PARAGUAY

Des populations indigènes se voyaient toujours privées du droit de jouir de leurs terres ancestrales. Des cas de mauvais traitements et d’actes de torture infligés par des policiers à des dirigeants paysans et à des personnes participant à des mouvements sociaux ont été signalés. Les agressions contre des défenseurs des droits humains étaient un problème de plus en plus préoccupant.

République du Paraguay
CHEF DE L’ÉTAT ET DU GOUVERNEMENT : Fernando Lugo
PEINE DE MORT : abolie
POPULATION : 6,5 millions
ESPÉRANCE DE VIE : 72,3 ans
MORTALITÉ DES MOINS DE CINQ ANS (M/F) : 44 / 32 ‰
TAUX D’ALPHABÉTISATION DES ADULTES : 94,6 %

Contexte

Des actes violents, dont des enlèvements et des homicides illégaux, ont été signalés tout au long de l’année ; selon certaines informations, l’Armée du peuple paraguayen, groupe d’opposition armé, serait impliquée dans plusieurs de ces incidents. Face à ces violences, les autorités ont instauré l’état d’exception durant 30 jours sur une zone couvrant à peu près la moitié du territoire. Les ONG ont dénoncé la définition vague du « terrorisme » donnée dans la Loi relative à la lutte contre le terrorisme qui a été adoptée sous ce régime d’exception.

En août, le Paraguay a ratifié la Convention internationale contre les disparitions forcées [ONU]. En mars, le rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à l’éducation s’est déclaré préoccupé par la piètre qualité de l’enseignement, le manque de ressources, l’insuffisance des infrastructures et l’absence de solutions appropriées pour les habitants des régions rurales qui souhaitaient accéder aux études supérieures.

Droits des peuples indigènes

Défendue par le cabinet social de la Présidence, une proposition de politique gouvernementale en faveur du développement social a été rendue publique en février. La défense des droits des peuples indigènes et la nécessité de protéger leurs terres traditionnelles constituaient la « grande priorité » de cette stratégie. D’après le texte, les peuples indigènes s’étaient vu reconnaître depuis 2008 la propriété de 26 119 hectares de terres uniquement. La superficie totale du territoire leur appartenant officiellement s’élevait ainsi à 55 970 hectares, alors que les autorités avaient pour objectif de leur accorder, d’ici à 2013, des titres de propriété portant sur 279 850 hectares.

En juin, le ministère de la Santé a mis en place une Direction de la santé indigène. La première mesure notable prise par la nouvelle institution a consisté à créer sur les formulaires utilisés au sein du système de santé publique un champ où faire figurer l’origine ethnique, afin de pouvoir contrôler la bonne application des politiques mises en œuvre et leur efficacité.

En août, la Cour interaméricaine des droits de l’homme a rendu public son arrêt dans l’affaire Xákmok Kásek. Le Paraguay était désormais le seul État relevant de la compétence de la Cour à avoir fait l’objet de trois jugements distincts le condamnant pour violation des droits des peuples indigènes.

  • En dépit de décisions prononcées en 2005 et 2006 par la Cour interaméricaine des droits de l’homme, les revendications territoriales des communautés yakye axa et sawhoyamaxa n’avaient toujours pas été résolues. Une offre avait été faite à la communauté yakye axa en vue de lui octroyer de nouvelles terres en lieu et place du territoire demandé, mais elle a échoué en raison de lenteurs procédurales. En septembre, des négociations directes ont été engagées entre de hauts représentants de l’État et les propriétaires actuels des terres revendiquées par les deux communautés.
  • En septembre, au moment de la visite effectuée dans la région de Puerto Colón par la rapporteuse de la Commission interaméricaine des droits de l’homme sur les peuples indigènes, deux dirigeants de la communauté kelyenmagategma ont reçu des menaces de mort.
  • Une expédition scientifique organisée par le musée d’Histoire naturelle de Londres a été annulée en novembre, dans la mesure où il était à craindre qu’elle n’ait des répercussions nocives et irréversibles sur les moyens de subsistance des populations indigènes ayoreos, qui vivent sans aucun contact avec le monde extérieur. Cette expédition avait été mise sur pied par le secrétariat à l’Environnement en coordination avec une ONG paraguayenne œuvrant à la défense de l’environnement, sans consultation des autorités et représentants indigènes.
  • Aucune conclusion n’avait été rendue à la fin de l’année dans les enquêtes ouvertes sur le déversement par avion de pesticides sur les communautés indigènes d’Itakyry, en 2009.

Police, forces de sécurité et justice

Il était à craindre que la police ne se soit rendue coupable d’actes de torture et d’autres mauvais traitements, d’un recours excessif à la force et d’irrégularités procédurales au cours de raids et d’arrestations, en particulier dans le cadre des opérations contre l’Armée du peuple paraguayen et des procédures judiciaires qui en ont résulté. Lors d’une audience à huis clos de la Commission interaméricaine des droits de l’homme en octobre, des ONG ont exposé leurs préoccupations dans 12 affaires emblématiques – certaines concernaient des violences commises par des particuliers.

L’instauration de l’état d’exception, en avril, a été justifiée par « les troubles intérieurs graves créés par des groupes criminels en activité dans cette zone, qui constituent une menace immédiate au bon fonctionnement des institutions constitutionnelles ». La loi établissant ce régime d’exception comportait toutefois de nombreuses lacunes, et omettait notamment de préciser quels droits seraient restreints.

  • En juin, deux policiers sont morts à Kuruzú de Hierro, dans le district d’Horqueta, à la suite, selon certaines informations, d’un affrontement avec des membres présumés de l’Armée du peuple paraguayen. Peu après cet événement, une unité des forces spéciales de la police a effectué une descente au domicile d’un certain nombre d’habitants du secteur, qui se sont plaints d’avoir été brutalisés et maltraités. La lenteur de l’enquête ouverte sur ces allégations constituait un motif de préoccupation.

Droits sexuels et reproductifs

Le ministère de l’Éducation a rendu public, en septembre, un Cadre directeur en matière d’éducation sexuelle. Élaboré en coordination avec différentes administrations, la société civile et des organes des Nations unies, ce projet devait mettre les programmes de l’enseignement national en conformité avec les normes internationales en matière de droits sexuels et reproductifs, dans l’objectif de faire face à des problèmes endémiques au Paraguay, comme les atteintes et violences sexuelles.

Violences faites aux femmes et aux filles

En septembre, un réseau de pornographie mettant en scène des mineures a été démantelé au sein du pénitencier national de Tacumbú, quelques jours seulement après la visite effectuée par le Sous-comité pour la prévention de la torture [ONU] dans le but d’ajuster les recommandations formulées en 2009 au sujet des conditions de détention. Les détenus invitaient semble-t-il des jeunes filles au sein de l’établissement pénitentiaire et les obligeaient à se livrer à des actes sexuels, lesquels étaient filmés. Les vidéos étaient par la suite revendues. Plusieurs responsables de la prison, dont le directeur et des prêtres exerçant au sein de l’établissement, auraient été impliqués. L’enquête se poursuivait et les conclusions du parquet n’avaient pas été rendues publiques à la fin de 2010.

Défenseurs des droits humains

Certaines déclarations faites durant l’année laissaient apparaître une inquiétante baisse du respect envers la légitimité du rôle et des droits des défenseurs des libertés fondamentales. Des représentants de l’État ont remis en question leurs activités et celles des organisations qui travaillaient sur des violations commises lors d’opérations de sécurité. Cette entreprise de dénigrement alimentait l’image inexacte du rôle et de l’action des militants véhiculée par les médias.

Une perquisition a été effectuée dans les locaux d’Iniciativa Amotocodie en décembre, quelques semaines après la campagne nationale et internationale lancée par cette ONG afin d’empêcher une expédition scientifique prévue dans une région où vivent des tribus indigènes très isolées. Le mandat de perquisition et les agissements des employés du parquet l’ayant appliqué, notamment la saisie de documents sans lien avec les chefs d’accusation, transgressaient de nombreuses garanties procédurales et s’inscrivaient manifestement en représailles aux actions entreprises par l’ONG pour dénoncer l’expédition.

Visites d’Amnesty International

Une déléguée d’Amnesty International s’est rendue au Paraguay en novembre.

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