Mauritanie

Le gouvernement élu a été renversé par un coup d’État militaire et plusieurs hauts fonctionnaires ont été emprisonnés. Amnesty International les considérait comme des prisonniers d’opinion. Des cas de mauvais traitements et de torture ont été signalés tout au long de l’année. Des militants islamistes présumés ont été maintenus en détention prolongée au secret en vertu des dispositions d’une loi antiterroriste. Des centaines de migrants ont été arrêtés, détenus et expulsés sans avoir la possibilité de contester le bien-fondé de leur détention ou de leur expulsion collective. Les conditions carcérales étaient extrêmement dures.

CHEF DE L’ÉTAT : Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, destitué et remplacé par Mohamed Ould Abdel Aziz le 6 août
CHEF DU GOUVERNEMENT : Zeine Ould Zeidane, remplacé par Yahya Ould Mohamed El Waghef le 6 mai, remplacé à son tour par Moulaye Ould Mohamed Laghdaf le 6 août
PEINE DE MORT : abolie en pratique
POPULATION : 3,2 millions
ESPÉRANCE DE VIE  : 63,2 ans
MORTALITÉ DES MOINS DE CINQ ANS (M/F)  : 98 / 85 ‰
TAUX D’ALPHABÉTISATION DES ADULTES : 51,2 %

Contexte

En août, un groupe d’officiers a renversé et arrêté le président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, au pouvoir depuis l’élection présidentielle de mars 2007 qui avait restauré un régime civil dans le pays.
Le coup d’État avait été précédé de différends entre le président et des officiers, notamment à propos du renvoi du chef d’état-major. Le général Mohamed Ould Abdel Aziz, meneur du coup d’État, a mis en place un Haut Conseil d’État composé de 11 militaires, qui s’est engagé à organiser des élections le plus rapidement possible.
La communauté internationale a appelé à la libération du président renversé et au retour à l’ordre constitutionnel. L’Union européenne et les États-Unis ont gelé leurs programmes d’aide non humanitaire et l’Union africaine a suspendu l’appartenance du pays à son organisation. Des manifestants ont eux aussi réclamé, au cours d’un certain nombre de mouvements de protestation pacifiques, la remise en liberté du président et la restauration de l’ordre constitutionnel. Certaines manifestations ont été dispersées par la force ou interdites à la suite de la décision prise en septembre par le gouverneur de Nouakchott, la capitale, de suspendre toutes les manifestations à caractère politique.

Détention arbitraire

Le Groupe de travail sur la détention arbitraire [ONU] a déploré l’inefficacité de la supervision, par le procureur, de l’action de la police et de la situation des personnes gardées à vue. De nombreux détenus ont déclaré à la délégation du Groupe de travail que l’abus de pouvoir, la corruption, les mauvais traitements et la torture étaient courants dans les lieux de détention et que les policiers les contraignaient souvent à faire des « aveux ». Il était exceptionnel que les plaintes déposées contre la police fassent l’objet d’enquêtes.

Lutte contre le terrorisme et sécurité – détention au secret

De très nombreuses personnes, pour la plupart des militants islamistes présumés, ont été arrêtées dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.
Parmi elles figuraient les hommes accusés d’avoir tué quatre touristes français à Aleg en décembre 2007, ainsi que ceux qui étaient accusés d’avoir attaqué l’ambassade d’Israël à Nouakchott en février 2008.
D’autres étaient soupçonnés de participation, directe ou indirecte, à des actes de terrorisme. Des proches de militants islamistes présumés ont également été arrêtés. Certains ont été libérés dans les quinze jours suivant leur interpellation, mais à la fin de l’année beaucoup d’autres demeuraient détenus sans avoir été jugés.
De nombreux prisonniers, dont ceux soupçonnés d’appartenance à l’organisation Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), ont été maintenus au secret pendant de longues périodes, au-delà de la limite de quinze jours fixée par la loi. Il est arrivé que les forces de sécurité ou les gardiens de prison refusent l’accès à des proches de détenus, alors qu’ils étaient munis de permis de visite accordés par les autorités judiciaires.

  • La mère d’un islamiste présumé, arrêté chez lui le 30 avril et détenu à l’état-major de l’armée, n’a pas pu accéder au lieu où son fils était détenu alors qu’un magistrat lui avait délivré une autorisation de visite.

Prisonniers d’opinion

À la suite du coup d’État du mois d’août, le président Abdallahi, le Premier ministre Yahya Ould Mohamed El Waghef, le ministre de l’Intérieur et deux autres hauts fonctionnaires ont été arrêtés. Certains d’entre eux ont été libérés quelques jours plus tard. Le président Abdallahi a été maintenu en détention jusqu’au 13 novembre, date à laquelle il a été transféré dans son village de Lemdem et placé en résidence surveillée. Il a finalement été remis en liberté le 22 décembre. En septembre, Isselmou Ould Abdelkader, ancien ministre de la Santé, a été arrêté pour avoir critiqué le coup d’État.

Torture et autres mauvais traitements

Tout au long de l’année, des informations ont fait état de torture et d’autres mauvais traitements, infligés dans de nombreux lieux de détention notamment dans les locaux de la 1re brigade de la police et dans des villas privées de la capitale. Parmi les méthodes couramment utilisées figuraient les coups de pied, les passages à tabac, les décharges électriques, les brûlures de cigarette, les sévices sexuels, la suspension par les bras, l’enchaînement dans des positions douloureuses ainsi que la privation de sommeil ou de nourriture. Ces pratiques persistaient essentiellement en raison des contacts limités des détenus avec le monde extérieur et de l’absence de procédures efficaces en matière d’enquête et de plaintes.
Des détenus de la prison de Dar Naïm figuraient parmi les très nombreuses personnes ayant fait état de torture ou d’autres formes de mauvais traitements. Selon ces témoignages, des prisonniers, et en particulier des militants islamistes présumés, ont été torturés à l’électricité, l’un d’eux sur la plante des pieds. Un autre a eu les yeux bandés et les mains et les pieds attachés derrière le dos avant de recevoir les décharges électriques. Un troisième a déclaré aux représentants d’Amnesty International que des membres des forces de sécurité avaient uriné sur lui et lui avaient introduit une matraque dans l’anus.

Conditions carcérales

Comme les années précédentes, des centaines de prisonniers étaient privés de soins médicaux, mal nourris et détenus dans des cellules surpeuplées dépourvues d’installations sanitaires dignes de ce nom. Dans les prisons de Dar Naïm et de Nouadhibou, ils étaient serrés les uns contre les autres dans une chaleur étouffante et ne pouvaient pratiquement jamais quitter leur cellule. Des responsables de l’administration pénitentiaire ont confirmé que ces établissements ne répondaient pas aux normes nationales en matière de détention. Ils ont notamment souligné que le système d’évacuation des eaux était inadapté et que les cellules étaient humides et mal ventilées.
Dans la prison de Dar Naïm, une trentaine de prisonniers atteints de troubles mentaux erraient dans les cellules sans suivi médical. Des brutalités et des châtiments corporels auraient été infligés dans les établissements de Nouadhibou et de Dar Naïm et dans la prison civile de Nouakchott. Il arrivait régulièrement que les détenus soient battus par les gardiens lorsqu’ils demandaient à voir le directeur de l’établissement ou à recevoir des soins. L’un d’eux a déclaré avoir été battu et maintenu attaché pendant quinze jours à la suite de plaintes de prisonniers à propos du manque de nourriture et de soins médicaux. Au moins huit islamistes détenus dans la prison civile de Nouakchott ont été frappés par des gardiens en octobre.

Droits des migrants

Plusieurs centaines de personnes soupçonnées d’avoir cherché à entrer dans des pays européens ont été arrêtées de manière arbitraire au cours de l’année, alors qu’il n’existait aucune preuve de leurs intentions et que quitter la Mauritanie sans respect des procédures ne constituait pas une infraction. Beaucoup ont été expulsées de Mauritanie, souvent en groupe et, dans certains cas, vers des pays autres que leur pays d’origine. Elles n’ont pas eu la possibilité de contester le bien-fondé de leur détention ni leur expulsion collective. Ces mesures semblaient résulter de pressions émanant de l’Union européenne, et notamment de l’Espagne, afin de contrôler les flux migratoires vers l’Europe.
De nombreux migrants ont été détenus, et certains maltraités, dans un établissement appelé localement Guantanamito et situé à Nouadhibou, à la frontière du Sahara occidental. Cette ancienne école accueillait jusqu’à 300 personnes par mois et n’était soumise à aucun contrôle judiciaire.

Réfugiés et demandeurs d’asile

Des réfugiés et des demandeurs d’asile ont été privés de leurs droits. La plupart d’entre eux venaient d’Afrique de l’Ouest, et en particulier du Liberia et de la Sierra Leone.

Peine de mort

La Mauritanie comptait officiellement 37 condamnés à mort, détenus avec d’autres prisonniers dans six établissements, dont ceux de Dar Naïm et de Nouadhibou. Certains d’entre eux ont affirmé que leur procès avait été inéquitable et qu’ils n’avaient pas eu la possibilité de se défendre en bonne et due forme ou de se faire assister d’un avocat. Un prisonnier a déclaré avoir été condamné sur la seule base d’« aveux » extorqués sous la torture et un autre aurait été contraint de signer un procès-verbal de police rédigé dans une langue qu’il ne lisait pas.

Esclavage

Bien qu’ayant été officiellement abolies en 1981 et érigées en infraction pénale en 2007, les pratiques esclavagistes n’avaient manifestement pas disparu. Des personnes étaient, semble-t-il, retenues en esclavage ou soumises au travail forcé dans les régions de Tiris Zemour et de Nema. En septembre, un ancien esclave a écrit aux autorités pour leur demander de rechercher 14 membres de sa famille qui étaient toujours retenus en esclavage dans la région de Tiris Zemour.

Visites et documents d’Amnesty International

Des délégués d’Amnesty International se sont rendus en Mauritanie en janvier, en février, en juillet et en novembre.

  • Mauritanie. « Personne ne veut de nous ». Arrestations et expulsions collectives de migrants interdits d’Europe (AFR 38/001/2008).
  • Mauritanie. Amnesty International appelle à la libération du Président de la République et au respect des libertés fondamentales (AFR 38/007/2008).
  • Mauritanie. Répression violente de manifestations pacifiques demandant la restauration de l’état de droit (AFR 38/008/2008).
  • Mauritanie. La torture au cœur de l’État (AFR 38/009/2008).
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