Liberia

La présidente Ellen Johnson Sirleaf a promulgué une loi réintroduisant la peine capitale pour les homicides commis lors de vols à main armée. Le fonctionnement de l’appareil judiciaire continuait d’être perturbé par la pénurie de personnel. Les chiffres recensant les affaires de viols et autres formes de violences sexuelles étaient très élevés. Entre autres mesures visant à enrayer la tendance, le gouvernement a décidé d’instituer une juridiction spéciale chargée de juger ces crimes. Le processus de désignation des commissaires de la Commission nationale indépendante des droits humains est resté au point mort.
Les travaux de la Commission vérité et réconciliation ont progressé à un rythme soutenu, ce qui a permis d’arriver au bout des auditions individuelles avant la fin de l’année. Le procès de l’ancien président libérien Charles Taylor a repris à La Haye en janvier. Chuckie Taylor, jugé aux États-Unis en vertu de la Loi de 1994 relative à la protection des victimes de torture, a été reconnu coupable de crimes perpétrés au Liberia à la fin des années 1990, quand il était à la tête de l’Unité libérienne de lutte antiterroriste sous le mandat de son père, Charles Taylor.


CHEF DE L’ÉTAT ET DU GOUVERNEMENT
 : Ellen Johnson-Sirleaf
PEINE DE MORT : abolie en pratique
POPULATION : 3,9 millions
ESPÉRANCE DE VIE : 44,7 ans
MORTALITÉ DES MOINS DE CINQ ANS (M/F)  : 212 / 194 ‰
TAUX D’ALPHABÉTISATION DES ADULTES : 51,9 %

Contexte

En décembre, la dernière phase du programme de désarmement, démobilisation, réadaptation et réinsertion s’est terminée avec la prise en charge de 7 251 anciens combattants, dont 40 % de femmes.
En mai, les procès du général de division Charles Julu et du colonel Andrew Dorbor, anciens membres des Forces armées du Liberia accusés de trahison, se sont soldés par des acquittements. Également accusé de trahison, George Koukou, ex-président par intérim de l’Assemblée législative nationale de transition, a bénéficié d’une grâce présidentielle en janvier.
Le procès pour corruption de Charles Gyude Bryant, ancien président du gouvernement de transition du Liberia, a été interrompu ; l’accusé a accepté de rembourser les sommes détournées. Le procès d’Edwin Snowe, l’ancien président de la Chambre des représentants inculpé de détournement de fonds publics, s’est poursuivi.
Au cours de l’année 2008, le Liberia a reçu du Fonds pour la consolidation de la paix [ONU] 15 millions de dollars des États-Unis (environ 10 millions d’euros) destinés à faciliter la réconciliation et le règlement du conflit. En avril, les créanciers du Club de Paris ont accepté d’alléger la dette libérienne à hauteur de 254 millions de dollars (quelque 160 millions d’euros), sous réserve que les réformes préconisées par le FMI soient menées à bien. Une stratégie de réduction de la pauvreté a été finalisée à Berlin en juin, à l’occasion d’un sommet réunissant des membres du gouvernement libérien et des donateurs.
En février, la première unité de maintien de la paix entièrement féminine a été déployée par l’Inde dans le cadre de la Mission des Nations unies au Liberia (MINUL). Le mandat de la MINUL a été prorogé jusqu’en septembre 2009 et l’effectif total était de 11 000 agents à la fin de l’année.
L’experte indépendante chargée par les Nations unies d’examiner la situation des droits de l’homme au Liberia s’est rendue dans le pays en juillet. Les crimes violents – en particulier les vols à main armée – ont augmenté tout au long de l’année, un phénomène alimenté par un chômage important, les litiges fonciers, la pauvreté et la facilité avec laquelle on pouvait se procurer des armes légères. L’instabilité était favorisée par les activités de certains anciens combattants, notamment l’exploitation illégale de mines. L’embargo des Nations unies sur les armes à destination du Liberia a été reconduit pour une année.

Conflits fonciers

Une enquête publiée en septembre par la Commission vérité et réconciliation a montré que les conflits fonciers constituaient la principale menace pour la paix civile.

  • En mai, au moins 19 ouvriers agricoles auraient été tués et 21 autres, peut-être plus, auraient disparu à la frontière entre les comtés de Margibi et de Grand Bassa, à la suite d’un litige ayant opposé le sénateur Roland Kaine, ancien membre du Front national patriotique du Liberia (NPFL), à Charles Bennie, un ancien membre des Libériens unis pour la réconciliation et la démocratie (LURD) devenu haut fonctionnaire au ministère du Commerce. D’après les informations recueillies, Roland Kaine aurait ordonné le meurtre des ouvriers agricoles engagés par Charles Bennie. La méthode utilisée pour les tuer rappelait le conflit libérien ; puisque les victimes avaient eu les mains attachées dans le dos avant d’être jetées dans une rivière. Le procès de Roland Kaine et de 15 autres accusés s’est ouvert en novembre.

Peine de mort

En mai, la Chambre des représentants a voté une loi prévoyant la peine de mort pour les homicides commis durant des vols à main armée, des attaques terroristes ou des actes de piraterie aérienne. En juillet, la loi a été promulguée par la présidente, en violation des engagements que le Liberia avait pris en 2005 lorsqu’il est devenu partie au Deuxième protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui vise à abolir la peine capitale.
En décembre, le Liberia s’est abstenu lors du vote d’une résolution de l’Assemblée générale de l’ONU appelant à un moratoire mondial sur les exécutions.

Justice de transition

Les auditions publiques individuelles organisées par la Commission vérité et réconciliation ont débuté en janvier et se sont terminées en septembre.
L’une des séances a eu lieu aux États-Unis ; il s’agissait d’une première car, jusque-là, aucune audition d’une Commission vérité et réconciliation ne s’était jamais déroulée hors du pays où les violations avaient été commises. Les auditions institutionnelles et thématiques qui ont suivi n’étaient toujours pas terminées à la fin de l’année.
Les Nations unies et d’autres organisations internationales ont fait part de leurs inquiétudes concernant la sécurité des témoins. La Commission vérité et réconciliation a vu son mandat prolongé de trois mois et devait publier son rapport en 2009. En septembre 2008, elle a adressé une requête au Tribunal spécial pour la Sierra Leone afin d’obtenir que l’ancien président Charles Taylor vienne déposer. En décembre, afin d’inciter les auteurs présumés de violences à se présenter aux auditions, la Commission a publié une liste de 198 noms de personnes qui avaient refusé de comparaître pour répondre des accusations portées contre elles.
En raison des retards dans la procédure de désignation des commissaires, la Commission nationale indépendante des droits humains n’était toujours pas en mesure de fonctionner. En juin, des modifications à certaines dispositions de la loi régissant cette Commission ont été soumises au corps législatif.

Impunité

Les pouvoirs publics n’ont pris aucune mesure pour ouvrir des enquêtes et poursuivre les auteurs des crimes relevant du droit international qui ont été perpétrés durant les quatorze années de conflit au Liberia.
Fin octobre, le tribunal américain qui jugeait Roy M. Belfast Jr (le fils de Charles Taylor, également connu sous les noms de Charles McArthur Emmanuel et Charles « Chuckie » Taylor Jr) a reconnu celui-ci coupable d’actes de torture et d’autres crimes remontant à l’époque où il était à la tête de l’Unité de lutte antiterroriste. Il s’agissait de la première déclaration de culpabilité se fondant sur la Loi relative à la protection des victimes de torture promulguée aux États-Unis en 1994. En outre, Chuckie Taylor a été la première personne à être jugée et reconnue coupable pour des crimes internationaux commis au cours du conflit libérien. Le verdict était attendu pour le début de l’année 2009.
En mars, une cour d’appel au Pays-Bas a annulé la condamnation de Gus Kouwenhoven, qui avait été déclaré coupable d’avoir violé l’embargo décrété par les Nations unies en procédant à des livraisons d’armes pour Charles Taylor en plein conflit au Liberia. Elle confirmait ainsi le jugement du tribunal de première instance et acquittait Gus Kouwenhoven du chef de crimes de guerre.

Violences contre les femmes et les enfants

Les viols et autres formes de sévices sexuels demeuraient les crimes les plus fréquents. Selon les Nations unies, 349 viols ont été signalés entre janvier et juin 2008, ce qui représentait une hausse significative par rapport à l’année précédente. L’accès aux établissements de soins assurant un accueil d’urgence et des consultations psychologiques restait insuffisant.
Le problème des enfants victimes de crimes (viols et autres sévices sexuels, agressions physiques, traite, délaissement, etc.) demeurait extrêmement préoccupant.
Toutefois, certains faits positifs ont été observés dans la manière de traiter le problème des viols et autres violences sexuelles. En mai, le gouvernement a décidé de créer une juridiction spéciale chargée des auditions dans les affaires de violences sexuelles et liées au genre. En juin, un foyer protégé accueillant des victimes de violences sexuelles, financé par le MINUL et géré par une ONG locale, a ouvert à Monrovia. L’année 2008 a vu l’adoption d’un Plan d’action national sur les violences liées au genre et l’octroi par les Nations unies de financements destinés à sa mise en œuvre. En juillet, le Liberia a ratifié le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes.

Fonctionnement de la justice

Certains progrès ont été accomplis en matière de formation des forces de police. Entre 2004 et fin 2008, au moins 3 661 agents, dont 344 femmes, ont reçu une formation de base et plus d’un millier ont bénéficié d’une formation spécialisée. Néanmoins, les services de police demeuraient pénalisés par un manque de moyens et par des retards de paiement des salaires ; cette situation, qui a donné lieu à des pratiques de corruption, limitait la capacité de la police à agir avec efficacité et à être présente sur l’ensemble du territoire.
Cette année encore, le secteur de la justice a souffert d’une pénurie de magistrats qualifiés, de l’absence d’infrastructures, du caractère archaïque des règles de procédure et d’un nombre insuffisant de juristes professionnels. Il n’y avait dans tout le pays qu’un seul avocat pour l’assistance judiciaire.
Les dysfonctionnements de l’appareil judiciaire ont entraîné une surpopulation à la prison centrale de Monrovia. Environ 95 % des personnes qui y étaient incarcérées, depuis deux ans pour certaines, n’avaient jamais été inculpées. En février, les efforts d’une association locale ont contribué à la libération de 36 détenus de la prison centrale de Monrovia et de la prison de Kakata ; ils étaient incarcérés depuis plus de 180 jours sans inculpation. En novembre et au début du mois de décembre, ce sont respectivement une cinquantaine puis une centaine de personnes qui se sont évadées de la prison centrale de Monrovia. La police a riposté en procédant à l’arrestation de quelques-uns des évadés et en interpellant également des personnes qui se trouvaient sur les lieux.

Visites et documents d’Amnesty International

Des délégués d’Amnesty International se sont rendus au Liberia en janvier pour le tournage d’un documentaire et en mars pour la publication d’un rapport.

  • Liberia : Towards the final phase of the Truth and Reconciliation Commission (AFR 34/002/2008).
  • Liberia : A flawed process discriminates against women and girls (AFR 34/004/2008).
  • Women of Liberia fighting for Peace (vidéo, 23 juillet 2008).
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