YÉMEN

République du Yémen
CAPITALE : Sanaa
SUPERFICIE : 527 968 km²
POPULATION : 21 millions
CHEF DE L’ÉTAT : Ali Abdullah Saleh
CHEF DU GOUVERNEMENT : Abdel Kader Bajammal
PEINE DE MORT : maintenue
COUR PÉNALE INTERNATIONALE : Statut de Rome signé
CONVENTION SUR LES FEMMES : ratifiée avec réserves
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR LES FEMMES : non signé

Plusieurs centaines de personnes ont trouvé la mort au cours d’affrontements armés qui ont opposé, dans la province de Saada, les forces de sécurité et des partisans de Hussain Badr al Din al Huthi, un dignitaire religieux zaïdite. La police aurait fait une utilisation excessive de la force lors des violentes manifestations qui se sont déroulées en juillet contre l’augmentation du prix de l’essence. Plus d’un millier de partisans présumés de Hussain Badr al Din al Huthi ont été maintenus en détention sans inculpation ni jugement, de même que des centaines de personnes arrêtées les années précédentes dans le cadre de la « guerre contre le terrorisme » . Les rares prisonniers politiques qui ont été jugés ont comparu devant des juridictions appliquant des procédures non conformes aux normes internationales d’équité. Les restrictions à la liberté de presse ont été renforcées et les journalistes étaient fréquemment agressés, notamment par des policiers. Comme les années précédentes, des étrangers ont été renvoyés vers des pays où ils risquaient d’être victimes d’atteintes à leurs droits fondamentaux. Plusieurs dizaines de personnes auraient été exécutées et des centaines d’autres étaient sous le coup d’une sentence capitale à la fin de l’année.

Protestations contre l’augmentation du prix de l’essence

Plus de 30 personnes, dont des enfants, auraient été tuées et des centaines d’autres blessées les 19 et 20 juillet au cours des violentes manifestations qui ont eu lieu dans tout le pays pour protester contre la décision du gouvernement de doubler le prix de l’essence. Des soldats et des policiers figuraient au nombre des victimes. Selon les informations recueillies, certains manifestants ont fait usage d’armes à feu et l’armée a utilisé des armes lourdes, notamment des hélicoptères de combat et des chars.

« Guerre contre le terrorisme »
Deux cents personnes au moins, arrêtées dans le cadre de la « guerre contre le terrorisme », ont été maintenues toute l’année en détention, sans inculpation ni jugement. Plus d’une centaine d’autres ont été remises en liberté après avoir accepté d’entamer un dialogue avec des personnalités religieuses et s’être engagées par écrit à renoncer à leurs convictions« extrémistes ». Parmi elles, plusieurs dizaines ont toutefois été à nouveau arrêtées à la suite d’informations selon lesquelles certaines s’étaient rendues en Irak pour combattre les forces de la coalition dirigée par les États-Unis.
Au moins trois Yéménites renvoyés dans leur pays après avoir été détenus dans des centres secrets apparemment gérés par les États-Unis étaient maintenus en détention illégalement et sans jugement, sur l’ordre des autorités américaines semble-t-il. En octobre, des responsables des autorités yéménites ont déclaré aux délégués d’Amnesty International qu’il n’existait aucun motif justifiant le maintien en détention de Muhammad Faraj Ahmed Bashmilah, Salah Nasser Salim Ali et Mohammed Abdullah Salah al Assad. Ils ont ajouté que ces trois hommes renvoyés au Yémen au mois de mai étaient détenus à la demande des autorités américaines. Deux autres, Walid Muhammad Shahir Muhammad al Qadasi et Karama Khamis Khamisan, ont été renvoyés au Yémen respectivement en avril 2004 et en août 2005. À la fin de l’année 2005, le premier était toujours détenu sans inculpation ni jugement et le second, accusé d’infractions à la législation sur les stupéfiants, comparaissait devant un tribunal.
En mars, six Yéménites accusés d’appartenance à Al Qaïda ont été condamnés à des peines de deux ans d’emprisonnement pour falsification de documents de voyage ; cinq autres ont été relaxés. Les 11 hommes ont par ailleurs été acquittés de l’accusation de formation d’un groupe armé en vue de commettre des attentats au Yémen. Six d’entre eux avaient été renvoyés au Yémen par les autorités saoudiennes.
En mai, deux Yéménites membres présumés d’Al Qaïda qui avaient été renvoyés du Qatar auraient été reconnus coupables de falsification de documents. Al Khadar Salam Abdullah al Hatami a été condamné à une peine de trois ans et quatre mois d’emprisonnement. Abdullah Ahmed Saleh al Raimi, condamné à quatre ans d’emprisonnement, a interjeté appel.

Comité de Sanaa

Créé en 2004, le Comité de Sanaa s’est réuni pour la deuxième fois au mois de juin. Il regroupe entre autres des défenseurs des droits humains yéménites, des membres d’Amnesty International et des avocats, et son mandat a été étendu de manière à comprendre l’assistance, notamment juridique, aux familles des détenus. Le Comité a appelé les gouvernements de la région du Golfe à veiller à ce que les personnes détenues dans le cadre de la « guerre contre le terrorisme » soient traitées humainement et dans le respect des normes internationales relatives aux droits humains.

Troubles dans la province de Saada

Plusieurs centaines de personnes auraient trouvé la mort au cours d’affrontements armés dans la province de Saada entre les forces de sécurité et des partisans de Hussain Badr al Din al Huthi. Les combats se sont intensifiés à la fin du mois de mars après que les autorités eurent commencé à rechercher les partisans du dignitaire religieux, tué en septembre 2004. Les journalistes et les militants en faveur des droits humains se sont vu refuser l’accès à la province pour des raisons de sécurité. Quelque 400 personnes auraient été tuées sur une période de quinze jours, un grand nombre de morts étant dues, semble-t-il, à un usage excessif de la force de la part des troupes gouvernementales. Des centaines d’hommes ont été arrêtés et placés en détention. Le gouvernement a également fermé plusieurs centaines d’écoles religieuses de la communauté zaïdite et, au mois d’octobre, il a ordonné la fermeture de 1 400 organisations caritatives auxquelles il reprochait d’enfreindre la loi.

Arrestations et procès de membres de la communauté zaïdite

Plus d’un millier de disciples du dignitaire zaïdite Hussain Badr al Din al Huthi auraient été incarcérés. Il leur était reproché d’avoir régulièrement scandé des slogans antiaméricains et anti-israéliens après la prière du vendredi.
Plusieurs dizaines d’adeptes de cette communauté, dont des enfants, ont été arrêtés en mai. La plupart étaient détenus au secret, sans inculpation ni jugement, à la fin de l’année. Ils risquaient d’être maltraités ou même torturés.
Ibrahim al Saiani, quatorze ans, a été arrêté en mai après que les forces de sécurité eurent, semble-t-il, investi la maison de sa famille à Sanaa. Cet adolescent était maintenu en détention à la fin de l’année, apparemment dans la prison de la Sécurité politique à Sanaa. On craignait qu’il ne soit torturé et maltraité. Selon certaines sources, il a été grièvement blessé lors des affrontements à Sanaa ; il a été amputé du bras droit et blessé à la jambe droite et un éclat d’obus s’est logé dans son crâne. Amnesty International ignorait s’il recevait les soins médicaux dont il avait besoin.
Le 25 septembre, le président a proclamé une grâce en faveur des adeptes de Hussain al Huthi. Les autorités n’ont toutefois pas précisé qui pouvait en bénéficier et la plupart des partisans du dignitaire zaïdite ont apparemment été maintenus en détention.
Le procès de 36 membres de la communauté zaïdite accusés de complot en vue d’assassiner le président et des militaires de haut rang s’est ouvert en août ; huit d’entre eux étaient absents. Les débats ont été ajournés après que les accusés eurent commencé à scander des versets du Coran et des slogans politiques. En novembre, une autre audience a été reportée pour permettre d’établir si les accusés pouvaient bénéficier de la grâce présidentielle.
Deux dignitaires zaïdites, Yahia al Dailami et Mohammed Muftah, ont été jugés au cours d’un même procès qui n’était pas conforme aux règles d’équité. Yahia al Dailami a été condamné à mort le 29 mai ; Mohammed Muftah a été condamné à huit ans d’emprisonnement, mais le ministère public a interjeté appel et requis la peine capitale. Les deux sentences ont été confirmées le 3 décembre par la Cour d’appel. Les chefs d’accusation qui pesaient sur les deux hommes étaient formulés en des termes vagues. Il leur était notamment reproché d’avoir entretenu des « liens avec l’Iran » et apporté leur « soutien à Hussain Badr al Din al Huthi ». Amnesty International considère ces deux hommes comme des prisonniers d’opinion.
En juin, le Tribunal pénal spécial chargé de juger les affaires de terrorisme, à Sanaa, a ramené de dix à cinq ans la peine d’emprisonnement prononcée à l’encontre de Muhammad Ali Luqman, en raison de l’absence de preuves suffisantes pour l’un des chefs d’accusation. Souçonné de soutenir Hussain al Huthi, cet magistrat avait apparemment été accusé de « sédition, [d’]incitation à des troubles confessionnels et [de] formation d’une bande armée ».

Restrictions à la liberté de la presse

La liberté de la presse était restreinte et des journalistes qui critiquaient le gouvernement étaient harcelés et agressés, et leurs biens confisqués. En mai, les autorités ont introduit un projet de loi que les journalistes ont dénoncé comme représentant une menace encore plus grande que la Loi de 1990 relative à la presse et à la publication, en vigueur. Parmi les nouvelles infractions prévues dans le projet de loi figurent les « critiques contre des chefs d’État » ; certaines, par exemple la « communication d’informations ou de documents secrets à des organismes étrangers », seraient passibles de la peine de mort.
Des journalistes qui tentaient de rendre compte des manifestations de juillet contre l’augmentation du prix de l’essence ont été arrêtés et brutalisés par la police et les forces de sécurité. Plusieurs d’entre eux ont été empêchés de couvrir les manifestations ; d’autres ont vu leur matériel saisi.
Abdul Karim al Khaiwani, rédacteur en chef du journal d’opposition Al Shura, a été libéré le 23 mars à la faveur d’une grâce présidentielle. Il avait été condamné en septembre 2004 à un an d’emprisonnement en raison de son soutien présumé à Hussain al Huthi et était considéré comme un prisonnier d’opinion. Lors de l’audience d’appel en mars, ses avocats, Mohammad Naji Allow et Jamal al Jubi, ainsi que le secrétaire général de l’Union des journalistes, Hafez al Bukhari, ont été passés à tabac par des membres des forces de sécurité. D’autres personnes qui assistaient à l’audience auraient également été frappées lorsqu’elles ont voulu quitter la salle à titre de protestation.
Jamal Amer, rédacteur en chef du journal indépendant Al Wasat, aurait été enlevé devant son domicile le 23 août. Emmené vers une destination inconnue, il a été battu et menacé de mort. Peu de temps auparavant, Al Wasat avait dénoncé la corruption de certains responsables gouvernementaux. Le 24, des membres des forces de sécurité auraient pénétré dans le bureau d’un journaliste de l’agence Associated Press, Ahmed al Hajj, et auraient saisi des dossiers et deux ordinateurs.

Droits des femmes

Les organisations féminines poursuivaient leur campagne contre la discrimination et les violences envers les femmes. Des militantes ont appelé le gouvernement à accorder aux femmes un quota d’au moins 30 p. cent des sièges au Parlement. En septembre, la Commission nationale des femmes a annoncé la mise en place d’un conseil de coordination chargé de faire pression sur les partis politiques pour qu’ils soutiennent les femmes lors des prochaines élections locales et présidentielle.
Le 8 mars, à l’occasion de la Journée internationale de la femme, un groupe de journalistes a créé une nouvelle organisation, Femmes journalistes sans frontières, afin de promouvoir les droits humains, et plus particulièrement les droits des femmes, au Moyen-Orient. Le gouvernement a annulé la licence de l’organisation après que certaines de ses membres eurent rendu compte des manifestations de juillet contre l’augmentation du prix de l’essence.
Une conférence sur les droits des femmes arabes s’est tenue en décembre à Sanaa ; elle a poursuivi les travaux entamés par une conférence similaire en 2004.

Renvois forcés

Au moins 25 personnes ont été renvoyées contre leur gré dans des pays où elles risquaient d’être victimes de torture et d’autres atteintes à leurs droits fondamentaux, en violation des normes internationales relatives aux droits humains.
Le 28 mars, 25 Saoudiens considérés comme suspects dans le cadre de la « guerre contre le terrorisme » auraient été renvoyés dans leur pays. Au cours des mois précédents l’Arabie saoudite avait renvoyé au Yémen au moins 27 Yéménites dont l’identité n’a pas été dévoilée. On ignorait tout de leur sort à la fin de l’année.
Deux Algériens, Abdul Rahman Ameur et Kamal Berkane, qui en décembre 2003 avaient purgé les peines d’emprisonnement auxquelles ils avaient été condamnés, auraient été expulsés en mai. On était sans nouvelles d’eux à la fin de l’année et Amnesty International craignait qu’ils n’aient « disparu ».

Peine de mort

Des condamnations à mort ont été prononcées et plusieurs dizaines de personnes auraient été exécutées. Des centaines de prisonniers se trouvaient sous le coup d’une sentence capitale à la fin de l’année, selon les informations recueillies.
Fuad Ali Mohsen al Shahari, dont la condamnation à mort avait été entérinée par le président Saleh le 6 septembre, a été exécuté le 29 novembre. Cet homme, qui était détenu depuis plus de neuf ans dans le couloir de la mort, avait été condamné à la peine capitale pour meurtre en 1996 à l’issue d’un procès inique qui avait probablement des motivations politiques ou avait été influencé par des enjeux tribaux.
Fatima Hussein al Badi, condamnée à mort en février 2001 pour le meurtre de son mari, risquait une exécution imminente. Son frère, condamné en même temps qu’elle, a été exécuté en mai.
En février, la Cour d’appel a confirmé la sentence capitale de Hizam Saleh Mejalli, condamné pour sa participation à l’attentat à l’explosif perpétré contre le pétrolier français Limburg en 2002 ainsi qu’à d’autres attaques. Cette juridiction a également prononcé une sentence capitale contre Fawaz Yahya al Rabiee, condamné à dix ans d’emprisonnement en première instance.
Hafez Ibrahim, condamné à mort pour un meurtre commis alors qu’il était âgé de seize ans, a bénéficié d’un sursis en avril.
L’exécution d’Amina Ali Abdulatif, prévue le 2 mai, a été reportée pour permettre le réexamen de son cas. Cette femme avait seize ans lorsqu’elle a été condamnée à mort pour le meurtre de son mari. Le procureur général aurait désigné une commission spéciale chargée de réexaminer son cas et de confirmer qu’elle était bien âgée de moins de dix-huit ans au moment des faits.

Réfugiés

Près de 80 000 réfugiés, dont plus de 68 000 originaires de Somalie, enregistrés auprès du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), vivaient au Yémen, dont environ 7 000 dans le camp d’Al Kharaz.
Tout au long de l’année, des centaines de personnes en quête d’asile se sont noyées le long de la côte yéménite, parce que les passeurs les ont forcés à se jeter à la mer ou parce que leurs bateaux n’étaient pas en état de naviguer.
Les réfugiés étaient dans une situation économique difficile et les emplois à leur disposition étaient rares. Selon certaines sources, des réfugiées ont été violées ; le système judiciaire ne leur donnait pas accès à la justice.
Des réfugiés oromos venus d’Éthiopie se sont plaints à maintes reprises d’être harcelés par les autorités yéménites, et notamment par des arrestations arbitraires.

Visites d’Amnesty International

Une délégation d’Amnesty International s’est rendue au Yémen en juin pour assister à la réunion du Comité de Sanaa. Des représentants de l’organisation ont également effectué une mission au Yémen en septembre-octobre.

Autres documents d’Amnesty International

 États-Unis / Jordanie / Yémen. Torture et détention secrète. Témoignages de « disparus » dans le cadre de la « guerre contre le terrorisme » (AMR 51/108/2005).

 États-Unis / Yémen. Détention secrète dans les « prisons clandestines » de la CIA (AMR 51/177/2005).

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