NEPAL

Le Népal est cette année encore revenu sur les engagements qu’il avait pris de traduire en justice les auteurs présumés d’atteintes aux droits humains. Les partis politiques au gouvernement ont activement perverti le cours de la justice, exigeant l’abandon des poursuites dans des centaines d’affaires dont certaines concernaient de graves violations ou exactions perpétrées pendant le conflit armé. Les personnes détenues par la police étaient souvent torturées ou maltraitées. La police a exercé une répression croissante contre les réfugiés tibétains, limitant leur droit à la liberté d’association et d’expression. L’exploitation des travailleurs népalais à l’étranger, y compris dans des conditions de travail forcé, s’est poursuivie. Les discriminations ethniques, religieuses ou de genre ainsi que les violences contre les femmes et les filles n’ont guère mobilisé les pouvoirs publics.

RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE FÉDÉRALE DU NÉPAL
Chef de l’État : Ram Baran Yadav
Chef du gouvernement : Madhav Kumar Nepal, remplacé par Jhala Nath Khanal le 3 février, à son tour remplacé par Baburam Bhattarai le 28 août
Peine de mort : abolie
Population : 30,5 millions
Espérance de vie : 68,8 ans
Mortalité des moins de cinq ans : 48,2 ‰
Taux d’alphabétisation des adultes : 59,1 %

Contexte

Chargée de suivre la mise en œuvre de l’Accord de paix global de 2006, la Mission des Nations unies au Népal a mis un terme à ses activités en janvier alors que certains volets essentiels de l’Accord n’avaient toujours pas été réalisés. Élu Premier ministre en février, Jhala Nath Khanal a démissionné le 14 août sans avoir fait avancer le processus de paix, et notamment sans avoir mené à terme la rédaction de la nouvelle constitution. Il a été remplacé par Baburam Bhattarai, vice-président du Parti communiste unifié du Népal (maoïste), qui devait fondamentalement superviser la prolongation du mandat de l’Assemblée constituante jusqu’au 27 mai 2012 et qui s’est engagé à veiller à l’achèvement de la nouvelle constitution.

Justice de transition

L’article 5 de l’Accord de paix prévoyait la mise en place d’une commission vérité et réconciliation chargée d’enquêter sur les atteintes aux droits humains et les crimes contre l’humanité qui auraient été commis pendant le conflit armé. Le projet de loi portant création de cette commission n’avait cependant pas été finalisé à la fin de l’année. Le gouvernement a continué d’effectuer des versements provisoires aux familles des « victimes du conflit », sans toutefois garantir les droits de celles-ci à la vérité et à la justice.

Disparitions forcées

Le gouvernement n’a toujours pas mis en place de commission chargée d’enquêter sur les milliers de disparitions forcées dont se sont rendues responsables les différentes parties au conflit entre 1996 et 2006, alors qu’il s’était engagé à le faire avant le mois de septembre.

Impunité

Soucieux de parvenir à un consensus à la veille de l’élection du Premier ministre, le Parti communiste unifié du Népal (maoïste) a signé avec les formations politiques de la région du Teraï un accord prévoyant, entre autres, l’abandon des poursuites entamées contre des membres de partis politiques, notamment pour des atteintes aux droits humains qui auraient été commises au cours du conflit armé. Le 28 août, le gouvernement a annoncé son intention de renoncer effectivement aux poursuites engagées. Le procureur général a fait plusieurs déclarations en ce sens.
*Des défenseurs des droits humains se sont opposés à la nomination, en mai, d’Agni Sapkota au poste de ministre de l’Information et des Communications, celui-ci étant accusé d’être impliqué dans l’enlèvement et le meurtre, en 2005, d’un enseignant, Arjun Lama. Le 21 juin, la Cour suprême a ordonné à la police du district de Kavre de lui faire part des résultats provisoires de son enquête sur cette affaire, sans toutefois aller jusqu’à demander la suspension d’Agni Sapkota.
*La Cour suprême a annulé en juillet une ordonnance bloquant la promotion d’un haut gradé de la police accusé d’être impliqué dans l’affaire dite des « Cinq de Dhanusha », qui remontait à 2003 et dans laquelle cinq jeunes gens, dont Sanjiv Kumar Karna, avaient apparemment été tués par des membres des forces de sécurité. L’exhumation des restes des cinq victimes a été achevée en février.
*Le Conseil des ministres a recommandé en octobre la grâce pour Balkrishna Dhungel, un maoïste membre de l’Assemblée constituante reconnu coupable de meurtre et condamné en janvier à la réclusion à perpétuité.

Torture et autres mauvais traitements

Les actes de torture et les autres mauvais traitements infligés à des personnes détenues par la police demeuraient monnaie courante. Le Centre d’aide aux victimes de torture, une organisation népalaise, a déclaré en juin que, depuis la fin du conflit armé, en 2006, la majorité des cas de torture étaient imputables à la police. Sur 989 détenus interrogés, 74 % ont affirmé avoir été torturés pendant leur garde à vue.
La torture n’était toujours pas considérée comme une infraction pénale par la législation népalaise. Lors du premier Examen périodique universel par l’ONU du bilan du pays en matière de droits humains, le Népal a nié le caractère systématique de la torture sur son territoire, faisant observer qu’un projet de loi reprenant un certain nombre de dispositions de la Convention contre la torture était « très activement examiné ».

Travailleurs migrants

La pauvreté et le fort taux de chômage ont poussé au moins 300 000 personnes à partir travailler légalement à l’étranger. Certains recruteurs se livraient à un véritable trafic de travailleurs migrants, qu’ils réduisaient au travail forcé en les trompant sur leurs conditions d’emploi et de rémunération, et en modifiant les contrats. Contraints de rembourser des prêts à un taux d’intérêt élevé, touchant moins que ce qu’on leur avait promis et se faisant souvent confisquer leurs papiers d’identité, de nombreux migrants ne pouvaient pas refuser de travailler. Le Népal a bien adopté des lois censées protéger les travailleurs migrants, mais les agences de recrutement n’étaient pas toujours suffisamment contrôlées et les personnes qui violaient la Loi relative à l’emploi à l’étranger étaient rarement traduites en justice.
*En avril, 108 travailleurs migrants qui s’étaient retrouvés sans ressources en Libye en 2010, leur employeur ayant refusé de les payer, ont bénéficié d’un compromis partiel. Réagissant aux pressions des travailleurs, des syndicats et d’Amnesty International, le Département de l’emploi à l’étranger et le Bureau du procureur général de district ont recommandé en juillet que l’affaire soit transmise pour enquête au Tribunal chargé de l’emploi à l’étranger.

Liberté de réunion, d’association et d’expression

Cédant aux pressions de la Chine, la police a intensifié les opérations visant à réprimer le droit des réfugiés tibétains à la liberté d’association et d’expression. Des réunions pacifiques, organisées dans des locaux privés, ont été interrompues par la police et des personnes ont été arrêtées pour avoir déployé des banderoles ou scandé des slogans en faveur de l’indépendance du Tibet. Certains militants de la cause tibétaine étaient systématiquement arrêtés à la veille de dates symboliques.
*En mars, la police a interdit à tout un groupe de personnes, composé essentiellement de Tibétaines âgées, de se rendre en autocar jusqu’à un lieu de pèlerinage.

Discrimination

Les discriminations pour des raisons d’origine ethnique, de religion, de genre, de situation économique ou de handicap étaient toujours aussi vives. Malgré la promulgation, le 24 mai, de la Loi contre la discrimination fondée sur la caste et l’intouchabilité (infraction et sanction), les dalits étaient toujours socialement et économiquement exclus. La discrimination fondée sur le genre restait une réalité, en particulier pour les femmes appartenant à des castes ou à des groupes ethniques marginalisés. Les jeunes filles dalits ou issues de familles rurales pauvres étaient victimes de discrimination dans l’accès à l’enseignement et aux soins ; elles étaient aussi davantage exposées au mariage précoce que le reste de la population et souffraient de taux plus élevés de malnutrition pendant l’enfance.

Violences faites aux femmes et aux filles

La police refusait souvent d’enregistrer les plaintes pour violences domestiques ou liées au genre.
*En septembre, une femme qui affirmait avoir été violée en 2004 par quatre militaires, à Dailekh, a tenté de porter plainte contre ses agresseurs présumés, qu’elle accusait de viol et de torture. La police de Dailekh a refusé de recevoir sa plainte, indiquant que le délai de 35 jours pour déposer une plainte pour viol était dépassé. Or, en 2006, la Cour suprême avait estimé que ce délai constituait une violation des normes internationales et avait ordonné au Parlement de modifier cette règle en conséquence. Cette décision n’avait pas été suivie d’effet.

Visites et documents d’Amnesty International

  • Une délégation d’Amnesty International s’est rendue au Népal en mai.
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