Moldavie

Les allégations faisant état de cas de torture et d’autres mauvais traitements demeuraient nombreuses et leurs auteurs jouissaient toujours d’une totale impunité. La police ne garantissait pas et ne respectait pas le droit à la liberté de réunion. Des défenseurs des droits humains ont fait l’objet de manœuvres de harcèlement en raison de leurs activités.

République de Moldova
CHEF DE L’ÉTAT : Vladimir Voronine, remplacé par Mihai Ghimpu le 11 septembre
CHEF DU GOUVERNEMENT : Zinaida Greceanîi, remplacée par Vladimir Filat le 17 septembre
PEINE DE MORT : abolie
POPULATION : 3,6 millions
ESPÉRANCE DE VIE : 68,3 ans
MORTALITÉ DES MOINS DE CINQ ANS (M/F) : 26 / 21 ‰
TAUX D’ALPHABÉTISATION DES ADULTES : 99,2 %

Contexte

Le 5 avril, le Parti communiste, au pouvoir, a remporté ses troisièmes élections législatives consécutives, sur fond d’accusations de fraude électorale. Des manifestations pacifiques ont été organisées à Chi ?in ?u, la capitale, dès le 6 avril. Elles ont pris un tour violent le lendemain et ont débouché sur la prise d’assaut des bâtiments de la présidence et du Parlement. De nouvelles élections ont été organisées le 29 juillet. Elles se sont cette fois traduites par une victoire des partis d’opposition, qui se sont adjugé une majorité de sièges. Mihai Ghimpu, le président du Parlement, est devenu président de la République par intérim en septembre.

Torture et autres mauvais traitements

À la suite des manifestations de Chi ?in ?u, plusieurs centaines de personnes, dont des mineurs, ont été interpellées par la police. Des ONG moldaves et internationales ont recueilli les témoignages de plus de 100 d’entre elles, de membres de leurs familles et d’avocats, selon lesquels elles auraient été maltraitées et même torturées. Le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, qui s’est rendu dans plusieurs centres de détention au lendemain des événements du mois d’avril, a indiqué que la majorité des détenus interrogés par les membres de sa délégation s’étaient plaints de mauvais traitements policiers.
 ?Oxana Radu faisait partie d’un groupe de 36 jeunes gens venus de Cahul (sud du pays) à bord de deux minibus pour participer aux protestations. Ils ont été arrêtés alors qu’ils quittaient Chi ?in ?u, le 8 avril un peu après minuit, et ont été conduits au commissariat central de la capitale. Oxana Radu, sa sœur et une autre femme ont été directement emmenées à l’intérieur du commissariat. La première a expliqué à Amnesty International qu’elle avait été conduite dans une pièce, où l’attendaient deux policiers, un homme et une femme. Elle a ensuite été contrainte de se déshabiller. L’homme lui aurait dit : « Tu as froid : on va te réchauffer. » Il l’aurait obligée à faire des flexions de genoux, alors qu’elle était nue, tout en l’injuriant et en proférant des menaces. Oxana Radu a ensuite été placée dans une cellule en compagnie de sa sœur cadette et de quatre autres femmes. Les six détenues seraient restées ainsi pendant deux jours, sans boire ni manger et sans pouvoir contacter un avocat ni leurs familles. Accusée d’avoir crié sur un policier, Oxana Radu a été condamnée à cinq jours de détention administrative par un juge siégeant dans les locaux du commissariat. Elle a été emmenée, ainsi que deux autres femmes, au poste de police de Drochia, dans le nord du pays, pour y purger sa peine. Elle a été finalement été libérée le 14 avril, à 2 heures du matin.

Impunité

Une culture de l’impunité régnait toujours au sein de la police, encouragée par le très faible nombre de poursuites engagées pour actes de torture ou autres mauvais traitements, l’absence d’enquêtes approfondies, impartiales et menées dans les meilleurs délais, et l’inexistence de sanctions réelles à la hauteur des violations des droits humains commises.
 ?En septembre, a indiqué la délégation moldave au Comité des droits de l’homme [ONU], 101 plaintes pour torture ou autres mauvais traitements policiers avaient été reçues et 25 enquêtes judiciaires avaient été ouvertes dans le cadre des événements d’avril. Le nombre de plaintes déposées contre la police pour mauvais traitements ne reflétait cependant pas toute l’étendue du problème. Les actes d’intimidation et de harcèlement dont faisaient l’objet les victimes et les témoins dissuadaient nombre d’entre eux de porter plainte et contribuaient ainsi à l’impunité.
 ?Le 16 juin, la Cour européenne des droits de l’homme a conclu à l’unanimité que Sergueï Gourgourov avait été victime de torture en 2005. En juillet, presque quatre ans après qu’il se fut plaint pour la première fois d’avoir été torturé par des policiers, les services du procureur général ont entamé une procédure judiciaire. Jusqu’alors, ces services avaient répondu à toutes les demandes d’ouverture d’enquête que Sergueï Gourgourov s’était lui-même infligé les lésions qu’il présentait comme le résultat d’actes de torture infligés par des policiers.

Liberté de réunion

Bien qu’une loi progressiste sur le droit de rassemblement ait été adoptée en 2008, la police et les autorités locales ont continué de restreindre de manière abusive le droit à la liberté de réunion pacifique, interdisant certaines manifestations, imposant des conditions limitatives et arrêtant des manifestants non violents.
 ?Anatole Matassarou a été interpellé le 29 janvier devant le siège des services du procureur général de Chi ?in ?u, où il manifestait seul, déguisé en cochon et diffusant le cri de l’animal avec un équipement de sonorisation. Il entendait ainsi protester contre le refus du parquet d’ouvrir une enquête sur la plainte qu’il avait déposée contre la police pour mauvais traitements, en 2006. Il montrait également aux passants des images représentant des cochons dans différentes situations, accompagnées d’un texte critiquant la passivité des procureurs. La police est arrivée dans les minutes qui ont suivi le début de son action. Anatole Matassarou est resté environ cinq heures en garde à vue, puis a été inculpé de ne pas avoir averti la mairie de son intention de manifester (une démarche qui n’est pas obligatoire aux termes de la Loi sur les rassemblements), de refus d’obtempérer, de rébellion et d’outrage à des représentants des pouvoirs publics. Anatole Matassarou affirme qu’un policier l’a frappé à coups de poing alors qu’il était détenu. En février, le tribunal de district de Rî ?cani (Chi ?in ?u) a prononcé un non-lieu.
 ?La police ne serait pas intervenue pour protéger des manifestants non violents qui, le 3 février, avaient été pris à partie par un groupe d’hommes masqués. Les manifestants participaient à un rassemblement organisé par Amnesty International Moldavie et plusieurs organisations locales de défense des droits humains (Hyde Park, PromoLex, le Centre de ressources pour les droits humains et l’Institut des droits humains). Ils entendaient protester contre l’attitude de la police, qui ne respectait pas les droits à la liberté de réunion, d’association et d’expression, et demander aux services du procureur général d’enquêter sur ces manquements. Peu après s’être rassemblés devant le siège des services du procureur général, à Chi ?in ?u, les manifestants ont été attaqués par une dizaine d’individus, certains masqués, qui les ont aspergés de peinture et frappés, notamment à coups de poing. Igor Grossou, président d’Amnesty International Moldavie, a été frappé par derrière et a dû être conduit à l’hôpital pour une blessure à la tête qui lui a valu plusieurs points de suture. Un membre du Comité Helsinki a reçu un coup de poing au visage. Les manifestants ont immédiatement appelé la police, mais aucun agent ne leur serait venu en aide. Ils ont finalement réussi à repousser leurs agresseurs. De nouveau sollicitée, la police a refusé de venir relever les éléments de preuve subsistant de l’attaque (masques et aérosols de peinture, par exemple).

Défenseurs des droits humains

En avril, au moins sept ONG qui travaillaient sur les violations des droits humains commises dans le cadre des événements de Chi ?in ?u ont reçu un courrier du ministère de la Justice. Ce courrier demandait à chaque organisation d’expliquer sa position concernant les émeutes et de préciser les mesures qu’elle avait éventuellement prises pour prévenir les violences ou y mettre fin, ainsi que pour faire respecter la Loi sur les rassemblements. Ces sept organisations, de même que quatre autres, ont également reçu des mises en demeure de la direction locale des impôts, en date du 24 avril, les sommant de présenter un certain nombre de documents financiers pour 2008 et 2009, et de détailler leurs dépenses et l’origine de leurs recettes au plus tard le 28 avril. Ce jour-là, le bureau d’Amnesty International à Chi ?in ?u a reçu la visite de représentants de la direction locale des impôts, qui ont exigé que l’organisation fournisse la liste des membres cotisants et divers autres documents. Dans une lettre à Amnesty International, les services du procureur général ont indiqué qu’il s’agissait là de contrôles de routine « sans relation de cause à effet avec les événements du 7 avril ».

Justice internationale

La Moldavie n’avait toujours pas ratifié à la fin de l’année 2009 le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, malgré l’avis rendu en 2007 par la Cour constitutionnelle, qui avait estimé qu’elle pouvait le faire sans avoir à modifier sa Constitution.

À lire

Moldova : Memorandum - Amnesty International’s concerns relating to policing during and after the events of 7 April 2009 in Chi ?in ?u (EUR 59/003/2009).
Police torture and other ill-treatment : it’s still “just normal” in Moldova (EUR 59/009/2009).

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