République Démocratique Du Congo

De graves violations du droit international humanitaire et du droit international relatif aux droits humains ont été commises dans l’est du pays par des groupes armés et par l’armée régulière, notamment lors d’opérations militaires lancées par les autorités contre les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR, groupe armé). Dans l’ensemble de la République démocratique du Congo (RDC), l’armée, la police et les services du renseignement se sont rendus coupables, parfois pour des motifs politiques, de graves violations des droits fondamentaux, notamment de multiples actes de torture et autres mauvais traitements, arrestations arbitraires et violences sexuelles. Un très grand nombre de condamnations à mort ont été prononcées. Aucune exécution n’a été signalée. Les autorités ont durci les restrictions imposées à la liberté de la presse et un certain nombre de menaces et d’agressions visant des défenseurs des droits humains ont été signalées. La détérioration des relations entre la RDC et l’Angola a atteint un point extrême en septembre, avec des expulsions massives et arbitraires de migrants et de réfugiés de la part des deux pays.

République démocratique du Congo
CHEF DE L’ÉTAT : Joseph Kabila
CHEF DU GOUVERNEMENT : Adolphe Muzito
PEINE DE MORT : maintenue
POPULATION : 66 millions
ESPÉRANCE DE VIE : 47,6 ans
MORTALITÉ DES MOINS DE CINQ ANS (M/F) : 209 / 187 ‰
TAUX D’ALPHABÉTISATION DES ADULTES : 67,2 %

Conflit armé

En janvier, les forces gouvernementales congolaises et rwandaises ont lancé une offensive militaire conjointe contre les FDLR dans la province du Nord-Kivu. Les forces rwandaises se sont retirées en février. Une seconde offensive contre les FDLR, l’opération Kimia II, a été menée en mars par les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC, l’armée régulière), avec le soutien de la Mission de l’Organisation des Nations unies en République démocratique du Congo (MONUC). Étendue en juillet au Sud-Kivu, Kimia II se poursuivait dans les deux provinces à la fin de l’année. En octobre, le rapporteur spécial des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires a qualifié les opérations contre les FDLR de « catastrophiques » en termes de droits humains.
Ces opérations militaires sont intervenues à la suite d’un rapprochement entre les gouvernements de la RDC et du Rwanda et la conclusion, début 2009, d’un accord de paix destiné à mettre un terme à la rébellion du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP, mouvement armé soutenu par le Rwanda et actif dans le Nord-Kivu). Dans le cadre de l’accord, de nombreux combattants du CNDP et d’autres groupes armés ont été à la hâte intégrés aux FARDC et ont joué un rôle de premier plan dans les opérations anti-FDLR. Le gouvernement n’a pas soumis les soldats nouvellement incorporés à un quelconque processus de contrôle ou de formation ; il ne leur versait par ailleurs pas une rémunération appropriée. Les chaînes de commandement en place dans les anciens groupes armés ont été laissées telles quelles. L’absence de contrôle efficace des pouvoirs publics sur ces forces a contribué au piètre respect des droits humains par les FARDC.
Bien qu’autorisé par une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies, le soutien apporté par la MONUC à l’opération Kimia II a fait l’objet de critiques en raison des crimes de guerre et autres atteintes graves aux droits humains perpétrés par les FARDC, ainsi que par les FDLR qui ont agi à titre de représailles. À la fin de l’année, les effectifs de la MONUC s’élevaient à environ 20 000 personnes, essentiellement regroupées dans l’est de la RDC.
Dans le nord-est du pays, les FARDC, soutenues par les forces gouvernementales ougandaises et la MONUC, ont poursuivi leurs opérations militaires contre l’Armée de résistance du Seigneur (LRA, groupe armé ougandais). La LRA s’est rendue coupable de violations du droit international humanitaire, notamment d’homicides et d’enlèvements de civils.
En juin, les autorités ont annoncé la mise en place dans l’est du pays d’un plan de stabilisation et de reconstruction (STAREC), établi par le gouvernement et bénéficiant du soutien des Nations unies. Cette mesure visait à renforcer la sécurité et l’autorité de l’État dans ce secteur, à venir en aide aux populations touchées par le conflit et à relancer l’activité économique. L’un des principaux volets du plan résidait dans le déploiement progressif de services de police et la mise en place des autorités administratives et judiciaires dans l’est du pays, dans le but de remplacer les FARDC. Cette initiative se heurtait à des difficultés considérables, les moindres n’étant pas l’insécurité persistante dans l’est du pays et le fait que les pouvoirs publics n’avaient pas engagé de réforme en profondeur des forces armées.
Les violences intercommunautaires qui ont éclaté en novembre à Dongo, dans la province de l’Équateur (nord-ouest du pays), ont fait au moins 100 morts et contraint quelque 92 000 personnes à quitter leur foyer.

Homicides illégaux

Les groupes armés et les forces gouvernementales se sont rendus coupables de plusieurs centaines d’exécutions illégales et d’attaques contre des membres du personnel humanitaire. La plupart de ces violences ont été commises en marge de l’opération Kimia II.
 ?Lors d’opérations menées contre les FDLR entre le 27 et le 30 avril, des soldats des FARDC ont tué illégalement au moins 100 civils vivant dans un camp de réfugiés à Shalio, sur le territoire de Walikale (Nord-Kivu). La plupart des victimes étaient des femmes et des enfants.
 ?Agissant selon toute apparence en représailles, les FDLR ont assassiné au moins 96 civils le 10 mai à Busurungi (territoire de Walikale). Certaines personnes ont été brûlées vives à l’intérieur de leur maison.
Violences contre les femmes et les filles
Les opérations militaires conduites dans l’est de la RDC sont allées de pair avec une recrudescence des viols. De nombreux viols ont également été signalés dans des régions du pays qui n’étaient pas touchées par le conflit, notamment dans les villes de Lubumbashi et de Kinshasa.
 ?En juin, le centre médical d’une ONG a indiqué recevoir tous les mois une soixantaine de femmes et de jeunes filles violées par des membres des FARDC, des FDLR ou d’autres milices agissant dans le sud du territoire de Lubero (Nord-Kivu).

Droits des enfants

Une nouvelle loi de protection de l’enfant comportant un ensemble de mesures administratives, judiciaires, éducatives et sanitaires a été adoptée en janvier. Le texte érigeait notamment en infraction pénale les actes de torture, l’enlèvement, la traite et les violences sexuelles contre des enfants, ainsi que l’enrôlement et l’utilisation de mineurs dans des forces armées ou au sein des services de police. La mise en œuvre de cette nouvelle législation demeurait toutefois hésitante.
En janvier, le Comité des droits de l’enfant [ONU] a conclu que le gouvernement et les groupes armés s’étaient rendus coupables de violations généralisées de la Convention relative aux droits de l’enfant, notamment de recrutement et d’utilisation de mineurs dans un conflit armé, d’enlèvements, de traite, de torture et d’autres mauvais traitements, d’arrestations arbitraires et de détentions illicites d’enfants, ainsi que de niveaux élevés de violences sexuelles et d’exploitation économique. Il a déploré le taux élevé de mortalité infantile et le faible niveau de scolarisation, en particulier chez les filles. L’UNICEF a indiqué en novembre que plus de 43 000 enfants travaillaient dans les mines de la RDC.
 ?En avril, des délégués d’Amnesty International ont constaté que des enfants travaillaient dans une mine d’or à Goné, dans le territoire de Mwenga (province du Sud-Kivu). D’autres orpailleurs utilisaient, sans protection, du mercure pour amalgamer les particules d’or à partir de la boue du lit des rivières.

Enfants soldats

D’après les estimations, le nombre d’enfants utilisés par des groupes armés dans l’est du pays s’élevait à 3 000 ou 4 000, nouvelles recrues comprises. La LRA a enlevé plusieurs centaines de personnes, pour la plupart des enfants, dans la Province-Orientale (nord-est du pays), à des fins d’esclavage domestique ou sexuel ou dans le but de les enrôler en tant que combattants. Par ailleurs, de nombreux enfants servaient toujours dans les rangs de l’armée, bien que les FARDC aient officiellement interdit le recrutement de mineurs depuis 2004. Il s’agissait notamment d’enfants liés aux groupes armés qui avaient été intégrés aux FARDC au début de 2009. L’armée utilisait aussi des enfants en tant que porteurs pendant ses opérations. Les programmes de réinsertion sociale et de protection de l’enfance mis en place par les Nations unies et diverses ONG pour les anciens enfants soldats ne disposaient toujours pas de ressources suffisantes.

Réfugiés et personnes déplacées

À la fin de l’année, on dénombrait environ 2 millions de personnes déplacées, dont plusieurs centaines de milliers avaient été contraintes de quitter leur foyer à la suite de l’offensive Kimia II. Près de la moitié étaient des enfants. Des dizaines de milliers de personnes déplacées se trouvaient toujours dans des zones peu sûres, hors de portée de toute aide humanitaire. Après plusieurs jours, voire plusieurs semaines, de fuite, un grand nombre étaient dans un état de santé déplorable.
Environ 160 000 citoyens de RDC, d’après les estimations, ont été expulsés d’Angola vers leur pays d’origine entre les mois de janvier et d’octobre, avec un nombre record de renvois en septembre (voir Angola). Ces expulsions massives et arbitraires, menées dans des conditions humanitaires déplorables, se sont accompagnées d’autres violations des droits fondamentaux, notamment de violences sexuelles, d’actes de torture et d’autres mauvais traitements perpétrés par les forces de sécurité angolaises. D’après certaines sources, un grand nombre de personnes expulsées se sont noyées lors de la traversée de fleuves ou sont mortes asphyxiées dans des véhicules bondés. Agissant en représailles, les autorités de la RDC ont expulsé plusieurs milliers d’Angolais en septembre, dont un certain nombre de personnes ayant obtenu le statut de réfugié. En octobre, les deux pays sont convenus de mettre un terme aux expulsions.

Commerce des armes et exploitation des ressources naturelles

En novembre, le Groupe d’experts des Nations unies sur la République démocratique du Congo a conclu que les FARDC, comme les FDLR et d’autres groupes armés, continuaient de tirer profit de l’exploitation systématique des ressources minérales du pays et de ses autres richesses naturelles. Il a mis en lumière dans son rapport des exemples de trafic illicite d’or par les FDLR vers l’Ouganda, le Burundi et les Émirats arabes unis, mais aussi des exemples de collusion entre des agents des FARDC et les FDLR, et l’existence présumée d’un trafic d’armes en provenance de la Tanzanie et du Burundi et à destination des FDLR. Le document avançait que le CNDP avait conservé le contrôle d’une grande partie de ses armes, malgré l’intégration de ses forces au sein des FARDC. Il présentait des éléments attestant de l’incapacité des États à respecter l’embargo sur les armes et les sanctions mis en place par les Nations unies, indiquant que ces violations avaient « fortement nui à la crédibilité du régime de sanctions ».
 ?En avril, un sergent de l’armée régulière a indiqué à Amnesty International que les militaires pratiquaient l’exploitation systématique dans une grande mine de cassitérite du territoire de Walungu, dans la province du Sud-Kivu. Il a révélé que les bénéfices étaient répartis entre deux brigades et l’état-major régional à Bukavu.

Torture et autres mauvais traitements

Les actes de torture et les autres mauvais traitements envers les personnes détenues par l’armée, la police ou les services de renseignement demeuraient fréquents. Les groupes armés se rendaient eux aussi coupables de violences similaires. Dans l’ensemble des centres de détention et des prisons du pays, les conditions d’incarcération s’apparentaient à un traitement cruel, inhumain ou dégradant. Un très grand nombre de prisonniers purgeant une peine ou détenus dans l’attente de leur procès sont morts de malnutrition ou des suites de pathologies curables. Le viol et les agressions sexuelles contre des détenues étaient monnaie courante. Des évasions collectives se produisaient régulièrement dans les établissements pénitentiaires et les centres de détention, et concernaient notamment des soldats accusés ou reconnus coupables de violations des droits humains.
 ?Vingt femmes détenues à la prison de Muzenze, à Goma, ont été violées lors d’une tentative d’évasion collective survenue en juin. Elles ont été agressées dans leurs cellules par un groupe de prisonniers militaires munis d’armes introduites en contrebande dans l’établissement pénitentiaire.

Peine de mort

Un très grand nombre de personnes, dont des civils, ont été condamnées à mort par des tribunaux militaires au cours de l’année. Aucune exécution n’a été signalée.
Défenseurs des droits humains et liberté d’expression
Un certain nombre de défenseurs des droits humains ont été arrêtés arbitrairement et maltraités en détention. Les menaces de mort visant les militants et les journalistes se sont accrues, et elles étaient généralement transmises par SMS. Deux défenseurs des droits humains ont été poursuivis à la suite de la publication par leur organisation de rapports critiques à l’égard des autorités. Des syndicalistes et des journalistes ont été arrêtés après avoir mis en cause des ministres et d’autres responsables dans des faits de corruption. Les autorités ont menacé de faire comparaître les journalistes locaux et étrangers devant des tribunaux militaires s’ils publiaient des articles considérés comme offensants vis-à-vis de l’armée.
 ?En septembre, Golden Misabiko, président de l’Association africaine de défense des droits de l’homme dans la province du Katanga (ASADHO/Katanga), a été condamné par contumace à une peine de 12 mois d’emprisonnement, dont huit avec sursis, pour avoir « répandu de faux bruits de nature à alarmer les populations, à les inquiéter ou à les exciter contre les pouvoirs établis ». Cet homme avait été interpellé à la suite de la publication par l’ASADHO/Katanga d’un rapport faisant état de la complicité de représentants de l’État dans l’exploitation illégale d’une mine d’uranium à Shinkolobwe.
 ?Robert Ilunga, président des Amis de Nelson Mandela pour la défense des droits humains (ANMDH, une ONG de défense des droits fondamentaux), a été arrêté en août à Kinshasa par les services du renseignement. Il a été accusé de « propagation de faux bruits » et de « diffamation », en raison d’un rapport de cette ONG faisant état de mauvais traitements subis par les employés d’une usine de Kasangulu, dans la province du Bas-Congo. Le document affirmait qu’une « grande dame » jouait un rôle dans cette entreprise, des propos dont les autorités ont estimé qu’ils faisaient référence à Olive Lembe, épouse du président Joseph Kabila. À l’issue de neuf jours de détention au secret, Robert Ilunga a été transféré dans la prison centrale de Kinshasa. Il a été remis en liberté provisoire en octobre par un tribunal de Kinshasa. Aucune date n’était fixée pour son procès.

Impunité

En juillet, les autorités ont annoncé l’adoption d’une politique de « tolérance zéro » pour les violations des droits humains perpétrées par les forces gouvernementales. Un certain nombre de soldats et d’officiers, de grade subalterne pour la plupart, ont été jugés pour violations des droits humains, notamment pour viol, par les juridictions militaires opérationnelles mises en place dans les provinces du Kivu. Le gouvernement a cependant refusé de remettre à la Cour pénale internationale (CPI) Bosco Ntaganda, qui se trouvait sous le coup d’un mandat d’arrêt pour crimes de guerre. Il n’a pas non plus consenti à relever de leurs fonctions, pendant la durée de l’enquête les concernant et dans l’attente de l’issue de leur procès, d’autres officiers supérieurs de l’armée soupçonnés de graves violations des droits humains. Bosco Ntaganda et nombre de ces militaires occupaient des positions de commandement au sein des FARDC lors de l’opération Kimia II. En mars, un tribunal militaire a condamné à mort l’ancien chef de milice Kyungu Mutanga, également appelé Gédéon, pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité, mouvement insurrectionnel et actes de « terrorisme » perpétrés en 2004 et 2006 dans la province du Katanga.

Justice internationale

En novembre, les autorités allemandes ont interpellé le président des FDLR, Ignace Murwanashyaka, et son adjoint, Straton Musoni. Inculpés de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre commis par les FDLR dans l’est de la RDC, les deux hommes ont été appréhendés au terme d’une année d’investigations, selon certaines informations. Il s’agissait des premières arrestations de hauts responsables politiques ou militaires pour des crimes perpétrés dans les provinces du Kivu. D’autres dirigeants accusés de crimes de guerre et d’autres atteintes graves aux droits humains en RDC demeuraient à l’étranger, à l’abri des poursuites. Parmi eux figurait Laurent Nkunda, l’ancien chef militaire du CNDP qui a été évincé, détenu au Rwanda depuis janvier.
Le procès de Thomas Lubanga, inculpé des crimes de guerre que constituent le recrutement d’enfants de moins de 15 ans et leur utilisation dans des combats, s’est ouvert en janvier devant la CPI. Il n’était pas achevé à la fin de l’année. Le procès devant la CPI de Germain Katanga et de Mathieu Ngudjolo Chui a débuté en novembre. Les deux hommes étaient conjointement inculpés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, notamment du recrutement et de l’utilisation d’enfants de moins de 15 ans, de meurtre, de viol et d’esclavage sexuel. Les chefs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité retenus contre l’ancien vice-président de la RDC Jean-Pierre Bemba Gombo, détenu par la CPI depuis juillet 2008, ont été confirmés en juin 2009. Le procès de cet ancien dirigeant devait s’ouvrir en 2010.

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