France

Cette année encore, des allégations ont fait état de mauvais traitements infligés par des agents de la force publique et qui, dans un cas au moins, ont entraîné la mort d’un homme. Les procédures en vigueur pour les enquêtes et les poursuites contre les responsables de tels actes n’étaient pas conformes aux normes internationales. Le Comité des droits de l’homme [ONU] a critiqué les conditions de détention des migrants en situation irrégulière. Des demandeurs d’asile dont le dossier était traité dans le cadre de la « procédure prioritaire » risquaient d’être renvoyés de force alors que l’examen de leur cas était en cours. La France a expulsé en Algérie un homme qui risquait d’y être victime de violations graves de ses droits fondamentaux, et a procédé à une tentative de renvoi vers ce pays d’une autre personne encourant des risques similaires. Une nouvelle loi prévoyant le maintien en « rétention de sûreté » pour une durée indéfiniment renouvelable ainsi qu’un décret autorisant la police à recueillir des informations personnelles sur des individus considérés comme susceptibles de porter atteinte à l’ordre public ont mis à mal le principe de la présomption d’innocence.


CHEF DE L’ÉTAT
 : Nicolas Sarkozy
CHEF DU GOUVERNEMENT : François Fillon
PEINE DE MORT : abolie
POPULATION : 61,9 millions
ESPÉRANCE DE VIE : 80,2 ans
MORTALITÉ DES MOINS DE CINQ ANS (M/F) : 6 / 5 ‰

Police et autres forces de sécurité

Des responsables de l’application des lois se seraient, cette année encore, rendus coupables de mauvais traitements. Les organes responsables de l’application des lois et les autorités judiciaires n’ont pas mené sur ces allégations des enquêtes conformes aux normes internationales, ce qui s’est traduit par une impunité de fait. Le Comité des droits de l’homme [ONU] a exprimé sa préoccupation à propos des allégations faisant état de mauvais traitements infligés par des agents de la force publique à des étrangers en situation irrégulière et à des demandeurs d’asile détenus dans des centres de rétention. Il a déploré l’absence d’enquête sérieuse et de sanctions contre les responsables de ces violations des droits humains.
Le 22 septembre, la ministre de l’Intérieur a autorisé la police municipale à utiliser des pistolets à impulsions électriques. Seuls les membres de la police nationale étaient autorisés auparavant à utiliser ce type d’arme.
Homicide illégal

  • Abdelhakim Ajimi est mort le 9 mai à Grasse lors de son interpellation. Des policiers l’ont appréhendé et maîtrisé après une altercation avec les employés d’une banque où il voulait retirer de l’argent. L’information judiciaire ouverte sur ce décès se poursuivait à la fin de l’année. Selon le rapport d’autopsie, Abdelhakim Ajimi a succombé à une asphyxie provoquée par les méthodes d’immobilisation utilisées par les policiers. Plusieurs témoins oculaires ont affirmé que ceux-ci avaient fait un usage excessif de la force. Les agents mis en cause n’avaient pas été suspendus de leurs fonctions à la fin de l’année.

Impunité

  • En juillet, le parquet a classé sans suite l’enquête ouverte sur les allégations de mauvais traitements formulées par Josiane Ngo. Cette femme s’était plainte d’avoir été frappée à coups de poing et de pied et traînée par terre par des policiers en juillet 2007, alors qu’elle était enceinte de huit mois. Les faits s’étaient produits dans la rue en présence de nombreux témoins. Josiane Ngo avait passé la nuit en garde à vue, avant d’être relâchée le lendemain sans inculpation. Un examen médical lui avait reconnu dix jours d’incapacité de travail pour les blessures subies.

Migrants, réfugiés et demandeurs d’asile

Le Comité des droits de l’homme a exprimé sa préoccupation à propos d’informations faisant état d’une situation d’entassement et d’insuffisance des installations sanitaires, de la nourriture et des soins médicaux dans les centres de rétention où sont placés des migrants en situation irrégulière et des demandeurs d’asile, parmi lesquels figurent des mineurs isolés. Il a appelé la France à revoir sa politique de détention et à améliorer les conditions de vie dans les centres de rétention, tout particulièrement ceux des départements et territoires d’outre-mer. En décembre, des photographies et une vidéo montrant les conditions inhumaines régnant dans le centre de rétention du territoire d’outre-mer de Mayotte ont été envoyées anonymement à Amnesty International et à un organe de la presse française. Les images révélaient une extrême surpopulation ainsi que le manque d’installations sanitaires et médicales.
En avril, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), établissement public qui examine les demandes de statut de réfugié, a annoncé que le taux de reconnaissance avait atteint près de 30 % en 2007, l’un des plus élevés pour les dernières années. Par ailleurs, le nombre des nouvelles demandes a continué de diminuer, passant de 26 269 en 2006 à 23 804 en 2007.
Le 3 juillet, plusieurs parlementaires ont déposé une proposition de loi visant à modifier les dispositions concernant le droit d’appel devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) pour les demandeurs d’asile dont le cas est examiné au titre de la « procédure prioritaire ». Aux termes de ce texte, les demandeurs d’asile qui introduisent un recours contre une décision rendue dans le cadre de la « procédure prioritaire » ne pourraient plus être renvoyés de force dans leur pays d’origine avant qu’il n’ait été statué sur leur recours. Cette proposition de loi n’a pas reçu le soutien du gouvernement.

Lutte contre le terrorisme et sécurité

En juillet, le Comité des droits de l’homme a exprimé sa préoccupation quant à la loi antiterroriste adoptée en 2006 et il a prié la France de veiller à ce que tous les détenus soient déférés dans le plus court délai devant un juge et qu’ils aient le droit de consulter un avocat. Les autorités françaises continuaient d’expulser des individus vers des pays où ils risquaient d’être torturés, entre autres violations graves de leurs droits fondamentaux.

  • Rabah Kadri, ressortissant algérien, a été libéré de la prison de Val-de-Reuil le 14 avril après avoir purgé la peine prononcée à son encontre, le 16 décembre 2004, par le tribunal correctionnel de Paris pour sa participation à la préparation d’un attentat terroriste contre le marché de Noël de Strasbourg en 2000. Il avait été condamné à six ans d’emprisonnement assortis d’une interdiction définitive du territoire français. Pris en charge par la police dès sa sortie de prison, Rabah Kadri a été renvoyé en Algérie par bateau le 15 avril. Il est arrivé à Alger le 16 avril et a été remis aux autorités algériennes, qui l’ont maintenu au secret pendant douze jours dans un lieu inconnu.
  • Kamel Daoudi a été libéré de la prison de la Santé le 21 avril à l’expiration de sa peine. Il a immédiatement été placé en rétention dans l’attente de son expulsion vers l’Algérie. Reconnu coupable, en 2005, d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste et de falsification de documents administratifs, cet homme avait été condamné à six ans d’emprisonnement assortis d’une interdiction définitive du territoire français. Algérien à l’origine, Kamel Daoudi avait acquis la nationalité française, mais il en avait été déchu en 2002 en raison des allégations relatives à son appartenance à des groupes terroristes, alors même que la procédure judiciaire le concernant n’était pas terminée. Statuant sur la requête introduite par l’avocat de Kamel Daoudi, la Cour européenne des droits de l’homme a, le 23 avril, ordonné aux autorités françaises de suspendre la mesure d’éloignement tant qu’elle n’aurait pas déterminé s’il risquait de subir des actes de torture ou d’autres mauvais traitements en cas de renvoi en Algérie. À la fin de l’année, Kamel Daoudi restait assigné à résidence – une mesure qui limitait ses déplacements à certaines régions de France et l’obligeait à se présenter régulièrement dans un poste de police –, dans l’attente de la décision de la Cour.

Évolutions législatives, constitutionnelles ou institutionnelles

Rétention de sûreté
Le Parlement a adopté le 7 février une loi relative à la « rétention de sûreté ». Elle prévoit que les personnes déclarées coupables de certains crimes, une fois qu’elles ont effectué la totalité de leur peine d’emprisonnement, pourront être maintenues en détention pendant une durée d’un an indéfiniment renouvelable si elles sont considérées comme dangereuses et présentent une probabilité très élevée de récidive. Dans les faits, ce texte autorise une prolongation indéfinie de la peine de privation de liberté, ce qui constitue une violation du droit à la liberté, de l’interdiction de la détention arbitraire et du principe de présomption d’innocence. Le Comité des droits de l’homme a demandé à la France de réexaminer cette loi.

Fichiers de police sur des personnes

Un décret publié au Journal officiel du 1er juillet et lié à la mise en place de la Direction centrale de la sécurité publique (DCSP) autorisait le recueil d’informations sur des personnes par la police et les services de sécurité sous la forme d’un fichier appelé Edvige (Exploitation documentaire et valorisation de l’information générale). Ce fichier devait collecter et conserver des informations sur des personnes âgées d’au moins treize ans et « susceptibles de porter atteinte à l’ordre public ». Il devait inclure, entre autres, des données sur l’orientation sexuelle et la santé. À la suite de protestations de grande ampleur et d’auditions devant la commission des lois de l’Assemblée nationale, la ministre de l’Intérieur a proposé une version révisée du texte, qui, en décembre, était en cours d’examen devant la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL).

Contrôleur général des lieux de privation de liberté

Le 11 juin, le Conseil des ministres a nommé Jean-Marie Delarue au poste de contrôleur général des lieux de privation de liberté, en application des dispositions du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le Parlement a adopté, en juillet, une loi autorisant la France à ratifier ce protocole.

Défenseur des droits

Une loi constitutionnelle visant à réformer certains aspects du système politique et de l’administration a été adoptée le 21 juillet. Ce texte créait, sous le nom de défenseur des droits, une institution nationale pour la protection des droits humains. Le mandat précis de cette institution n’avait pas été défini à la fin de l’année, mais on prévoyait qu’elle allait remplacer des mécanismes existants, notamment la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), organisme chargé de la surveillance indépendante des organes chargés de l’application des lois. On craignait que cette mesure n’entraîne une perte de spécialisation et de compétence, la diminution des moyens qui sont actuellement affectés à la CNDS et même la réduction de ses capacités, ce qui aurait des répercussions négatives sur le contrôle indépendant efficace des organes chargés du maintien de l’ordre public.

Visites et documents d’Amnesty International

Des délégués d’Amnesty International se sont rendus en France en mars et en mai.

  • France. L’enregistrement des interrogatoires ne constitue pas une protection suffisante des droits des détenus (EUR 21/004/2008).
  • France. Communication au Comité des droits de l’homme (EUR 21/005/2008).
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