Roumanie

ROUMANIE
CAPITALE : Bucarest
SUPERFICIE : 237 500 km_
POPULATION : 22,3 millions
CHEF DE L’ÉTAT : Ion Iliescu
CHEF DU GOUVERNEMENT : Adrian N_stase
PEINE DE MORT : abolie
CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES : ratifiée
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES : ratifié

De nombreux cas de torture et de mauvais traitements policiers ont été signalés. Un homme au moins est mort dans des circonstances suspectes. Des policiers ont fait usage de leur arme à feu dans des conditions où les normes internationales l’interdisaient ; nombre des victimes appartenaient à la communauté rom (tsigane). Les conditions de vie dans les prisons étaient parfois inhumaines et dégradantes, et des détenus auraient été maltraités.

Contexte
La corruption généralisée, qui touchait toutes les sphères de la société, hypothéquait les possibilités du gouvernement de promouvoir le respect des droits fondamentaux et d’améliorer la situation économique. Il était relativement rare qu’un responsable ait à répondre, que ce soit sur le plan politique ou sur le plan pénal, d’accusations d’abus de pouvoir. Le niveau de vie de la plupart des personnes n’a pas évolué, en particulier l’accès aux services les plus élémentaires tels que les soins de santé ou les aides sociales.
Dans un rapport publié au mois de novembre, l’Union européenne (UE) a clairement fait savoir que la Roumanie ne pourrait en faire partie tant qu’elle n’aurait pas amélioré son économie et appliqué un certain nombre de réformes judiciaires et administratives.
Une version révisée de la Constitution est entrée en vigueur à l’issue du référendum d’octobre. La manière dont s’est déroulée cette consultation a été critiquée par les observateurs indépendants ainsi que par les principaux partis de l’opposition roumaine, qui ont en outre affirmé que certaines indications laissaient à penser que le taux de participation de 50 p. cent, nécessaire pour que le référendum soit validé, n’avait pas été atteint. Les modifications apportées à la Constitution visaient à rendre plus efficace le processus législatif et à renforcer l’indépendance du pouvoir judiciaire. Elles risquaient toutefois de ne pas suffire pour garantir une plus grande transparence du processus législatif et réduire le risque d’influence du ministère de la Justice sur l’appareil judiciaire.
La traite de femmes et d’enfants à des fins d’exploitation sexuelle constituait toujours un grave problème. La Loi relative à la lutte contre la traite, adoptée en 2001, n’a débouché sur aucune amélioration notable de la situation. Il apparaissait, dans les affaires signalées, que les responsables de l’application des lois ne faisaient pas le nécessaire pour protéger les victimes.

Torture et mauvais traitements
Les nombreux cas de mauvais traitements imputables à des responsables de l’application des lois qui ont encore été signalés cette année et qui constituaient parfois des actes de torture indiquaient que les pouvoirs publics n’avaient fait aucun progrès dans ce domaine. Dans un cas au moins, les mauvais traitements ont provoqué la mort de la victime.
Au mois d’octobre, Marian Predic_, vingt ans, qui se trouvait en détention provisoire au pénitencier de Rahova, à Bucarest, a été conduit sans connaissance dans un hôpital, où il est mort cinq jours plus tard d’une hémorragie cérébrale. L’autopsie a permis d’établir que le décès était principalement dû à une blessure à la tête, occasionnée par des violences qui avaient eu lieu trois ou quatre jours avant l’hospitalisation du jeune homme. Un spécialiste réputé a affirmé que Marian Predic_ n’aurait probablement pas succombé s’il avait été soigné rapidement. Peu de temps avant sa mort, le jeune homme avait apparemment été battu par des agents de l’unité d’intervention du pénitencier.
En mai, Mircea Iustian, président de la Commission sénatoriale des droits humains, a écrit aux procureurs militaires pour leur demander des précisions sur les morts en détention signalées dans le Rapport 2003 d’Amnesty International. On ignorait s’il avait reçu une réponse. Les informations communiquées à Amnesty International par le gouvernement roumain indiquaient cependant que les autorités n’avaient toujours pas fait le nécessaire pour que les affaires qui lui étaient signalées fassent l’objet d’enquêtes indépendantes et impartiales, comme l’exige le droit international. Un seul cas a donné lieu à des poursuites et à une condamnation : deux fonctionnaires ont été reconnus coupables de la mort de Dumitru Grigoras, en juillet 2001. En fait, les pouvoirs publics semblaient même prendre des mesures susceptibles de rendre les enquêtes encore plus opaques qu’elles ne l’étaient déjà : une directive envoyée en août par les ministères de la Justice et de la Santé au sujet des enquêtes sur les décès survenus dans les pénitenciers disposait ainsi que « les conclusions relatives aux services et aux soins médicaux fournis [relevaient] du secret d’État ».
Comme dans le passé, la majorité des victimes présumées de mauvais traitements policiers étaient des personnes soupçonnées de délits mineurs ou ayant eu la malchance de se trouver sur les lieux d’une opération des forces de sécurité. Plusieurs individus souffrant d’un handicap mental figuraient parmi elles. Des violences sexuelles contre des femmes, y compris des viols, ont été signalées.
En août, une femme de quarante-cinq ans vivant à Laslea a affirmé avoir été violée par le responsable d’un poste de police local venu enquêter chez elle à la suite de la plainte d’un voisin. Bien qu’elle ait obtenu un certificat médicolégal le jour même, elle n’a pu porter plainte auprès de l’Inspection de la police du district avant quatre jours. Une commission de la police chargée d’enquêter sur l’affaire aurait organisé une confrontation entre l’agresseur présumé et la victime et aurait persuadé cette dernière de retirer sa plainte par égard pour la famille du fonctionnaire incriminé.
La police maltraitait fréquemment les Rom, visiblement dans l’intention d’intimider l’ensemble de cette communauté marginalisée. Certaines victimes, craignant d’être encore plus harcelées, avaient peur de témoigner auprès des organisations non gouvernementales ou de porter plainte. Un certain nombre de Rom ont été maltraités par des vigiles privés agréés par les services de police.
Olga David, une Rom de quarante et un ans, est morte en novembre, à Petrosani, des suites de blessures qui lui avaient apparemment été infligées dix jours auparavant par trois agents de sécurité d’une mine de charbon. Ces derniers l’avaient passée à tabac après qu’elle fut venue, avec sa nièce de douze ans, ramasser du charbon pour chauffer la pièce unique, dépourvue d’électricité et d’eau courante, dans laquelle elle habitait.
Les enfants n’étaient pas épargnés par les mauvais traitements policiers. Au mois de mars, le Comité des droits de l’enfant des Nations unies s’est déclaré préoccupé par le nombre d’allégations selon lesquelles des enfants seraient victimes de mauvais traitements et de torture. Il a regretté qu’aucune suite n’ait été donnée à la plupart de ces allégations et a exprimé ses craintes qu’elles n’aient pas fait l’objet d’enquêtes diligentes de la part d’une autorité indépendante. Le Comité a recommandé à la Roumanie « de prendre sans tarder des mesures pour mettre un terme à la violence policière contre les enfants et combattre la culture de l’impunité qui prévaut à l’égard de tels actes ».
Une vingtaine de policiers masqués se sont présentés en octobre chez Ion Catrinescu, à Urlati. Ils entendaient procéder à une perquisition, accusant le fils aîné de la famille d’avoir volé un peu de maïs. Les policiers ont fait irruption dans la cour de la maison, puis ont frappé Niculina Catrinescu à la poitrine avec une arme, la faisant tomber à terre. Ils l’ont ensuite rouée de coups de pied sur tout le corps. Ses fils Cristian, dix-sept ans, et Bujor Julian, quatorze ans, ont également été frappés. Ion Catrinescu, qui tenait dans ses bras sa fille de seize mois, a lui aussi été battu avant d’être grièvement blessé au pied droit par une balle tirée presque à bout portant.
Certaines pratiques abusives de la police roumaine ont été confirmées par le rapport publié en avril par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) sur sa deuxième visite en Roumanie, effectuée au début de l’année 1999. Le CPT a recueilli de nombreuses allégations de mauvais traitements physiques, parfois extrêmement graves, formulées par des hommes, majeurs et mineurs, mais aussi par quelques femmes. Les violences avaient lieu pendant les périodes d’interrogatoire et visaient à faire « avouer » des infractions. Les mauvais traitements consistaient en des gifles, des coups de poing, de pied et de matraque, des coups assénés sur la plante des pieds alors que la victime était agenouillée sur une chaise ou suspendue à une barre, ou encore des coups de bâton sur le corps de la victime enroulée dans un tapis. Le CPT est retourné en Roumanie les trois années suivantes, mais le gouvernement roumain n’avait pas encore autorisé la publication des rapports sur ces nouvelles visites.
Amnesty International s’est félicitée de la modification apportée au Code de procédure pénale, qui faisait passer de trente à trois jours la durée maximum pendant laquelle un procureur pouvait maintenir un suspect en détention. Des améliorations sensibles en matière de détention provisoire sont également intervenues, ou devaient intervenir en janvier 2004, notamment à propos du droit de garder le silence. Ces mesures faisaient suite à un arrêt prononcé en juin par la Cour européenne des droits de l’homme.

Usage illégal d’armes à feu par la police
Les autorités n’avaient toujours pas apporté de solution au problème du recours aux armes à feu par les responsables de l’application des lois dans des circonstances non autorisées par les normes internationales. Presque aucune des enquêtes menées sur les affaires de ce genre n’a été impartiale, indépendante et approfondie. Les pouvoirs publics ne publiaient pas de statistiques en la matière, mais les personnes abusivement blessées par balle par la police se comptaient par dizaines.
_Au mois d’avril, à Iasi, deux policiers en civil ont blessé par balle Leonard Drugu, vingt-quatre ans, et Aurel Gândac, trente-deux ans, deux Rom qui se trouvaient en compagnie de trois mineurs. Tous les cinq étaient apparemment soupçonnés d’avoir commis un vol dans une voiture. Aucun n’était armé et ne menaçait réellement la vie des policiers ou de tiers. Les victimes ont déclaré au Centre d’aide pour les Rom (organisation locale de défense des droits humains) que les policiers ne leur avaient pas donné l’ordre de s’arrêter, ne s’étaient pas identifiés et n’avaient pas tiré de coup de feu de sommation comme ils le prétendaient. Leonard Drugu a été atteint à la jambe gauche, Aurel Gândac dans le dos. Une fois tombé à terre, Leonard Drugu a été menotté. Il aurait été frappé par les policiers, notamment à coups de pied, avant d’être conduit à l’hôpital. Aurel Gândac a, lui, été emmené à l’hôpital en taxi, par sa femme. Le couple se serait vu interdire l’entrée de l’établissement par une cinquantaine de policiers masqués, qui auraient également frappé deux femmes rom qui voulaient elles aussi pénétrer dans l’hôpital. Un médecin a finalement fait entrer Aurel Gândac. Les trois mineurs impliqués dans cette affaire - Florin L_cust_ et Florin Drugu, tous deux âgés de treize ans, et Nelu Hristache, douze ans - ont été arrêtés. Ils auraient été frappés et menacés avec des armes à feu.

Conditions carcérales
Dans certaines prisons, les conditions de vie déplorables, la forte surpopulation et le manque d’activités constituaient un traitement inhumain et dégradant. Dans l’ensemble du système carcéral, les services médicaux étaient médiocres et souvent inadaptés. Les détenus autorisés à bénéficier de soins médicaux en milieu hospitalier se retrouvaient souvent attachés à leur lit par des menottes, malgré la présence de gardes chargés de les surveiller. Les détenus atteints de handicaps physiques ou mentaux étaient confrontés à des difficultés particulières. Dans l’hôpital d’une prison, notamment, les patients souffrant de troubles mentaux portaient des menottes. Dans certains établissements, les détenus n’étaient pas autorisés à s’entretenir en privé avec leur avocat. Ailleurs, aucun lieu n’était prévu pour les visites.
_Selon le Comité Helsinki de Roumanie, le pénitencier de Bac_u, d’une capacité officielle de 1 031 lits, accueillait 1 604 détenus en mai 2003. En raison de la surpopulation, les détenus disposaient en moyenne d’une demi-heure à trois quarts d’heure de promenade à l’air libre. Dans une pièce, 30 femmes devaient se partager 18 lits et n’avaient aucune activité. Dans une autre cellule, 78 hommes se partageaient 30 lits. Un détenu présentant une plaie infectée à la jambe a demandé chaque jour, pendant une semaine, à être conduit à l’infirmerie, en vain. Un autre a affirmé qu’il avait été roué de coups par cinq codétenus à l’instigation de surveillants, mais qu’aucune enquête n’avait été menée sur sa plainte.

Violence domestique
Le Parlement a adopté en mai la Loi sur la prévention et la répression de la violence domestique. La réglementation permettant son application n’a malheureusement pas été mise en place. L’organisation non gouvernementale roumaine Centre de partenariat pour l’égalité a publié en décembre une étude très complète sur les conséquences de la violence domestique. L’enquête nationale menée par l’organisation sur un échantillon de 1 806 personnes montrait qu’une femme sur cinq environ était victime de violences conjugales. La majorité des Roumains avaient tendance à considérer la violence domestique comme un phénomène « normal ».

Visites d’Amnesty International
Un délégué d’Amnesty International s’est rendu en Roumanie au mois de novembre pour y effectuer des recherches.

Autres documents d’Amnesty International

Romania : Further deaths in custody in suspicious circumstances (EUR 39/003/2003).
Romania : Further reports of unlawful use of firearms by law enforcement officials (EUR 39/006/2003).
Concerns in Europe and Central Asia, January-June 2003 : Romania (EUR 01/016/2003).

2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit