Algérie

RÉPUBLIQUE ALGÉRIENNE DÉMOCRATIQUE ET POPULAIRE
CAPITALE : Alger
SUPERFICIE : 2 381 741 km_
POPULATION : 31,8 millions
CHEF DE L’ÉTAT : Abdelaziz Bouteflika
CHEF DU GOUVERNEMENT : Ali Benflis, remplacé par Ahmed Ouyahia le 5 mai
PEINE DE MORT : abolie en pratique
CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES : ratifiée avec réserves
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES : non signé

Un très grand nombre de personnes ont été tuées dans le conflit interne que connaît le pays depuis 1992. Des centaines de civils ont trouvé la mort dans des attaques perpétrées par des groupes armés. Plusieurs centaines de membres des forces de sécurité et des milices armées par l’État ont été tués lors d’attaques et d’embuscades. Des centaines de membres présumés des groupes armés ont été tués lors d’opérations menées par les forces de sécurité. Le recours à la torture était toujours très répandu, notamment pendant la détention secrète et non reconnue ; il était pratiquement systématique pour ceux qui étaient soupçonnés d’implication dans des activités « terroristes ». Comme les années précédentes, les défenseurs des droits humains ont été soumis à des restrictions et les journalistes qui avaient dénoncé la corruption des plus hautes autorités ont été pris pour cible. Malgré l’intensification du débat sur les droits humains, l’impunité restait l’obstacle principal au traitement des séquelles des violations passées de ces droits, notamment des milliers de cas de torture, de « disparition » et d’homicide signalés depuis 1992 et imputables aux forces de sécurité, aux milices armées par l’État et aux groupes armés. L’état d’urgence proclamé en 1992 n’avait toujours pas été levé à la fin de l’année. Plusieurs membres présumés de groupes armés ont été condamnés à mort. Le moratoire sur les exécutions était toujours en vigueur.

Contexte

La situation politique était instable, en raison des luttes ouvertes de pouvoir à l’approche de l’élection présidentielle, qui devait se tenir au mois d’avril 2004. Les manifestations, les grèves et les protestations se sont multipliées, dégénérant, dans certains cas, en affrontements violents entre les manifestants et les forces de sécurité. Les Algériens ont exprimé leur mécontentement à propos des problèmes socioéconomiques et politiques internes, ainsi que leur opposition à la guerre en Irak. Imposée en octobre 2001, l’interdiction des manifestations dans la capitale, Alger, est restée en vigueur.
Des organisations de défense des droits des femmes ont poursuivi leur campagne pour réclamer la réforme du Code de la famille et l’égalité juridique entre hommes et femmes.
En Kabylie, région à majorité amazigh (berbère) du nord-est du pays, les négociations se sont poursuivies entre le gouvernement et certains représentants du mouvement qui revendique une plus grande autonomie ainsi que la reconnaissance de la langue et de la culture amazigh. La plupart des militants kabyles emprisonnés ont été libérés sous condition au cours de l’année ; toutefois, certains étaient toujours inculpés de trouble à l’ordre public ou d’appartenance à des organisations interdites.
Trente-deux touristes européens ont été enlevés en février et en mars non loin de la ville d’Illizi, dans le Sahara algérien. Dix-sept d’entre eux ont été libérés en mai et 14 autres en août, dans le nord du Mali. Une femme est morte, apparemment d’épuisement dû à la chaleur. Ces enlèvements auraient été perpétrés par le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), un groupe armé.
Les États-Unis et plusieurs États membres de l’Union européenne ont réitéré publiquement leur soutien à la politique algérienne de « lutte contre le terrorisme », ouvrant ainsi la voie à la reprise des transferts militaires au profit de l’Algérie, après plusieurs années d’embargo de facto.

Homicides

Le conflit qui a débuté en 1992 s’est poursuivi et, selon des chiffres officiels qui n’ont pas été confirmés de source indépendante, 900 personnes environ ont trouvé la mort au cours de l’année. Au nombre des victimes figuraient des centaines de civils tués lors d’attaques perpétrées par des groupes armés et dont les auteurs n’étaient généralement pas identifiés. Par ailleurs, plusieurs centaines de membres des forces de sécurité et des milices armées par l’État ont trouvé la mort lors d’attaques ou dans des embuscades. Enfin, des centaines de membres de groupes armés ont été tués lors d’opérations menées par les forces de sécurité. Très peu d’informations étaient disponibles sur les tentatives pour les appréhender, ce qui laissait craindre que certains n’aient été victimes d’exécutions extrajudiciaires. Sur la foi d’informations fournies par les services de sécurité, la presse algérienne a également rapporté des cas isolés d’enlèvement de femmes et de jeunes filles par des groupes armés.

Torture et détention secrète
Le recours à la torture, qui restait très répandu, était favorisé par la pratique persistante de la détention secrète et non reconnue. Les personnes soupçonnées de crimes qualifiés d’« actes terroristes ou subversifs » étaient systématiquement torturées. Les responsables de l’application des lois ne respectaient pas les garanties légales contre la torture et la détention secrète. Aucune allégation de torture n’a fait l’objet d’une enquête approfondie, indépendante et impartiale.
_Mohamed Belkheir, un restaurateur arrêté en mars, aurait été torturé pendant ses dix jours de garde à vue au centre de détention de la Sécurité militaire de Ben Aknoun, à Alger. Cet homme de quarante-deux ans s’est plaint d’avoir été attaché et forcé d’avaler une grande quantité d’eau sale ; il aurait également été battu et aurait reçu des décharges électriques. Il a, semble-t-il, été contraint de signer des « aveux » sans être autorisé à lire le procès-verbal. Mohamed Belkheir a été inculpé d’appartenance à un groupe « terroriste » et de rétention d’informations ; il a nié les faits qui lui étaient reprochés. Bien qu’il ait été examiné par un médecin au moment où il a été placé en détention provisoire, l’origine probable des lésions constatées sur différentes parties de son corps n’a pas été établie et ses allégations de torture n’ont fait l’objet d’aucune enquête.

Impunité
Aucune enquête exhaustive, indépendante et impartiale n’a été menée sur les crimes contre l’humanité commis depuis 1992, notamment les milliers d’exécutions extrajudiciaires, d’homicides délibérés et arbitraires de civils, d’actes de torture et de mauvais traitements ainsi que de « disparitions ». Dans la très grande majorité des cas, aucune initiative concrète n’avait apparemment été prise par les autorités pour traduire en justice les responsables présumés des atteintes aux droits humains perpétrées au cours de l’année ou des années précédentes et imputables aux forces de sécurité, aux milices armées par l’État ou aux groupes armés.
« Disparitions »
Le débat public sur les « disparitions » s’est intensifié au cours de l’année. Farouk Ksentini, président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’homme (CNCPPDH), a réaffirmé que la question des « disparus » serait résolue et il a rencontré des organisations représentant les familles des « disparus ». En septembre, le président Bouteflika a mis en place un mécanisme temporaire de prise en charge de cette question, présidé par Farouk Ksentini et formé de six membres désignés de la CNCPPDH. Les familles des « disparus » et les organisations qui font campagne sur cette question n’ont pas été consultées à propos de la création de cet organisme. Celui-ci doit faciliter les contacts entre les familles des « disparus » et les autorités, mais il n’est pas habilité à enquêter sur des cas de « disparition ».
Aucune autre mesure n’a été prise et aucune évolution n’a été constatée vers l’ouverture d’enquêtes sur les milliers de cas de « disparition » recensés, pour la plupart, entre 1994 et 1998. Les autorités continuaient de nier toute responsabilité des agents de l’État dans cette pratique répandue.
Kabylie
Les autorités n’ont donné aucune suite à l’enquête menée en 2001 sur la mort de plusieurs dizaines de manifestants en Kabylie, qui a conclu que des agents de l’État avaient eu recours à la force meurtrière de manière excessive lors des manifestations. Le gouvernement a annoncé que le processus d’indemnisation des victimes et de leurs proches était en cours, mais aucune enquête n’avait apparemment été ouverte sur le cas des 100 manifestants au moins qui ont été tués et des centaines d’autres qui ont été blessés par balle. Les autorités ont affirmé qu’une vingtaine de gendarmes avaient été jugés pour utilisation abusive d’armes à feu. Toutefois, aucune information n’a permis de confirmer que des gendarmes avaient été traduits en justice pour les violations des droits humains commises dans le cadre de la dispersion des manifestations en Kabylie.

Défenseurs des droits humains
Comme les années précédentes, les défenseurs des droits humains se sont vu imposer des restrictions à leurs activités. Certains ont été arrêtés et ont fait l’objet de poursuites judiciaires. La liberté d’association et de réunion demeurait limitée.
Les organisations œuvrant pour les victimes de « disparition » ne parvenaient toujours pas à obtenir une reconnaissance officielle. Bien que leurs manifestations aient été largement tolérées, des cas de harcèlement et d’intimidation ont été signalés.
Plusieurs proches de « disparus » ont été arrêtés à Oran en juillet, lors de leur manifestation hebdomadaire devant le palais de justice. Ils ont été condamnés à des amendes pour troubles sur la voie publique.
_L’acquittement et la remise en liberté de Salaheddine Sidhoum, un médecin et défenseur des droits humains qui vivait dans la clandestinité depuis neuf ans, a constitué un événement positif. La condamnation à vingt années d’emprisonnement prononcée par contumace en 1997 à son encontre pour « actes terroristes ou subversifs » a été annulée, en octobre, par un tribunal pénal d’Alger, après qu’il se fut livré aux autorités.

Liberté d’expression
Les restrictions à la liberté d’expression ont été renforcées alors que s’exacerbaient les tensions politiques à l’approche du scrutin présidentiel de 2004. En août, six journaux privés ont été empêchés de paraître, officiellement parce qu’ils devaient de l’argent à l’imprimerie gérée par les autorités. Toutes ces publications avaient dénoncé au cours des mois précédents la corruption de certains responsables gouvernementaux et leur implication dans des scandales financiers. Plusieurs journalistes et un directeur de publication à l’origine d’articles et de caricatures ont été condamnés à des peines d’emprisonnement avec sursis pour diffamation, notamment envers le chef de l’État.
_Hassan Bouras, un journaliste travaillant dans la province d’El Bayadh, a été arrêté en novembre et détenu pendant près d’un mois. Il avait évoqué dans ses articles des faits de corruption dans lesquels seraient impliqués des notables locaux. Inculpé de diffamation, il a été condamné à deux années d’emprisonnement, une amende et cinq ans d’interdiction d’exercice de son métier. En décembre, une cour d’appel a réduit sa peine à une amende et au versement de dommages et intérêts.
Plusieurs journalistes étrangers ont été expulsés d’Algérie au mois de juillet. Cette mesure, qui a fait suite à la remise en liberté d’Abassi Madani et d’Ali Benhadj, les deux anciens dirigeants du Front islamique du salut (FIS), parti islamiste interdit, avait pour but d’empêcher les médias étrangers d’évoquer ces libérations. Abassi Madani et Ali Benhadj avaient été condamnés à douze années d’emprisonnement en 1992, à l’issue d’un procès inéquitable. Ils avaient été arrêtés à la suite de l’annulation des premières élections multipartites organisées en Algérie et de l’interdiction du FIS, qui semblait en passe de les remporter. Lors de la remise en liberté des deux hommes, le procureur militaire a restreint leurs droits civils et politiques, apparemment en l’absence d’une décision de justice.

Conditions carcérales
Dans le cadre de la réforme de la justice en cours, une amélioration des conditions de détention a été signalée ; celles-ci restaient toutefois une source de profonde préoccupation. Les conclusions de l’enquête ordonnée par le ministre de la Justice sur les circonstances de la mort d’une cinquantaine de détenus à la suite d’incendies qui s’étaient déclarés dans plusieurs prisons en 2002 n’ont pas été rendues publiques. Des grèves de la faim entamées par des groupes de détenus ont été signalées dans différentes prisons tout au long de l’année. Plusieurs dizaines de prisonniers ont protesté contre leur détention sans jugement qui durait depuis plus d’un an. Selon la législation algérienne, les personnes accusées de crimes qualifiés d’« actes terroristes ou subversifs » peuvent être maintenues en détention provisoire jusqu’à trente-six mois.
Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a poursuivi ses visites dans les prisons, qui avaient repris en 1999. Il a pu se rendre dans un certain nombre de postes de police et de centres de détention placés sous l’autorité de la gendarmerie. Aucune organisation indépendante n’a été autorisée à visiter les prisons militaires ni les centres de détention qui dépendent de la Sécurité militaire, où de nombreux cas de torture et de mauvais traitements, de même que des conditions inhumaines, sont régulièrement signalés.

Mécanismes des Nations unies dans le domaine des droits humains
Le Groupe de travail des Nations unies sur les disparitions forcées ou involontaires, le rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires et arbitraires et le rapporteur spécial sur la torture n’ont toujours pas été autorisés à se rendre en Algérie. Dans le rapport qu’il a présenté en 2003, le rapporteur spécial sur la torture a indiqué qu’il continuait à recevoir des informations selon lesquelles un grand nombre de personnes seraient soumises à des actes de torture et à d’autres formes de mauvais traitements. Il a ajouté qu’il avait constaté le rejet, par le gouvernement, de la plupart des allégations au motif qu’aucune plainte n’avait été déposée mais que, étant donné la nature des allégations formulées, il n’était pas raisonnable de penser que les victimes présumées puissent porter plainte. Enfin, il a rappelé aux autorités leur obligation d’ordonner une enquête approfondie sur tous les cas de torture, même en l’absence de plainte.

Visites d’Amnesty International
Des représentants d’Amnesty International ont effectué une visite en Algérie fin février et début mars, la première depuis plus de deux ans. Un délégué a également assisté, en octobre, au procès de Salaheddine Sidhoum.

Autres documents d’Amnesty International

Algérie. Mesures prometteuses ou simples faux-fuyants ? (MDE 28/005/2003).
Algérie. Les demandeurs d’asile fuient la crise persistante des droits humains. Informations sur la situation des demandeurs d’asile originaires d’Algérie (MDE 28/007/2003).

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