Sierra Leone


Dans l’ensemble, la situation en matière de sécurité est restée stable, malgré quelques épisodes de violence survenus en juillet, à l’approche et au lendemain des élections locales. Le procès de l’ancien président du Liberia, Charles Taylor, a repris à La Haye en janvier. Sur les trois affaires instruites en appel par le Tribunal spécial pour la Sierra Leone, une seule était encore en cours et devait s’achever à la fin de 2008. La Commission des droits humains de Sierra Leone a remis son premier rapport sur l’ensemble du pays. La mise en œuvre des recommandations de la Commission de la vérité et de la réconciliation n’a pas véritablement progressé. Onze personnes reconnues coupables de trahison – et condamnées à mort pour dix d’entre elles – ont vu leurs condamnations infirmées en appel ; toutes ont recouvré la liberté en novembre.
La Sierra Leone demeurait un pays extrêmement pauvre, avec des taux de mortalité maternelle et infantile parmi les plus élevés au monde. D’après les estimations, une femme sur huit mourait en couches et un enfant sur quatre décédait avant son cinquième anniversaire.

CHEF DE L’ÉTAT ET DU GOUVERNEMENT : Ernest Bai Koroma
PEINE DE MORT : maintenue
POPULATION : 6 millions
ESPÉRANCE DE VIE : 41,8 ans
MORTALITÉ DES MOINS DE CINQ ANS (M/F)  : 290 / 264 ‰
TAUX D’ALPHABÉTISATION DES ADULTES : 34,8 %

Contexte

En février, le chef de l’État a lancé un Plan stratégique en matière de santé infantile et de procréation, dans l’objectif de réduire de 30 % les taux de mortalité maternelle et infantile d’ici 2010. Les donateurs ont affecté des fonds afin de diminuer la mortalité maternelle sur les dix prochaines années.
Rendu public en juillet, le premier rapport de la Commission des droits humains de Sierra Leone a fait état d’un certain nombre de violations des droits humains, dont des violences policières, le recours excessif à la force et de nombreux cas de détention prolongée sans inculpation. Le document mettait l’accent sur les droits des femmes, des jeunes filles et des fillettes, soulignant les taux élevés de mortalité maternelle et infantile ainsi que la fréquence des violences sexuelles et liées au genre (notamment des mutilations génitales féminines).
Des élections municipales ont eu lieu au mois de juillet. Des candidates ont subi des manœuvres de harcèlement, dont des menaces de mort et de viol, de la part d’habitants de leur localité. Les femmes représentaient 13 % du total des candidats aux scrutins.
Tout au long de l’année, des affrontements violents ont opposé de jeunes sympathisants du Parti du peuple de Sierra Leone (SLPP), du Mouvement populaire pour le changement démocratique (PMDC) et du Congrès du peuple réuni (APC). En janvier, quatre hommes ont été tués et 11 habitations ont été incendiées au cours de heurts de ce type à Port Loko. En juin, en juillet et en août, de nouvelles violences à caractère politique ont opposé ces différents groupes. En juillet, à l’approche des élections, l’armée a été déployée dans le district de Kenema par mesure de précaution. Des troubles ont été signalés dans différents districts, entraînant le retrait de 71 candidats sur 1 ?324.
La Loi de 2008 relative à la lutte contre la corruption a remplacé la Loi anticorruption de 2000 et, en février, le gouvernement a adopté une nouvelle stratégie nationale. La Commission anticorruption a créé dans ce cadre un département chargé des enquêtes, du renseignement et des poursuites en matière de corruption. En novembre, trois hauts fonctionnaires ont été inculpés de différentes infractions au titre de la nouvelle loi.
En janvier, le gouvernement a mis en place une Commission de révision constitutionnelle, qui a présenté 136 propositions de modification de la Constitution de 1991 devant être approuvées par référendum. La plupart ne concernaient pas les droits humains.
En octobre, le Bureau intégré des Nations unies pour la consolidation de la paix en Sierra Leone (BINUCSIL) a remplacé le Bureau intégré des Nations unies en Sierra Leone (BINUSIL). Les droits humains et les questions liées au genre devaient demeurer des priorités de cette nouvelle instance. En juillet, le Fonds des Nations unies pour la consolidation de la paix a approuvé l’affectation de plus de 11 millions d’euros à des projets de réforme sociale en Sierra Leone.

Tribunal spécial pour la Sierra Leone

Le procès de Charles Taylor à La Haye a rouvert en janvier. L’ancien président libérien devait répondre de 11 chefs d’inculpation pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre (dont des exécutions illégales, des viols et le recours à des enfants soldats) commis en Sierra Leone. Les éléments à charge avaient tous été énoncés à la fin de l’année.
Dans le procès des accusés appartenant au Front révolutionnaire uni (RUF) – Issa Sesay, Morris Kallon et Augustine Gbao – la défense a achevé ses plaidoiries. Les jugements n’avaient pas encore été rendus à la fin de l’année.
En février, les peines prononcées en première instance à l’encontre des membres du Conseil révolutionnaire des forces armées (AFRC) Alex Tamba Brima, Ibrahim Bazzy Kamara et Santigie Borbor Kanu ont été confirmées en appel. Alex Tamba Brima avait été condamné à cinquante ans d’emprisonnement et les deux autres accusés à quarante-cinq ans.
Le procès de Moinina Fofana et d’Allieu Kondewa, membres des Forces de défense civile (CDF), s’est achevé en mai. La chambre d’appel a infligé aux deux accusés des peines deux fois plus lourdes que la chambre de première instance, les condamnant respectivement à quinze et vingt ans de réclusion.

Liberté d’expression

Au cours de l’année, plusieurs journalistes ont été victimes de manœuvres de harcèlement et certains ont été arrêtés.

  • En février, Jonathan Leigh, directeur de la rédaction de l’Independent Observer, a été arrêté et accusé de diffamation contre le ministre des Transports et de l’Aviation. Il a été libéré sous caution et est par la suite revenu sur les articles concernés.
  • En mars, Sylvia Blyden, du journal Awareness Times, a été interpellée et accusée d’avoir tourné le chef de l’État en ridicule. Elle a recouvré la liberté le jour même de son arrestation.

En mai, les autorités ont menacé le New Vision d’entreprendre une action en justice s’il ne retirait pas certains articles jugés critiques à l’égard du gouvernement.
Emmanuel Saffa Abdulai et John Baimba Sesay, respectivement directeur et chargé de communication de la Société pour les initiatives démocratiques (SDI-SL), ont reçu tous les jours du mois d’octobre des menaces de mort téléphoniques d’un correspondant anonyme. Ils avaient publié un reportage sur les conditions d’exercice de la presse en Sierra Leone. La rédaction de New Vision, qui a publié l’article en septembre, a également reçu des menaces de mort.

Justice de transition

Malgré la promesse présidentielle faite en février d’appliquer les recommandations formulées par la Commission de la vérité et de la réconciliation, les travaux dans ce sens ont très peu avancé au cours de l’année. Aucune mesure n’a par ailleurs été prise afin de constituer un comité de suivi de la Commission.
La Commission nationale pour l’action sociale (NaCSA), organe chargé du programme de réparation aux victimes, a vu sa mission élargie. Elle était désormais chargée de superviser la mise en place d’un Fonds spécial destiné aux victimes de guerre. Le groupe de travail sur les réparations a été transformé en Comité directeur des réparations. L’une des ONG qui en faisait partie était représentée par une femme.

Police et autres forces de sécurité

Les brutalités, le recours excessif à la force et les violences sexuelles imputables à des agents de police se sont poursuivis cette année encore.

  • En août, des membres des forces de sécurité et des policiers se sont livrés à des violences sur huit journalistes qui effectuaient un reportage sur des réunions du SLPP et de l’APC, ainsi que sur des sympathisants des deux partis. Une enquête a été ouverte après que la SDI-SL et l’Association des journalistes de Sierra Leone eurent demandé au gouvernement de déférer à la justice les auteurs de ces agissements. Aucune conclusion probante n’avait toutefois été rendue à la fin de l’année.

Système judiciaire

Les procès étant fréquemment reportés, les procédures pénales demeuraient excessivement lentes et la période de détention provisoire très longue. La proportion de personnes en détention provisoire était importante.

  • Onze hommes déclarés coupables de trahison qui avaient interjeté appel en janvier 2005 ont enfin comparu en avril 2008. L’affaire a été classée sans suite, mais les hommes n’ont été remis en liberté qu’en novembre.
    Avec seulement 19 magistrats et 13 procureurs pour l’ensemble du pays, les tribunaux demeuraient en sous-effectif et leurs ressources étaient insuffisantes.

Droits des femmes

Le gouvernement a approuvé un plan d’application des lois de 2007 sur les questions de genre, à savoir la Loi relative à la violence domestique, la Loi relative à l’enregistrement des mariages et des divorces coutumiers ainsi que la Loi relative aux successions. Des exemplaires de ces textes ont été mis à disposition et des sessions de formation ont été organisées tout au long de l’année à destination des femmes et des chefs traditionnels et religieux. Malgré l’entrée en vigueur de ces lois en 2007, des violences sexuelles et liées au genre ainsi que des violences domestiques ont cette année encore été signalés en grand nombre. La fréquence des mutilations génitales féminines n’a guère diminué.

Peine de mort

En novembre, dix hommes sous le coup d’une condamnation à mort pour trahison ont été remis en liberté après que la cour d’appel eut infirmé leurs déclarations de culpabilité. Il s’agissait de Daniel Sandy (qui avait le grade de caporal), Issa Kanu (simple soldat), Hindolo Trye (capitaine), Alhajie Kamanda, Abdulia Taimu Tarawally, Richard Sellu Bockerie, Alhaji Mohamed Kondeh, Alhagie Kargbo, Ibrahim Koroma et Kai Mattia.
En mai, trois nouvelles condamnations à mort ont été prononcées, contre Tahimu Sesay, Gibrilla Dumbuya et Mohamed Tarwalie. Tous trois ont été reconnus coupables d’avoir passé un homme à tabac jusqu’à ce que mort s’ensuive.
Fin 2008, la Sierra Leone comptait 13 condamnés à mort, dont trois femmes.
En août, des groupes de la société civile ont tenté, sans succès, de faire pression sur la Commission de révision constitutionnelle pour que soit abolie la peine de mort.
En décembre, la Sierra Leone s’est abstenue lors du vote d’une résolution de l’Assemblée générale des Nations unies appelant à un moratoire sur les exécutions dans le monde entier.

Visites d’Amnesty International

Des délégués d’Amnesty International se sont rendus en Sierra Leone en mars-avril.

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