REPUBLIQUE CENTRAFRICAINE

De très nombreux civils non armés auraient été tués par les forces gouvernementales à la suite de troubles survenus dans le nord du pays, ce qui a occasionné le déplacement de dizaines de milliers de personnes. Les autorités n’ont pris aucune mesure contre les membres des forces de sécurité soupçonnés de responsabilités dans des exécutions illégales et d’autres violations des droits humains. Des dizaines d’opposants politiques présumés ont été interpellés avant d’être illégalement incarcérés dans des conditions éprouvantes. Environ vingt-cinq d’entre eux ont été jugés ; la plupart ont été acquittés. Parmi ces derniers, quatorze sont restés en détention pendant encore deux semaines avant d’être libérés.



Contexte
Les violences et l’insécurité se sont intensifiées dans le nord du pays. Le 29 janvier, un groupe armé a lancé une attaque contre les forces de sécurité dans la ville de Paoua, située dans la préfecture de l’Ouham-Pendé. Au moins 80 civils, non armés pour beaucoup, ont été tués par les forces gouvernementales au cours d’une contre-attaque. Environ 7 000 personnes ont fui vers le Tchad voisin, tandis que près de 50 000 autres ont été déplacées et n’avaient pratiquement aucun accès à l’aide humanitaire.
Les groupes armés ont poursuivi leurs attaques tout au long de l’année. En juin, des sources onusiennes ont rapporté que 33 personnes avaient été tuées dans le nord du pays au cours d’une attaque menée par des insurgés contre un camp de l’armée.
Les forces gouvernementales ont reçu, cette année encore, le concours des troupes françaises et tchadiennes, ainsi que celui d’une force de maintien de la paix soutenue par la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC). Les forces de la CEMAC ont bénéficié d’une assistance matérielle fournie par l’Union européenne.
En août, l’ancien président Ange-Félix Patassé et trois autres anciens responsables politiques ont été jugés par défaut pour escroquerie et détournement de fonds publics. Ils ont été reconnus coupables d’escroquerie et condamnés à des peines atteignant pour certains vingt années de réclusion. Simon Kouloumba, ancien conseiller économique d’Ange-Félix Patassé, a été acquitté et remis en liberté. Il attendait d’être jugé depuis 2003.

Impunité
Les autorités n’ont adopté aucune mesure contre les membres des forces de sécurité qui avaient, d’après les informations reçues, blessé et tué des dizaines de civils non armés dans les préfectures de l’Ouham et de l’Ouham-Pendé à la fin du mois de janvier et en février. Les forces gouvernementales, en particulier les membres de la Garde républicaine, ont, semble-t-il, pris pour cibles des civils sans armes, dont de petits garçons âgés d’une dizaine d’années à peine. Au moins 17 élèves du lycée de Paoua auraient été exécutés de manière extrajudiciaire par des membres de la Garde républicaine.
En janvier et en février, au moins 80 personnes auraient été tuées par les forces gouvernementales régulières à Paoua. Au nombre des victimes figuraient Florent Djembert, Vincent Bozoukon et William Béré. D’après certaines sources, quatre corps non identifiés ont été brûlés dans l’enceinte de la gendarmerie locale. À la connaissance d’Amnesty International, aucune enquête n’a été ouverte sur ces morts.
Un ancien membre de la Garde républicaine qui avait, semble-t-il, commis plusieurs homicides volontaires mais avait été remis en liberté sans inculpation après son arrestation en 2005, a continué de menacer les défenseurs des droits humains, avant d’être tué par des rebelles au mois de mai. En janvier, il aurait menacé de s’en prendre à Maka Gbossokoto, directeur de publication du journal Le Citoyen, à Nganatouwa Goungaye Wanfiyo, avocat, et à Adolphe Ngouyombo, militant des droits humains.
Le gouvernement n’a pris aucune mesure pour traduire en justice les responsables des graves atteintes aux droits humains, dont des centaines de viols, perpétrées au cours du conflit fin 2002 et début 2003. La Cour pénale internationale (CPI) a poursuivi son analyse préliminaire des crimes commis pendant cette période, après que le gouvernement centrafricain l’eut saisie de la situation en 2005. À la fin de l’année, la CPI n’avait pas indiqué si elle procéderait ou non à une enquête exhaustive.

Arrestations, détentions et procès à caractère politique
Entre février et avril, plusieurs dizaines de personnes ont été arrêtées et accusées de soutenir les groupes armés qui cherchaient à renverser le gouvernement établi par le président François Bozizé. Nombre d’entre elles appartenaient au Mouvement pour la libération du peuple centrafricain de l’ancien chef de l’État Ange-Félix Patassé, ou étaient issues du même groupe ethnique, les Kabas.
Ces personnes ont été détenues pendant plusieurs semaines, parfois plusieurs mois, sans inculpation et sans être autorisées à recevoir la visite de leurs proches, ni à consulter un avocat ou un médecin. En mai et en juin, quelque 25 d’entre elles ont été inculpées d’atteinte à la sûreté de l’État et d’infractions connexes.
Le 28 février, Lydie Florence Ndouba, fonctionnaire du ministère de l’Intérieur, a été arrêtée, vraisemblablement parce qu’elle était la sœur de deux hommes politiques importants qui s’étaient montrés critiques à l’égard du gouvernement. Placée en détention, elle a été inculpée d’atteinte à la sûreté de l’État le 11 mai. En août, lors de son procès, Lydie Florence Ndouba a déclaré à la cour avoir subi des mauvais traitements durant sa détention. Elle a été acquittée.
Pascal Ngakoutou Beninga, enseignant à l’université de Bangui, a déclaré avoir été conduit le 25 mars dans un bois, où des membres de la Garde républicaine l’ont menacé de mort. Il était accusé d’avoir hébergé des hommes armés et de détenir des armes. Des éléments des forces de sécurité ont perquisitionné son domicile, mais n’auraient trouvé aucune pièce l’incriminant.
En août et en septembre, quelque 25 détenus ont comparu devant la Cour criminelle de Bangui. Une vingtaine d’entre eux ont été acquittés.
Le 12 septembre, sur 16 personnes jugées pour atteinte à la sûreté de l’État et délits connexes, 15 ont été acquittées ; la seizième personne a été condamnée, pour une accusation moins lourde. Toutefois, 14 d’entre elles n’ont pas recouvré la liberté mais ont été transférées le 13 septembre, par des membres de la Garde républicaine, de la prison centrale de Ngaragba à la prison de Bossembélé, dans la préfecture de l’Ombella-Mpoko. Des membres de l’Ordre des avocats du barreau de Centrafrique ont entamé une grève en signe de protestation, et de nombreuses critiques ont été adressées au gouvernement. Le 25 septembre, les détenus ont été reconduits à Bangui et remis en liberté.
À la fin de l’année, au moins 20 personnes accusées de liens avec des groupes armés étaient toujours incarcérées. On ignorait si toutes avaient fait l’objet d’une inculpation en bonne et due forme.

Conditions de détention
Des délégués d’Amnesty International se sont rendus dans plusieurs lieux de détention de Bangui, notamment à la prison centrale de Ngaragba, à la prison de Bimbo et dans les locaux de la Section de recherche et d’investigation de la Gendarmerie nationale. Ils y ont constaté des conditions carcérales si mauvaises qu’elles mettaient la vie des détenus en danger.
Dans la plupart des prisons et des centres de détention, les détenus n’avaient pour seule nourriture que celle apportée par leurs amis ou leurs proches. Nombre d’entre eux se plaignaient d’une alimentation insuffisante ou souffraient de malnutrition. Les cellules étaient surpeuplées et présentaient des conditions sanitaires déplorables.
Les détenus malades n’étaient pas autorisés à recevoir des soins médicaux. Les mineurs étaient incarcérés avec des adultes, et des personnes non encore condamnées côtoyaient des prisonniers purgeant leur peine. D’après les informations reçues, dans des centres de détention situés à la périphérie de Bangui, hommes et femmes étaient généralement incarcérés ensemble dans des conditions encore plus mauvaises.

Visites d’Amnesty International
Une délégation d’Amnesty International s’est rendue en République centrafricaine au mois de mai.

Autres documents d’Amnesty International


 Central African Republic : Government tramples on the basic rights of detainees (AFR 19/007/2006).

Toutes les infos
2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit