenus de rendre compte de l’application qu’ils en font devant le Parlement national et le Parlement européen, a plaidé l’organisation. Citant le cas de trafics d’armes vers des pays d’Afrique de l’Ouest ou d’Afrique centrale, ainsi que vers l’Arabie saoudite, l’Indonésie et Israël, Amnesty International a demandé que le Code de l’UE prévoie le contrôle des activités des courtiers et des transporteurs, ainsi que la distribution de produits sous licence et la mise en place de mécanismes stricts pour leur utilisation.
À la suite des attentats du 11 septembre aux États-Unis, les sections d’Amnesty International de pays de l’UE, des États-Unis et d’autres pays exportateurs d’armes ont demandé à leur gouvernement d’imposer un moratoire sur l’utilisation de bombes à fragmentation et de s’abstenir d’envoyer en Afghanistan des armes susceptibles d’être utilisées pour commettre des atteintes aux droits fondamentaux de la personne humaine. Amnesty International a également demandé à ces gouvernements d’user de leur influence pour faire cesser l’utilisation d’enfants soldats et de mines terrestres, et pour promouvoir des mesures concrètes visant à mettre un terme à l’impunité et à garantir le respect des Conventions de Genève. L’organisation a également fait des démarches auprès des gouvernements de la Fédération de Russie et du Pakistan, et a appelé les autorités des pays voisins à prendre des mesures en faveur de la protection des droits humains.
Convaincue qu’un contrôle efficace des armes doit s’appuyer sur le droit international, notamment le droit international relatif aux droits humains et le droit international humanitaire, Amnesty International a participé à l’élaboration d’un projet de convention-cadre sur les transferts internationaux d’armes, qui constitue une codification de la législation existante. Plusieurs sections de l’organisation, notamment les sections canadienne et du Royaume-Uni, ont exercé un travail de pression auprès de leur gouvernement en faveur de cette convention. Afin de soutenir ces actions, le Secrétariat international a publié un nouveau numéro du bulletin d’information destinée aux campagnes intitulé Le commerce de la terreur (ACT 31/002/01), pour mettre à la disposition des sections les informations disponibles sur des cas de violations flagrantes des droits humains commises avec des armes légères et du matériel de sécurité.
Un nombre croissant de sections d’Amnesty International ont renforcé leur travail d’information sur la question des droits humains auprès des policiers. Le SI a commencé à mettre en place une série d’ateliers de formation spécialisée destinés au personnel salarié et aux représentants des sections, sur les questions clés en matière de contrôle des armes légères et du matériel de sécurité, sur la formation des policiers et des responsables de l’application des lois, et sur l’obligation qui doit leur incomber de répondre de leurs actes. Sous diverses formes, des ateliers de ce type ont été organisés en Afrique du Sud, au Kenya, au Malawi, en Pologne, en République tchèque et au Royaume-Uni, et ont contribué au renforcement du réseau de 60 coordonnateurs et groupes travaillant sur la question des transferts d’équipements ou de compétences dans les domaines militaire, de sécurité ou de police.

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