MAROC ET SAHARA OCCIDENTAL

Royaume du Maroc
CAPITALE : Rabat
SUPERFICIE : 710 850 km²
POPULATION : 31,5 millions
CHEF DE L’ÉTAT : Mohammed VI
CHEF DU GOUVERNEMENT : Driss Jettou
PEINE DE MORT : abolie en pratique
COUR PÉNALE INTERNATIONALE : Statut de Rome signé
CONVENTION SUR LES FEMMES : ratifiée avec réserves
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR LES FEMMES : non signé

L’Instance équité et réconciliation (IER) a terminé ses travaux et remis son rapport au roi Mohammed VI. Elle a recommandé le versement d’une indemnisation à plus de 9 000 victimes d’atteintes aux droits humains perpétrées entre 1956 et 1999, mais n’a pas été autorisée à révéler l’identité des responsables de ces agissements. De nouvelles allégations ont été formulées à propos du rôle du Maroc dans la « guerre contre le terrorisme » menée par les États-Unis. Huit défenseurs des droits humains sahraouis ont été emprisonnés à la suite de manifestations qui ont eu lieu au Sahara occidental et que la police a dispersées en faisant un usage excessif de la force. Au moins 13 migrants ont été abattus à la frontière entre le Maroc et les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla. Le Front Polisario a libéré les derniers prisonniers de guerre marocains qu’il détenait, dans certains cas depuis près de vingt ans.

Contexte
Entre les mois de mai et de décembre, le Sahara occidental a été secoué par une série de manifestations ; la ville de Laayoune était particulièrement concernée. Dans de nombreux cas, les manifestants sahraouis ont exprimé leur soutien au Front Polisario (qui demande la mise en place d’un État indépendant sur ce territoire et a constitué un gouvernement en exil autoproclamé dans des camps de réfugiés du sud-ouest de l’Algérie) ou réclamé l’indépendance du Sahara occidental à l’égard du Maroc. Les manifestations semblaient découler de l’échec persistant des tentatives pour trouver une solution au conflit entre le Maroc et le Front Polisario sur le statut du Sahara occidental.

Instance équité et réconciliation
Cette première commission de la vérité au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, instance sans précédent dans la région, a terminé ses travaux au mois de novembre et a soumis ses conclusions au roi Mohammed VI. Depuis sa formation en janvier 2004, avec pour mandat d’enquêter sur les atteintes graves aux droits humains commises entre 1956 et 1999, l’IER avait recueilli des informations auprès de plus de 16 000 personnes. Beaucoup de celles-ci ont comparu personnellement devant cette instance et plusieurs dizaines ont témoigné lors de sept auditions publiques organisées dans six régions du pays et retransmises par la télévision nationale. L’audience qui devait se tenir à Laayoune, au Sahara occidental, a été annulée sans explication officielle. Amnesty International a collaboré avec l’IER, à laquelle elle a fourni des centaines de documents provenant de ses archives, et notamment des informations détaillées sur plusieurs centaines de cas de « disparition » et de détention arbitraire.
L’IER a tout particulièrement mis l’accent sur les modalités de réparation. Elle a conclu que 9 000 personnes devaient recevoir une indemnité, et elle a recommandé l’octroi d’une aide aux victimes d’atteintes aux droits humains qui avaient besoin de soins médicaux ou d’une réadaptation. Elle a également formulé une série de propositions de réformes législatives et institutionnelles.
Dans son rapport final, l’IER indique qu’elle a élucidé 742 cas de « disparition » et qu’un comité de suivi poursuivra les investigations sur 66 cas en suspens. Elle a toutefois précisé que les fonctionnaires, qui n’étaient pas tenus de collaborer avec elle, ne lui ont souvent pas remis les documents et témoignages qu’elle avait demandés. De nombreuses familles de « disparus » ont par conséquent été déçues.
Les statuts de l’IER lui interdisaient de révéler le nom des personnes responsables d’atteintes aux droits humains ; par ailleurs, dans son rapport final, elle n’a fait aucune proposition en vue d’obliger les auteurs présumés de violations à rendre compte de leurs actes. L’impunité dont bénéficiaient les auteurs de crimes commis par le passé restait un sujet de profonde préoccupation, d’autant plus que plusieurs de ceux-ci étaient toujours membres des forces de sécurité, occupant même dans certains cas des postes de direction. L’Association marocaine des droits humains, organisme indépendant dont l’attitude critique à l’égard de l’IER était particulièrement ferme, a organisé ses propres auditions publiques, au cours desquelles des victimes ont identifié des individus qu’elles tenaient pour responsables d’atteintes à leurs droits fondamentaux.

Atteintes aux droits humains dans le cadre de la « guerre contre le terrorisme »
De nouvelles allégations ont été formulées à propos du rôle du Maroc dans la « guerre contre le terrorisme » menée par les États-Unis. En décembre, un enquêteur du Conseil de l’Europe a déclaré qu’il pensait que des individus détenus auparavant en Europe par les États-Unis avaient été transférés un mois plus tôt en Afrique du Nord, probablement au Maroc. Les autorités marocaines ont démenti cette allégation, qui faisait toutefois écho à des informations antérieures selon lesquelles les Etats-Unis avaient transféré des détenus au Maroc aux fins d’interrogatoire.
Des informations sont parvenues à propos du cas de Benyam Mohammed al Habashi. Ce ressortissant éthiopien, arrêté au Pakistan en avril 2002 et placé en détention par les autorités pakistanaises, a affirmé qu’il avait été remis aux autorités des États-Unis en juillet 2002 et transféré au Maroc. Selon son récit, il a été détenu au secret pendant dix-huit mois dans ce dernier pays et systématiquement torturé sur ordre des autorités américaines, avant d’être emmené en Afghanistan puis sur la base navale américaine de Guantánamo Bay, à Cuba, où il était toujours détenu à la fin de l’année.
Plusieurs dizaines de militants islamistes présumés ont été arrêtés et ont fait l’objet de poursuites au cours de l’année 2005. Selon des sources officielles, plus de 3 000 personnes ont été arrêtées depuis les attentats à l’explosif perpétrés à Casablanca au mois de mai 2003, parmi lesquelles plus de 1 500 ont fait l’objet de poursuites pénales. Beaucoup de ces détenus ont été condamnés à des peines d’emprisonnement pour des chefs d’inculpation basés sur une définition large et imprécise du terrorisme. Au moins quatre condamnations à mort ont été prononcées.

Manifestations au Sahara occidental
La police a recouru à la force de manière excessive pour disperser les manifestations populaires qui ont secoué le Sahara occidental, et plus particulièrement la ville de Laayoune, entre mai et décembre. De très nombreuses personnes, des manifestants pour la plupart mais aussi des policiers, ont été blessées. Plusieurs centaines de personnes ont été arrêtées ; deux hommes seraient morts après avoir été violemment frappés lors de leur interpellation.
Hamdi Lembarki, âgé d’une trentaine d’années, est mort le 30 octobre des suites d’une blessure à la tête, selon le rapport d’autopsie. Des témoins oculaires ont affirmé que plusieurs policiers marocains avaient interpellé cet homme lors d’une manifestation à Laayoune et l’avaient emmené au pied d’un mur. Ils l’ont ensuite entouré et ont commencé à le frapper à coups de matraque sur la tête et d’autres parties du corps. Les autorités ont ordonné qu’une enquête soit ouverte pour déterminer les causes de sa mort.
Plusieurs dizaines de personnes arrêtées ont affirmé avoir été victimes d’actes de torture ou de mauvais traitements visant à les contraindre à signer des « aveux », à les dissuader de prendre encore part à des manifestations ou à les punir pour avoir prôné l’indépendance du Sahara occidental. Au mois de juillet, le ministère de la Justice a déclaré à Amnesty International que toutes les plaintes avaient été prises au sérieux et que des enquêtes avaient été ouvertes sur les allégations de torture et de mauvais traitements formulées dans trois plaintes.
Plusieurs dizaines de personnes ont été inculpées d’incitation ou de participation à des violences. Plus de 20 d’entre elles ont été déclarées coupables et condamnées à des peines de plusieurs années d’emprisonnement. C’était notamment le cas de sept défenseurs des droits humains de longue date qui avaient rassemblé et diffusé des informations à propos de la répression exercée par les forces de sécurité. Deux d’entre eux se sont plaints d’avoir été torturés durant leur interrogatoire. Un huitième défenseur des droits humains était en instance de procès à la fin de l’année. Ces huit hommes étaient susceptibles d’être considérés comme des prisonniers d’opinion.

Liberté d’expression
Des informations ont fait état de restrictions persistantes à la liberté d’expression, s’agissant tout particulièrement des questions liées à la monarchie et au conflit du Sahara occidental. Plusieurs journalistes travaillant pour des journaux et magazines indépendants, comme Tel Quel, ont été condamnés à des peines d’emprisonnement avec sursis ou à de lourdes amendes. Fait sans précédent, les autorités marocaines ont empêché l’accès aux sites Internet de plusieurs associations internationales qui prônent l’indépendance du Sahara occidental.
Au mois d’avril, Ali Lmrabet, journaliste et ancien prisonnier d’opinion, s’est vu interdire l’exercice de sa profession pour une durée de dix ans et a été condamné à une lourde peine d’amende après avoir été déclaré coupable de violation du Code pénal et du Code de la presse. Premier journaliste marocain à visiter les camps de réfugiés administrés par le Front Polisario dans le sud-ouest de l’Algérie, Ali Lmrabet avait rédigé un article dans lequel il affirmait que les Sahraouis étaient des réfugiés, et qu’ils n’étaient pas retenus en captivité comme les autorités marocaines l’avaient longtemps prétendu. Il a ensuite été accusé de diffamation envers le porte-parole d’une organisation marocaine qui fait campagne en faveur de la « libération » des Sahraouis qui vivent dans les camps.

Réforme législative
Torture
Les garanties légales contre la torture ont été renforcées. Une loi faisant de la torture une infraction pénale passible de lourdes peines d’emprisonnement a été approuvée par le Parlement en octobre. Au niveau international, le Maroc a reconnu la compétence du Comité contre la torture [ONU] pour examiner les plaintes déposées par des particuliers.
Droits des femmes
Les femmes continuaient d’être victimes de discrimination malgré la promulgation du nouveau Code de la famille en 2004. Toutefois, au mois de juillet, le roi Mohammed VI a annoncé la suppression d’un élément de discrimination, en déclarant que la Loi de 1958 relative à la citoyenneté allait être modifiée de façon à permettre aux enfants nés d’une mère marocaine et d’un père étranger d’obtenir la nationalité marocaine dans les mêmes conditions que les enfants nés d’un père marocain et d’une mère étrangère.

Réfugiés et migrants
Des milliers de migrants, dont beaucoup étaient originaires d’Afrique centrale et d’Afrique de l’Ouest, ont tenté de pénétrer dans des pays de l’Union européenne à partir du Maroc. Un certain nombre d’entre eux étaient des réfugiés ou des demandeurs d’asile. Beaucoup d’entre eux se sont regroupés à proximité des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla et ont cherché à s’y introduire par divers moyens, notamment en escaladant les clôtures marquant la frontière. La situation est devenue critique entre la fin d’août et le début d’octobre, car les forces de sécurité marocaines et espagnoles ont alors cherché à repousser les migrants en ayant recours à une force excessive et, dans certains cas, meurtrière. Au moins 13 personnes ont trouvé la mort dans ces circonstances ; certaines ont été abattues alors qu’elles escaladaient les barrières sans mettre en danger la vie des membres des forces de sécurité ou de quiconque. Des responsables marocains ont déclaré à Amnesty International en octobre que les autorités judiciaires avaient ouvert une enquête sur les circonstances de la mort des personnes dont le corps avait été retrouvé du côté marocain de la frontière.
À partir de septembre, les autorités marocaines ont chassé des centaines de migrants de leurs camps improvisés à proximité des enclaves. Quelques-uns ont été arrêtés et d’autres ont été conduits dans des régions désertiques lointaines, proches de la frontière algérienne, où ils ont été abandonnés sans abri, avec peu d’eau et de nourriture, ce qui aurait entraîné la mort de certains d’entre eux. Des centaines de migrants et de demandeurs d’asile ont ensuite été détenus dans des bases de l’armée sans bénéficier d’une assistance juridique ni d’autres droits garantis par la législation marocaine, comme le droit d’interjeter appel de leur placement en détention. De nombreux migrants ont été renvoyés dans leur pays, tandis que les demandeurs d’asile ont finalement bénéficié d’un examen de leur requête par des représentants du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, après s’être vu refuser pendant plusieurs semaines la possibilité de les rencontrer.

Camps du Front Polisario
Au mois d’août, le Front Polisario a libéré les derniers prisonniers de guerre qu’il détenait dans ses camps dans le sud-ouest de l’Algérie. Quatre cent quatre prisonniers ont été remis au Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et raccompagnés au Maroc ; certains d’entre eux étaient détenus depuis près de vingt ans.
En novembre, le Front Polisario s’est engagé à interdire totalement l’utilisation de mines antipersonnel en signant l’acte d’engagement de l’Appel de Genève, une organisation internationale qui œuvre afin que les acteurs armés non étatiques respectent les normes humanitaires.
Ceux qui ont commis dans ces camps des atteintes aux droits humains continuaient de jouir de l’impunité. Le Front Polisario n’a pris aucune mesure pour faire face à ce passé pesant.

Visites d’Amnesty International
Des délégués d’Amnesty International se sont rendus au Maroc en janvier pour rencontrer des membres de l’Instance équité et réconciliation, des responsables gouvernementaux et des associations locales. Au mois d’octobre, des représentants de l’organisation ont effectué des recherches sur les atteintes aux droits fondamentaux des migrants et des demandeurs d’asile qui tentaient de pénétrer dans les enclaves espagnoles de Ceuta et de Melilla. Un observateur d’Amnesty International s’est déplacé au Sahara occidental en novembre pour assister au procès de défenseurs des droits humains sahraouis.

Autres documents d’Amnesty International

 Maroc et Sahara occidental. Des défenseurs des droits humains sahraouis pris pour cible (MDE 29/008/2005).

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