Cameroun

En février, les forces de sécurité ont tué une centaine de personnes au cours de manifestations dénonçant la hausse des prix ainsi qu’un projet de modification de la Constitution qui prolongerait dans les faits la durée du mandat présidentiel. Dans leurs initiatives en vue de museler l’opposition, les autorités se sont rendues coupables de violations des droits humains – notamment d’arrestations arbitraires, de détentions illégales et de restrictions au droit à la liberté d’expression, d’association et de réunion – ou ont cautionné de telles atteintes. Des défenseurs des droits humains et des journalistes ont été soumis à des actes de harcèlement et à des menaces. Des hommes et des femmes ont été arrêtés et détenus en raison de leur orientation sexuelle.


CHEF DE L’ÉTAT
 : Paul Biya
CHEF DU GOUVERNEMENT : Ephraïm Inoni
PEINE DE MORT : abolie en pratique
POPULATION : 18,9 millions
ESPÉRANCE DE VIE  : 49,8 ans
MORTALITÉ DES MOINS DE CINQ ANS (M/F)  : 150 / 136 ‰
TAUX D’ALPHABÉTISATION DES ADULTES : 67,9 %


Contexte

Fin février, des émeutes ont éclaté dans plusieurs villes, notamment à Yaoundé, la capitale, et à Douala, le centre économique du pays. La population exprimait son mécontentement face à l’augmentation du coût de la vie et la faiblesse des salaires. Les manifestants s’élevaient également contre un projet de modification de la Constitution, qui supprimerait une disposition empêchant le président Paul Biya de se présenter de nouveau à l’élection de 2011.
En février, des dizaines de milliers de Tchadiens se sont réfugiés dans le nord du Cameroun après les attaques lancées par des groupes politiques armés contre la capitale tchadienne, N’Djamena.
Le 14 août, le Nigeria a restitué au Cameroun la presqu’île de Bakassi, en application du jugement rendu le 10 octobre 2002 par la Cour internationale de justice. Des groupes armés originaires, semble-t-il, du Nigeria ont lancé plusieurs assauts contre des installations de la péninsule – une zone pétrolifère – appartenant au gouvernement et aux services de sécurité, provoquant la mort d’un certain nombre d’agents des forces de sécurité et de représentants de l’État camerounais.

Homicides illégaux

Les forces de sécurité ont régulièrement recouru de façon excessive et non justifiée à la force meurtrière ; aucune enquête n’a été ouverte sur les homicides illégaux ainsi perpétrés.

  • Fin février, les forces de sécurité ont tué une centaine de personnes lors de la répression des violentes manifestations qui avaient éclaté dans l’ensemble du pays. Certaines personnes ont manifestement été tuées à bout portant d’une balle dans la tête. À Douala, des manifestants se seraient noyés après avoir sauté dans le fleuve Wouri pour éviter les tirs. De nombreuses personnes blessées par balle n’ont pas reçu de soins médicaux, ce qui aurait entraîné la mort de plusieurs d’entre elles.
  • Le 29 juin, plusieurs dizaines de détenus se sont évadés de la prison de New Bell, à Douala. Quinze d’entre eux auraient été abattus par des gardiens et des membres des forces de sécurité lors de la chasse à l’homme qui a suivi. Le lendemain, René Mireille Bouyam, qui habitait près du centre pénitentiaire, a été mortellement blessé par balle après que l’on eut découvert un prisonnier caché chez lui. Celui-ci a lui aussi été abattu.

Liberté d’expression – journalistes

Les journalistes qui dénonçaient des affaires de corruption ou se montraient critiques à l’égard du gouvernement risquaient d’être arrêtés arbitrairement et de devoir répondre de charges de diffamation soulevées pour des motifs politiques. En février, les autorités ont fermé la chaîne de télévision Équinoxe et deux stations de radio, Radio Équinoxe et Magic FM.
Les médias suspendus ont été autorisés à reprendre leurs activités en juillet, ce que n’a pu faire Magic FM car son matériel avait été confisqué et, apparemment, détruit. Plusieurs journalistes couvrant les manifestations de février ont été chargés par les forces de sécurité.

  • Le 27 février, un caméraman de la chaîne de télévision Canal 2 International, Éric Golf Kouatchou, a été arrêté par les forces de sécurité alors qu’il se rendait à Bonanjo, près de Douala, pour couvrir des manifestations. Son matériel a été saisi et, de même que 36 autres jeunes gens, il a été placé en détention et frappé, avant d’être relâché.
  • Marie-Noëlle Guichi et Jean-François Channon, du journal Le Messager, ont été arrêtés le 3 juin après avoir dénoncé une affaire de corruption relative à un avion présidentiel acheté en mauvais état. Les deux journalistes ont été remis en liberté sous caution. Ils encouraient une peine d’emprisonnement.
  • Le 15 octobre, la police de Yaoundé a arrêté trois rédacteurs en chef qui s’apprêtaient à publier des articles accusant le directeur d’un établissement scolaire d’accepter des pots-de-vin. Selon les informations recueillies, Max Mbida, du Ténor de l’Info, a été remis en liberté au bout de quelques jours, tandis qu’Armand Ondoua, du Régional, et Zacharie Flash Diemo, du Zénith, étaient toujours en détention à la fin de l’année.

Défenseurs des droits humains

Des défenseurs des droits humains qui avaient critiqué l’action gouvernementale en matière de droits humains ont été harcelés et menacés.

  • Alhadji Mey Ali, président de l’organisation de défense des droits humains OS-Civile dans la province de l’Extrême-Nord, a été arrêté le 20 février et jugé le lendemain. Il a été condamné à un an d’emprisonnement et à une amende d’un million de francs CFA (plus de 1 500 euros) après avoir été reconnu coupable de dénonciation calomnieuse par le tribunal de grande instance.
  • Début mars, Madeleine Afite, une militante de l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT) dans la province du Littoral, a reçu des menaces de mort et a vu son véhicule endommagé après avoir dénoncé les violences perpétrées lors des émeutes de février.
  • Le 28 mars, un représentant du ministère public de Maroua aurait proféré des menaces téléphoniques à l’encontre d’Abdoulaye Math, président du Mouvement pour la défense des droits de l’homme et des libertés (MDDHL). Le 3 avril, des gardiens de la prison de Maroua ont interdit au défenseur des droits humains de rencontrer des détenus que la cour d’appel lui avait demandé de représenter au tribunal.

Liberté de réunion

Les forces de sécurité ont recouru à la violence, à des arrestations arbitraires et à des détentions illégales afin d’empêcher des militants politiques de l’opposition de se réunir.

  • Le 16 février, Mboua Massock ma Batalon a été interpellé dans la localité de Zoétélé. Il s’agissait de l’empêcher d’organiser un rassemblement public pour exiger la démission du chef de l’État. Au cours d’échauffourées avec les personnes venues participer au mouvement, la gendarmerie et la police ont arrêté plusieurs personnes, dont le fils de Mboua Massock, Camille Massock, qui aurait été passé à tabac. Les personnes arrêtées ont été remises en liberté sans inculpation dans les jours qui ont suivi.
  • Paul-Éric Kingué, maire de la localité de Njombé-Penja, dans l’agglomération de Nkongsamba (province du Littoral), a été appréhendé le 29 février et accusé de participation aux émeutes et d’incitation à la révolte. Il affirmait avoir été arrêté pour avoir dénoncé des fraudes fiscales de la part d’entreprises agroindustrielles françaises et de hauts responsables de l’État.

Arrestations et détentions arbitraires

Des opposants politiques ont été arrêtés arbitrairement et placés en détention. Parmi eux figuraient des membres du Front social démocratique (SDF), principal parti d’opposition, et du Conseil national du Cameroun méridional (SCNC), qui revendique l’indépendance des provinces anglophones.

  • Au moins 20 membres du SCNC, dont Fidelis Chinkwo Ndeh, ont été arrêtés à Bamenda le 10 février, et au moins sept autres ont été appréhendés le lendemain. À la fin de l’année, près de 40 membres du SCNC attendaient de comparaître en justice pour avoir, entre autres, porté des tee-shirts arborant le sigle du mouvement ou mené des activités séparatistes.
  • Au moins 23 membres de la principale composante du SDF ont été détenus sans jugement pendant plus de deux années et demie pour leur implication présumée dans le meurtre de Grégoire Diboulé, membre d’une faction dissidente, perpétré en mai 2006. En novembre, le tribunal de grande instance de Yaoundé a ordonné la libération sans condition de l’un des détenus et la remise en liberté provisoire de tous les autres. Également inculpé dans cette affaire, le dirigeant du SDF, John Ni Fru Ndi, n’avait pas été arrêté à la fin de l’année.

Procès inéquitables

Plus de 1 500 personnes arrêtées au cours des manifestations de février ont comparu en justice dans des délais particulièrement brefs, sans qu’il leur ait été laissé véritablement le temps de préparer leur défense. Nombre d’accusés n’avaient pas d’avocat et les autres n’ont guère eu le temps de s’entretenir avec le leur. Les procès ont été conduits de manière expéditive et des centaines d’accusés ont été condamnés à des peines allant de trois mois à deux ans d’emprisonnement. Malgré une grâce présidentielle accordée en juin, des centaines de personnes demeuraient incarcérées à la fin de l’année, parce qu’elles avaient fait appel ou n’étaient pas en mesure de s’acquitter des amendes infligées par les tribunaux.

  • Deux musiciens et militants politiques, Pierre Roger Lambo Sandjo (également connu sous le nom de Lapiro de Mbanga) et Joe de Vinci Kameni (alias Joe La Conscience), ont été arrêtés, respectivement en mars et en avril, après avoir chanté des chansons qui critiquaient le président Biya. Déclaré coupable d’avoir incité des personnes à manifester, Joe de Vinci Kameni a été condamné à six mois d’emprisonnement. Pierre Roger Lambo Sandjo a été jugé coupable de complicité d’actes commis dans le cadre des émeutes et condamné à une peine de trois années de détention ainsi qu’à une lourde amende. Joe de Vinci Kameni figurait au nombre des 139 détenus libérés par grâce présidentielle le 16 juin.

Droits des lesbiennes, des gays, des personnes bisexuelles et des transgenres

Le Code pénal érige en infraction les relations sexuelles entre personnes du même sexe et l’homophobie est extrêmement répandue au sein de la société camerounaise. Cette année encore, un certain nombre d’hommes considérés comme homosexuels ont été traduits en justice et condamnés à -*En mars, deux hommes déclarés coupables de pratiques homosexuelles ont été condamnés à six mois de prison et à une amende. Ils ont été remis en liberté car ils avaient déjà passé plus de six mois en détention. Alors qu’ils étaient incarcérés, ces hommes ont subi des examens rectaux humiliants.

  • En mai, la police de Lomié, dans la province de l’Est, a arrêté deux jeunes femmes soupçonnées de s’être livrées à des actes homosexuels. Durant leur garde à vue, les policiers les auraient forcées à dénoncer quatre autres personnes comme étant leurs « complices ».

Conditions de détention

Les prisons et les autres lieux de détention étaient généralement surpeuplés et insalubres. Les soins médicaux et la nourriture faisaient souvent défaut. Les mineurs étaient incarcérés avec les prisonniers adultes et, dans certains cas, des hommes étaient détenus avec des femmes. Les troubles et les tentatives d’évasion étaient fréquents. Les gardiens de prison n’étaient pas suffisamment formés ni équipés.

  • Le 20 août, au moins 10 détenus sont morts et 78 autres ont été blessés à la suite d’un incendie dans la prison de New Bell. Cet établissement pénitentiaire conçu dans les années 1930 pour accueillir 700 détenus en comptait près de 4 000.

Peine de mort

Les tribunaux ont, cette année encore, prononcé des condamnations à la peine capitale. Aucune exécution n’a toutefois été signalée dans le pays depuis 1997. Le 20 mai, un certain nombre de condamnations à mort ont été commuées par décret présidentiel en peine de réclusion à perpétuité.
En décembre, le Cameroun s’est abstenu lors du vote d’une résolution de l’Assemblée générale de l’ONU appelant à un moratoire mondial sur les exécutions.

Visites d’Amnesty International

Les autorités camerounaises n’ont pas accordé à Amnesty International l’autorisation de se rendre dans le pays.

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