JORDANIE

De nouveaux cas de torture et autres mauvais traitements ont été signalés et les forces de sécurité continuaient à bénéficier de l’impunité. Cette année encore, les procès qui se déroulaient devant la Cour de sûreté de l’État bafouaient les normes internationales d’équité. Plusieurs dizaines de personnes soupçonnées d’atteintes à la sûreté de l’État ont été arrêtées et des milliers d’autres étaient maintenues en détention sans inculpation ni perspective de jugement. La liberté d’expression, d’association et de réunion restait soumise à des restrictions. Les autorités ont retiré arbitrairement la nationalité jordanienne à certains ressortissants d’origine palestinienne. Cette année encore, des employées de maison étrangères ont été exploitées et victimes de mauvais traitements. Les femmes subissaient des discriminations dans la législation et la pratique et, malgré l’introduction d’une modification législative visant à les protéger contre les violences, au moins 15 femmes auraient fait l’objet de crimes « d’honneur ». Neuf personnes ont été condamnées à mort ; aucune exécution n’a eu lieu.

ROYAUME HACHÉMITE DE JORDANIE
CHEF DE L’ÉTAT : Abdallah II
CHEF DU GOUVERNEMENT : Samir Rifai
PEINE DE MORT : maintenue
POPULATION : 6,5 millions
ESPÉRANCE DE VIE : 72,4 ans
MORTALITÉ DES MOINS DE CINQ ANS (M/F) : 24 / 19 ‰
TAUX D’ALPHABÉTISATION DES ADULTES : 91,1 %

Contexte

Le gouvernement a promulgué des lois temporaires en l’absence du Parlement, suspendu sur ordre du roi jusqu’aux élections qui ont eu lieu le 9 novembre. Ce scrutin a été boycotté par plusieurs partis politiques – dont le Front d’action islamique, principal groupe d’opposition – qui reprochaient au système électoral de ne pas être assez représentatif et de favoriser les zones rurales au détriment des villes où les Jordaniens d’origine palestinienne sont majoritaires. La plupart des sièges du nouveau Parlement, entré en fonction le 29 novembre, ont été remportés par des membres de tribus fidèles au roi.

Torture et autres mauvais traitements

De nouvelles informations ont fait état de torture et d’autres mauvais traitements infligés à des personnes détenues pour des raisons de sécurité et à des suspects de droit commun. Les autorités n’ont mis en place aucune garantie adéquate, législative ou autre, contre ces pratiques.
En mai, le Comité contre la torture [ONU] a de nouveau fait part des questions qui le préoccupent depuis longtemps, à savoir que les allégations de torture font rarement l’objet d’enquêtes et de poursuites, que les autorités ne garantissent aucune protection efficace contre la torture et que les auteurs de tels agissements, quand ils sont traduits en justice, ne sont pas condamnés à des peines en rapport avec la gravité des crimes commis. Le Comité a relevé « les allégations nombreuses, cohérentes et crédibles faisant état d’un recours routinier et sur une vaste échelle à la torture et aux mauvais traitements », notamment dans les centres de détention relevant du Département des renseignements généraux et du Département des enquêtes criminelles. Le gouvernement jordanien n’a pas répondu aux recommandations du Comité.

  • La procédure engagée contre un policier accusé d’un homicide manifestement illégal a été classée sans suite, la famille de la victime ayant accepté de retirer sa plainte. Fakhri Anani Kreishan est mort en novembre 2009, après avoir été agressé par des policiers à Maan. L’autopsie a révélé que la cause du décès était une blessure à la tête infligée par un objet contondant. Le policier qui aurait porté le coup mortel est resté en fonction.

Procès inéquitables – Cour de sûreté de l’État

Plusieurs dizaines de personnes accusées d’atteintes à la sûreté de l’État ont comparu devant la Cour de sûreté de l’État, dans le cadre de procès qui, selon toute probabilité, n’étaient pas conformes aux normes d’équité. En octobre, le Comité des droits de l’homme [ONU] a réitéré sa recommandation préconisant l’abolition de cette juridiction.

  • En mars, la Cour de sûreté de l’État a passé outre à un arrêt de la Cour de cassation qui avait annulé les peines de réclusion à perpétuité prononcées contre huit hommes déclarés coupables d’avoir planifié des « actes de terrorisme » en 2004. La Cour de cassation avait conclu que leurs « aveux » avaient été « obtenus sous la contrainte » et qu’ils étaient de ce fait « nuls ». La Cour de sûreté de l’État a renvoyé l’affaire devant le parquet en vue de nouvelles investigations et les accusés ont été maintenus en détention. Aucune enquête officielle n’a semble-t-il été menée sur les allégations selon lesquelles les « aveux » de ces huit hommes avaient été obtenus sous la contrainte.

Détention sans jugement

D’après le Centre national des droits humains, durant le premier semestre de l’année 2010, 6 965 personnes étaient détenues aux termes de la Loi de 1954 relative à la prévention de la criminalité ; ce texte autorise les gouverneurs de province à ordonner le maintien en détention, sans inculpation et pour une durée indéterminée, de quiconque est soupçonné d’avoir commis un crime ou considéré comme représentant un « danger pour la société ».

  • Isam al Utaibi, également connu sous le nom d’Abu Muhammad al Maqdisi, a été maintenu en détention sans inculpation, pendant plus de deux mois, dans les locaux du Département des renseignements généraux à Amman. Il a ensuite été renvoyé devant la Cour de sûreté de l’État afin d’être jugé, puis emprisonné pour, entre autres, recrutement de personnes pour le compte d’« organisations terroristes ». Cinq ans auparavant, il avait été incarcéré sans inculpation dans les locaux du Département des renseignements généraux, où il a passé trois ans.

Liberté d’expression, d’association et de réunion

Des journalistes et d’autres personnes qui avaient critiqué le gouvernement ou participé à des manifestations pacifiques ont été arrêtés et, dans certains cas, inculpés. Les interpellations se sont multipliées à la veille des élections législatives de novembre ; plusieurs dizaines de personnes ont été détenues pendant de courtes périodes pour avoir contesté le système électoral.

  • Muhammad al Sneid, qui milite pour les droits des travailleurs, a été arrêté le 10 mai et détenu pendant une dizaine de jours après avoir participé à une manifestation pacifique à Maadaba pour protester contre une décision du ministère de l’Agriculture qui l’avait révoqué en même temps que d’autres employés de l’administration. Il a été condamné en juillet par la Cour de sûreté de l’État à trois mois d’emprisonnement pour avoir organisé un « rassemblement illégal ».

Discrimination – les Jordaniens d’origine palestinienne

Les autorités continuaient de retirer arbitrairement la nationalité jordanienne à des ressortissants d’origine palestinienne. Plusieurs centaines de milliers de personnes de cette origine étaient reconnues comme Jordaniens. Celles qui étaient privées de la nationalité jordanienne avaient peu de moyens de contester cette décision ; elles se retrouvaient de fait apatrides et l’accès aux soins et à l’éducation leur était refusé.

Droits des migrants – les employées de maison

Les dispositions introduites en 2009 en vue de protéger les employées de maison étrangères contre l’exploitation économique et les violences physiques et psychologiques n’étaient généralement pas appliquées. L’organisation Tamkeen, qui fournit une assistance juridique à ces personnes, a signalé en mai qu’elle avait recueilli au cours des 12 mois précédents 290 plaintes de « travailleuses immigrées » pour salaire non versé, confiscation de passeport et mauvaises conditions de travail.

Violences et discrimination à l’égard des femmes et des filles

Cette année encore, des femmes ont été victimes de crimes « d’honneur », dont au moins 15 cas ont été recensés. Le gouvernement a présenté des modifications temporaires du Code pénal afin que les tribunaux ne prononcent pas des peines trop clémentes contre les hommes déclarés coupables d’avoir tué de proches parentes au nom de « l’honneur » de leur famille, lorsque l’homicide a été commis dans « un accès de rage suscité par un acte illégal ou dangereux imputable à la victime ». La Cour de cassation a toutefois renvoyé deux affaires de cette nature devant le tribunal pénal en vue d’une réduction de peine au titre de l’article 98 du Code pénal.
Des modifications temporaires du Code du statut personnel n’ont pas permis de remédier de manière satisfaisante à la discrimination à l’égard des femmes. Elles n’ont notamment pas garanti l’égalité entre les hommes et les femmes dans les règlements financiers ou relatifs aux biens à la suite d’un divorce. Ces modifications ont porté à 18 ans l’âge minimum du mariage pour les filles, tout en prévoyant des exceptions de sorte que, dans certains cas, des filles peuvent se marier alors qu’elles n’ont que 15 ans.

Peine de mort

Neuf personnes ont été condamnées à mort d’après les sources consultées par Amnesty International ; elles étaient six selon le ministre de la Justice. Des modifications apportées au Code pénal ont réduit le nombre d’infractions entraînant obligatoirement la peine capitale. En mars, le ministre de la Justice a annoncé que le viol pourrait ne plus faire partie de cette catégorie d’infractions. Aucune exécution n’a eu lieu.
En décembre, la Jordanie s’est abstenue lors du vote d’une résolution de l’Assemblée générale des Nations unies en faveur d’un moratoire mondial sur les exécutions.

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