MALAWI

Des défenseurs des droits humains et d’autres détracteurs du gouvernement ont été la cible de manœuvres de harcèlement et d’intimidation. Plusieurs figures de la société civile ont dû entrer dans la clandestinité pour se protéger des attaques de plus en plus nombreuses visant les personnes se montrant critiques vis-à-vis du régime. La police a riposté avec brutalité à la contestation antigouvernementale, tirant à balles réelles sur des manifestants. De nouvelles restrictions à la liberté de la presse ont été introduites dans le Code pénal. Les lesbiennes, les gays, les personnes bisexuelles et les transgenres continuaient de faire l’objet de persécutions.

RÉPUBLIQUE DU MALAWI
Chef de l’État et du gouvernement : Bingu wa Mutharika
Peine de mort : abolie en pratique
Population : 15,4 millions
Espérance de vie : 54,2 ans
Mortalité des moins de cinq ans : 110 ‰
Taux d’alphabétisation des adultes : 73,7 %

Contexte

Le climat s’est tendu au fil des mois tandis que la société civile continuait de dénoncer les violations des droits humains, la dégradation de la situation économique et la mauvaise gestion des affaires publiques.

L’ambassadeur du Royaume-Uni au Malawi a été expulsé du pays en avril, après la fuite d’un câble diplomatique dans lequel il dépeignait le régime du président Mutharika comme de plus en plus « autocratique et intolérant vis-à-vis des critiques ». Le gouvernement britannique a riposté en expulsant le représentant du Malawi au Royaume-Uni et en gelant les aides. En juillet, invoquant une situation préoccupante sur le plan de la gestion économique, de la gouvernance et des droits humains, le gouvernement du Royaume-Uni a suspendu pour une durée indéterminée son appui budgétaire général au Malawi (19 millions de livres), emboîtant ainsi le pas à d’autres bailleurs de fonds internationaux qui avaient déjà suspendu ou cessé leur soutien. Après la mort, en juillet, de 19 personnes tuées par des tirs à balles réelles lors de la dispersion de manifestations par la police, les États-Unis ont suspendu le versement d’une aide de 350 millions de dollars.

Au mépris de ses obligations légales vis-à-vis de la Cour pénale internationale, le Malawi n’a pas procédé à l’arrestation du président soudanais Omar el Béchir, qui se trouvait sur son sol en octobre à l’occasion d’un sommet sur le commerce régional.

Répression de la dissidence

Des défenseurs des droits humains et d’autres détracteurs du régime ont été la cible de manœuvres de harcèlement et d’intimidation, notamment de menaces de mort, d’attentats au cocktail Molotov et d’autres agressions ; des individus ont également pénétré de force dans leurs maisons ou leurs bureaux. Plusieurs locaux d’ONG ont été cambriolés dans des circonstances suspectes. Les menaces et les attaques étaient le fait de personnes se revendiquant comme des sympathisants du Parti démocratique progressiste (DPP, au pouvoir) ou d’hommes non identifiés pouvant appartenir aux services de sécurité nationaux. Des défenseurs des droits humains s’exprimant dans des réunions internationales ou impliqués dans l’organisation de manifestations antigouvernementales ont été pris à partie publiquement et menacés de violences et d’arrestation par des responsables publics, y compris par le président Mutharika.

*En mars, lors d’un meeting retransmis à la télévision et à la radio, le président a déclaré aux partisans du DPP que ceux qui critiquaient le gouvernement seraient remis entre leurs mains et que le DPP devrait « faire régner la discipline au Malawi ».

*Toujours en mars, des hommes non identifiés armés de couteaux et de machettes ont fait irruption dans les locaux du Centre pour les droits de l’homme et la réhabilitation et ont obligé le gardien à les conduire jusqu’au domicile du directeur, Undule Mwakasungura. Le gardien a ensuite été kidnappé, roué de coups puis abandonné à son sort dans la Zone 18 de Lilongwé.

*En juillet, le président a publiquement menacé de « traquer » les chefs de file des manifestations antigouvernementales qui se sont déroulées dans tout le pays les 20 et 21 juillet.

*Un grand nombre de personnalités de la société civile et d’universitaires ont affirmé avoir reçu des menaces de mort entre mars et septembre. Parmi elles figuraient Benedicto Kondower (Coalition de la société civile pour une éducation de base de qualité), Dorothy Ngoma (Organisation nationale des infirmières et sages-femmes) et Jessie Kwabila Kapasula, présidente par intérim du syndicat enseignant du Chancellor College.

*En septembre, des hommes non identifiés se sont introduits dans les bureaux du Centre pour le développement de la population à la recherche de son directeur, Gift Trapence. Le même mois, des cocktails Molotov ont été lancés contre les maisons ou les bureaux de plusieurs détracteurs du gouvernement, dont l’opposant politique Salim Bagus et les militants Rafiq Hajat et Macdonald Sembereka.

Liberté de réunion et d’expression

En janvier, l’article 46 du Code pénal a été modifié de manière à conférer au ministre de l’Information le pouvoir discrétionnaire d’interdire une publication s’il a « des motifs raisonnables de croire que la publication ou l’importation » de celle-ci « serait contraire à l’intérêt général ».

Les 20 et 21 juillet, des manifestations contre la mauvaise gestion des affaires publiques, les pénuries de carburant et les violations des droits humains ont eu lieu dans les principales villes du pays, notamment Blantyre, Lilongwé, Mzuzu et Zomba. Au moins 19 personnes ont été tuées et plusieurs autres, y compris des enfants, ont été blessées quand la police a tiré à balles réelles pour disperser les manifestants. À Mzuzu, dans le nord du pays, neuf personnes ont été tuées et des dizaines d’autres, parmi lesquelles des enfants, ont été blessées par balles. Environ 500 personnes, dont plusieurs défenseurs des droits humains, ont été arrêtées dans le cadre de ces mouvements de protestation ; après un bref placement en détention le 20 juillet, elles ont été libérées sans inculpation.

Vingt-deux journalistes ont déclaré avoir été frappés par des policiers durant les manifestations. Au moins huit d’entre eux ont été sérieusement blessés à coups de crosse. La police a saisi, puis détruit ou jeté, les outils de travail de professionnels des médias qui couvraient les événements, notamment des caméras et du matériel d’écriture. Les journalistes Collins Mtika et Vitima Ndovi ont été interpellés puis placés en détention pendant plusieurs jours ; tous deux ont déclaré avoir été frappés par des policiers. Quatre stations de radio indépendantes qui couvraient les manifestations ont été temporairement interdites d’émettre.

Cinq militants – Billy Mayaya, membre de l’Église presbytérienne d’Afrique centrale - Synode de Nkhoma, Habiba Osman, avocate de l’ONG Norwegian Church Aid, ainsi que Brian Nyasulu, Ben Chiza Mkandawire et Comfort Chitseko – ont été interpellés le 14 octobre pour avoir pris part à une manifestation appelant le président Mutharika à organiser un référendum sur une élection anticipée.

Droits des lesbiennes, des gays, des personnes bisexuelles et des transgenres

En janvier, le Malawi a promulgué une loi érigeant en infraction pénale les relations sexuelles entre femmes. En avril deux hommes, Stanley Kanthunkako et Stephano Kalimbakatha, ont été inculpés de sodomie et d’outrage aux bonnes mœurs. Ils devaient être jugés par le tribunal de première instance de Zomba. Lors d’un meeting du DPP organisé à Lilongwé en mai, le président Mutharika a déclaré que les gays étaient « pires que des chiens ».

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