Jamaïque


L’année a été marquée par de nombreux meurtres et homicides dans les quartiers défavorisés des centres urbains, commis entre autres par des policiers. Le gouvernement a amorcé des réformes de la police et du système judiciaire afin de lutter contre la grave détérioration de la sécurité. Les discriminations et les violences contre les femmes et les couples homosexuels demeuraient monnaie courante. Une personne au moins a été condamnée à mort ; aucune exécution n’a eu lieu.

CHEF DE L’ÉTAT : Elizabeth II, représentée par Kenneth O. Hall
CHEF DU GOUVERNEMENT : Bruce Golding
PEINE DE MORT : maintenue
POPULATION : 2,7 millions
ESPÉRANCE DE VIE  : 72,2 ans
MORTALITÉ DES MOINS DE CINQ ANS (M/F) : 18 / 16 ‰
TAUX D’ALPHABÉTISATION DES ADULTES  : 79,9 %

Contexte

Alors que le pays était en proie à une grave crise en matière de sécurité publique, 1 611 personnes, essentiellement issues des quartiers pauvres au centre des villes, auraient été victimes de meurtre au cours de l’année. Un certain nombre de projets de loi prétendument destinés à lutter contre la criminalité prévoyaient notamment une extension des pouvoirs de la police en matière d’arrestation, une prolongation des périodes de liberté sous caution et l’application de peines plancher pour les crimes par balle.
Ces textes n’avaient toujours pas été adoptés par le Parlement à la fin de 2008. Des organisations nationales de défense des droits humains s’interrogeaient sur la constitutionnalité de certaines dispositions et craignaient que les extensions de pouvoirs policiers et judiciaires proposées ne donnent lieu à des abus. Une délégation de la Commission interaméricaine des droits de l’homme s’est rendue en Jamaïque au mois de décembre. Dans ses observations préliminaires, elle précisait avoir observé un niveau de violence alarmant dans tous les secteurs de la société et signalait que les lacunes persistantes des forces de sécurité et de l’appa-reil judiciaire, la corruption généralisée et la pauvreté représentaient les principales causes de la dégradation de la situation en matière de sécurité publique.

Police et autres forces de sécurité

Le nombre d’homicides imputables à la police demeurait élevé : 222 personnes auraient été tuées par des policiers au cours de l’année. Bien que la force publique ait régulièrement affirmé que ces homicides résultaient d’échanges de tirs avec des bandes criminelles, nombre d’entre eux se sont déroulés dans des circonstances laissant à penser qu’il s’agissait d’exécutions illégales.
Afin de lutter contre l’impunité et l’absence d’obligation de rendre des comptes dont jouit la police, le gouvernement a notamment engagé des débats parlementaires au sujet d’un avant-projet de loi visant à mettre sur pied une commission indépendante chargée d’enquêter sur les violences commises par les forces de sécurité. Les débats se poursuivaient à la fin de l’année.
Un rapport établi à la suite d’un examen straté- gique de la police jamaïcaine a été publié en juin. Ses 124 recommandations ont, dans leur grande majorité, été approuvées par le gouvernement.
La police jamaïcaine a bénéficié de formations aux techniques d’enquête sur les lieux du crime et a reçu du nouveau matériel d’expertise médicolégale. Toutefois, son travail demeurait fortement compromis par le manque de protection des lieux de crime ainsi que par la médiocrité des enquêtes médicolégales.

  • Le 23 août, Carlton Grant a été abattu par la police dans le centre de Kingston. Les deux policiers impliqués dans cette affaire ont déclaré qu’après s’être vu barrer la route par la police sur la voie publique, Carlton Grant et un ami avaient tiré dans leur direction et qu’eux-mêmes avaient riposté. D’après des témoins, Carlton Grant et son ami n’étaient pas armés et ont été abattus au moment où ils allaient se livrer à la police. En novembre, le procureur général a déclaré que les deux policiers devaient être inculpés de meurtre.
  • Le 22 septembre, Jevaughn Robinson, treize ans, a été abattu d’une balle dans la tête par des agents d’une patrouille de police à Spanish Town, dans le district de Sainte-Catherine. Les policiers ont affirmé que le garçon avait été tué lors d’une fusillade et qu’ils avaient retrouvé un pistolet sur les lieux du crime, une version des faits réfutée par les habitants du quartier. Selon ceux-ci, lorsque les policiers sont arrivés sur place, des hommes qui se trouvaient près de Jevaughn Robinson ont couru se mettre à l’abri dans des buissons tout proches et le jeune garçon les a imités.
    D’après les témoins, les agents de police ont poursuivi Jevaughn Robinson puis l’ont abordé et, sans même essayer de l’immobiliser ou de l’interpeller, lui ont tiré une balle dans la tête. Une enquête était toujours en cours à la fin de l’année.

Système judiciaire

Certaines avancées ont été enregistrées dans l’application des recommandations du Groupe de travail sur la réforme de la justice jamaïcaine, qui avait rendu un rapport en juin 2007, notamment concernant la nomination de personnel judiciaire supplémentaire. La majorité des propositions restait néanmoins à mettre en œuvre. Fin 2008, les débats se poursuivaient au sujet du texte de loi prévoyant la création d’un bureau spécial du coroner qui permettrait d’accélérer les enquêtes sur les nouvelles affaires de tirs mortels de la part de la police et de réduire le nombre de dossiers en attente. Le projet de loi sur la nomination d’un procureur spécial chargé d’enquêter sur les affaires de corruption impliquant des représentants de l’État était également en cours d’examen.
En septembre, le Parlement a adopté des projets de loi prévoyant une augmentation du nombre de juges à la Cour suprême et à la Cour d’appel. En dépit de ces avancées, des orga- nisations nationales de défense des droits humains ont souligné les difficultés chroniques rencontrées par les autorités judiciaires : procédures extrêmement lentes, jurés indisponibles, absentéisme des témoins et tribunaux aux calendriers irréguliers.

Violences contre les femmes et les filles

Les violences sexuelles contre les femmes, les jeunes filles et les fillettes demeuraient très répandues. D’après les statistiques de la police, 655 femmes ont été violées entre les mois de janvier et d’octobre. Un projet de loi relatif aux crimes sexuels, destiné à assurer une meilleure protection juridique aux femmes et aux enfants ayant subi des violences sexuelles, n’avait toujours pas été soumis au Parlement à la fin de l’année.
Parachevé en 2007, le texte constituait l’aboutissement d’un ensemble d’actions entreprises depuis 1995 afin de présenter sous un nouveau jour la loi en vigueur, laquelle était discriminatoire en termes de genre.

Discrimination – lesbiennes, gays, personnes bisexuelles et transgenres

De multiples cas de violences collectives à l’encontre de personnes présumées homosexuelles (essentiellement des hommes), ont été signalés au cours de l’année. On ignorait la véritable ampleur des agressions dont étaient victimes les hommes homosexuels car le sujet demeurait tabou et la peur empêchait les victimes de signaler ces agissements.

  • En août, un cocktail Molotov a été lancé à l’intérieur d’une maison de Clarendon (sud de la zone centrale du pays) habitée par deux hommes présumés homosexuels. Lorsque les services de secours sont arrivés, un petit attroupement de gens poussant des huées s’est formé devant la maison. L’un des deux hommes a été brûlé à 60 % et a passé trois semaines à l’hôpital.

Peine de mort

Au moins une condamnation à mort a été prononcée. Aucune exécution n’a eu lieu. Fin 2008, le Parlement jamaïcain a voté en faveur du maintien de la peine capitale et neuf personnes se trouvaient dans le quartier des condamnés à mort.
En décembre, la Jamaïque a voté contre une résolution de l’Assemblée générale des Nations unies appelant à un moratoire mondial sur les exécutions.

Visites et documents d’Amnesty International

Des délégués d’Amnesty International se sont rendus en Jamaïque en mars-avril.

  • “Let them kill each other” – Public security in Jamaica’s inner-cities (AMR 38/001/2008).
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