ÉRYTHRÉE

Érythrée
CAPITALE : Asmara
SUPERFICIE : 117 400 km²
POPULATION : 4,3 millions
CHEF DE L’ÉTAT et du GOUVERNEMENT : Issayas Afeworki
PEINE DE MORT : maintenue
COUR PÉNALE INTERNATIONALE : Statut de Rome signé
CONVENTION SUR LES FEMMES : ratifiée
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR LES FEMMES : non signé

Des centaines de personnes ont été arrêtées pour avoir exprimé pacifiquement leurs opinions ou leurs convictions religieuses. Des prisonniers politiques se trouvaient en détention pour une durée indéterminée sans avoir été inculpés ni jugés ; nombre d’entre eux étaient maintenus au secret dans des lieux inconnus. Des milliers d’autres prisonniers n’ont toujours pas été libérés depuis la grande vague de répression menée contre l’opposition en 2001. Des actes de torture ont été signalés, notamment sur des personnes qui avaient essayé d’échapper à la conscription.

Contexte
Le gouvernement et le Front populaire pour la démocratie et la justice (FPDJ, au pouvoir) n’ont annoncé aucune mesure pour préparer des élections multipartites pourtant exigées par la Constitution de 1997. Les activités d’opposition et les critiques du régime n’étaient pas tolérées ; aucune organisation non gouvernementale indépendante n’a été autorisée. Le Tribunal spécial, devant lequel les accusés comparaissent sans avocat et dont les décisions ne sont pas susceptibles d’appel, a continué à juger et à condamner en secret.
Les Nations unies ont lancé un appel urgent en faveur de la population érythréenne qui, pour la moitié, devait faire face à une pénurie alimentaire due à la sécheresse et aux conséquences du conflit frontalier de 1998-2000 avec l’Éthiopie.
L’Érythrée a continué de soutenir des groupes armés d’opposition éthiopiens qui combattaient dans leur pays, ainsi que des mouvements d’opposition armée soudanais. De leur côté, le Soudan et l’Éthiopie ont apporté leur appui à l’Alliance nationale érythréenne (ANE), un mouvement d’opposition qui regroupe le Front de libération de l’Érythrée (FLE) et des groupes islamistes. On ne savait pas avec certitude si les groupes formant l’ANE menaient des actions armées sur le territoire érythréen.

Tensions frontalières
Le Conseil de sécurité des Nations unies et d’autres organes craignaient que le conflit frontalier récurrent entre l’Éthiopie et l’Érythrée ne débouche sur une nouvelle guerre entre les deux pays. En novembre, l’Éthiopie a marqué son accord de principe sur l’avis de la Commission du tracé de la frontière, selon lequel la ville frontalière de Badme était, en vertu des traités coloniaux, un territoire érythréen ; l’Éthiopie avait jusqu’alors toujours rejeté cet avis. Le règlement définitif de la question frontalière par les deux parties devrait néanmoins prendre un certain temps. Le mandat de la Mission des Nations unies en Éthiopie et en Érythrée (MINUEE), qui administrait une zone tampon entre les deux pays, a été prolongé. La Commission des réclamations entre l’Érythrée et l’Éthiopie, créée aux termes de l’accord de paix de décembre 2000, a estimé, en avril et en décembre, que chacune des deux parties était responsable de violations du droit international humanitaire et relatif aux droits humains pour s’être rendue coupable, au cours de la guerre de 1998-2000, de dégradations de biens, de viols, d’enlèvements, d’homicides, de mauvais traitements, d’expulsions et de privation de la nationalité ou de biens appartenant à des civils.

Prisonniers d’opinion
De très nombreux opposants présumés se trouvaient en détention, sans inculpation ni jugement, dans des lieux tenus secrets. Certains étaient soupçonnés d’avoir soutenu des groupes armés d’opposition. Parmi les personnes détenues figuraient des demandeurs d’asile renvoyés de force en Érythrée, ainsi que d’anciens réfugiés qui avaient obtenu une nationalité étrangère et qui avaient été arrêtés après être revenus de leur plein gré dans le pays.
On ignorait tout du sort et de l’état de santé de 11 anciens responsables du gouvernement détenus depuis septembre 2001. Parmi eux se trouvaient un ancien vice-président, Mahmoud Ahmed Sheriffo, un ancien ministre des Affaires étrangères, Haile Woldetensae, et l’ancien chef du service des renseignements du Front populaire de libération de l’Érythrée (FPLE), Petros Solomon. Plusieurs dizaines d’autres personnes demeuraient détenues au secret, dont Aster Yohannes, l’épouse de Petros Solomon, arrêtée en Érythrée en décembre 2003, à son retour des États-Unis. Parmi les quelques prisonniers remis en liberté dans le courant de l’année figuraient Abdulrahman Ahmed Yunis, âgé de soixante-quinze ans, et Sunabera Mohamed Demena, quatre-vingt-deux ans. Tous deux se trouvaient dans un état de santé très précaire dû à des conditions d’incarcération éprouvantes.

Journalistes
Tous les médias privés demeuraient interdits. Quinze journalistes travaillant pour des organes de presse publics, privés ou internationaux étaient toujours détenus au secret fin 2004. La plupart avaient été arrêtés lors de la vague de répression de septembre 2001.

Détention prolongée de prisonniers politiques
On croyait savoir que des milliers d’opposants ou de détracteurs du gouvernement étaient maintenus en détention dans des lieux tenus secrets, administrés par les forces de sécurité ou par l’armée et répartis sur l’ensemble du territoire. Ces personnes avaient été arrêtées dans les dix années qui ont suivi la proclamation de l’indépendance, en 1991. Il était à craindre que certaines n’aient été victimes d’exécutions extrajudiciaires.

Conscription
Le service national, obligatoire pour l’ensemble des femmes et des hommes âgés de dix-huit à quarante ans, continuait d’être prolongé indéfiniment depuis le début de la guerre avec l’Éthiopie. Les autorités ne reconnaissaient pas le droit à l’objection de conscience. Des rafles étaient régulièrement organisées afin d’arrêter les déserteurs ou ceux qui tentaient d’échapper à la conscription. Des appelés accusés de délits militaires ont été torturés et placés arbitrairement en détention pour une durée indéterminée.
Depuis 1994, Paulos Iyassu, Isaac Moges et Negede Teklemariam, trois témoins de Jéhovah ayant refusé de porter les armes, étaient détenus au secret dans le camp militaire de Sawa, sans inculpation ni jugement.
Le 4 novembre, les forces de sécurité d’Asmara ont arrêté au hasard des milliers de gens soupçonnés de s’être dérobés à l’appel sous les drapeaux. Ils ont été interpellés sur leur lieu de travail, à leur domicile, dans la rue ou à des barrages routiers. Ces personnes ont ensuite été conduites à la prison militaire d’Adi Abeto, près d’Asmara. Au cours de la nuit, certains détenus ont manifestement abattu l’un des murs de l’établissement, causant la mort de quatre gardiens. Des soldats ont ouvert le feu : ils ont tué une dizaine de détenus au moins et en ont blessé de nombreux autres.

Persécutions religieuses
Depuis l’année 2002, seuls l’islam, l’Église orthodoxe érythréenne, l’Église catholique et l’Église luthérienne étaient autorisés. La police a pris pour cible des confessions chrétiennes minoritaires. Des agents de la force publique ont fait irruption lors d’offices célébrés chez des particuliers et ont arrêté des fidèles, les ont roués de coups et les ont torturés dans des centres de détention militaires afin de les faire renoncer à leur religion. Les musulmans soupçonnés de liens avec des groupes islamistes armés basés au Soudan risquaient eux aussi d’être placés en détention dans des lieux tenus secrets.
Le gouvernement a prétendu ne mener aucune persécution religieuse. En octobre, les hauts dignitaires des quatre confessions autorisées par l’État ont prononcé une déclaration condamnant les « actions subversives menées contre les institutions religieuses du pays » par des groupes chrétiens et islamiques « étrangers et dirigés depuis l’extérieur ».
En février, 56 fidèles de l’Église pentecôtiste Hallelujah d’Asmara (dont des enfants) ont été arrêtés et conduits dans les prisons militaires d’Adi Abeto et de Mai Serwa, où ils ont été torturés. Nombre d’entre eux se trouvaient toujours en détention fin 2004.
En mai, deux responsables de l’Église pentecôtiste Mullu Wengel, Haile Naizgi, ancien comptable de l’organisation non gouvernementale World Vision, et Kiflu Gebremeskel, ancien professeur de mathématiques, ont été interpellés à leur domicile d’Asmara. Ils étaient toujours détenus au secret fin 2004.
Des dizaines d’enseignants coraniques arrêtés à Keren et dans d’autres villes en 1994 étaient toujours « disparus » à la fin de l’année.

Torture et mauvais traitements
La torture a continué d’être utilisée contre de nombreux prisonniers politiques juste après leur incarcération et, de façon courante, comme méthode punitive dans l’armée. Des déserteurs, des personnes fuyant la conscription et des demandeurs d’asile renvoyés en Érythrée ont été maintenus au secret et torturés durant leur détention aux mains de militaires. Ils ont été frappés et laissés des heures au soleil, pieds et poings liés dans des positions douloureuses (méthode dite de l’hélicoptère), ou pendus par des cordes au plafond ou à un arbre. Des prisonniers arrêtés pour motifs religieux et détenus à Sawa ou dans d’autres camps militaires ont été battus et contraints de ramper sur des pierres coupantes. De nombreux détenus ont été entassés dans des conteneurs en métal où il faisait une chaleur suffocante, sans ventilation ni sanitaires. Ils n’avaient presque rien à manger et étaient privés de soins médicaux. Les conditions de détention dans l’ensemble des prisons militaires du pays étaient extrêmement éprouvantes.

Violences contre les femmes
Malgré les programmes de sensibilisation mis en place par le gouvernement et les Nations unies, les mutilations génitales féminines demeuraient une pratique très courante. Selon les informations recueillies, les violences conjugales contre les femmes étaient répandues.

Réfugiés
Plusieurs centaines d’Érythréens ont fui au Soudan et dans d’autres pays. Il s’agissait pour la plupart de déserteurs ou de personnes tentant d’échapper à la conscription. Au mois de juillet, quelque 110 personnes ont été forcées à rentrer de Libye où elles s’étaient réfugiées. À leur retour, elles ont été arrêtées et placées en détention au secret dans un lieu inconnu. En août, les autorités libyennes ont tenté d’expulser 76 autres demandeurs d’asile érythréens, dont six enfants. Quelques-uns d’entre eux ont toutefois détourné l’avion qui les transportait et l’ont obligé à atterrir à Khartoum, la capitale soudanaise, où tous les passagers, à l’exception des auteurs du détournement, ont pu obtenir le statut de réfugié. Les pirates de l’air se sont rendus aux autorités soudanaises et ont été condamnés en appel à une peine de quatre années d’emprisonnement ; leur demande de statut de réfugié n’avait pas été étudiée fin 2004.
Quelque 232 Érythréens renvoyés de Malte au cours de l’année 2002 étaient toujours détenus au secret sans inculpation ni jugement sur la plus grande île de l’archipel des Dahlak, dans la mer Rouge, ou dans d’autres centres de détention administrés par des militaires.

Autres documents d’Amnesty International
. Eritrea : ‘You have no right to ask’ - Government resists scrutiny on human rights (AFR 64/003/2004).

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