Cameroun

Comme les années précédentes, les autorités ont continué de restreindre les activités des opposants politiques et des journalistes. Des personnes soupçonnées de relations homosexuelles ont été arrêtées, et certaines ont été condamnées à des peines d’emprisonnement. Les défenseurs des droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles, transgenres ou intersexuées (LGBTI) ont fait l’objet de harcèlement et de mauvais traitements. Les autorités n’ont pris aucune mesure pour les protéger contre ces agressions. Dans certaines prisons, les conditions carcérales étaient éprouvantes et elles mettaient parfois même en danger la vie des détenus.

RÉPUBLIQUE DU CAMEROUN
Chef de l’État : Paul Biya
Chef du gouvernement : Philémon Yang

Contexte

En novembre, le président Paul Biya a célébré le 30e anniversaire de son accession au pouvoir. À cette occasion, des défilés de protestation ont été organisés par des groupes d’opposition. Ces manifestations ont été dispersées par la police antiémeutes.
La corruption demeurait endémique et les efforts entrepris par le gouvernement pour lutter contre ce fléau n’ont eu qu’une portée limitée. En septembre, un ancien ministre a été condamné à 25 ans de prison pour avoir détourné 29 millions de dollars des États-Unis de fonds publics.
En septembre, Amnesty International a transmis au gouvernement un mémorandum exposant ses nombreuses préoccupations en matière de droits humains.

Harcèlement des opposants politiques

Les autorités ont continué d’utiliser la justice pénale pour harceler et réduire au silence des groupes de l’opposition politique.
 Le procès de plusieurs dizaines de membres du Conseil national du Cameroun méridional (SCNC), arrêtés en 2008 et inculpés de tenue de réunions illégales et de défaut de présentation de carte d’identité, n’avait toujours pas eu lieu à la fin de l’année. Les prévenus s’étaient déjà présentés plus de 30 fois au tribunal mais le procès avait à chaque fois été reporté au motif que la partie poursuivante n’avait pas présenté de témoin ou que des fonctionnaires de justice, y compris les juges présidant le tribunal, étaient absents.
 Trois membres du SCNC – Felix Ngalim, Ebeneza Akwanga et Makam Adamu – ont été arrêtés en avril et inculpés de sécession et de révolution, des infractions prévues par le Code pénal, à propos de leur appartenance au SCNC et de leurs activités dans le cadre de ce parti. En mai, Felix Ngalim, qui était incarcéré à la prison de Kondengui à Yaoundé, aurait été emmené par des membres de la police chargée de la surveillance du territoire dans les bureaux de ces derniers, également à Yaoundé, qui l’auraient ensuite frappé à coups de matraque, lui infligeant semble-t-il des blessures à la plante des pieds, aux jambes et sur d’autres parties du corps. Felix Ngalim a ensuite été transféré à la prison centrale de Bamenda, la capitale de la province du Nord-Ouest, le 28 mai. Il a comparu devant la haute cour de Bamenda les 5 et 17 juin, puis à nouveau le 3 juillet. À chaque fois, le tribunal a reporté l’audience au motif que les témoins à charge n’étaient pas en mesure de comparaître. Ebeneza Akwanga se serait évadé de la prison de Kondengui et aurait quitté le Cameroun en mai. Felix Ngalim a bénéficié d’une mise en liberté provisoire le 4 décembre ; à la fin de l’année il attendait toujours son procès.
 En décembre, Dieudonné Enoh Meyomesse, un écrivain critique à l’égard du président Paul Biya, a été déclaré coupable de vol à main armée et condamné à sept ans de prison à l’issue d’un procès inéquitable qui s’est déroulé devant un tribunal militaire de Yaoundé. Il était considéré comme un prisonnier d’opinion. Dieudonné Enoh Meyomesse et plusieurs de ses coaccusés, également condamnés à des peines allant de deux à neuf ans d’emprisonnement, avaient été arrêtés en novembre 2011.
Des personnes critiques envers le gouvernement se sont déclarées préoccupées par le fait que certaines poursuites pour corruption visaient des gens ayant exprimé leur désaccord avec le gouvernement.
 Titus Edzoa et Michel Thierry Atangana, qui auraient dû finir de purger cette année leur peine de 15 ans d’emprisonnement pour corruption, ont été jugés sur la base de nouvelles accusations et condamnés à 20 ans de prison en octobre. Comme lors de leur premier procès en 1997, ils ont été jugés en 2012 au cours d’un procès inéquitable, apparemment motivé par des considérations politiques.
 Paul Eric Kingué, emprisonné pour sa participation présumée aux émeutes de février 2008 et pour corruption, a été condamné en février, à l’issue de procès inéquitables, à la réclusion à perpétuité pour corruption. La cour d’appel qui examinait son recours a annulé le jugement, mais l’a condamné en novembre à une peine de 10 ans de prison à l’issue d’un nouveau procès.

Défenseurs des droits humains

Des défenseurs des droits humains et des membres de leurs familles ont reçu des menaces de mort ou ont été pris pour cible par des personnes qui, selon eux, étaient des agents ou des sympathisants du gouvernement.
 Le 27 mars, des représentants de l’État ont empêché des militants LGBTI d’organiser à Yaoundé un atelier sur les droits des minorités sexuelles financé par l’Union européenne. Cette intervention faisait suite à l’interruption violente de l’atelier par des membres du Rassemblement de la jeunesse camerounaise, un groupe se présentant lui-même comme hostile aux personnes LGBTI. Un peu plus tôt, Stéphane Koche, l’organisateur de l’atelier, avait été arrêté et maintenu en détention pendant plusieurs heures par des membres des forces de sécurité.
 En janvier, la militante des droits humains Maximilienne Ngo Mbe a été menacée de viol par des hommes qui ont affirmé appartenir aux forces de sécurité. Sa nièce a été enlevée et violée par des hommes qui lui ont dit s’en prendre à elle en raison des activités menées par sa tante contre le gouvernement.
 Les avocats Michel Togue et Alice Nkom ont été menacés de violences pour avoir représenté des personnes accusées de relations homosexuelles. Des membres de leurs familles ont également fait l’objet de menaces. Les autorités n’ont pas condamné ces menaces ni offert une quelconque protection aux victimes.

Liberté d’expression – journalistes

Plusieurs journalistes ont fait l’objet de poursuites au cours de l’année.
 Alex Gustave Azebaze, Thierry Ngogang et Anani Rabier Bindji, journalistes de télévision, ainsi que Manassé Aboya, enseignant à l’université, qui avaient été arrêtés en juin 2008, attendaient toujours leur procès pour « coaction de détention sans autorisation d’un document confidentiel » et « coaction de commentaires tendancieux ». Les charges retenues contre eux étaient apparemment motivées par des considérations politiques. Les quatre hommes avaient été arrêtés après avoir critiqué une initiative gouvernementale de lutte contre la corruption. Leur interpellation faisait suite à celle de deux journalistes de presse au cours d’un débat télévisé.

Droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles, transgenres ou intersexuées

Cette année encore, des personnes ont été victimes de violences, d’arrestations et de détentions arbitraires ainsi que d’autres violations des droits humains en raison de leur orientation sexuelle, réelle ou présumée. Les autorités n’ont pas protégé les personnes qui ont fait l’objet d’agressions ou d’autres formes de mauvais traitements de la part d’acteurs non étatiques.
 Franky Ndome Ndome qui, avec Jonas Nsinga Kimie, purgeait une peine de cinq ans de prison pour homosexualité, a été roué de coups et soumis à d’autres mauvais traitements par des gardiens de la prison de Kondengui. Les deux hommes ont également été brutalisés à plusieurs reprises par des codétenus. Les autorités n’ont pris aucune mesure contre les responsables de ces agressions ou pour protéger les victimes.
 Trois femmes – Martine Solange Abessolo, Esther Aboa Belinga et Léonie Marie Djula – ont été arrêtées le 14 février dans la ville d’Ambam, dans la province du Sud. Elles ont été accusées d’être lesbiennes parce que le mari de Léonie Djula aurait signalé aux autorités que son épouse avait été incitée par les deux autres femmes à avoir des relations sexuelles avec elles. Martine Abessolo et Esther Belinga ont été jugées par le tribunal de première instance d’Ambam pour relations homosexuelles et pour diffamation envers Léonie Djula. Elles ont été remises en liberté provisoire le 20 février et ont déposé un recours en appel concernant des irrégularités lors de leur arrestation. La cour d’appel d’Ebolowa ne s’était pas encore prononcée à la fin de l’année.
 Le 17 décembre, la condamnation pour homosexualité prononcée en 2011 contre Jean-Claude Roger Mbede a été confirmée en appel. Il avait été condamné à trois ans de prison.

Conditions carcérales

Dans les deux plus grandes prisons du Cameroun, situées à Yaoundé et à Douala, les conditions d’incarcération étaient déplorables et constituaient un traitement cruel, inhumain ou dégradant ; dans certains cas elles mettaient même en danger la vie des détenus. Les prisonniers atteints de troubles mentaux ne bénéficiaient pas de soins psychiatriques. À la fin de l’année, ces deux prisons comptaient un nombre de détenus cinq fois supérieur à leur capacité d’accueil.

Peine de mort

D’après des informations officielles, début 2012 le pays comptait 102 détenus condamnés à la peine capitale. La Commission nationale des droits de l’homme et des libertés a recommandé au gouvernement d’abolir la peine de mort.

Visites et documents d’Amnesty International

 Des délégués d’Amnesty International se sont rendus au Cameroun en décembre.
 Cameroun. Peu de progrès en matière de droits humains malgré les promesses. Informations soumises par Amnesty International pour l’Examen périodique universel de l’ONU en avril-mai 2013 (AFR 17/002/2012).

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