Ethiopie

République fédérale démocratique d’Éthiopie
CAPITALE : Addis-Abeba
SUPERFICIE : 1 133 880 km²
POPULATION : 72,4 millions
CHEF DE L’ÉTAT : Girma Wolde Giorgis
CHEF DU GOUVERNEMENT : Meles Zenawi
PEINE DE MORT : maintenue
COUR PÉNALE INTERNATIONALE : Statut de Rome non signé
CONVENTION SUR LES FEMMES : ratifiée avec réserves
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR LES FEMMES : non signé

De nombreux cas de détention arbitraire, de torture et de recours excessif à la force imputables à des policiers ou à des soldats ont été signalés. Un nouveau texte de loi sur les médias pouvait, s’il était adopté, exposer les journalistes des médias privés au risque d’arrestation. Plusieurs milliers de personnes, détenues depuis longtemps, n’avaient toujours pas été jugées ni même inculpées à la fin de l’année ; la plupart étaient accusées de soutien à des groupes d’opposition armés. Les conditions de détention demeuraient très éprouvantes. Certains prisonniers ont « disparu ». Selon la commission parlementaire enquêtant sur la mort, à Gambéla, en décembre 2003, de plusieurs Anuaks (ou Anywaas), les violences auraient fait un total de 65 victimes, tandis que d’autres sources estimaient celles-ci à plusieurs centaines. Les procès intentés à plus de 2 000 anciens membres du Dergue, incarcérés depuis 1991 et pour certains accusés de génocide, se sont poursuivis. Des condamnations à mort ont été prononcées ; aucune exécution n’a été signalée.

Contexte
La pénurie alimentaire touchait, cette année encore, sept millions de personnes et un nouvel épisode de famine menaçait les habitants du territoire somali, dans l’est du pays. Une grande partie de la dette extérieure de l’Éthiopie a été effacée. Les organisations humanitaires internationales se sont déclarées préoccupées par l’annonce d’un plan controversé visant à réinstaller, sur trois ans, 2,2 millions de personnes dans l’objectif d’atténuer l’insécurité alimentaire. Des informations ont fait état de disettes, de malnutrition et d’un taux élevé de mortalité infantile dans les camps de réinstallation. De plus, ces camps ne disposaient pas d’eau en quantité suffisante, ni de services médicaux adaptés.
Un commissaire national aux droits humains a été nommé au mois de juillet, mais son bureau n’était toujours pas ouvert à la fin de l’année.
Des organisations de défense des droits des femmes ont oeuvré afin que celles-ci puissent plus facilement saisir les tribunaux. Elles ont organisé des réunions publiques sur la lutte contre les mutilations génitales féminines et contre le mariage précoce et forcé des jeunes filles.
Le gouvernement était toujours aux prises avec, dans la région d’Oromia, l’opposition armée du Front de libération oromo (FLO), basé en Érythrée, et, en territoire somali, le Front de libération nationale de l’Ogaden (FLNO). Les préparatifs se sont poursuivis en vue des élections prévues en mai 2005, auxquelles devaient participer quelque 67 partis régionaux et nationaux (formations d’opposition y comprises).

Tensions frontalières
Le Conseil de sécurité des Nations unies et d’autres organes craignaient que le conflit frontalier récurrent entre l’Éthiopie et l’Érythrée ne débouche sur un nouvelle guerre entre les deux pays. En novembre, l’Éthiopie a marqué son accord de principe sur l’avis de la Commission du tracé de la frontière, selon lequel la ville frontalière de Badme était, en vertu des traités coloniaux, territoire érythréen ; l’Éthiopie avait jusqu’ici toujours rejeté cet avis. Le règlement définitif de la question frontalière par les deux parties devrait néanmoins prendre un certain temps. Le mandat de la Mission des Nations unies en Éthiopie et en Érythrée (MINUEE), qui administrait une zone tampon entre les deux pays, a été prolongé. La Commission des réclamations entre l’Érythrée et l’Éthiopie, créée aux termes de l’accord de paix de décembre 2000, a estimé, en avril et en décembre, que chacune des deux parties était responsable de violations du droit international humanitaire et du droit international relatif aux droits humains pour s’être rendue coupable, au cours de la guerre de 1998-2000, de dégradations de biens, de viols, d’enlèvements, d’homicides, de mauvais traitements, d’expulsions et de privation de la nationalité ou de biens appartenant à des civils.

Liberté de la presse
Les débats se sont poursuivis durant toute l’année au sujet du nouveau projet de loi sur les médias. Des organisations internationales de médias ont estimé que ce texte était encore plus strict que la Loi sur la presse en vigueur, au titre de laquelle des centaines de journalistes appartenant à des organes privés avaient été incarcérés. Au mois de décembre, un tribunal a cassé l’interdiction que les autorités avaient imposée en 2003 à l’Association des journalistes de la presse libre éthiopienne (AJPLE). Cette association professionnelle privée rassemble des informations sur les atteintes aux libertés fondamentales dont sont victimes les journalistes et s’oppose au nouveau projet de loi.
Des dizaines de journalistes arrêtés au cours des années précédentes à cause de certains articles, puis remis en liberté provisoire, faisaient l’objet de poursuites. Fin 2004, on croyait savoir que seuls deux journalistes étaient encore en prison.
Dabassa Wakjira, rédacteur en chef adjoint de la télévision nationale, a été interpellé en mai et inculpé de complot visant à renverser le gouvernement et d’appartenance au FLO. On lui a refusé une mise en liberté sous caution ; il était toujours incarcéré fin 2004.
Tewodros Kassa, rédacteur du journal Etiop, a été libéré en septembre à l’issue de la peine de deux ans d’emprisonnement à laquelle il avait été condamné pour publication de fausses informations susceptibles d’inciter à la violence.

Justice et état de droit
Malgré certaines améliorations dans le fonctionnement de la justice, le maintien en détention arbitraire pour une durée indéterminée, sans inculpation ni jugement, d’opposants présumés au gouvernement demeurait une pratique répandue. Des milliers de prisonniers politiques, arrêtés plusieurs années auparavant, restaient incarcérés sans inculpation. Des policiers qui avaient ouvert le feu sur des manifestants et des opposants présumés au gouvernement n’ont pas été poursuivis en justice. Des informations ont fait état de procès politiques iniques et maintes fois reportés, de prisonniers maltraités et torturés, et de « disparitions ».
Imru Gurmessa Birru, un ancien employé du ministère du Développement du café et du thé, a été arrêté en mars à Addis-Abeba. Accusé de soutenir le FLO, il aurait été torturé au département central d’enquêtes de la police, connu sous le nom de Maikelawi. Jusqu’au mois de juin, Imru Gurmessa Birru a été privé de médicaments antidiabétiques et de soins pour les blessures occasionnées par la torture. Il est, par la suite, retourné en prison alors qu’il était sous traitement. Fin 2004, il était toujours détenu, sans avoir été jugé.
Une trentaine de personnes arrêtées au cours de l’année 1998, membres du Congrès démocratique populaire de Gambéla, un parti d’opposition, demeuraient incarcérées à Addis-Abeba sans jugement. Parmi elles figurait l’ancien gouverneur régional, Okello Nyigelo.
En septembre, à Dirédaoua, une ville située dans l’est du pays, des policiers armés ont tenté de disperser une foule qui protestait contre des saisies douanières. Ils ont tué six personnes et en ont blessé 19 autres. À la fin de l’année, l’enquête ouverte par le gouvernement sur ces faits n’avait donné lieu à aucun rapport.

Arrestations d’Oromos à la suite de manifestations
En janvier, plus d’une centaine de personnes ont été placées en détention durant une courte période à la suite d’une manifestation organisée par Mecha Tulema, une association oromo à vocation sociale existant depuis longtemps. Les participants protestaient contre une décision du gouvernement fédéral de transférer l’administration régionale d’Oromia de la capitale du pays, Addis-Abeba, qui abrite une forte population oromo, vers la ville d’Adama (ou Nazareth), située dans l’est de l’Oromia.
Le 18 janvier, huit étudiants oromos de l’université d’Addis-Abeba ont été arrêtés pour avoir critiqué le gouvernement régional oromo lors d’une manifestation culturelle étudiante. Quelque 300 autres étudiants qui manifestaient pour réclamer leur libération ont également été interpellés sur le site de l’université. Alors qu’ils se trouvaient en détention, ils auraient été molestés et contraints d’effectuer des exercices douloureux. La plupart ont été remis en liberté sans inculpation au bout de quelques jours. L’administration de l’université a exclu provisoirement la plupart de ces étudiants et en a renvoyé d’autres définitivement.
Entre février et avril, des milliers d’étudiants et d’enseignants ont participé à une nouvelle vague de manifestations dans de très nombreuses villes d’Oromia afin de s’élever contre le transfert de l’administration régionale ; la plupart des écoles de la région ont été fermées. Dans certains endroits, des policiers ont tiré à balles réelles pour disperser les manifestants, tuant plusieurs élèves. Des manifestants ont été placés en détention durant plusieurs mois ; certains ont reçu des coups et ont été forcés d’effectuer des exercices physiques extrêmement pénibles durant leur détention. Le gouvernement a accusé le FLO d’avoir organisé ces mouvements de protestation.
Au mois de mai, la police a arrêté trois hauts responsables de l’association Mecha Tulema, dont Diribi Demissie, son président. Comme 25 autres personnes, parmi lesquelles plusieurs étudiants de l’université arrêtés en janvier, ils ont été inculpés de complot armé et d’appartenance au FLO. Les trois dirigeants ont été libérés sous caution en novembre.
En août, plus de 300 personnes ont été interpellées dans la ville d’Agaro, dans l’ouest de l’Oromia. Ces interpellations s’inscrivaient dans une politique établie d’arrestations massives de membres de l’ethnie oromo soupçonnés de soutenir le FLO. La plupart ont été remis en liberté en octobre, mais certains ont été inculpés. Des détenus auraient été torturés et, selon les informations recueillies, quelques-uns auraient « disparu » ; on croit savoir que certains se trouvaient dans des lieux de détention clandestins.

Homicides et détentions dans la région de Gambéla
Le Parlement a mis en place en avril, sous la direction du président de la Cour suprême, une commission chargée d’enquêter sur le massacre de membres de l’ethnie anuak commis en décembre 2003 dans la ville de Gambéla. Selon un rapport de la commission paru en juillet, les violences ont fait 65 morts - 61 Anuaks et quatre personnes appartenant à des groupes ethniques habitant les régions montagneuses - et 75 blessés ; près de 500 maisons ont été pillées et incendiées. La commission a constaté en outre que le passé de la région favorisait les conflits interethniques. L’exhibition publique des corps de huit personnes qui auraient été assassinées par un groupe d’Anuaks armés a déclenché, à partir du 13 décembre 2003, une vague d’homicides qui a duré trois jours. La commission d’enquête a reproché aux autorités régionales de n’avoir rien fait pour empêcher les violences et a constaté que des soldats fédéraux étaient impliqués dans les homicides, de même que des membres des ethnies des régions montagneuses. La commission n’a formulé aucune recommandation concernant l’exercice de poursuites pénales contre les responsables de ces agissements, qu’ils soient policiers, militaires ou civils. À la connaissance d’Amnesty International, nul n’avait été traduit en justice fin 2004 pour les meurtres de ces Anuaks.
D’après des sources non officielles et des témoignages de rescapés, le nombre de personnes tuées s’élèverait en réalité à plusieurs centaines, et de nombreuses femmes auraient été violées. La violence s’est de plus propagée aux autres villes et villages de la région. Des centaines de personnes ont été placées en détention et torturées, dont des fonctionnaires et des étudiants, officiellement parce qu’on les soupçonnait d’avoir été mêlées au meurtre des huit premières victimes. Elles se trouvaient toujours en détention fin 2004, sans avoir été jugées ni même inculpées.
De nouveaux homicides et arrestations arbitraires imputables à des soldats ont été signalés, au cours de l’année, dans d’autres villes et villages de la région de Gambéla. En janvier, 300 personnes ont été tuées par l’armée dans une région aurifère située à proximité de la ville de Dimma.

Défenseurs des droits humains
Mesfin Woldemariam, ancien président du Conseil éthiopien des droits humains, et Berhanu Nega, directeur de l’Association économique éthiopienne, se trouvaient toujours en liberté sous caution en attendant d’être jugés pour avoir provoqué des violences lors des manifestations organisées en avril 2001 à l’université d’Addis-Abeba. Les deux hommes rejetaient les accusations retenues contre eux.

Procès des membres du Dergue : mise à jour
Le procès de 33 hauts responsables du régime de Mengistu Hailé-Mariam (le Dergue) s’est poursuivi. Les accusés devaient répondre des chefs de génocide, meurtre et actes de torture, entre autres crimes. D’autres ont été jugés par contumace, comme l’ancien président Mengistu. L’Éthiopie a renouvelé sa demande d’extradition de l’ancien chef de l’État auprès du Zimbabwe, mais celui-ci a persisté dans son refus. Les procès intentés à plusieurs centaines d’autres fonctionnaires se sont également poursuivis. La plupart se trouvaient en détention depuis 1991 ; plusieurs ont été condamnés à la peine capitale en 2004.

Peine de mort
Plusieurs condamnations à mort ont été prononcées, mais aucune exécution n’a été signalée. Au mois d’octobre, trois combattants du FLO en détention depuis 1992, dont une femme, Asili Mohamed, ont été condamnés à la peine capitale après avoir été reconnus coupables d’avoir torturé et assassiné des civils, en 1992, dans la ville de Bedeno. Les trois personnes ont rejeté les accusations dont elles faisaient l’objet. À la fin de l’année, elles attendaient qu’il soit statué sur l’appel qu’elles avaient interjeté auprès de la Cour suprême.

Visites d’Amnesty International
Des délégués d’Amnesty International se sont rendus dans différentes régions du pays au cours du mois de mars.

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