Afrique — Résumé

« Personne n’a jamais demandé aux Soudanais s’ils souhaitaient, eux, qu’un mandat d’arrêt soit décerné contre leur président. [Mais leur réponse serait] indubitablement : oui, il est temps. »

Cette militante soudanaise exprime un sentiment qui a été partagé par de nombreux Africains lorsque la Cour pénale internationale (CPI) a décerné un mandat d’arrêt contre le président soudanais Omar el Béchir au mois de mars. Le chef de l’État était accusé d’être l’auteur indirect de crimes de guerre, en particulier d’attaques contre des civils et de pillages, ainsi que de crimes contre l’humanité, notamment de meurtre, d’extermination, de transfert forcé, de torture et de viol. Il s’agissait d’un message fort et bienvenu indiquant à tous les individus soupçonnés d’être responsables de violations flagrantes des droits humains que nul n’est au-dessus des lois et que les droits des victimes doivent être respectés.
La société civile africaine a maintes fois souligné l’importance d’un renforcement de la justice internationale et appelé l’Union africaine (UA) et ses États membres à coopérer avec la CPI. Pourtant, l’Assemblée de l’UA a adopté en juillet une résolution stipulant qu’elle ne collaborerait pas avec la CPI pour le transfert à la Cour du président el Béchir. L’UA a de plus réitéré à l’intention du Conseil de sécurité des Nations unies sa demande de report des poursuites engagées par la CPI contre le président soudanais. Elle a également fait part de son intention de chercher à limiter le pouvoir qu’a le procureur de la CPI d’instruire des cas à sa seule discrétion. Certains États membres de l’UA ont semblé ne pas partager la position adoptée par cette instance, mais leurs voix ont été étouffées par celles des opposants les plus virulents à la CPI.
Le contraste saisissant entre le discours sur les libertés fondamentales tenu par de nombreux dirigeants africains et l’absence de mesures concrètes visant à respecter, protéger et promouvoir ces droits n’est pas nouveau. Mais cet énorme décalage n’a pour ainsi dire jamais été aussi perceptible qu’à travers leurs réactions face au mandat d’arrêt décerné contre le président el Béchir. Cette affaire a suscité en Afrique un vaste débat, toujours d’actualité, sur le rôle de la justice internationale en matière de respect de l’obligation de rendre des comptes pour les violations flagrantes du droit international humanitaire et du droit international relatif aux droits humains.
L’année 2009 a hélas été marquée en Afrique par de nombreux autres exemples illustrant l’absence de volonté politique de veiller au respect de l’obligation de rendre des comptes, à quelque échelle que ce soit.

Conflits

En République centrafricaine, en République démocratique du Congo (RDC), en Somalie, au Soudan et au Tchad, des membres de groupes d’opposition armés et des forces de sécurité gouvernementales ont, cette année encore, commis des atteintes aux droits humains en toute impunité dans les régions de ces pays en proie à un conflit armé ou à l’insécurité.
La Somalie ne disposait pas d’un appareil judiciaire en état de fonctionner et n’avait pas mis en place de mécanisme efficace pour surveiller les atteintes aux droits fondamentaux. Le conflit entre les différents groupes armés et les forces gouvernementales a provoqué la mort de milliers de civils en raison du caractère aveugle et disproportionné de nombreuses opérations militaires menées par toutes les parties en présence, en particulier aux alentours de Mogadiscio, la capitale. Les civils étaient souvent pris pour cibles lors des attaques et des zones densément peuplées ont été bombardées. L’aide militaire apportée au gouvernement fédéral de transition – notamment les expéditions d’armes effectuées depuis les États-Unis – sans que des mesures aient été prises pour garantir qu’elle ne pouvait pas conduire à des violations flagrantes des droits humains risquait d’aggraver la situation. Le conflit en Somalie a continué d’avoir des retentissements sur la stabilité des autres pays de la Corne de l’Afrique.
Dans l’est de la RDC, les violences sexuelles, les attaques contre les civils, les pillages ainsi que l’enrôlement et l’utilisation d’enfants soldats se sont poursuivis avec la même intensité. Les opérations militaires lancées conjointement contre les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR, un groupe armé) par l’armée régulière congolaise (les Forces armées de la République démocratique du Congo, FARDC) et la Mission de l’Organisation des Nations unies en République démocratique du Congo (MONUC) ont fait des milliers de morts et de blessés, entraîné le déplacement de plusieurs milliers de personnes et détruit des villages. Les FDLR ont continué de prendre pour cibles des civils. Le soutien apporté par la MONUC aux FARDC lors de ces offensives a fait l’objet de sévères critiques en raison des nombreuses violations des droits humains commises par l’armée congolaise.
L’arrestation au mois de novembre en Allemagne d’Ignace Murwanashyaka, président des FDLR, et de son adjoint, Straton Musoni, a constitué une avancée et prouvé que la compétence universelle avait son utilité dans la lutte contre l’impunité. Le gouvernement de la RDC a refusé d’arrêter l’ancien chef rebelle Bosco Ntaganda et de le remettre à la CPI, alors qu’il était juridiquement tenu de livrer cet homme sous le coup d’un mandat d’arrêt. D’autres hauts responsables des FARDC accusés de crimes de guerre et d’autres graves violations des droits humains n’ont été ni suspendus de leurs fonctions ni déférés à la justice.
En mars, l’UA a mis en place un panel de haut niveau, présidé par l’ancien président sud-africain Thabo Mbeki, chargé d’étudier les moyens de faire respecter l’obligation de rendre des comptes et de favoriser la réconciliation au Darfour. Rendu public en octobre, le rapport de cette instance comportait un large éventail de recommandations visant à ce que justice soit faite, à ce que la vérité soit établie sur les atteintes aux droits humains passées et présentes, et à ce que des réparations soient accordées aux victimes de ces violences ou à leurs proches. Le panel de haut niveau sur la crise au Darfour a reconnu le rôle joué par la CPI dans la lutte contre l’impunité.
Un certain nombre de pays ont indiqué que le président el Béchir risquait d’être arrêté s’il se rendait sur leur territoire, mais de nombreux autres, comme l’Égypte, l’Éthiopie ou l’Érythrée, se sont cependant montrés plus que ravis de recevoir le chef de l’État soudanais. De plus, le gouvernement de Khartoum est resté sourd aux initiatives internationales en matière de justice ; il a ainsi continué de refuser d’arrêter Ahmad Harun, ancien ministre, ainsi qu’Ali Kushayb, ancien chef des Janjawids (milice alliée au gouvernement), alors que la CPI avait décerné contre eux en avril 2007 des mandats d’arrêt, toujours en souffrance, pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
Au Sud-Soudan, le conflit qui opposait différentes communautés s’est aggravé, en particulier dans le Jonglei. Des milliers de personnes ont été déplacées et de nombreuses autres, y compris des civils, ont été tuées ou blessées.
L’action des organisations humanitaires susceptibles d’apporter une aide aux Soudanais été entravée par les difficiles conditions de travail dans le pays, dues notamment au climat général d’insécurité et au fait que ces organisations étaient souvent prises pour cibles par les parties au conflit ou par des bandits. La situation était similaire en RDC, en Somalie et dans l’est du Tchad. Dans ces quatre pays, des soldats de maintien de la paix de l’ONU et de l’UA, qui étaient généralement chargés de protéger la population civile, ont eux aussi été attaqués.
Dans les situations d’après-conflit, l’obligation de rendre des comptes et d’apporter réparation pour les violations des droits humains commises par le passé n’a souvent pas été prise en considération de manière efficace. Ainsi, au Liberia, la Commission vérité et réconciliation mise en place pour faire la lumière sur les violations perpétrées entre 1979 et 2003 a recommandé, dans son rapport final publié en 2009, la création d’un tribunal pénal extraordinaire chargé d’instruire et de juger les affaires de crimes relevant du droit international. Les autorités n’ont pas encore pris les mesures concrètes nécessaires pour mettre en œuvre ces recommandations.
Au Burundi, la mise en place d’une commission de vérité et de réconciliation et d’un tribunal spécial chargé, dans le cadre du système judiciaire burundais, d’enquêter sur les violences commises par le passé et de poursuivre, le cas échéant, les auteurs de crimes de génocide, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité a peu progressé.
Les seules véritables avancées enregistrées dans la région concernent en premier lieu le Tribunal spécial pour la Sierra Leone, qui a achevé tous ses procès en 2009, y compris ceux en appel, à l’exception cependant du procès de l’ancien président du Liberia Charles Taylor, qui s’est poursuivi tout au long de l’année. Le programme de réparation ne disposait cependant pas des moyens suffisants pour avoir une réelle incidence sur les personnes qui ont été victimes d’atteintes aux droits humains durant le conflit qui a déchiré le pays de 1991 à 2002. Par ailleurs, le Conseil de sécurité des Nations unies a reconduit en décembre le mandat du Tribunal pénal international pour le Rwanda jusqu’à la fin de 2012 afin que cette juridiction puisse mener à terme toutes les procédures en cours.
Le Sénégal n’avait toujours pas ouvert à la fin de l’année le procès de l’ancien président tchadien Hissène Habré, demandé par l’UA, en raison semble-t-il d’un manque de ressources. Le montant des aides financières demandées par le Sénégal a toutefois été jugé excessif par les bailleurs de fonds internationaux.

Préoccupations en matière de sécurité publique

Le manque de détermination à lutter contre l’impunité s’est également illustré par l’attitude qu’ont eu de nombreux États africains face aux violations commises par leurs agents chargés du maintien de l’ordre et de la sécurité. En 2009, il n’était pas rare que les forces de sécurité recourent à une force excessive et commettent des homicides illégaux, y compris des exécutions extrajudiciaires.
À Madagascar, le 7 février, la garde présidentielle a tiré à balles réelles sur des manifestants non armés qui se dirigeaient vers le palais présidentiel à Antananarivo, faisant au moins 31 morts. Aucune enquête indépendante et impartiale n’a été menée sur ces homicides illégaux malgré les demandes de proches des victimes et d’organisations de défense des droits humains.
Au Nigeria, des centaines de personnes sont tuées chaque année de manière illégale par la police, et 2009 n’a pas échappé à cette tendance. Perpétrés dans des postes de police, à des barrages routiers ou sur la voie publique, ces homicides illégaux – dont un grand nombre pourraient être des exécutions extrajudiciaires – ne font presque jamais l’objet d’une enquête. Les personnes dans le dénuement qui ne peuvent pas soudoyer les agents de la force publique risquent encore davantage d’être tuées. Le droit nigérian autorise le recours à la force meurtrière dans un nombre de cas supérieur à celui prévu par la législation et les normes internationales relatives aux droits humains.
Au Cameroun, le gouvernement ne semblait pas avoir ouvert d’enquête sur la centaine d’homicides illégaux commis en 2008 par les forces de sécurité lors de la répression de violentes manifestations organisées contre l’augmentation du coût de la vie et contre une modification de la Constitution visant à prolonger le mandat présidentiel. Au Kenya, les autorités n’ont pris aucune mesure pour que les responsables présumés des violations des droits humains commises en 2007-2008 lors des violences postélectorales, qui ont fait plus d’un millier de tués, répondent de leurs actes. Le procureur de la CPI a en conséquence demandé à la Cour l’autorisation d’enquêter sur les crimes contre l’humanité qui pourraient avoir été commis dans le contexte de ces violences.
En Guinée, plus de 150 personnes ont été tuées illégalement le 28 sep-tembre lorsque les forces de sécurité ont violemment réprimé une manifestation pacifique organisée dans un stade de Conakry, la capitale du pays. Des manifestantes ont été violées en public. Les autorités n’ayant mené aucune investigation sérieuse sur ces violences, les Nations unies ont mis en place une commission d’enquête internationale qui a conclu à l’existence de crimes contre l’humanité et recommandé que l’affaire soit portée devant la CPI.
Au moins dans ce cas a-t-on constaté de la part des Nations unies, de l’UA et de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest la volonté politique d’agir rapidement pour établir les faits et identifier les responsables. Malheureusement, il s’agissait davantage d’un cas exceptionnel que d’une règle dans cette région du monde.
En 2009, la situation en matière de droits humains a encore été aggravée par le fait que les forces de sécurité demeuraient mal rémunérées, insuffisamment formées et sous-équipées. Dans de nombreux pays, elles restaient essentiellement un instrument de répression et non un outil de lutte contre la criminalité, au service de la population. Alors que l’opinion demandait aux agents de la force publique de répondre de leurs actes, de nouvelles violations venaient réduire à néant cette exigence de justice.

Répression de la dissidence

Dans de nombreux pays, les journalistes, les opposants, les militants syndicaux et les défenseurs des droits humains ont subi des violations de leur droit à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique. Des gouvernements réagissaient souvent en discréditant ou en attaquant ceux qui les critiquaient, notamment par le biais de manœuvres d’intimidation, d’arrestations arbitraires, de disparitions forcées et parfois même d’homicides. Dans certains pays, la justice manquait d’indépendance et les magistrats faisaient l’objet d’intimidations ; l’appareil judiciaire devenait alors un outil de répression supplémentaire.
Les activités des journalistes ont été restreintes de nombreuses manières et la liste des États qui, en 2009, réprimaient les libertés fondamentales et le droit de leur peuple à l’information est longue. Ainsi, en Angola, plusieurs journalistes ont été poursuivis en justice pour avoir « utilisé les médias à mauvais escient » et un autre a été condamné à une peine d’emprisonnement pour diffamation. Au Cameroun, un journaliste a été condamné à trois ans d’emprisonnement pour publication de « fausses nouvelles » et d’autres ont été inculpés d’outrage à des représentants de l’État. Des professionnels des médias ont également été arrêtés en Érythrée, en Gambie, au Nigeria, en Ouganda et en RDC à cause de leur travail. Le Soudan et le Tchad ont expulsé plusieurs journalistes étrangers, et des lois restreignant les activités des médias ont été adoptées ou restaient en vigueur dans ces deux pays ainsi qu’au Rwanda et au Togo. La presse soudanaise a été soumise à une importante censure durant une grande partie de l’année. À Madagascar, au Nigeria, en Ouganda et au Sénégal, plusieurs organes de presse ont été fermés. Au Congo, en Côte d’Ivoire, à Djibouti, en Éthiopie, en Guinée, au Kenya, au Sénégal, au Swaziland et en Tanzanie, des journalistes ont été harcelés et intimidés. En Somalie, neuf journalistes ont été tués et de nombreux autres ont fui le pays car ils étaient menacés, de même que des militants des droits humains, par des groupes armés.
Dans l’ensemble de la région, des militants des droits humains ont fait l’objet de manœuvres d’intimidation en raison de leurs activités et ont parfois été arrêtés, notamment au Burkina Faso, en Mauritanie, en RDC, au Swaziland, au Tchad et au Zimbabwe. D’autres pays, notamment l’Éthiopie, ont adopté des lois restreignant l’action, pourtant légitime, de la société civile. En Gambie, le président aurait menacé de tuer quiconque tenterait de déstabiliser le pays ; il visait tout particulièrement les défenseurs des droits fondamentaux. Au Kenya, deux éminents défenseurs des droits humains ont été assassinés en plein jour à Nairobi par des individus armés non identifiés. Au Burundi, un défenseur des droits fondamentaux travaillant sur la question de la corruption, notamment au sein de la police, a été tué à l’arme blanche à son domicile.
Des opposants politiques au gouvernement, réels ou présumés, ont été arrêtés de manière arbitraire dans de nombreux pays, notamment au Cameroun, au Congo, en Éthiopie, en Guinée, en Guinée-Bissau, en Guinée équatoriale, à Madagascar, au Niger, au Tchad et au Zimbabwe. Ceux qui se trouvaient en détention étaient régulièrement torturés ou soumis à d’autres formes de mauvais traitements. De plus, des opposants ont, cette année encore, été victimes de disparition forcée, notamment en Gambie et au Tchad. En Guinée-Bissau des soldats ont tué un certain nombre de responsables politiques et militaires.
Dans certains pays – comme le Congo, la Guinée, Madagascar, la Mauritanie ou l’Ouganda –, des manifestations ont été violemment réprimées.

Populations en mouvement

En raison des conflits armés et de l’insécurité auxquels la région était toujours en proie, on comptait encore en 2009 plusieurs centaines de milliers de personnes déplacées. Beaucoup vivaient dans des camps, dans des conditions précaires et avec un accès restreint à l’eau, aux installations d’assainissement, aux services de santé, à l’éducation et à l’alimentation. Un grand nombre de personnes déplacées en raison du conflit dans le nord de l’Ouganda ont pu regagner leur foyer, mais elles n’avaient pas accès aux services de base.
Au Kenya, en Ouganda et en Tanzanie, des réfugiés et des demandeurs d’asile ont été ou risquaient d’être renvoyés de force dans leur pays d’origine, alors qu’ils demeuraient susceptibles d’y être victimes de persécutions ou d’autres violences. En Afrique du Sud, la police a souvent réagi de façon inadaptée quand des agressions xénophobes étaient commises contre des migrants et des réfugiés, et quand les biens de ces personnes étaient détruits.
En Mauritanie, des migrants ont de nouveau été arbitrairement arrêtés et incarcérés avant d’être expulsés ; les autorités avaient mis en place cette politique pour répondre aux pressions des États européens exigeant le contrôle des flux migratoires. L’Angola a expulsé environ 160 000 ressortissants de la RDC au cours d’opérations entachées de multiples abus ; selon certaines informations, les forces de sécurité angolaises ont soumis les personnes expulsées à toutes sortes de mauvais traitements, y compris à des sévices sexuels. Certaines sont mortes au cours de ces opérations. Par mesure de représailles, la RDC a renvoyé plusieurs milliers d’Angolais, dont certains avaient obtenu le statut de réfugié.
L’une des avancées enregistrées en 2009 a été l’adoption par l’UA de la Convention sur la protection et l’assistance aux personnes déplacées en Afrique, qui reconnaît la vulnérabilité et les besoins particuliers de ces populations.

Logement – expulsions forcées

L’urbanisation rapide que connaît la région a elle aussi provoqué des déplacements. Chaque année, des dizaines de milliers d’Africains sont contraints de s’installer dans des quartiers d’habitat spontané, où ils vivent souvent dans des conditions très précaires, sans accès à des services aussi essentiels que l’approvisionnement en eau, l’assainissement, la santé et l’éducation.
Ces personnes ne bénéficient pas d’un logement adapté, n’ont aucune garantie d’occupation et sont exposées au risque d’une expulsion forcée. Lorsqu’elles sont chassées de chez elles, elles perdent bien souvent leurs moyens de subsistance et leurs maigres possessions, et sombrent davantage encore dans la misère. Les personnes expulsées ne sont quasiment jamais consultées, elles ne sont pas averties au préalable et ne reçoivent pas d’indemnisation ou de logement de remplacement adapté. En 2009, cette tendance s’est maintenue et des vagues d’expulsions forcées ont eu lieu en Angola, au Ghana, en Guinée équatoriale, au Kenya, au Nigeria et au Tchad.

Préoccupations d’ordre économique – responsabilité des entreprises

L’absence de responsabilisation des entreprises a entraîné un certain nombre d’atteintes aux droits humains. Dans l’est de la RDC, les questions liées à l’exploitation des ressources naturelles, en particulier par le secteur minier, ont continué d’alimenter le conflit qui sévissait dans la région. Des groupes armés, ainsi que l’armée nationale, participaient à cette exploitation et réalisaient des transactions commerciales avec des acteurs économiques privés. Des enfants travaillaient dans certaines de ces mines.
Au Nigeria, la situation s’est dégradée dans le delta du Niger ; les forces de sécurité se sont rendues coupables de violations des droits humains au cours d’opérations militaires lancées contre des groupes armés. Ces derniers ont enlevé de nombreux employés du secteur pétrolier ainsi que des proches de ces personnes, et lancé des attaques contre des installations pétrolières. Les activités du secteur pétrolier ont dégradé l’environnement et ont eu un impact négatif sur les conditions de vie des habitants et sur leurs moyens de subsistance. Les lois et réglementations visant à protéger l’environnement était peu appliquées et les atteintes aux droits fondamentaux commises par le passé restaient impunies, ce qui contribuait à entretenir le conflit et la situation de dénuement des habitants.
En raison de la corruption, près de 30 000 victimes du déversement de déchets toxiques survenu en 2006 en Côte d’Ivoire risquaient de ne pas bénéficier de l’indemnisation qui leur avait été accordée par la société Trafigura à l’issue d’un arrangement à l’amiable conclu au Royaume-Uni.

Discrimination

Dans plusieurs pays, des personnes continuaient de subir des discriminations fondées sur leur orientation sexuelle, réelle ou supposée. Des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles ou transgenres, ainsi que des militants des droits humains œuvrant à leurs côtés et pour leur défense, ont été harcelés et intimidés. Certains ont été arrêtés et incarcérés de manière arbitraire, et maltraités. De nouvelles lois incriminant encore davantage l’homosexualité ont été adoptées ou étaient en cours d’examen dans plusieurs pays de la région.
Le Burundi a ainsi adopté, en avril, un nouveau Code pénal érigeant en infraction les relations homosexuelles entre personnes consentantes. En Ouganda, une proposition de loi relative à la lutte contre l’homosexualité a été déposée au Parlement. Elle visait à renforcer la législation discriminatoire en vigueur en y inscrivant de nouvelles infractions telles que la « promotion de l’homosexualité ». Ce texte envisageait également de sanctionner certaines infractions par la peine de mort ou la réclusion à perpétuité. Au Nigeria, la proposition de loi relative à l’interdiction du mariage homosexuel, qui prévoyait des sanctions pénales pour les personnes de même sexe contractant un mariage ainsi que pour leurs témoins et ceux qui procéderaient à une telle union, était toujours en cours d’examen.
Au Cameroun et au Sénégal, des hommes soupçonnés d’avoir des relations homosexuelles ont été harcelés, arrêtés et incarcérés de manière arbitraire, placés en détention, torturés et jugés à l’issue de procès iniques. Au Malawi, deux hommes ont été arrêtés et inculpés fin décembre de « pratiques contraires aux bonnes mœurs entre deux hommes » après une « cérémonie traditionnelle de fiançailles ». Ils auraient été maltraités au cours de leur détention.
Un point positif à noter : au Rwanda, le ministre de la Justice a déclaré publiquement que l’homosexualité ne serait pas érigée en infraction pénale, l’orientation sexuelle relevant de la sphère privée.
Des personnes ont également été victimes de pratiques discriminatoires en raison de leur genre, de leur appartenance ethnique, de leur religion ou de leur identité. Les discriminations et les violences contre les femmes et les jeunes filles étaient courantes dans de nombreuses sociétés et revêtaient différentes formes. Des femmes et des filles ont cette année encore été violées, en particulier lors de conflits armés tels que ceux qui sévissaient en RDC, au Soudan et au Tchad. Certains pays ont également enregistré un niveau élevé de violences domestiques, même si, dans la plupart d’entre eux, il n’existait pas de système adapté pour signaler les violences ou enquêter sur celles-ci. La plupart des femmes et des filles se heurtaient à de nombreux obstacles lorsqu’elles tentaient de saisir la justice. Les discriminations et le statut inférieur dont pâtissaient les femmes dans des pays comme le Burkina Faso et la Sierra Leone réduisaient leurs possibilités d’obtenir des soins médicaux et contribuaient au taux élevé de mortalité maternelle. Certaines pratiques traditionnelles dangereuses n’avaient toujours pas disparu, notamment les mutilations génitales féminines et le mariage précoce.
Au Soudan, des femmes ont été arrêtées et flagellées pour avoir porté un pantalon, vêtement considéré comme « indécent ou immoral ». En Somalie, les milices Al Shabab (Les Jeunes) ont fermé des organisations féminines. Dans des districts du nord de la Sierra Leone, des femmes se sont vu refuser l’accès à la candidature aux élections pour la chefferie. Au Mali, un projet visant à accorder aux femmes l’égalité des droits dans la législation a été accueilli par des mouvements de protestation. Le Nigeria n’avait toujours pas adopté de loi afin de transposer dans son droit interne la Convention sur les femmes [ONU], que le pays avait pourtant ratifiée depuis près de 25 ans.
Des rapporteurs spéciaux des Nations unis ont souligné la marginalisation persistante de la communauté noire en Mauritanie. Plusieurs groupes religieux demeuraient interdits en Érythrée, où des personnes ont été persécutées en raison de leurs convictions religieuses. Au Burundi et en Tanzanie, les meurtres et mutilations de personnes albinos se sont poursuivis ; ces agissements étaient motivés par des croyances culturelles et religieuses. En Tanzanie, des personnes soupçonnées d’avoir participé à de tels homicides ont été reconnues coupables de meurtre.

Conclusion

Le manque d’empressement de nombreux États à enquêter sur les crimes relevant du droit international et poursuivre en justice leurs auteurs présumés, ou à coopérer avec la CPI en vue de l’arrestation du président soudanais Omar el Béchir, n’était que l’une des manifestations d’une situation dans laquelle les responsables d’atteintes aux droits humains n’étaient pas amenés à rendre compte de leurs actes. Cette absence de responsabilisation, constatée au niveau des autorités locales et centrales, des organes chargés de l’application des lois, des groupes armés et des entreprises, demeurait généralisée dans l’ensemble de la région. Si ce problème n’est pas résolu il ne pourra pas y avoir d’amélioration durable du respect de l’ensemble des droits fondamentaux inscrits dans la Déclaration universelle des droits de l’homme ainsi que dans les traités régionaux et internationaux en la matière.
L’UA devrait donner cette impulsion en montrant l’exemple. Or, dans certaines situations, elle a elle-même participé à ce problème. La société civile africaine réclame chaque année de façon plus pressante que les responsables d’atteintes aux droits humains soient amenés à rendre compte de leurs actes. Des évolutions significatives ne pourront pas être obtenues dans ce domaine sans la détermination des dirigeants politiques.

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