JORDANIE

Des prisonniers auraient été torturés ou autrement maltraités. Des milliers de personnes ont été détenues sans inculpation ni jugement en vertu d’une loi très générale permettant le placement en détention administrative. Les procès qui se déroulaient devant la Cour de sûreté de l’État ne respectaient pas les normes internationales d’équité internationalement reconnues. De nouvelles restrictions à la liberté d’expression, d’asso-ciation et de réunion ont été adoptées par le Parlement. Les femmes étaient victimes de discrimination, et l’État ne les protégeait pas suffisamment contre les violences domestiques. Les employées de maison étrangères étaient exploitées et maltraitées et ne bénéficiaient pas d’une protection juridique satisfaisante. Au moins 14 prisonniers étaient sous le coup d’une condamnation à mort, mais aucune exécution n’a été signalée.

CHEF DE L’ÉTAT : Abdallah II
CHEF DU GOUVERNEMENT : Nader al-Dhahabi
PEINE DE MORT : maintenue
POPULATION : 6,1 millions
ESPÉRANCE DE VIE : 71,9 ans
MORTALITÉ DES MOINS DE CINQ ANS (M/F) : 23 / 19 ‰
TAUX D’ALPHABÉTISATION DES ADULTES : 91,1 %

Lutte contre le terrorisme et sécurité

Deux hommes incarcérés pour des motifs de sécurité ont été libérés ; ils avaient été maintenus en détention prolongée sans jugement dans les locaux du Département des renseignements généraux à Amman.

Au terme de presque trois années de détention à l’isolement, Isam al Utaibi, également connu sous le nom de Sheikh Abu Muhammad al Maqdisi, a été libéré le 12 mars. En janvier, le Groupe de travail sur la détention arbitraire [ONU] avait dénoncé le caractère arbitraire de la détention de cet homme.

Samer Helmi al Barq a été remis en liberté en janvier. Il était détenu depuis octobre 2003, date à laquelle les autorités américaines l’avaient transféré illégalement en Jordanie. Arrêté au Pakistan, il avait été détenu quatorze jours dans ce pays, puis remis aux autorités américaines qui l’avaient ensuite maintenu dans une prison secrète avant son transfert.

Système judiciaire – détention administrative

Des milliers de personnes ont été détenues aux termes de la Loi de 1954 relative à la prévention de la criminalité, qui autorise les gouverneurs de province à ordonner le maintien en détention, sans inculpation ni jugement, de quiconque est soupçonné d’avoir commis un crime ou « considéré comme représentant un danger pour la société ». Ces ordres de détention peuvent être prononcés pour une durée d’un an et sont renouvelables. En mars, le Centre national des droits humains, organisation financée par le gouvernement, a noté que 12 178 hommes et 81 femmes avaient été incarcérés en 2007 aux termes de cette loi et a réclamé son abrogation.

Torture et autres mauvais traitements

De nouvelles informations ont fait état de torture et d’autres mauvais traitements infligés à des prisonniers. En octobre, Human Rights Watch a révélé que plus de la moitié des 110 prisonniers avec lesquels ses représentants s’étaient entretenus lors de visites dans sept prisons s’étaient plaints d’avoir été torturés ou maltraités ; certains avaient mis en cause des directeurs de prison. Les autorités ont rejeté les conclusions de cette organisation.

Firas al Utti, Hazim Ziyada et Ibrahim al Ulayan seraient morts dans un incendie, le 14 avril, après que des surveillants de la prison de Muwaqqar les eurent empêchés de sortir de leur cellule. D’après les informations recueillies, deux d’entre eux avaient été torturés. Ils auraient été accrochés à un mur et frappés, les mains attachées dans le dos. La Direction de la sécurité publique aurait diligenté une enquête sur la mort de ces prisonniers, mais ses conclusions n’ont pas été rendues publiques et aucune poursuite n’a, semble-t-il, été engagée.

En mai, un tribunal de police a condamné deux gardiens de prison à trente mois d’emprisonnement pour avoir battu à mort Firas Zaidan, en mai 2007, dans la prison d’Aqaba. Un troisième gardien a été acquitté.
En février, le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture a déclaré que, contrairement à ce qu’il avait recommandé à l’issue de sa visite en Jordanie en 2006, les autorités n’avaient pas mis en place de mécanismes efficaces pour empêcher le recours à la torture et aux mauvais traitements et pour garantir que les responsables soient déférés à la justice.

Procès inéquitables – Cour de sûreté de l’État

Les procès qui se déroulaient devant la Cour de sûreté de l’État ne respectaient toujours pas les normes internationales en matière d’équité. Compétente pour juger les affaires d’atteintes à la sûreté de l’État, notamment la sédition, l’insurrection armée et les infractions financières et liées aux stupéfiants, cette juridiction continuait de retenir comme preuves à charge, sans ordonner d’enquête sérieuse, des « aveux » que les accusés affirmaient avoir formulés sous la torture alors qu’ils étaient détenus dans l’attente de leur procès.
En mai, la Cour de sûreté de l’État a condamné Nidal Momani, Sattam Zawahra et Tharwat Ali Draz à la peine capitale, qu’elle a ensuite immédiatement commuée en quinze ans d’emprisonnement. Auparavant, elle les avait déclarés coupables de complot en vue d’attaquer le président américain George W. Bush lors de sa visite en Jordanie en 2006. Les trois hommes ont nié les charges retenues à leur encontre, affirmant que leurs « aveux » avaient été extorqués sous la torture.

Liberté d’expression, d’association et de réunion

Un projet de loi qui restreindrait encore davantage le droit à la liberté d’expression, d’association et de réunion a été déposé. Le Parlement a adopté deux nouvelles lois, l’une relative aux associations et l’autre aux rassemblements publics ; elles n’avaient pas été approuvées par le roi à la fin de l’année.
Le premier de ces deux textes devrait soumettre les ONG à un contrôle renforcé de la part des pouvoirs publics, qui pourraient exiger d’elles qu’elles fournissent leurs programmes d’activités et qu’elles n’acceptent pas des financements de l’étranger sans leur autorisation officielle. Il permettrait également au gouvernement d’interdire une ONG pour une infraction mineure ou de nommer un fonctionnaire à la présidence par intérim. En vertu de la seconde loi, qui prévoit un assouplissement de certains contrôles, les ONG pourraient tenir leur assemblée générale sans autorisation préalable. Toutefois, celles qui veulent organiser des réunions publiques devront d’abord obtenir l’autorisation du gouverneur administratif, qui pourra interrompre une réunion ou un rassemblement ou disperser les participants, éventuellement par la force, si les objectifs du rassemblement, tels qu’ils ont été convenus d’un commun accord, ne sont pas respectés.

Cette année encore, des journalistes, entre autres, ont fait l’objet de poursuites pour avoir exercé leur droit à la liberté d’expression.
Fayez al Ajrashi, rédacteur en chef de l’hebdomadaire El Ekhbariya, a été arrêté et détenu pendant plusieurs jours avant d’être inculpé d’« incitation aux luttes de factions » et d’« atteinte à l’unité nationale ». Ces accusations étaient liées à des articles dans lesquels il critiquait le gouverneur d’Amman et évoquait la corruption dans la capitale. Il a été remis en liberté sous caution. Fayez al Ajrashi devait comparaître devant la Cour de sûreté de l’État ; s’il est déclaré coupable, il serait passible d’une peine de trois ans d’emprisonnement.

Violences et discrimination contre les femmes

Le Parlement a adopté en janvier la Loi relative à la protection contre la violence familiale. Ce texte prévoit le signalement des violences domestiques, y compris les violences sexuelles et le harcèlement, ainsi que l’indemnisation des victimes. Cependant, il n’érige pas explicitement ces actes en infraction pénale et les poursuites contre leurs auteurs ne sont pas prévues en bonne et due forme.
Des modifications législatives temporaires qui visent à permettre aux femmes de divorcer sans le consentement de leur mari et à instaurer des peines pour les auteurs de meurtres commis au sein de la famille étaient en instance devant le Parlement pour la septième année.
Au moins 16 femmes ont été victimes de crimes « d’honneur ». Cette année encore, l’article 98 du Code pénal a été invoqué en faveur d’hommes coupables du meurtre de proches parentes. Il prévoit une réduction de peine lorsque l’homicide a été commis dans « un accès de rage suscité par un acte illégal ou dangereux imputable à la victime ».
En mars, un tribunal pénal a condamné un homme à trois mois de prison pour avoir abattu en 2007 sa sœur, une femme mariée, parce qu’elle avait eu selon lui un « comportement immoral » : elle serait notamment sortie de chez elle sans le consentement de son mari et aurait utilisé son téléphone portable pour parler avec d’autres hommes.
Des dizaines de femmes auraient été maintenues en détention administrative sans inculpation ni jugement. Les autorités avaient apparemment incarcéré certaines d’entre elles, dont des victimes de viol et des femmes enceintes en dehors du mariage ou accusées de relations extraconjugales ou de prostitution, pour les protéger de leur famille et de leur entourage. Le gouvernement a ouvert un refuge pour des femmes qui avaient besoin de protection contre les violences domestiques, mais peu de femmes y étaient hébergées à la fin de l’année.

Droits des migrants – employés de maison

Des dizaines de milliers d’employées de maison immigrées étaient victimes d’exploitation économique et de violences physiques et psychologiques et elles ne bénéficiaient pratiquement d’aucune protection de l’État. Beaucoup travaillaient jusqu’à dix-neuf heures par jour, sans aucun jour de congé, et se voyaient refuser une partie, voire la totalité de leur salaire. Bon nombre d’entre elles étaient pratiquement retenues en captivité au domicile de leur employeur. Beaucoup étaient battues par leur employeur et par les représentants des agences de recrutement. Les responsables de tels agissements faisaient rarement l’objet de poursuites ou d’autres sanctions.
En juillet, le Parlement a adopté des modifications au Code du travail aux termes desquelles les employés de maison ne sont plus explicitement exclus de la protection de la loi. Une règlementation spéciale comportant des dispositions sur les conditions de travail des employés de maison étrangers doit être promulguée.

Une Indonésienne de vingt-deux ans a tenté de se suicider après avoir été agressée sexuellement à deux reprises par son employeur et violée trois fois par le fils de ce dernier. Lorsque l’épouse de l’employeur a appris ce qui s’était passé, elle a battu la jeune femme.

Réfugiés et demandeurs d’asile

La Jordanie accueillait toujours quelque 500 000 réfugiés irakiens, dont la plupart avaient fui leur pays après l’invasion américaine de 2003. Beaucoup n’avaient aucun statut légal car ils ne remplissaient pas les critères stricts pour l’obtention d’un permis de séjour et n’étaient donc pas autorisés à travailler. L’accès à la Jordanie était extrêmement difficile pour les Irakiens qui avaient besoin d’une protection internationale. En mai, le gouvernement a introduit de nouvelles règles de délivrance des visas qui obligent les Irakiens à obtenir un visa dans leur pays avant de pouvoir prétendre à entrer en Jordanie.

Peine de mort

Quatorze prisonniers au moins ont été condamnés à mort mais il n’y a eu aucune exécution. Les projets de modification de la législation relative à la peine de mort présentés en 2006 et visant à réduire le champ d’application de ce châtiment n’avaient toujours pas été adoptés par le Parlement.
En décembre, la Jordanie s’est abstenue lors du vote d’une résolution de l’Assemblée générale des Nations unies en faveur d’un moratoire mondial sur les exécutions.

Visites et documents d’Amnesty International

  • Des délégués d’Amnesty International se sont rendus en Jordanie en mars et en octobre.
  • Jordanie. Peines légères pour des auteurs de crimes « d’honneur » : un pas en arrière pour la protection des femmes en Jordanie (MDE 16/001/2008).
  • Jordanie. Isolées, exploitées, maltraitées. Les immigrées employées de maison en Jordanie (MDE 16/002/2008).
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