Cambodge

Des milliers de familles, appartenant en grande majorité aux milieux les plus pauvres, ont cette année encore été frappées par des mesures d’expulsion forcée. Un certain nombre de personnes issues des communautés touchées par les expulsions et les expropriations se sont mobilisées pour organiser des actions communes et plaider leur cause auprès des pouvoirs publics. Des défenseurs du droit au logement, des journalistes et, plus généralement, des personnes critiques à l’égard de la politique gouvernementale, ont fait l’objet d’actions en justice qui constituaient de fait des atteintes à la liberté d’expression. Le premier procès destiné à juger les responsables des atrocités commises sous le régime des Khmers rouges s’est ouvert. L’accusé, Kaing Guek Eav (alias Duch), a plaidé coupable, mais a demandé dans un second temps à être acquitté.

ROYAUME DU CAMBODGE
CHEF DE L’ÉTAT : Norodom Sihamoni
CHEF DU GOUVERNEMENT : Hun Sen
PEINE DE MORT : abolie
POPULATION : 14,8 millions
ESPÉRANCE DE VIE : 60,6 ans
MORTALITÉ DES MOINS DE CINQ ANS (M/F) : 92 / 85 ‰
TAUX D’ALPHABÉTISATION DES ADULTES : 76,3 %

Contexte

Au moins 45 000 ouvriers de l’industrie du prêt-à-porter ont perdu leur emploi en raison de la crise économique mondiale ; un certain nombre d’entreprises ont par ailleurs procédé à des réductions de salaires. Plusieurs enquêtes ont mis en évidence une augmentation du chômage chez les jeunes. Quelque 300 000 jeunes Cambodgiens étaient en effet sans emploi après avoir obtenu un baccalauréat ou une licence. Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels [ONU] a examiné pour la première fois le rapport du Cambodge, attendu depuis 14 ans. Il a relevé un certain nombre de manquements graves aux obligations prévues par le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, notamment en matière de justice, de logement et d’égalité des sexes. Au mois de décembre, le Conseil des droits de l’homme [ONU] a examiné la situation en matière de droits humains au Cambodge, dans le cadre de la procédure de l’examen périodique universel.

Expulsions forcées

Cette année encore, des milliers de Cambodgiens ont été frappés par des mesures d’expulsion. Quelque 27 000 personnes ont été chassées de chez elles, dans le cadre d’au moins 26 procédures. L’immense majorité d’entre elles appartenaient à des communautés très pauvres. Un certain nombre de donateurs internationaux ont appelé en juillet à l’arrêt des expulsions, tant qu’un mécanisme équitable et transparent permettant de résoudre les litiges fonciers n’aura pas été mis en place et qu’une politique globale de réinstallation n’aura pas été élaborée.
 ?Dans la nuit du 16 au 17 juillet, les forces de sécurité ont expulsé de force les habitants du « Groupe 78 », un terrain de Phnom Penh, à l’issue d’une procédure juridique entachée de graves irrégularités. Les 60 familles encore présentes sur le site n’ont eu d’autre choix que de démonter leurs maisons et d’accepter les indemnités qui leur étaient proposées, à la condition d’aller vivre loin de leur ancien quartier et de leur lieu de travail. La plupart des familles ont dû s’installer en dehors de la capitale, dans un secteur où elles avaient peu de chances de retrouver un emploi.
Réagissant aux critiques formulées par la société civile, la Banque mondiale a cherché à renforcer les garanties prévues dans le cadre d’un projet d’urbanisme soutenu par des fonds de diverses provenances, afin que les habitants des quartiers pauvres des villes et d’autres zones vulnérables ne puissent être expulsés. Le gouvernement a répondu début septembre en mettant fin au contrat qui le liait à la Banque mondiale.

Défenseurs des droits humains

Les riches et les puissants ont cette année encore abusé du système judiciaire pour réduire au silence ceux et celles qui protestaient contre les expulsions et les spoliations. La police a arrêté au moins 149 militants, alors qu’ils entendaient simplement défendre de manière pacifique le droit au logement.
 ?Le 22 mars, des membres des forces de sécurité ont ouvert le feu sur les habitants d’un village de la province de Siem Reap, blessant au moins quatre personnes. Ces villageois du district de Chikreng, qui n’étaient pas armés, contestaient la perte de terres agricoles sur lesquelles ils estimaient avoir des droits. À la fin de l’année, aucune enquête officielle n’avait été ouverte sur la fusillade. La police avait en revanche arrêté au moins 12 villageois, dont deux ont été reconnus coupables de vol pour avoir tenté de récolter du riz sur les terres contestées. Sept autres, bien qu’acquittés en première instance, étaient toujours en détention arbitraire après que le parquet eut fait appel.
Des porte-parole officieux de diverses communautés, représentant la plupart des provinces du pays, ont créé des réseaux de militants pour dénoncer ensemble les expulsions et les manœuvres d’intimidation.

Justice internationale

Au mois de mars s’est ouverte la première audience des Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens (CETC, chargées de juger les crimes du régime des Khmers rouges). Il s’agissait en l’occurrence du procès de Kaing Guek Eav (alias Duch), qui fut commandant de la tristement célèbre prison de sécurité S-21. Pendant 72 jours, les survivants des atrocités du régime des Khmers rouges ont entendu pour la première fois des témoignages contre les personnes « les plus responsables ». Duch a reconnu sa responsabilité dans les crimes perpétrés à la prison S-21, et notamment dans le meurtre de quelque 15 000 personnes.
Le procès de quatre anciens hauts dirigeants Khmers rouges était en préparation et le co-procureur international a demandé l’ouverture d’informations contre cinq autres suspects. Cherchant manifestement à faire pression sur le tribunal, le gouvernement cambodgien s’est prononcé contre toute nouvelle instruction, sous prétexte qu’une telle mesure pourrait engendrer des troubles.
En juillet, les co-juges d’instruction ont décidé de considérer comme recevables les « aveux » obtenus sous la torture dans l’affaire Ieng Thirith. Cette décision constituait une atteinte à l’article 15 de la Convention contre la torture [ONU], par laquelle sont liées les CETC.
Liberté d’expression
Une série de poursuites engagées contre des personnes qui avaient critiqué la politique du gouvernement a eu pour effet d’étouffer la liberté d’expression.
 ?Les tribunaux ont condamné à des peines d’emprisonnement un rédacteur en chef de la presse écrite, Hang Chakra, et le directeur d’une ONG, tous deux proches du Parti de Sam Rainsy (opposition), pour la seule raison qu’ils avaient exprimé – pacifiquement – leur opinion.
 ?Le tribunal de Phnom Penh a reconnu Mu Sochua, secrétaire générale du Parti de Sam Rainsy, coupable de diffamation, parce qu’elle avait elle-même porté plainte en diffamation contre le Premier ministre. Mu Sochua n’a pas été assistée d’un défenseur, son avocat ayant renoncé à la représenter après avoir reçu des menaces de poursuites pour avoir commenté l’affaire lors d’une conférence de presse. Mu Sochua a été condamnée à une peine non privative de liberté.
L’un des derniers quotidiens d’opposition, Moneaksekar Khmer, a cessé de paraître le 10 juillet. Son rédacteur en chef, Dam Sith, s’est publiquement excusé d’avoir publié certains articles, à propos desquels le gouvernement avait exigé l’ouverture d’une enquête pour « provocation »
 ?À la fin de l’année, la police n’avait pas avancé dans l’enquête sur le meurtre de Khim Sambor. Ce reporter au Moneaksekar Khmer avait été tué par des inconnus au moment des élections de juillet 2008.
Évolutions législatives, constitutionnelles ou institutionnelles
L’Assemblée nationale a adopté un nouveau Code pénal le 12 octobre. La diffamation restait considérée comme une infraction.
Des parlementaires de l’opposition et des groupes de la société civile ont critiqué le projet de loi sur les manifestations non violentes, voté en octobre par l’Assemblée nationale. Les pouvoirs publics refusaient régulièrement d’autoriser les manifestations et le texte, s’il était adopté, risquait d’institutionnaliser ce type de restrictions.
Violences contre les femmes et les filles
Les poursuites contre les violeurs restaient rares, d’une part parce que la loi était peu appliquée, d’autre part parce que l’appareil judiciaire était souvent corrompu et que les arrangements financiers en marge de la justice étaient fréquents. Ces arrangements étaient généralement proposés par des responsables de l’application des lois, sous réserve que la victime accepte de retirer sa plainte. Le nombre de viols de femmes, de jeunes filles et de fillettes continuait, semble-t-il, de progresser, notamment parmi les personnes travaillant dans l’industrie du sexe. Les victimes étaient apparemment de plus en plus jeunes.

Toutes les infos
Toutes les actions
2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit