FRANCE

Cette année encore, des cas de mauvais traitements par des responsables de l’application des lois ont été signalés. Les enquêtes sur ces allégations progressaient lentement. Un projet de loi concernant l’immigration et l’asile était incompatible avec le droit de solliciter l’asile. Le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution le régime de garde à vue pour les infractions de droit commun. Les Roms et les gens du voyage étaient stigmatisés ; ils étaient expulsés par la force de leurs campements et renvoyés dans leur pays d’origine.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
CHEF DE L’ÉTAT : Nicolas Sarkozy
CHEF DU GOUVERNEMENT : François Fillon
PEINE DE MORT : abolie
POPULATION : 62,6 millions
ESPÉRANCE DE VIE : 81,6 ans
MORTALITÉ DES MOINS DE CINQ ANS (M/F) : 5 / 4 ‰

Torture et autres mauvais traitements

Dans ses observations finales adoptées le 14 mai, le Comité contre la torture [ONU] a exprimé sa préoccupation à propos des allégations persistantes de mauvais traitements qui auraient été infligés par des agents de la force publique. Il a instamment prié les autorités de faire en sorte que ces allégations fassent sans délai l’objet d’une enquête transparente et indépendante, et que les auteurs de tels agissements soient sanctionnés de manière appropriée.

  • Statuant sur l’affaire Darraj c. France, la Cour européenne des droits de l’homme a considéré, le 4 novembre, que la France avait violé l’interdiction de la torture et des autres formes de mauvais traitements énoncée par la Convention européenne des droits de l’homme. En juillet 2001, Yassine Darraj, un Français de 16 ans, avait été conduit dans un commissariat pour un contrôle d’identité. Les policiers l’avaient menotté et avaient eu recours à la force, et l’adolescent avait dû subir en urgence une intervention chirurgicale ayant entraîné une incapacité totale de travail de 21 jours. La Cour a conclu que l’amende de 800 euros pour « blessures involontaires » à laquelle deux des policiers avaient été condamnés en appel n’était pas adéquate.

Morts en détention

Outre la lenteur de leur progression, les enquêtes sur des cas de mort en détention semblaient manquer d’indépendance et d’impartialité.

  • Le 17 mai, la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) a demandé qu’une procédure disciplinaire soit engagée à l’encontre de policiers accusés d’avoir usé de la force d’une manière disproportionnée contre Ali Ziri, un Algérien de 69 ans, à la suite de son interpellation à Argenteuil le 9 juin 2009. Cet homme était passager d’une voiture conduite par un de ses amis, Arezki Kerfali. Le véhicule a fait l’objet d’un contrôle de police. Selon les déclarations d’Arezki Kerfali, les deux hommes ont été frappés puis emmenés à l’hôpital, où Ali Ziri est mort. Arezki Kerfali a été inculpé d’outrage à agent de la force publique. Il devait être jugé le 24 juin, mais l’audience a été ajournée dans l’attente d’une décision dans l’affaire concernant la mort d’Ali Ziri.
  • En mars, la juge d’instruction chargée du dossier d’Abou Bakari Tandia, mort en janvier 2005 des suites des blessures qui lui avaient été infligées pendant sa garde à vue, a interrogé les trois médecins légistes qui avaient rédigé en juillet 2009 un rapport contredisant la version des faits donnée par la police. Les experts ont découvert qu’une altercation avait eu lieu entre Abou Bakari Tandia et les policiers concernés, ce qui rendait encore moins crédible la version de la police selon laquelle cet homme s’était volontairement cogné la tête contre le mur de sa cellule. En novembre, la juge a interrogé les policiers en tant que témoins assistés.
  • En septembre, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a infirmé l’ordonnance de non-lieu rendue par les juges d’instruction en faveur de deux policiers soupçonnés d’homicide involontaire sur la personne d’Abdelhakim Ajimi, mort après avoir été immobilisé par des policiers au moment de son interpellation en mai 2008. En avril, la CNDS avait recommandé l’ouverture d’une procédure disciplinaire contre les policiers impliqués, pour avoir eu un recours à la force disproportionné à un moment où cela n’était plus nécessaire.
  • Plus d’un an après l’ouverture d’une information judiciaire sur l’« homicide involontaire » de Mohamed Boukrourou, les policiers qui avaient procédé à son arrestation n’avaient pas été mis en examen et n’avaient fait l’objet d’aucune procédure disciplinaire. Cet homme avait été arrêté le 12 novembre 2009, à la suite d’une dispute dans la pharmacie de son quartier, par quatre policiers qui l’avaient menotté et lui avaient demandé de les suivre. Selon des témoins, il avait refusé et les policiers l’avaient traîné de force dans leur fourgon, où ils l’avaient frappé, notamment à coups de pied. Moins de deux heures plus tard il était déclaré mort. Après avoir vu le corps de Mohamed Boukrourou, sa famille a indiqué qu’il avait le visage couvert d’ecchymoses, la lèvre fendue et la joue arrachée. Deux rapports médicolégaux – l’un effectué en novembre 2009 à la demande de la procureure de la République de Montbéliard, l’autre conduit en juin 2010 à la demande de la famille – ont relevé des traces de blessures sur le corps qui pourraient avoir été provoquées par des coups et ont conclu qu’une défaillance cardiaque était probablement à l’origine de la mort. Les deux rapports demandaient des examens médicaux complémentaires afin de clarifier les circonstances de la mort. Les résultats de ces examens n’avaient pas été rendus publics à la fin de l’année. La CNDS et l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) avaient elles aussi ouvert une enquête, en novembre et décembre 2009 respectivement. Les deux enquêtes n’étaient pas terminées à la fin de l’année.

Détenus de Guantánamo

  • Le 26 février, la Cour de cassation a ordonné que cinq Français qui avaient été détenus à Guantánamo et transférés en France en 2004 et 2005 soient rejugés pour des infractions liées au terrorisme. La cour d’appel de Paris avait infirmé, en février 2009, la décision du tribunal correctionnel de Paris qui les avait déclarés coupables d’« association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste », au motif que le tribunal avait utilisé illégalement des informations fournies par les services français du renseignement, qui les avaient obtenues lors d’interrogatoires menés à Guantánamo.

Réfugiés et demandeurs d’asile

En juillet, le Conseil d’État a partiellement annulé une décision du conseil d’administration de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) établissant une liste de 17 pays d’origine « sûrs » pour l’examen de demandes d’asile. Les demandes d’asile déposées par des personnes originaires de pays « sûrs » sont examinées selon une procédure accélérée en vertu de laquelle les demandeurs déboutés en première instance peuvent être renvoyés de force dans leur pays avant que leur recours soit examiné. Le Conseil d’État a estimé que l’Arménie, Madagascar et la Turquie ne répondaient pas aux critères requis en matière de droits humains pour figurer sur la liste des pays « sûrs », et a considéré que le Mali était « sûr » pour les hommes uniquement.
Le Parlement débattait depuis le mois de septembre d’un projet de loi sur l’immigration et l’asile dont certaines dispositions n’étaient pas conformes aux normes internationales relatives aux droits humains. Le texte prévoyait qu’en cas d’interception d’un groupe d’au moins 10 étrangers à proximité de la frontière française, les intéressés seraient placés dans une « zone d’attente » située entre le lieu de leur interpellation et la frontière. Leur demande d’entrer sur le sol français pour solliciter l’asile serait examinée ; si elle était jugée « manifestement infondée », ils seraient renvoyés dans leur pays d’origine et ne disposeraient que d’un délai de 48 heures pour contester cette décision.

Évolutions juridiques, constitutionnelles ou institutionnelles

En juin, le Sénat a débuté l’examen du projet de loi relatif aux missions et pouvoirs du Défenseur des droits, une institution devant concentrer les attributions de la CNDS, du Défenseur des enfants, du Médiateur de la République, de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) et du Contrôleur général des lieux de privation de liberté. On craignait que cette loi n’ait pour conséquence la perte de l’expertise et de l’indépendance qui caractérisaient ces institutions.
Le 30 juillet, le Conseil constitutionnel a conclu que la loi relative à la garde à vue était contraire à la Constitution car elle ne garantissait pas le droit des détenus à être défendus, notamment l’assistance effective d’un avocat et la notification du droit de garder le silence. Le Conseil a toutefois décidé que les dispositions de la loi actuelle resteraient en vigueur jusqu’au 1er juillet 2011. Les règles encore plus restrictives s’appliquant aux personnes soupçonnées d’activités ayant trait au terrorisme, d’infractions graves liées au crime organisé ou de trafic de stupéfiants n’ont pas été examinées par le Conseil.
Le Conseil des ministres a adopté en octobre un projet de loi visant à modifier le régime de la garde à vue, qui ne répondait pas à toutes les préoccupations en matière de droits humains. Quelques jours plus tard, la Cour de cassation a conclu que l’ensemble du régime de garde à vue était contraire à la Constitution, y compris les dispositions s’appliquant aux personnes soupçonnées d’activités ayant trait au terrorisme, d’infractions graves liées au crime organisé ou de trafic de stupéfiants.

Racisme et discrimination

Les Roms et les gens du voyage étaient stigmatisés par les représentants de l’État. Lors d’une réunion interministérielle organisée en juillet pour débattre des « problèmes que posent les comportements de certains parmi les gens du voyage et les Roms », le président Nicolas Sarkozy a désigné les « campements illégaux » de Roms comme étant des sources de criminalité et il a demandé au gouvernement de les démanteler dans un délai de trois mois. Le 5 août, le ministre de l’Intérieur a donné pour instruction aux préfets de démanteler systématiquement les « camps illicites », en priorité ceux des Roms, et de procéder à la « reconduite immédiate des étrangers en situation irrégulière ». Cette instruction a été supprimée après sa publication par les médias. Elle a été remplacée, le 13 septembre, par une autre qui mentionnait « toute installation illégale, quels qu’en soient les occupants ». Amnesty International restait toutefois préoccupée par la marginalisation des Roms, contre qui étaient dirigées des opérations d’expulsion forcée et de reconduite à la frontière. En septembre, le gouvernement a soumis au Parlement un projet de loi visant à faciliter le renvoi d’étrangers, y compris les ressortissants des pays de l’Union européenne, « abusant du droit à un court séjour » en faisant des allers et retours répétés.
En août, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale [ONU] s’est inquiété de la tenue de discours politiques discriminatoires. Il s’est également déclaré préoccupé de la montée des violences à caractère raciste envers les Roms et des difficultés rencontrées par les gens du voyage dans leur liberté de circulation et l’exercice du droit de vote, ainsi que dans leur accès à l’éducation et à un logement décent.
En octobre, le Conseil constitutionnel a estimé qu’une loi adoptée en septembre par le Parlement et qui interdisait le port, dans l’espace public, d’une tenue destinée à dissimuler le visage, ne restreignait pas d’une manière disproportionnée les droits individuels. Il a toutefois précisé que l’interdiction ne pouvait pas s’appliquer dans les lieux de culte publics. Amnesty International craignait que l’interdiction contenue dans la loi ne viole les droits à la liberté d’expression et de religion des femmes qui choisissent d’exprimer leur identité ou leurs convictions par le port de la burqa ou du niqab.

Visites d’Amnesty International

  • Des déléguées d’Amnesty International se sont rendues en France en septembre et en octobre.
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