OUGANDA

République de l’Ouganda
CAPITALE : Kampala
SUPERFICIE : 241 038 km²
POPULATION : 28,8 millions
CHEF DE L’ÉTAT : Yoweri Kaguta Museveni
CHEF DU GOUVERNEMENT : Apollo Nsibambi
PEINE DE MORT : maintenue
COUR PÉNALE INTERNATIONALE : Statut de Rome ratifié
CONVENTION SUR LES FEMMES : ratifiée
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR LES FEMMES : non signé

L’indépendance de la justice, la liberté d’expression et la liberté de la presse ont été battues en brèche. Les violences contre les femmes et les jeunes filles étaient généralisées. Des actes de torture imputables à des agents des forces de sécurité continuaient d’être signalés.

Contexte

Le 28 juin, le Parlement a adopté des modifications à la Constitution qui abrogeaient la disposition empêchant un président d’exercer plus de deux mandats. Les manifestations de protestation contre ce vote ont donné lieu à des affrontements avec la police antiémeutes. Le 28 juillet, un referendum national a permis le retour à un système politique multipartite.
Cette année encore, des civils ont subi des violences de la part de toutes les parties au conflit qui se déroulait dans le nord du pays. En octobre, la Cour pénale internationale a décerné des mandats d’arrêt contre cinq dirigeants du groupe d’opposition armé Lord’s Resistance Army (LRA, Armée de résistance du Seigneur). Joseph Kony, le chef du mouvement, Vincent Otti, son bras droit, Okot Odhiambo, Dominic Ongwen et Raska Lukwiya étaient accuses de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre perpétrés en Ouganda à partir de juillet 2002.

Indépendance du pouvoir judiciaire

Le candidat à l’élection présidentielle de 2006 présenté par le parti d’opposition Forum for Democratic Change (FDC, Forum pour un changement démocratique), l’ancien colonel et médecin Kizza Besigye, a été arrêté le 14 novembre. Il a été inculpé de viol et, de même que 22 autres personnes, de trahison et de non-dénonciation de trahison.
Le 16 novembre, la Haute Cour a accordé la remise en liberté sous caution à 14 des personnes inculpées de trahison. Néanmoins, elles n’ont pas été libérées car des fonctionnaires des forces de sécurité puissamment armés avaient été déployés dans l’enceinte même de la Haute Cour, semble-t-il pour les interpeller dès leur libération et les renvoyer en prison. Le 18 novembre, ces 14 personnes ont été présentées devant un tribunal militaire et accusées de terrorisme. Le 28 novembre, les avocats dans tout le pays ont observé une grève d’une journée en guise de protestation contre cette intrusion dans la Haute Cour.
Des milliers de personnes ont manifesté dans le centre de Kampala pour dénoncer l’arrestation de Kizza Besigye. La police antiémeutes a tiré à balles réelles et utilisé du gaz lacrymogène et des canons à eau pour disperser les manifestants. Au cours des deux jours d’émeutes, au moins une personne a été tuée et des dizaines d’autres ont été arrêtées. Le ministre de l’Intérieur a interdit toute manifestation et tout défilé en attendant la demande de mise en liberté sous caution et le procès de Kizza Besigye.
Le 24 novembre, ce dernier a été inculpé devant le tribunal militaire pour terrorisme et détention illégale d’armes à feu. Le même jour, il devait comparaître devant la Haute Cour pour l’examen de sa demande de libération sous caution. Deux avocats qui le représentaient devant la juridiction militaire ont été accusés d’entrave à la bonne marche de la justice et retenus durant sept heures alors qu’ils tentaient d’expliquer que leur client devait se présenter devant la Haute Cour. Tous deux ont été déclarés coupables et condamnés au paiement d’une amende.
Le 25 novembre, la Haute Cour a accordé à Kizza Besigye une mise en liberté sous caution mais, le matin même, le tribunal militaire l’empêchait de recouvrer sa liberté en le réincarcérant à la prison de haute sécurité de Luzira. La Haute Cour a ordonné à la juridiction militaire de suspendre son procès en attendant que la Cour constitutionnelle se soit prononcée sur sa légalité. Elle s’est vu répondre que le jugement aurait lieu comme prévu. Le 19 décembre, Kizza Besigye a comparu devant la Haute Cour, son procès devant le tribunal militaire étant programmé pour le même jour. À la fin de l’année, il était toujours incarcéré, le jugement de ses affaires (trahison et viol) ayant été renvoyé à janvier 2006.

Attaques contre la liberté d’expression

La liberté d’expression et la liberté de la presse ont encore fait l’objet d’attaques et de menaces. Des journalistes étaient poursuivis en raison même de leur activité.
En février, le Conseil des médias a interdit la pièce de l’auteure dramatique américaine Eve Ensler intitulée Les Monologues du vagin. Plusieurs organisations de femmes avaient prévu des représentations afin de sensibiliser la population à la question des violences faites aux femmes.
En août, le Conseil ougandais de diffusion a suspendu pour une semaine l’autorisation d’émettre de la station de radio 93.3 K FM, après qu’elle eut diffuse une émission revenant sur l’accident d’hélicoptère qui avait coûté la vie à John Garang de Mabior, vice-président du Soudan et dirigeant d’un mouvement du sud de ce pays, et à sept membres d’équipage ougandais. L’animateur de l’émission, Andrew Mwenda, a été accusé de sédition avant d’être remis en liberté sous caution. À la fin de l’année, la date de son jugement n’avait pas été fixée car l’issue d’un recours constitutionnel déposé contre les lois relatives à la sédition n’était pas connue.
Le 17 novembre, des policiers et des agents des renseignements ont effectué une descente dans les locaux de Monitor Publications, une entreprise de presse qui est également propriétaire de la radio 93.3 K FM : le quotidien The Monitor avait diffuse une annonce payante du FDC demandant des fonds pour financer l’aide judiciaire aux prisonniers politiques détenus en Ouganda ; la police a prétendu que l’annonce était illégale, au motif que le FDC n’avait pas obtenu d’autorisation pour collecter des fonds.
Le 22 novembre, le ministre d’État de l’Information et de la Diffusion a émis une directive qui annulait l’autorisation d’émettre ou de diffuser de tout media organisant des débats sur des affaires en cours de jugement. Il a précisé que, le procès de Kizza Besigye ayant débuté, toutes les émissions de débat évoquant de près ou de loin cette affaire ou celles qui y sont liées étaient interdites.

Conflit dans le nord de l’Ouganda

À la fin de l’année 2005, le conflit qui avait éclaté dix-neuf ans auparavant entre le gouvernement et la LRA durait encore. Des affrontements entre les Uganda People’s Defence Forces (UPDF, Forces de défense populaire de l’Ouganda) et la LRA étaient signalés dans les districts de Gulu, Pader, Kitgum, Lira et Apac.
Fin août, le nombre de personnes déplacées vivant dans les camps du nord de l’Ouganda était estimé à 1,4 million. En raison de la surpopulation et des mauvaises conditions sanitaires qui y régnaient, les risques de maladies, comme le choléra, étaient très élevés et l’insécurité faisait craindre des violations des droits humains. En février, le gouvernement a officiellement lancé une politique nationale en faveur des personnes déplacées à l’intérieur du pays et déclaré qu’elle s’appuyait sur le droit international humanitaire, les instruments relatifs aux droits humains et la législation nationale.
La LRA s’est mise à opérer de jour, contrairement à ses habitudes, et a continué de monter des embuscades sur les routes pour s’attaquer à des civils.
Le 21 novembre, un groupe de sept à dix combattants de la LRA a tendu une embuscade à un minibus faisant le taxi entre Pader et Paiula, dans le district de Pader. Deux civils sont été tués sur-le-champ et dix autres ont été contraints de sortir du véhicule puis allongés à terre et exécutés. Le véhicule a ensuite été incendié.
Les attaques menées par la LRA contre des membres d’organisations non gouvernementales (ONG) se trouvant dans les zones de conflit ont rendu dangereux l’acheminement de l’aide humanitaire.
Le 26 octobre, lors d’une embuscade organisée par la LRA sur la route de Pader à Pajule, un salarié de l’ONG Association de coopération et de recherche pour le développement (ACORD) a été tué et deux autres ont été blessés. Le même jour, à environ huit kilomètres de Kitgum, la LRA a tué un membre de Caritas.
Des soldats des forces gouvernementales ont eux aussi attenté aux droits fondamentaux de civils.
Le 16 octobre, à Gulu, les quatre membres d’une même famille ont été abattus par un soldat des UPDF à l’entrée principale du quartier général de la 4e division de l’armée. L’auteur des tirs était semble-t-il un ancien combattant de la LRA.

Torture

Tout au long de l’année 2005 des informations ont fait état d’actes de torture et de mauvais traitements infligés par des fonctionnaires des forces de sécurité.
Avec seize ans de retard, l’Ouganda a présenté au Comité contre la torture [ONU] son premier rapport sur la mise en œuvre de la Convention contre la torture. Le Comité s’est dit préoccupé par l’« écart disproportionné existant entre le nombre élevé de plaintes pour torture et mauvais traitements et le faible nombre de condamnations pour les auteurs de telles infractions », un décalage contribuant à l’impunité. Tout en reconnaissant la situation difficile créée par le conflit interne se déroulant dans le nord de l’Ouganda, le Comité a souligné « qu’aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu’elle soit, ne [pouvait] être invoquée pour justifier la torture ».
Au mois de juillet, la Haute Cour siégeant à Arua, dans le nord-ouest du pays, a ordonné à l’État de verser 20 millions de shillings ougandais (environ 9 000 euros) à Justin Okot, arrêté et torturé par les UPDF qui l’accusaient d’être un « collaborateur des rebelles ». Il avait été battu à coups de gourdin et de barres de fer et du plastique fondu avait été versé sur lui. Grièvement blessé, il souffre d’une invalidité permanente. Fin 2005, il n’avait pas été indemnisé.

Violences contre les femmes et les jeunes filles

Aussi bien dans la sphère publique que privée, les femmes et les jeunes filles continuaient d’être la cible de violences généralisées (passages à tabac, meurtres, agressions à l’acide, viols). Dans le nord de l’Ouganda, toutes les parties au conflit violaient et tuaient des femmes et des jeunes filles. Alors que la police faisait part de son inquiétude au sujet du nombre croissant de viols, notamment de fillettes, les actes de violence étaient rarement dénoncés par peur de représailles. Entre janvier et juin, 292 cas de viols de fillettes ont été signalés dans le centre-ouest de l’Ouganda (districts de Kabarole, Kamwenge, Bundibugyo, Kyenjojo et Kasese).
Au mois de septembre, le Comité des droits de l’enfant [ONU] a recommandé à l’État ougandais d’adopter des mesures législatives pour interdire la pratique persistante des mutilations génitales féminines et de conduire des campagnes de sensibilisation visant à combattre celles-ci, ainsi que d’autres pratiques traditionnelles nuisibles à la santé, à la survie et au développement des enfants, particulièrement des fillettes.

Peine de mort

Le 10 juin, la Cour constitutionnelle a rendu un jugement historique en se prononçant pour l’abolition des lois définissant des crimes obligatoirement punis de la peine de mort. Elle a estimé que celle-ci n’était pas inconstitutionnelle en soi quand elle était définie en tant que peine maximale, mais que les lois imposant la peine de mort pour certains crimes interféraient avec le pouvoir discrétionnaire des juges de dispenser la justice. La Cour a donc déclaré ces lois inconstitutionnelles et ordonné leur modification par le Parlement. Le procureur général a fait appel du jugement et, à la fin 2005, les parties attendaient l’audience d’appel devant la Cour suprême.
De nouvelles condamnations à mort ont été prononcées. Fin juin, 555 prisonniers, dont 27 femmes, se trouvaient dans le quartier des condamnés à mort de la prison de haute sécurité de Luzira. Aucune exécution n’a été signalée en 2005.

Visites d’Amnesty International

Une délégation de l’organisation s’est rendue dans le nord du pays en mai et en juin pour y effectuer des recherches. Au mois d’octobre, un représentant d’Amnesty International a rencontré le président Museveni, lors de sa visite au Royaume-Uni.

Autres documents d’Amnesty International

 Ouganda. Les médias indépendants et le droit à l’information menacés (AFR 59/006/2005).

 Ouganda. Premiers mandats d’arrêt décernés par la Cour pénale internationale : une étape initiale dans le traitement de l’impunité (AFR 59/008/2005).

 Ouganda. Le dirigeant de l’opposition placé en détention et ses coaccusés doivent bénéficier dans les meilleurs délais d’un procès équitable et public (AFR 59/015/2005).

 Ouganda. Atteinte à l’indépendance de la justice (AFR 59/017/2005).

Toutes les infos
Toutes les actions
2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit