France

Cette année encore, des cas de mauvais traitements et d’usage excessif de la force par des responsables de l’application des lois ont été signalés. Ni les procédures disciplinaires ni les poursuites pénales contre les responsables présumés de tels actes n’étaient conformes aux normes internationales de protection des droits humains. Des centaines de migrants et de demandeurs d’asile, parmi lesquels des mineurs isolés, ont été expulsés de force de campements improvisés à Calais. Trois Afghans ont été renvoyés de force dans leur pays d’origine. Deux anciens détenus de Guantánamo ont été autorisés à résider en France. On craignait que deux nouveaux fichiers policiers ne nuisent au principe de la présomption d’innocence. Des réformes législatives risquaient d’affaiblir la surveillance indépendante des organes chargés de faire respecter la loi.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
CHEF DE L’ÉTAT : Nicolas Sarkozy
CHEF DU GOUVERNEMENT : François Fillon
PEINE DE MORT : abolie
POPULATION : 62,3 millions
ESPÉRANCE DE VIE : 81 ans
MORTALITÉ DES MOINS DE CINQ ANS (M/F) : 5 / 4 ‰

Police et autres forces de sécurité

Des policiers se seraient rendus responsables de recours excessif à la force et de mauvais traitements qui, dans un cas au moins, ont entraîné la mort d’un homme. Outre la lenteur de leur progression, les enquêtes sur ces allégations menées par les organes chargés de l’application des lois et par les autorités judiciaires semblaient souvent manquer d’indépendance et d’impartialité.
 ?Ali Ziri, un Algérien de 69 ans, est mort après son interpellation le 9 juin à Argenteuil. Il était passager d’une voiture conduite par un ami et qui a fait l’objet d’un contrôle de police. Selon les déclarations d’Arezki Kerfali, conducteur du véhicule, les deux hommes ont été frappés sur les lieux du contrôle, puis durant leur transfert au poste de police. Ils ont ensuite été conduits à l’hôpital, où Ali Ziri est mort. Un mois plus tard, le parquet a classé l’affaire sans suite, affirmant que les investigations menées par la police d’Argenteuil n’indiquaient pas que des mauvais traitements aient eu lieu. Arezki Kerfali a été hospitalisé pendant deux jours en raison des blessures qu’il avait subies ; il a ensuite été poursuivi pour outrage à agent de la force publique. Saisie de cette affaire à la suite de démarches de la famille d’Ali Ziri, une juge d’instruction a ordonné une nouvelle autopsie à l’Institut médico-légal de Paris (IML). Cette contre-expertise relevait de multiples hématomes sur le corps d’Ali Ziri et indiquait que la mort résultait probablement d’une asphyxie mécanique. En octobre, le parquet a ouvert une information pour coups et blessures ayant entraîné la mort sans intention de la donner. Les policiers mis en cause n’avaient pas été suspendus de leurs fonctions à la fin de l’année.
 ?En juillet, des experts de l’IML ont terminé l’examen du dossier médical d’Abou Bakari Tandia, mort en janvier 2005 des suites de blessures subies alors qu’il était en garde à vue. Leur rapport d’expertise indiquait que la mort de cet homme résultait d’une violente secousse et que le témoignage d’un policier affirmant qu’Abou Tandia s’était jeté contre un mur était contredit par les constatations médicales. Le dossier de l’hôpital ainsi que d’autres éléments de preuve importants avaient été « égarés » pendant plusieurs années et n’ont été remis à la juge d’instruction qu’en janvier. Bien que le parquet ait demandé l’audition des policiers présents lors des faits, aucune initiative en ce sens n’avait été prise par la juge d’instruction à la fin de l’année.
 ?En octobre, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a ordonné aux juges d’instruction chargés du dossier concernant la mort d’Abdelhakim Ajimi de mettre en examen deux policiers pour homicide involontaire et pour l’un d’entre eux, également pour non-assistance à personne en péril. Cinq autres policiers avaient été mis en examen en mars pour non-assistance à personne en péril. Selon le rapport d’autopsie, Abdelhakim Ajimi a succombé en mai 2008 à une asphyxie provoquée par les méthodes d’immobilisation utilisées par les policiers. L’information judiciaire ouverte sur ce décès se poursuivait à la fin de l’année.
La ministre de l’Intérieur a annoncé, le 15 juin, que les rapports annuels de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) seraient rendus publics. Toutefois, aucune information n’était disponible à la fin de l’année sur le site Internet de la police nationale et seul un résumé de statistiques était fourni sur demande.
En septembre, le Conseil d’État a ordonné la suspension de l’utilisation par la police municipale des pistolets à impulsions électriques, estimant qu’ils avaient été introduits en l’absence de formation et de garanties adéquates. L’utilisation de ces armes avait été autorisée par décret ministériel en septembre 2008. Les membres de la police nationale et de la gendarmerie continuaient d’utiliser ce type d’arme.

Droits des migrants, des réfugiés et des demandeurs d’asile

En mai, le ministre de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Développement solidaire a poursuivi une réforme qui semblait devoir accorder un rôle restreint aux six ONG désignées pour intervenir dans les centres de rétention. L’association la Cimade a formé une série de recours en justice contre cette mesure, craignant notamment qu’elle ne limite le rôle des ONG à la fourniture d’informations, en les empêchant d’apporter une assistance juridique aux migrants placés en rétention. Le Conseil d’État a pris en novembre une décision favorable à la réforme.
Le ministre de l’Immigration a annoncé en septembre que 20 millions d’euros avaient été débloqués pour la construction d’un nouveau centre de rétention dans le territoire d’outre-mer de Mayotte. Aucun calendrier n’a toutefois été donné pour l’exécution des travaux. Des photographies montrant la surpopulation extrême et le manque d’hygiène dans le centre de rétention de Mayotte avaient été publiées anonymement en décembre 2008.
Le 22 septembre, quelque 300 migrants et demandeurs d’asile qui vivaient dans des campements près de Calais, et dont la plupart étaient semble-t-il des Afghans ayant pour objectif d’entrer au Royaume-Uni, ont été interpellés par la police. Leurs habitations de fortune ont été détruites par des bulldozers. Selon la police, 140 adultes ont été placés en garde à vue et transférés dans des centres de rétention administrative, tandis que 132 mineurs étaient conduits dans des centres d’accueil spécialisés. Selon certaines sources, tous les adultes avaient été relâchés à la fin de l’année et beaucoup étaient semble-t-il revenus dans les campements détruits de Calais. La plupart des migrants libérés étaient sans abri en raison de la destruction des campements. Certains ont obtenu l’asile par la suite, et d’autres attendaient à la fin de l’année qu’il soit statué sur leur demande. Les autres, qui se trouvaient en situation irrégulière en France, risquaient en permanence d’être renvoyés contre leur gré dans leur pays d’origine. D’autres opérations de police contre des campements plus petits ont eu lieu entre octobre et décembre dans la région de Calais.
Trois Afghans, dont l’un avait été détenu à Calais, ont été renvoyés de force dans leur pays en octobre.

Lutte contre le terrorisme et sécurité

Dans son arrêt du 3 décembre Daoudi c. France, la Cour européenne des droits de l’homme a conclu que l’expulsion vers l’Algérie d’un homme reconnu coupable d’infractions liées au terrorisme lui ferait encourir le risque de subir des actes de torture ou d’autres mauvais traitements, et constituerait une violation de la Convention européenne des droits de l’homme.

Détenus de Guantánamo Bay

La France a accueilli deux ressortissants algériens – Lakhdar Boumediene et Saber Lahmar – qui avaient été détenus par les États-Unis à Guantánamo. Les deux hommes, reconnus innocents en novembre 2008 par un juge américain de toutes les charges retenues contre eux, ne pouvaient rentrer en Algérie où ils risquaient de subir des violations graves de leurs droits fondamentaux. Lakhdar Boumediene, arrivé en France en mai, a été rejoint par sa femme et ses enfants. Saber Lahmar est arrivé en France en décembre.

Évolutions juridiques, constitutionnelles ou institutionnelles

Le 18 octobre, le gouvernement a autorisé la mise en place de deux nouveaux fichiers policiers destinés à recueillir des informations sur des personnes considérées comme représentant une menace pour l’ordre public. Ils remplaçaient la très controversée EDVIGE (Exploitation documentaire et valorisation de l’information générale), une base de données créée en juillet 2008 et incluant des informations sur l’orientation sexuelle et la santé, ainsi que sur des mineurs. Des inquiétudes subsistaient toutefois en raison de l’ampleur des données personnelles collectées sur des personnes qui n’étaient accusées d’aucune infraction, y compris sur des enfants dès l’âge de 13 ans, et de la formulation vague des critères d’inclusion dans ce fichier, qui concernait notamment les « personnes dont l’activité […] indique qu’elles peuvent porter atteinte à la sécurité publique ».
En septembre, la ministre de la Justice a présenté au Conseil des ministres des projets de loi visant à concentrer les attributions du médiateur de la République, du défenseur des enfants et de la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS, organisme chargé de la surveillance indépendante des organes chargés de l’application des lois) dans une nouvelle institution : le défenseur des droits. On craignait que cette mesure ne réduise l’efficacité de l’action de la CNDS et d’autres organes.

À lire

France. La Commission nationale de déontologie de la sécurité et le défenseur des droits (EUR 21/002/2009).
France. Des policiers au-dessus des lois (EUR 21/003/2009).

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