Tchad

Malgré le déploiement d’une mission de maintien de la paix des Nations unies, l’est du Tchad demeurait en proie à l’instabilité et les atteintes aux droits humains se poursuivaient dans cette région. Des civils et des membres du personnel humanitaire ont été enlevés ou tués ; des femmes, des jeunes filles et des fillettes ont été victimes de viols et de violences ; des enfants ont été enrôlés comme soldats. Les autorités n’ont pas pris de mesures adaptées pour protéger la population civile des attaques lancées par les bandits et les groupes armés. Des opposants politiques présumés ont été arrêtés illégalement, emprisonnés de manière arbitraire et torturés ou maltraités. Les manœuvres d’intimidation et de harcèlement à l’égard de journalistes et de défenseurs des droits humains se sont poursuivies. Les démolitions d’habitations et d’autres constructions ont continué tout au long de l’année, laissant plusieurs milliers de personnes sans domicile.

République du Tchad
CHEF DE L’ÉTAT : Idriss Déby Itno
CHEF DU GOUVERNEMENT : Youssouf Saleh Abbas
PEINE DE MORT : maintenue
POPULATION : 11,2 millions
ESPÉRANCE DE VIE : 48,6 ans
MORTALITÉ DES MOINS DE CINQ ANS (M/F) : 220 / 201 ‰
TAUX D’ALPHABÉTISATION DES ADULTES : 31,8 %

Contexte

Les discussions se sont poursuivies au sujet des élections législatives et présidentielle, qui avaient été ajournées et étaient prévues respectivement pour 2010 et 2011, ainsi qu’au sujet de la mise en œuvre de l’accord politique signé le 13 août 2007 à N’Djamena par 17 partis. Le recensement électoral s’est achevé le 30 juin 2009. L’Assemblée nationale a adopté le 16 juillet une nouvelle loi sur les partis politiques. Le même mois, le président et les 30 membres de la commission électorale ont été nommés par décret présidentiel, sur fond de protestations de l’opposition. Le 25 juillet, le gouvernement a signé un accord de paix avec le Mouvement national, une coalition de trois groupes d’opposition armés.
Plusieurs accords de paix signés dans le passé entre le Tchad et le Soudan n’avaient toujours pas été mis en œuvre. Le 3 mai, les deux pays ont conclu à Doha un nouvel accord, négocié sous les auspices du gouvernement du Qatar. Les débats sur l’application de l’ensemble des accords de paix signés se sont poursuivis tout au long de l’année.
Outre les réfugiés présents dans l’est du Tchad (voir ci-dessous), au moins 56 000 Centrafricains vivaient dans des camps dans le sud du pays.
Est du Tchad
Malgré la présence de la Mission des Nations unies en République centrafricaine et au Tchad (MINURCAT) et le déploiement complet de 806 agents du Détachement intégré de sécurité (DIS), une force tchadienne soutenue par les Nations unies et chargée de la sécurisation des villes et des sites accueillant des personnes déplacées dans l’est du pays, la situation en matière de sécurité demeurait précaire et les exactions étaient monnaie courante. Le 14 janvier, le Conseil de sécurité des Nations unies a reconduit le mandat de la MINURCAT jusqu’en mars 2010 et autorisé le déploiement d’un contingent militaire pour remplacer les soldats de la Force de l’Union européenne, l’EUFOR. Un protocole d’accord entre la MINURCAT et le gouvernement tchadien a été signé en février, de même qu’un arrangement technique avec l’EUFOR concernant le transfert des actifs de celle-ci à la MINURCAT. Le 15 septembre, la MINURCAT avait déployé 2 665 soldats, soit à peine plus de la moitié des effectifs promis.
En janvier, huit groupes d’opposition armés ont formé l’Union des forces de la résistance (UFR). Timane Erdimi, neveu et ancien conseiller du président Idriss Déby Itno, a été placé à la tête de cette coalition. Au début du mois de mai, des affrontements ont opposé l’UFR et l’armée aux abords du village d’Am Dam, à la frontière soudanaise. Le gouvernement a déclaré que 225 combattants rebelles avaient été tués et 212 autres capturés. Il a également signalé la mort de 22 soldats. L’armée de l’air tchadienne a par la suite bombardé le territoire soudanais, déclenchant des représailles des forces soudanaises qui ont pilonné fin mai des zones situées autour de la ville tchadienne de Bahai. Le Soudan a porté plainte devant les Nations unies pour les offensives lancées par le Tchad sur son territoire.
Exactions commises par des groupes armés et des bandits
Des groupes armés tchadiens et soudanais ainsi que des bandits opérant dans l’est du Tchad ont tué et violé des civils et enlevé des personnes contre rançon, notamment des membres du personnel humanitaire. D’après les Nations unies, 192 agressions ont été commises contre des employés humanitaires entre janvier et mi-octobre dans l’est du Tchad. Le 13 novembre, six ONG ont suspendu leurs opérations dans la région après une recrudescence des attaques contre le personnel humanitaire et les organisations de secours.
 ?Le directeur du bureau de Guéréda de la Commission nationale d’accueil et de réinsertion des réfugiés (CNAR, organisme national chargé de l’accueil des réfugiés au Tchad), Michel Mitna, a été abattu par des bandits le 26 octobre. Il circulait entre Guéréda et Abéché à bord d’un véhicule clairement identifié comme appartenant au Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Son chauffeur a été blessé dans cette attaque, dont les auteurs ont pris la fuite.
 ?Le 9 novembre, Laurent Maurice, agronome français travaillant pour le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), a été enlevé par des hommes armés dans le village de Kawa, à une vingtaine de kilomètres de la frontière avec le Darfour (Soudan). Le CICR a alors suspendu ses opérations.

Violences contre les femmes et les filles

Cette année encore, des femmes, des jeunes filles et des fillettes ont été victimes de viols et d’autres formes de violences sexuelles dans l’est du pays. Les auteurs de ces crimes jouissaient d’une impunité quasi totale.

Enfants soldats

L’armée et les groupes d’opposition armés, ainsi que des groupes combattants soudanais, ont continué de recruter des enfants et de les enrôler comme soldats dans l’est du pays.
 ?Au cours des affrontements survenus en mai avec l’UFR, l’armée a repéré 84 enfants soldats parmi les combattants de l’UFR. Confiés à l’UNICEF, ils ont ensuite été transférés dans un centre de transit.
Réfugiés et personnes déplacées
L’est du Tchad accueillait toujours dans 12 camps plus de 260 000 réfugiés en provenance du Darfour. Au moins 180 000 Tchadiens qui avaient dû quitter leur foyer étaient en outre répartis sur 38 sites de la région. Les réfugiés comme les personnes déplacées vivaient dans des conditions précaires et n’étaient pas suffisamment protégés, en particulier lorsqu’ils s’aventuraient à l’extérieur. Ils étaient fréquemment la cible d’attaques lancées par des groupes armés tchadiens et soudanais, par des membres des forces de sécurité tchadiennes ou par des bandits.

Disparitions forcées

On ignorait tout du sort et du lieu de détention de plusieurs dizaines d’hommes qui avaient disparu entre 2006 et 2008 après avoir été arrêtés par les forces gouvernementales. Parmi ces hommes se trouvait Ibni Oumar Mahamat Saleh, un dirigeant de l’opposition interpellé le 3 février 2008 et dont on craignait qu’il ne soit mort.
Arrestations et détentions arbitraires
Un grand nombre de personnes ont été arrêtées et placées arbitrairement en détention, sans avoir été inculpées. Certaines ont été retenues dans les locaux des services de sécurité, où les visites ne sont pas autorisées.
 ?Le 20 juillet, Haroun Mahamat Abdoulaye, sultan du département du Dar Tama, dans l’est du Tchad, a été arrêté à son domicile par la police, puis placé en détention sans inculpation au centre des services de sécurité de N’Djamena. Il avait déjà été arrêté en novembre 2007 en raison de son appartenance présumée au Front uni pour le changement démocratique (FUCD), un ancien groupe d’opposition armé.

Violences contre les femmes et les filles

Les femmes, les jeunes filles et les fillettes ont continué de subir différentes formes de violences, notamment des mutilations génitales et des mariages forcés. Ces derniers étaient parfois imposés à des enfants âgées seulement de 13 ans, notamment dans les camps de réfugiés et les sites accueillant des personnes déplacées.
 ?En août, le Comité des droits de l’homme [ONU] a demandé au Tchad de protéger une jeune fille victime de violences sexuelles en prison. Contrainte de se marier alors qu’elle n’avait que 13 ans, elle était incarcérée depuis 2004 parce qu’elle était soupçonnée d’avoir empoisonné son mari, âgé de 70 ans. Elle a été violée à maintes reprises en prison et a donné naissance à un enfant.

Liberté d’expression – journalistes

Les journalistes ont, cette année encore, été la cible d’actes d’intimidation et de harcèlement. Le décret n° 5, émis par le président tchadien pendant l’état d’urgence (février-mars 2008), demeurait en vigueur. Il restreignait la liberté de la presse et alourdissait les sanctions dont étaient passibles les journalistes. Le texte prévoyait une peine d’emprisonnement pouvant atteindre cinq ans pour les personnes reconnues coupables d’avoir publié de « fausses nouvelles » ou d’avoir « insulté le président, le chef du gouvernement, les ministres ou les diplomates étrangers », une infraction nouvellement définie.
 ?Le 14 octobre, le Camerounais Innocent Ébodé, directeur de publication de l’hebdomadaire La Voix du Tchad, a été sommairement renvoyé du pays. Les autorités accusaient le journal de ne pas respecter les réglementations administratives relatives à la publication de la presse au Tchad et son directeur de publication de séjourner illégalement dans le pays depuis son arrivée, en juin 2009. L’expulsion est intervenue à la suite de la diffusion d’un article critiquant les propos du ministre de l’Environnement, qui avait déclaré que le président Idriss Déby Itno méritait le prix Nobel de la paix pour son action en faveur de l’environnement.
 ?Le 28 novembre, Éloi Miandadji, de La Voix du Tchad, a été arrêté et retenu pendant plusieurs heures. La carte mémoire de son appareil photo a en outre été confisquée. Le journaliste s’était présenté au ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique et avait sollicité un entretien. L’incident s’est produit après qu’il eut posé une question sur l’utilisation des véhicules de police. Le ministre l’a alors injurié. Eloi Miandadji a par la suite été contraint de signer un document dans lequel il s’engageait à ne pas rédiger d’article sur son arrestation ni sur sa question concernant les véhicules de police. Le ministre lui a dit que La Voix du Tchad serait prochainement interdit. Le 3 décembre, un tribunal de N’Djamena a effectivement ordonné la fermeture du journal et la saisie de tous les exemplaires de celui-ci.

Défenseurs des droits humains

Les défenseurs des droits humains étaient toujours en butte à des menaces et des actes de harcèlement et d’intimidation.
 ?Le 13 octobre, Michel Barka, président de l’Union syndicale du Tchad (UST, une grande organisation syndicale), a été suivi alors qu’il circulait en voiture. Forcé à s’arrêter, il a enclenché la marche arrière de son véhicule et s’est enfui. Plus tard au cours de la même journée, il a de nouveau été suivi, cette fois par un motocycliste qui a pointé une arme à feu dans sa direction.
 ?Le président de la Ligue tchadienne des droits de l’homme (LTDH), Masalbaye Tenebaye, a été lui aussi pris en filature le 13 octobre, alors qu’il regagnait son domicile après avoir rencontré une organisation internationale partenaire. Les mêmes personnes l’ont de nouveau suivi le lendemain. Des responsables des pouvoirs publics ont rencontré Masalbaye Tenebaye le 20 octobre et lui ont assuré qu’ils prendraient des mesures pour le protéger et ouvriraient une enquête sur ce double épisode.

Expulsions forcées

De nouvelles expulsions forcées ont eu lieu en 2009. Des habitations ont été démolies dans plusieurs quartiers de N’Djamena – notamment Moursal, Chagoua et Goudji –, jetant plusieurs milliers de personnes à la rue.
En se servant d’images capturées par des satellites commerciaux, Amnesty International a établi que plus de 3 700 structures avaient été détruites entre janvier 2008 et janvier 2009. Certains habitants ont été avertis en bonne et due forme de la future démolition de leur domicile, mais la plupart n’ont reçu aucun préavis. Des maisons ont été détruites malgré une décision de justice les protégeant d’une éventuelle démolition. Très peu d’habitants expulsés de force ont bénéficié de mesures de relogement ou d’indemnisations.
 ?Apollinaire Nodjohoudou Djeria, dont la maison a été démolie fin 2008 au mépris d’une décision de justice, a été informé par le maire de N’Djamena qu’il serait indemnisé en 2009. Il n’avait toutefois rien reçu à la fin de l’année.

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