KAZAKHSTAN

De nombreux cas de torture et d’autres mauvais traitements ont encore été signalés cette année, malgré les assurances données par le gouvernement, qui affichait sa volonté d’appliquer une politique de tolérance zéro en la matière. L’impunité pour ce genre de violations des droits humains restait la règle. Les autorités ont multiplié les actions visant à l’expulsion des demandeurs d’asile et des réfugiés originaires de Chine et d’Ouzbékistan, en application d’un certain nombre de mesures antiterroristes et de sécurité nationale.

RÉPUBLIQUE DU KAZAKHSTAN
CHEF DE L’ÉTAT : Noursoultan Nazarbaïev
CHEF DU GOUVERNEMENT : Karim Massimov
PEINE DE MORT : abolie sauf pour crimes exceptionnels
POPULATION : 15,8 millions
ESPÉRANCE DE VIE : 65,4 ans
MORTALITÉ DES MOINS DE CINQ ANS (M/F) : 34 / 26 ‰
TAUX D’ALPHABÉTISATION DES ADULTES : 99,7 %

Contexte

Le Kazakhstan a pris en janvier la présidence de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), avec pour priorité la mise en œuvre de mesures de sécurité et de lutte contre le terrorisme sur l’ensemble du territoire de l’Organisation. La défense des droits humains ne figurait pas au premier rang des préoccupations de la nouvelle présidence.
Le Parlement kazakh a approuvé en mai une modification de la Constitution faisant du président Noursoultan Nazarbaïev le « dirigeant de la nation » et lui accordant par la même occasion l’immunité judiciaire, à lui et à sa famille proche. Le texte modifié lui reconnaissait également la prérogative à vie de prendre les décisions finales en matière de politique étrangère et de sécurité. La dégradation du portrait du « dirigeant de la nation » et toute présentation erronée de sa biographie constituaient désormais des infractions au Code pénal. Noursoultan Nazarbaïev a fait part en septembre de sa volonté de se représenter en 2012, pour un nouveau mandat à la tête de l’État.

Torture et autres mauvais traitements

Les pouvoirs publics ont pris un certain nombre de mesures destinées à empêcher les actes de torture. Ils ont notamment facilité l’accès aux lieux de détention pour les observateurs indépendants et se sont publiquement engagés à mener une politique de tolérance zéro en matière de torture.
Au mois de février, le Conseil des droits de l’homme [ONU] a étudié la situation en matière de droits humains au Kazakhstan, dans le cadre de la procédure de l’examen périodique universel. Lors de son exposé, la délégation du gouvernement du Kazakhstan a répété que ce dernier était déterminé à appliquer une politique de tolérance zéro concernant la torture et qu’il « n’aura de cesse d’éliminer complètement et totalement toutes les rémanences de la torture ».
En février, les autorités ont repoussé la création d’un dispositif indépendant d’inspection des lieux de détention, devant constituer à terme un mécanisme national de prévention. La durée de ce report pourrait atteindre trois ans. Toutefois, conformément aux obligations contractées au titre du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture [ONU], les autorités ont poursuivi l’élaboration d’un cadre juridique en vue de la mise en place dudit mécanisme, en étroite collaboration avec des ONG nationales et internationales et diverses organisations intergouvernementales.
En avril, les services du procureur général ont informé Amnesty International que les membres des Commissions publiques de surveillance avaient pu – fait sans précédent – se rendre dans des centres de détention provisoire du Service national de sécurité. Quatre visites ont eu lieu en 2009 et huit en 2010.
Malgré ces mesures, de nombreuses personnes placées en garde à vue se sont plaintes d’avoir été torturées ou, plus généralement, maltraitées, aussi bien avant qu’après avoir été officiellement inscrites sur les registres de détention de la police. Les responsables de l’application des lois commettaient de fréquentes entorses à la législation en vigueur concernant la détention, qui exigeait que le placement en garde à vue soit formellement consigné dans les trois heures suivant l’arrestation.
En octobre, le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture a reproché au Kazakhstan de continuer à dissimuler toute l’ampleur du problème de la torture et des mauvais traitements lors de la garde à vue et au sein du système carcéral.

Impunité

L’impunité pour les cas de torture ou de mauvais traitement n’a fondamentalement pas été remise en cause. Les autorités ne respectaient pas dans les faits l’intégralité des obligations qui étaient les leurs au regard de la Convention contre la torture. Elles n’ont pas non plus mis en œuvre les recommandations du Comité contre la torture et des autres mécanismes et organes de l’ONU chargés de l’application des traités, qui préconisaient notamment l’ouverture dans les meilleurs délais d’enquêtes approfondies, indépendantes et impartiales sur les allégations de torture ou d’autres mauvais traitements.
En avril, les services du procureur général ont informé Amnesty International que seuls deux cas d’actes de torture imputés à des agents de services de sécurité avaient été confirmés en 2009, et que des poursuites avaient été entamées contre les auteurs présumés. Ils ont par la même occasion considéré comme infondées toutes les autres allégations de torture mettant en cause des membres des forces de sécurité dans les affaires signalées par Amnesty International, diverses autres organisations de défense des droits humains et le rapporteur spécial sur la torture.

  • Au mois d’avril, Alexandre Guerassimov a déposé auprès du Comité contre la torture la première plainte individuelle contre le Kazakhstan depuis la ratification par ce dernier, en 2008, du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture. Cet homme affirme avoir été torturé par au moins cinq policiers en 2007, selon la méthode dite du « sous-marin sec » : les policiers lui ont attaché les mains derrière le dos, l’ont mis à plat ventre par terre, lui ont passé un sac en plastique sur la tête et l’ont maintenu au sol, un agent lui enfonçant simultanément le genou dans le dos. Ses agresseurs lui ont également administré des coups violents dans les reins et l’ont menacé de violences sexuelles. Alexandre Guerassimov a été hospitalisé pendant 13 jours à la suite des traitements subis, puis a dû passer plus d’un mois dans une unité de soins psychiatriques intensifs afin de soigner les troubles post-traumatiques dont il souffrait. Dans la requête qu’il a introduite devant le Comité, Alexandre Guerassimov avançait que cette affaire n’avait pas donné lieu à une enquête approfondie et indépendante, et que personne n’avait été sanctionné ou traduit en justice pour les violations des droits fondamentaux dont il avait été victime.

Réfugiés et demandeurs d’asile

Une nouvelle loi sur les réfugiés, entrée en vigueur le 1er janvier, excluait certaines catégories de demandeurs d’asile de l’éventuel bénéfice du statut de réfugié au Kazakhstan. Étaient notamment écartées d’office les personnes inculpées dans leur pays d’origine d’appartenance à un parti ou à un mouvement politique ou religieux illégal, non reconnu ou interdit. Cette mesure touchait surtout, dans la pratique, les musulmans originaires d’Ouzbékistan fréquentant des mosquées qui échappaient au contrôle de l’État, ou appartenant (ou soupçonnés d’appartenir) à des formations ou groupes islamiques interdits en Ouzbékistan, et ayant fui leur pays de crainte d’y être persécutés en raison de leurs convictions religieuses. Cette exclusion concernait également les personnes d’origine ouïghoure venant de la région autonome ouïghoure du Xinjiang, dans le nord-ouest de la Chine, et ayant été inculpées (ou étant simplement soupçonnées) d’appartenance à des mouvements ou partis séparatistes.
Le tout nouveau Comité d’État pour les migrations, créé au sein du ministère du Travail, a commencé à réexaminer tous les dossiers des personnes reconnues réfugiées par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) avant sa mise en place. Il a retiré le statut de réfugié à de nombreux ressortissants de l’Ouzbékistan et de la Chine, dont la plupart étaient en attente de réinstallation dans un pays tiers.
Les personnes concernées et, de façon générale, les demandeurs d’asile originaires d’Ouzbékistan et de Chine ont fait l’objet de contrôles de plus en plus fréquents pour vérification d’identité ; ils étaient ensuite placés en détention arbitraire – de courte durée dans des cellules de garde à vue, ou pour une durée indéfinie dans des locaux dépendant du Service national de sécurité, en attendant leur renvoi forcé dans leur pays d’origine. Ces personnes n’avaient, au mieux, que des contacts limités avec des avocats, le HCR et leur famille. Beaucoup se plaignaient d’avoir été maltraitées, voire torturées en détention.

  • En juin 2010, des agents du Service national de sécurité ont arrêté 30 réfugiés et demandeurs d’asile ouzbeks à Almaty, dans l’intention de les renvoyer de force en Ouzbékistan. Ces 30 hommes avaient fui leur pays par crainte des persécutions auxquelles ils étaient exposés en raison de leur appartenance à des groupes religieux interdits par les autorités locales. Leurs femmes ont été informées qu’ils allaient être extradés vers l’Ouzbékistan, où ils étaient inculpés d’appartenance à des organisations religieuses ou extrémistes illégales, ainsi que de tentative de renversement de l’État.

L’un de ces hommes, Nigmatoulla Nabiev, a obtenu l’asile le 8 septembre, pour une durée d’un an. Le procureur adjoint d’Almaty a déclaré, le 13 septembre, que le parquet général avait en revanche décidé d’extrader les 29 autres. Deux d’entre eux, peut-être davantage, auraient été renvoyés en Ouzbékistan dès le mois de septembre, avant même l’examen des recours introduits pour contester les mesures de détention et d’extradition dont ils faisaient l’objet. Fin décembre, la majorité des recours déposés par les 29 détenus avaient été rejetés. Au moins deux autres demandeurs d’asile ouzbeks ont été extradés en octobre et en novembre.

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