ROUMANIE

Victimes de stéréotypes racistes, les Roms étaient toujours en butte à des discriminations en matière d’accès à l’enseignement, au logement et à l’emploi. Plusieurs hauts responsables gouvernementaux auraient fait des commentaires racistes et discriminatoires à l’encontre des Roms, propos que les ONG se sont efforcées, cette année encore, de dénoncer. La Cour européenne des droits de l’homme a estimé que la Roumanie avait violé le droit de toute personne à ne pas être torturée ni soumise à d’autres mauvais traitements. Malgré la révélation de nouveaux éléments tendant à prouver que la Roumanie avait participé au programme de « restitutions » et de détentions secrètes mis en place par l’Agence centrale du renseignement des États-Unis (CIA), le gouvernement niait toujours toute implication.

Roumanie
CHEF DE L’ÉTAT : Traian B ?sescu
CHEF DU GOUVERNEMENT : Emil Boc
PEINE DE MORT : abolie
POPULATION : 21,2 millions
ESPÉRANCE DE VIE : 73,2 ans
MORTALITÉ DES MOINS DE CINQ ANS (M/F) : 20 / 15 ‰

Contexte

Le 19 mai, environ 40 000 personnes se sont rassemblées dans les rues de Bucarest. Il s’agissait, selon les commentaires, de la plus grande manifestation organisée en Roumanie depuis la chute de Nicolae Ceau ?escu, en 1989. Les salariés du secteur public, notamment les enseignants et les professionnels de la santé, ainsi que les retraités et les mères de famille, entendaient protester contre le programme d’austérité adopté par le gouvernement, le Fonds monétaire international et l’Union européenne pour faire face à la crise économique. Ce programme prévoyait une baisse de 25 % des salaires dans la fonction publique et de 15 % des retraites, ainsi qu’une réduction des allocations familiales et des coupes dans plusieurs dispositifs d’aide sociale. En juillet, le gouvernement a réduit les moyens alloués à plusieurs organismes chargés de la promotion du principe de l’égalité de chances et de la protection contre les discriminations, et a même purement et simplement supprimé certains de ces services. Au mois d’août, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale [ONU] a mis en garde les autorités, estimant que les mesures d’austérité risquaient d’avoir des conséquences négatives sur la situation des catégories les plus vulnérables de la population, et a demandé que soient adoptées des initiatives visant à mettre lesdites catégories à l’abri des effets de la crise.
Une manifestation non autorisée de policiers, qui entendaient protester contre des baisses de salaire, a entraîné la démission du ministre de l’Intérieur en septembre. En octobre, pour la deuxième fois en quatre mois, le gouvernement a survécu à une motion de censure.

Discrimination – les Roms

Malgré les protestations exprimées par plusieurs ONG, les Roms étaient toujours victimes de stéréotypes racistes, qui se retrouvaient dans le discours politique au plus haut niveau. Le ministre des Affaires étrangères a ainsi parlé de « liens entre la criminalité et la communauté rom », faisant référence à un taux « naturel » de délinquance chez les Roms. En novembre, lors d’une visite en Slovénie, le président de la République lui-même n’a pas hésité à qualifier les Roms de « délinquants », affirmant qu’ils étaient « difficiles à intégrer » et « ne voulaient pas travailler ». Au mois de décembre, le gouvernement a soumis au Parlement un projet de loi visant à remplacer le nom officiel de la minorité rom par le terme « Tigan ». Cette initiative a suscité les protestations de nombreuses ONG, le terme « Tigan » ayant une connotation péjorative.

Selon un sondage d’opinion effectué en octobre par l’Institut roumain d’évaluation et de stratégie, 67 % des Roumains ne concevaient pas qu’un Rom puisse faire partie de leur famille.

Au mois d’août, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale s’est dit préoccupé par les stéréotypes racistes dont étaient toujours victimes les Roms et par les discriminations dont ils faisaient l’objet en matière d’accès à un logement décent, aux soins de santé, à l’emploi et à un enseignement digne de ce nom. La Roumanie s’est vu reprocher de ne pas avoir adopté les lois nécessaires à la concrétisation des engagements qu’elle avait pris en vue d’améliorer le sort des Roms. L’ONG Decade Watch a estimé en avril que cette situation était la conséquence d’une absence de volonté politique.

L’ONG Agentia de Dezvoltare Comunitar ? Împreun ? a indiqué en février que la mise en œuvre de la Stratégie nationale pour les Roms ne fonctionnait pas, en raison de l’insuffisance des moyens financiers dégagés au niveau local et de l’absence d’indicateurs susceptibles de permettre un suivi de l’action des différents organismes impliqués.

Droit à l’éducation

Répondant à une série de plaintes qui dénonçaient la ségrégation dont faisaient l’objet les élèves roms dans le système scolaire, le ministère de l’Éducation a diffusé en mars une directive interne. Adressée aux inspections académiques, aux écoles maternelles, aux directeurs d’écoles et aux enseignants, celle-ci fixait un certain nombre de règles destinées à prévenir et à éliminer la pratique de la ségrégation des élèves roms dans le système scolaire.

En mai, la cour d’appel de Craiova a confirmé le jugement émis par un tribunal de première instance, qui avait estimé qu’une élève rom avait été victime de discrimination de la part de sa maîtresse d’école. La cour d’appel a augmenté le montant des dommages accordés à la victime, le faisant passer de 360 à 10 000 euros. En 2007, l’enseignante avait refusé d’autoriser la petite Rom à assister à ses cours. La fillette avait finalement pu retourner à l’école au bout de plusieurs semaines d’exclusion, à la suite d’une intervention de l’inspection régionale et de pressions de la presse locale.

Droits en matière de logement

Au mois d’août, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale a recommandé à la Roumanie de faciliter l’accès des Roms au logement et de ne pas procéder à des expropriations illicites ou à des évictions forcées sans contrepartie de relogement.

  • Environ 75 Roms, dont des familles avec enfants, expulsés de force en 2004 par les autorités locales de Miercurea Ciuc vivaient toujours dans des conteneurs métalliques aux portes de la ville, juste à côté d’une station d’épuration. Ils étaient entassés dans ces logements précaires, dans des conditions sanitaires totalement inadaptées, disposant en tout et pour tout de quatre cabines de toilettes. Les autorités municipales, qui avaient pourtant promis au départ que cette solution ne serait que provisoire, n’avaient toujours pas proposé à la fin de l’année de formule de relogement digne à ces personnes.
  • Le 10 juin, l’adjoint au maire de Baia Mare a annoncé un projet d’expulsion de quelque 200 familles roms du quartier de Craica, avant démolition des bâtiments qu’elles occupaient. Selon plusieurs ONG locales, certaines familles avaient reçu en février un préavis d’expulsion, mais celui-ci n’avait pas été exécuté en raison des intempéries. Il semble que les personnes et les familles qui n’étaient pas originaires de Baia Mare devaient être renvoyées vers les localités où elles habitaient précédemment.
  • Le 17 décembre, 56 familles roms résidant rue Coastei, à Cluj, ont été expulsées de force. Une quarantaine d’entre elles ont été relogées dans des locaux ne répondant pas aux critères définissant un logement décent. Les autres se sont retrouvées à la rue.

Torture et autres mauvais traitements

La manière dont était appliquée dans la pratique la prohibition de la torture et des autres mauvais traitements continuait de susciter des préoccupations. Il était notamment regrettable que le Code pénal, malgré des modifications adoptées au mois de mai, continue d’autoriser la prise en compte d’éléments de preuve extorqués sous la torture ou, plus généralement, à la suite de mauvais traitements.

Au mois d’août, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale a déploré l’usage excessif de la force et les mauvais traitements de la part des forces de sécurité à l’égard de personnes appartenant à des groupes minoritaires, en particulier les Roms. Plusieurs ONG locales ont également fait état de leur inquiétude face aux allégations persistantes de torture et autres mauvais traitements perpétrés en détention, ainsi qu’au climat d’impunité qui perdurait dans certaines affaires.

  • En juin, la Cour européenne des droits de l’homme a estimé que la Roumanie avait violé le principe de la prohibition de la torture et des autres mauvais traitements dans le cas de Drago ? Ciupercescu, représenté par le Comité Helsinki de Roumanie. En 2003, alors qu’il se trouvait en détention provisoire, cet homme avait été soumis à des fouilles au corps réalisées par des surveillants masqués, et placé dans une cellule contenant neuf lits, en compagnie de 19 autres détenus. Chacun ne disposait que de 0,75 m2 d’espace.

En juillet, la Cour européenne des droits de l’homme a estimé que la Roumanie avait violé le principe de la prohibition de la torture et qu’elle n’avait pas enquêté sérieusement sur un décès, portant ainsi également atteinte au droit de disposer d’un recours. L’affaire concernait Gabriel Carabulea, un homme d’origine rom mort en mai 1996 pendant sa garde à vue. Le parquet militaire avait estimé en 1998, au terme d’une enquête, que ce dernier avait succombé à une maladie cardiaque. La Cour européenne a conclu pour sa part que le décès était la conséquence d’un traumatisme causé par un objet contondant, infligé après l’arrestation de la victime et manifestement de manière intentionnelle.

Lutte contre le terrorisme et sécurité

En février, une enquête des Nations unies sur les détentions secrètes a permis d’établir qu’un avion affrété dans le cadre du programme de « restitutions » mis en place par la CIA avait effectué le 22 septembre 2003 un vol entre la Pologne et la Roumanie. Les autorités roumaines ont réagi en reconnaissant que plusieurs appareils loués par la CIA avaient effectivement fait escale en Roumanie, rejetant cependant les allégations selon lesquelles ils transportaient des détenus. Elles ont démenti en outre qu’un centre de détention avait été établi sur le territoire national.

En juillet, le Bureau polonais des gardes-frontières a publié un certain nombre d’informations concernant le vol du 22 septembre 2003, indiquant notamment qu’il avait embarqué des passagers en Pologne avant de partir pour la Roumanie. Le gouvernement roumain a néanmoins continué de nier toute implication dans le programme de « restitutions » et de détentions secrètes mis en place par la CIA

Visites d’Amnesty International

Des délégués d’Amnesty International se sont rendus en Roumanie en août et en décembre.

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