Nicaragua


Des militantes des droits humains ont été victimes de manœuvres de harcèlement et d’intimidation en raison de leurs activités en faveur de la défense des droits sexuels et reproductifs. La loi érigeant en infraction pénale toute forme d’avortement (y compris dans les cas où la vie de la femme est en danger et où la grossesse résulte d’un viol) est entrée en vigueur. Les accusations de fraude électorale et les contrôles excessifs exercés sur les organisations de la société civile laissaient craindre l’existence de restrictions à la liberté d’expression et d’association. Le gouvernement a officiellement reconnu les droits de la communauté des Awas Tingnis à jouir de leurs terres ancestrales.

CHEF DE L’ÉTAT ET DU GOUVERNEMENT : Daniel José Ortega Saavedra
PEINE DE MORT : abolie
POPULATION : 5,7 millions
ESPÉRANCE DE VIE  : 71,9 ans
MORTALITÉ DES MOINS DE CINQ ANS (M/F) : 28 / 22 ‰
TAUX D’ALPHABÉTISATION DES ADULTES  : 76,7 %

Contexte

En juin 2008, le Conseil suprême électoral a annoncé que deux partis de l’opposition, le Mouvement de rénovation du sandinisme (MRS) et le Parti conservateur du Nicaragua (PCN), n’étaient plus dûment enregistrés et ne pourraient pas présenter de candidats lors des élections à venir. Le gouvernement a par ailleurs refusé, en octobre, d’autoriser la présence d’observateurs nicaraguayens et internationaux lors des élections municipales de novembre.
Invoquant des fraudes électorales et un manque de transparence du scrutin, le Parti libéral constitutionnaliste (PLC) a refusé d’accepter la victoire du Front sandiniste de libération nationale (FSLN, au pouvoir). Dans les semaines qui ont suivi, des sympathisants du FSLN et de l’opposition se sont violemment affrontés dans les rues de Managua. De nombreuses personnes ont été blessées – on ne disposait toutefois pas de chiffres officiels concernant le bilan de ces incidents. La Commission interaméricaine des droits de l’homme a déploré ces violences et demandé aux autorités nicaraguayennes l’autorisation d’envoyer un rapporteur à des fins d’enquête. Le gouvernement n’avait pas encore répondu à cette requête à la fin de l’année.

Droits sexuels et reproductifs

Accusées notamment d’incitation à commettre un crime et de non-dénonciation de crime, neuf militantes des droits humains risquaient toujours d’être poursuivies en justice. On croyait savoir que ces accusations étaient liées à leur travail de défense des droits fondamentaux et de mobilisation sur le droit des femmes à bénéficier de services de santé sûrs et efficaces en matière de sexualité et de procréation. Fin 2008, le procureur général n’avait toujours pas tranché la question de savoir s’il serait donné suite à la plainte déposée en novembre 2007 et si ces femmes seraient formellement inculpées.

  • En septembre, un article d’une publication officielle a lancé une série d’accusations contre des journalistes, des défenseures des droits humains et des militantes politiques, mises en cause notamment pour leur supposée pratique de la « magie noire ». Le document reprochait à ces femmes de défendre les droits en matière de sexualité et de procréation. Parmi les noms cités figurait celui de Patricia Orozco, journaliste et défenseure des droits des femmes. La militante a reçu des menaces de mort et de violences sexuelles par téléphone et par SMS à la suite de la publication de cet article.
    Le Code pénal révisé est entré en vigueur en juillet. Il érigeait l’avortement en infraction pénale et prévoyait de lourdes peines d’emprisonnement pour les femmes et les professionnels de la santé reconnus coupables d’avoir pratiqué un avortement ou aidé une femme dans ce geste, même dans les cas où la poursuite de la grossesse mettait en péril la vie de la femme et où la grossesse était la conséquence d’un viol. Personne n’a été poursuivi en justice au titre de ces nouvelles dispositions au cours de l’année 2008.
    Le Comité des droits de l’homme [ONU] et le Comité des droits économiques, sociaux et culturels [ONU] ont demandé au gouvernement nicaraguayen, en octobre et en novembre respectivement, de revoir sa législation en matière d’avortement.

Violences contre les femmes et les filles

Quelque 30 % de toutes les plaintes enregistrées par la police au premier trimestre de l’année concernaient des violences sexuelles. D’après les chiffres de la police, l’immense majorité des victimes de ces sévices étaient des jeunes filles âgées de dix-huit ans ou moins. Dans de nombreux cas, toutefois, les violences avaient été tenues secrètes durant plusieurs années.

  • Une adolescente interrogée par Amnesty International a indiqué avoir été violée par son oncle lorsqu’elle avait neuf ans. Elle en avait informé sa mère, qui lui avait conseillé de garder le silence car la famille dépendait financièrement de cet homme. Se sentant en danger, la jeune fille a quitté son domicile et abandonné l’école ; à l’âge de quatorze ans, elle s’est tournée vers la prostitution pour survivre. Le rejet de son milieu et les attitudes sociales dominantes, qui tiennent pour responsable la victime et non l’auteur des faits, ont fortement entravé la capacité de l’adolescente à réagir à cette épreuve et à conduire son agresseur devant la justice.
    L’oncle n’a jamais été poursuivi pour ce crime.

Liberté d’expression et d’association

Dans les semaines qui ont suivi les élections municipales, 20 journalistes au moins ont été victimes d’agressions physiques ; un grand nombre d’entre eux ont été battus. La plupart de ces violences étaient l’œuvre de groupes de sympathisants du FSLN. Les locaux d’au moins cinq médias indépendants ont été saccagés.
Plusieurs organisations nationales et internationales travaillant sur des questions relatives au développement, à la gouvernance et à la transparence ont vu leurs documents confisqués par la police, dans le cadre semble-t-il d’une enquête sur leur gestion budgétaire. Fin 2008, les organisations n’avaient toujours pas eu connaissance de la nature de ces investigations ni de la date à laquelle leurs documents leur seraient restitués.

  • En octobre, la police a effectué une descente dans les locaux du Mouvement autonome des femmes (MAM), une organisation engagée depuis plus de dix ans dans la défense des droits des femmes et des droits sexuels et reproductifs. Des documents et des ordinateurs ont été saisis. À la fin de l’année, le MAM ignorait toujours les motifs juridiques de l’enquête ouverte. Ses documents ne lui avaient en outre pas été rendus, ce qui portait fortement préjudice à ses activités.

Droits des populations indigènes

En 2001, la Cour interaméricaine des droits de l’homme avait appelé le gouvernement nicaraguayen à reconnaître légalement les droits à la terre des Awas Tingnis. Le Nicaragua a pris une mesure positive en décembre 2008 en reconnaissant officiellement les droits à la terre de la communauté, conformément au jugement de la Cour.

Visites et documents d’Amnesty International

Des déléguées d’Amnesty International se sont rendues au Nicaragua en juin et en novembre.

  • Defending women’s right to life and health — Women human rights defenders in Nicaragua (AMR 43/001/2008).
  • Nicaragua : Submission to the United Nations Committee on Economic Social and Cultural Rights 41st Session, 3-21 November 2008 (AMR 43/002/2008).
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