Mexique

Les informations recueillies ont fait état d’une augmentation du nombre de violations graves des droits humains perpétrées par des membres de l’armée lors d’opérations de maintien de l’ordre et de lutte contre la criminalité. Dans plusieurs États, les agents de la police municipale, fédérale et des États ont eux aussi commis, cette année encore, de graves atteintes aux droits fondamentaux. Les femmes subissaient des niveaux élevés de violences liées au genre et rares étaient celles qui pouvaient saisir la justice. Des milliers de migrants sans papiers ont été enlevés par des bandes criminelles ; certains ont été assassinés. Les migrantes étaient souvent victimes de viol. Des journalistes et des défenseurs des droits humains ont été tués, harcelés ou inculpés sur la base d’accusations montées de toutes pièces. Les communautés marginalisées dont les terres étaient convoitées à des fins d’exploitation économique risquaient d’être harcelées, expulsées de force ou privées de leur droit d’être consultées et de disposer d’informations suffisantes. La Cour interaméricaine des droits de l’homme a émis des jugements sans précédent contre le Mexique dans deux affaires de violations graves des droits humains.

États-Unis du Mexique
CHEF DE L’ÉTAT ET DU GOUVERNEMENT : Felipe de Jesús Calderón Hinojosa
PEINE DE MORT : abolie
POPULATION : 109,6 millions
ESPÉRANCE DE VIE : 76 ans
MORTALITÉ DES MOINS DE CINQ ANS (M/F) : 22 / 18 ‰
TAUX D’ALPHABÉTISATION DES ADULTES : 92,8 %

Contexte

Le Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) a remporté la majorité des sièges à la Chambre des députés lors des élections législatives. En novembre, le Sénat a désigné le nouveau président de la Commission nationale des droits humains (CNDH). Le Mexique a accepté de mettre en œuvre 83 des 91 recommandations émises par le Comité des droits de l’homme des Nations unies.
Quelque 50 000 soldats ont participé à des opérations de sécurité publique et de lutte contre la criminalité organisée et les cartels de la drogue. Selon les médias, plus de 6 500 personnes ont été tuées lors d’épisodes de violences liées au grand banditisme. Les forces de sécurité ont, elles aussi, été régulièrement la cible d’attaques.
Le Congrès des États-Unis a autorisé le versement d’une somme supplémentaire de 486 millions de dollars (environ 356 millions d’euros) dans le cadre de l’Initiative de Mérida, un accord régional de coopération et de sécurité conclu pour trois années. Des conditions en matière de droits humains avaient été imposées sur une partie – 15 % – des fonds de l’Initiative. Bien qu’elles n’aient pas été respectées, l’aide financière continuait d’être versée au Mexique.

Police et autres forces de sécurité

Justice militaire et atteintes aux droits humains commises par des militaires
Des informations toujours plus nombreuses ont fait état de violations des droits humains commises par des militaires, notamment des exécutions extrajudiciaires et d’autres homicides illégaux, des disparitions forcées, des actes de torture et d’autres mauvais traitements, ainsi que des détentions arbitraires. La CNDH a émis 30 recommandations au ministère de la Défense concernant des cas avérés d’atteintes perpétrées au cours de l’année. Le nombre de ces recommandations s’élevait à 14 pour l’année 2008. Des victimes et des proches de victimes ont reçu des menaces après avoir tenté de déposer plainte. Les enquêtes et les procès relatifs à des violations des droits humains impliquant du personnel de l’armée étaient toujours confiées à la justice militaire. Les responsables des pouvoirs publics refusaient de reconnaître l’ampleur des atteintes commises et l’impunité dont jouissaient les coupables.
 ?Dans une décision rendue en août, la Cour suprême du Mexique a estimé que les proches de quatre civils non armés abattus par des soldats en mars 2008, à Santiago de los Caballeros (État de la Sinaloa), ne disposaient pas du droit légal de contester le ressort de la justice militaire sur cette affaire.
 ?En mars, Miguel Alejandro Gama Habif, Israel Ayala Martínez et Aarón Rojas de la Fuente ont disparu alors qu’ils se trouvaient aux mains de l’armée, à Nuevo Laredo, dans l’État du Tamaulipas. Leurs corps calcinés ont été retrouvés en avril. Leurs proches n’ont pas été autorisés à voir les cadavres ni à consulter les rapports d’autopsie. Le ministère de la Défense a annoncé en mai que 12 soldats avaient été arrêtés, mais on ne disposait d’aucune information officielle concernant les chefs d’inculpation retenus ou la procédure engagée contre eux.
 ?En mars, 25 policiers municipaux ont été appréhendés par l’armée et torturés alors qu’ils étaient placés en détention avant inculpation (arraigo) dans une base militaire de Tijuana (État de la Basse-Californie). Les fonctionnaires ont par la suite été inculpés d’infractions liées au grand banditisme et transférés dans une prison civile à Tepic, dans l’État du Nayarit. L’année s’est achevée sans que l’on sache si une enquête avait été ouverte sur les allégations de torture.

Police

La Loi relative à la sécurité publique nationale est entrée en vigueur en janvier. Elle contenait des dispositions renforçant la protection des droits humains et prévoyant une professionnalisation et une coordination accrues des services de police. La Loi relative à la police fédérale a mis en place, en juin, une police fédérale unique habilitée à recevoir des plaintes et à mener des enquêtes – en recourant notamment à la surveillance électronique et à des opérations secrètes – en l’absence de contrôle judiciaire approprié.
Plusieurs cas de violations des droits humains – disparition forcée, recours excessif à la force, torture et autres mauvais traitements et détention arbitraire, notamment – imputables à des agents de la police municipale, fédérale ou des États ont été signalés. Les promesses des autorités, qui s’étaient engagées à mener une enquête sur toutes les allégations de torture, sont restées lettre morte.
 ?En février, des fonctionnaires de la police municipale de Monterrey (État du Nuevo León) ont soumis Gustavo Castañeda Puentes à une disparition forcée. Bien que les dépositions des témoins aient permis d’identifier les coupables présumés, l’enquête n’a donné lieu à aucune arrestation.
 ?En mars, la police fédérale a arrêté illégalement Jesús Arturo Torres à son domicile, dans la ville de Chihuahua (État de Chihuahua). Les agents ont frappé cet homme et l’ont menacé de mort au cours des trois heures d’interrogatoire qu’il a subies. Jesús Arturo Torres a été remis en liberté sans inculpation. Il a déposé plainte, mais on ignorait à la fin de l’année si l’enquête avait progressé.

Droits des migrants

Plus de 60 000 migrants sans papiers, dans leur grande majorité des ressortissants de pays d’Amérique centrale qui tentaient de gagner les États-Unis, ont été arrêtés et expulsés. Ces étrangers, en particulier les femmes et les enfants, étaient exposés à toutes sortes d’atteintes – brutalités, menaces, enlèvement, viol et assassinat, entre autres ¬– perpétrées essentiellement par des groupes de criminels mais aussi par certains fonctionnaires. Les mesures destinées à empêcher ces violences et à les sanctionner étaient inadaptées, et les migrants n’avaient guère accès à la justice. Afin d’améliorer la protection des enfants détenus, le gouvernement a formé certains de ses représentants et apporté son soutien à des directives régionales relatives au traitement des mineurs étrangers.
La CNDH a publié en juillet un rapport mettant en lumière la fréquence extrêmement élevée des enlèvements à des fins de rançon et des autres violences infligées aux migrants par des bandes criminelles. Le document estimait à 10 000 le nombre de migrants kidnappés au cours des six mois précédents et indiquait que, dans de nombreux cas, les femmes avaient subi des agressions sexuelles. Les mesures prises par les autorités pour enrayer les attaques contre les migrants étaient totalement insuffisantes.
 ?En janvier, la police de l’État du Chiapas a abattu trois migrants clandestins et en a blessé plusieurs autres en prenant en chasse le véhicule dans lequel ils circulaient à proximité de San Cristóbal. Le procès de plusieurs policiers impliqués n’était pas achevé fin 2009.

Défenseurs des droits humains

Un rapport du bureau du Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations unies au Mexique rendu public en octobre a fait état de menaces et d’agressions contre des défenseurs des droits humains commises à la fois par des représentants de l’État et par des particuliers. Le document a également mis en évidence l’absence de véritables initiatives pour enquêter sur ces attaques et les empêcher. Des défenseurs des droits humains, en particulier ceux œuvrant à la protection des droits économiques, sociaux et culturels, ont été inculpés sur la base d’accusations montées de toutes pièces et ont subi des procès iniques.
 ?En février, deux défenseurs des droits fondamentaux des indigènes, Raúl Lucas Lucía et Manuel Ponce Rosas, ont été enlevés, torturés et assassinés à Ayutla, dans l’État de Guerrero, par des hommes armés non identifiés qui ont affirmé être des agents de police. Par le passé, les deux hommes avaient déjà fait l’objet de menaces en lien avec leurs activités. À la fin de l’année, Raúl Hernández, prisonnier d’opinion et militant d’une autre organisation locale de défense des droits des populations indigènes, se trouvait toujours en prison sur la base d’une accusation de meurtre forgée de toutes pièces. Eux aussi mis en cause dans cette affaire, les prisonniers d’opinion Manuel Cruz, Orlando Manzanarez, Natalio Ortega et Romualdo Santiago ont été remis en liberté en mars, après qu’un tribunal fédéral eut conclu à une insuffisance de preuves. Des défenseurs des droits humains qui se battaient pour obtenir justice dans ces deux affaires ont reçu des menaces de mort.
 ?En août, un inconnu a tiré à plusieurs reprises sur Salomón Monárrez, l’un des dirigeants du Front civique de la Sinaloa (FCS), une organisation de défense des droits humains de Culiacán (État de la Sinaloa), et a manqué de peu de le tuer. L’enquête ouverte sur cette affaire n’était pas achevée à la fin de l’année.

Liberté d’expression – attaques contre des journalistes

Cette année encore, des journalistes ont été menacés, agressés et enlevés. Ceux qui s’intéressaient aux questions de sécurité publique et de corruption étaient particulièrement visés. Selon les informations recueillies, au moins 12 journalistes ont été assassinés en 2009. Les enquêtes ouvertes sur les meurtres, les enlèvements et les menaces dont les professionnels des médias faisaient l’objet donnaient rarement lieu à des poursuites, ce qui contribuait à entretenir un climat d’impunité.

Peuples indigènes et communautés marginalisées

Les indigènes et les membres de communautés marginalisées étaient nombreux à subir des poursuites judiciaires inéquitables. Dans plusieurs affaires, le droit des communautés à jouir de leurs terres et de leurs habitations a été bafoué ou contesté, le but étant d’exploiter les ressources locales.
 ?Au mois de septembre, la prisonnière d’opinion Jacinta Francisco Marcial, originaire de Santiago Mexquititlán (État de Querétaro), a recouvré la liberté à l’issue d’un nouveau procès, après que le bureau du procureur fédéral eut abandonné les poursuites engagées contre elle. Prise pour cible uniquement en raison de sa condition d’indigène pauvre, cette femme a passé trois années en détention pour un délit qu’elle n’a pas commis. Deux autres femmes indigènes accusées des mêmes chefs attendaient l’issue de nouveaux procès et se trouvaient toujours en détention fin 2009.
 ?Des habitants de Lomas del Poleo, un village à proximité de Ciudad Juárez (État de Chihuahua), ont à maintes reprises été victimes de menaces et de manœuvres d’intimidation de la part d’agents de compagnies privées de sécurité. Ces actions s’inscrivaient dans le cadre d’une campagne menée depuis six années dans l’objectif de chasser les familles de leurs foyers afin que l’exploitation commerciale du site puisse commencer. Fin 2009, un tribunal agraire examinait toujours les revendications des familles concernant ces terres. En dépit de plaintes répétées, les autorités n’ont pas empêché les menaces ni mené d’enquête sur celles-ci.
Violences contre les femmes et les filles
Au sein de la famille et dans la société en général, les violences contre les femmes demeuraient très répandues dans la plupart des États. De très nombreux cas d’assassinat de femmes après enlèvement et viol ont été signalés dans les États de Chihuahua et de Mexico. Des mesures législatives visant à améliorer la prévention et la sanction des violences liées au genre ont été adoptées par tous les États, mais la mise en œuvre de ces nouvelles dispositions restait très limitée. L’impunité demeurait la norme pour les meurtres de femmes et les autres crimes violents dont elles étaient victimes.
 ?Les enlèvements et les homicides de femmes et de jeunes filles à Ciudad Juárez se sont poursuivis. Au moins 35 femmes auraient été kidnappées en 2009 ; on demeurait sans nouvelles d’elles à la fin de l’année. Les autorités de l’État ont publié un rapport sur les progrès en matière de prévention et de sanction des meurtres de femmes, sans toutefois faire un bilan complet de tous les cas présumés. Dans l’affaire dite du « Champ de coton » (Campo Algodonero), la Cour interaméricaine des droits de l’homme a estimé, en novembre, que le Mexique était coupable de discrimination et de manquement à son devoir de protection envers trois jeunes femmes tuées en 2001 à Ciudad Juárez ; l’État a également failli à son obligation de mener une enquête efficace sur leur enlèvement et leur homicide, a jugé la Cour, qui a ordonné à la fois l’ouverture d’une nouvelle enquête, l’octroi de réparations aux proches des victimes et l’ouverture d’une information contre les fonctionnaires impliqués. Elle a également demandé le renforcement des mesures destinées à empêcher les enlèvements et les meurtres de femmes et de jeunes filles et à enquêter sur les affaires de ce type.

Droits sexuels et reproductifs

Agissant selon toute apparence en réaction à la dépénalisation de l’avortement par le District fédéral en 2007, 17 des 31 États du Mexique ont adopté des modifications de leur Constitution en vue de garantir le droit légal à la vie dès la conception. Un recours en inconstitutionnalité concernant cette modification dans l’État de Basse-Californie demeurait en instance devant la Cour suprême du Mexique à la fin de l’année.
Le gouvernement a enfin publié une nouvelle directive pour les professionnels de la santé s’occupant de femmes ayant été victimes de violences. Ces instructions établissaient que les victimes de viol étaient en droit de recevoir des informations sur l’avortement légal et d’avoir accès à ce dernier. Certains États ont indiqué aux médias que la directive ne serait pas appliquée sur leur territoire.

Impunité

L’impunité pour les violations des droits humains commises dans le passé restait profondément ancrée et rien, ou presque, n’était fait pour traduire en justice les responsables présumés.
 ?Aucune avancée n’a été constatée dans les enquêtes ouvertes sur plusieurs centaines d’affaires concernant de graves violations des droits humains commises au Mexique dans les années 1960, 1970 et 1980, durant la période de la « guerre sale ». Certains documents provenant d’investigations préalables demeuraient introuvables.
 ?En février, une enquête spéciale menée par la Cour suprême a conclu que de graves violations des droits fondamentaux avaient été perpétrées par la police à San Salvador Atenco en mai 2006, notamment des violences sexuelles contre des détenus. Elle a toutefois indiqué que seuls les agents ayant directement pris part aux violences pourraient être amenés à rendre compte de leurs actes, mais pas les fonctionnaires de haut rang qui avaient donné l’ordre de l’opération ni ceux qui n’avaient rien fait pour empêcher ces abus, ni ceux qui se sont abstenus d’ordonner une enquête. En septembre, une enquête pénale spéciale des autorités fédérales sur les actes de torture, y compris des violences sexuelles, subis par 26 femmes détenues à San Salvador Atenco a conclu à la responsabilité de 34 agents de la police de l’État. Aucune poursuite n’a toutefois été engagée et l’affaire a été renvoyée devant le bureau du procureur général de l’État de Mexico qui, dans le passé, s’était abstenu de poursuivre les responsables présumés. On ne disposait d’aucune information supplémentaire sur d’éventuelles nouvelles investigations.
 ?Un tribunal fédéral a confirmé, en mars, l’abandon des poursuites pour génocide engagées contre l’ancien président du Mexique, Luis Echeverría, pour le massacre en 1968 d’étudiants sur la place de Tlatelolco, à Mexico.
 ?La Cour suprême a achevé en octobre son enquête spéciale sur les graves violations des droits humains commises en 2006 lors de la crise politique dans l’État d’Oaxaca. Elle a conclu que le gouverneur et d’autres hauts responsables du gouvernement devaient être appelés à rendre des comptes. À la fin de l’année, toutefois, on ne savait rien de quelconques investigations nouvelles qui auraient été ouvertes en application des recommandations de la Cour. Accusé du meurtre du journaliste américain Brad Will, perpétré en octobre 2006 dans la ville d’Oaxaca, Juan Manuel Martínez demeurait en détention bien qu’aucun élément de preuve n’existe contre lui et qu’aucune enquête fédérale complète et approfondie n’ait été menée dans cette affaire afin d’identifier les responsables.
 ?En décembre, la Cour interaméricaine des droits de l’homme a jugé le Mexique responsable de la disparition forcée de Rosendo Radilla, perpétrée en 1974 par l’armée dans l’État de Guerrero. Elle a ordonné l’ouverture d’une nouvelle enquête au civil, l’octroi de réparations à ses proches ainsi qu’une réforme du Code pénal militaire en vue d’abolir la compétence des juridictions militaires dans les enquêtes et procès concernant des affaires relatives aux droits humains.

À lire

Mexico : New reports of human rights violations committed by the military (AMR 41/058/2009).

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