Guinée-Bissau

Après le décès en janvier du président Malam Bacai Sanhá, la situation politique s’est considérablement dégradée et un coup d’État a eu lieu en avril. Elle a encore empiré après l’attaque qui aurait visé une caserne en octobre et qui a porté un nouveau coup à la situation humanitaire et des droits humains, déjà fragile. Les forces armées ont commis, en toute impunité, de nombreuses violations des droits humains, parmi lesquelles des arrestations et détentions arbitraires, des passages à tabac et des exécutions extrajudiciaires. La liberté de réunion, la liberté d’expression et la liberté de la presse étaient fortement restreintes. Les assassinats de personnalités politiques et de responsables des services de sécurité commis en 2009 restaient impunis.

RÉPUBLIQUE DE GUINÉE-BISSAU
Chef de l’État : Malam Bacai Sanhá, remplacé par Raimundo Pereira le 9 janvier, remplacé à son tour par Manuel Serifo Nhamadjo le 11 mai
Chef du gouvernement : Carlos Domingos Gomes Júnior, remplacé par Rui Duarte de Barros le 16 mai

Contexte

Le président Malam Bacai Sanhá est mort en janvier des suites d’une longue maladie. Le premier tour de l’élection présidentielle organisée en mars a été remporté par l’ancien Premier ministre, Carlos Gomes Júnior, qui a manqué de très peu la majorité absolue. Un second tour a été planifié pour la fin du mois d’avril. Dix jours avant, l’armée a mené un coup d’État, prenant le contrôle de la capitale, Bissau, et arrêtant l’ancien Premier ministre et le président par intérim. Les deux hommes ont été détenus pendant deux semaines avant d’être relâchés et envoyés en exil.

Des mesures répressives ont été appliquées pour étouffer toute critique à l’égard du commandement militaire autoproclamé qui s’était emparé du pouvoir. Toutes les manifestations ont été interdites et les soldats ont utilisé la force pour disperser des rassemblements spontanés pacifiques. L’armée a déclaré avoir agi en réaction à la présence dans le pays de militaires angolais, envoyés dans le cadre d’un accord bilatéral d’aide à la formation et à la réforme dans le secteur de la sécurité. Début mai, le commandement militaire et ses alliés civils ont conclu avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) un accord prévoyant une année de transition et le déploiement d’hommes de la CEDEAO à Bissau. Deux semaines plus tard, un président et un gouvernement de transition ont été nommés, qui n’ont pas été reconnus par la communauté internationale.

En octobre, les autorités ont affirmé qu’un groupe de soldats et de civils avait attaqué une base militaire située en périphérie de Bissau, et que six membres de ce groupe avaient été tués. Elles ont accusé l’ancien Premier ministre d’être impliqué dans cette attaque. Des soldats ont commis de graves violations des droits humains alors qu’ils en recherchaient les auteurs présumés.

Liberté d’expression – journalistes

Les radios privées ont été fermées pendant le coup d’État militaire et elles sont restées absentes des ondes pendant deux jours. Elles ont été autorisées à reprendre l’antenne, mais en étant soumises à une censure stricte. Au moins une radio a décidé de ne pas reprendre ses activités. Des journalistes ont été empêchés de faire leur travail et ont fait l’objet de manœuvres de harcèlement et d’arrestations. Le correspondant de Radio Televisão Portuguesa, la société publique de radio et de télévision du Portugal, a été expulsé du pays en octobre parce qu’il avait diffusé des informations critiques à l’égard des autorités militaires et gouvernementales.

Homicides illégaux et exécutions extrajudiciaires

Selon certaines sources, les six personnes (quatre civils et deux militaires) qui auraient été tuées lors de l’attaque visant une base militaire en octobre ont été exécutées de manière extrajudiciaire. À Bolama, dans l’archipel de Bijagós, des soldats auraient aussi exécuté de façon extrajudiciaire cinq personnes qu’ils accusaient d’être complices de Pansau Ntchama, l’instigateur présumé de l’attaque d’octobre. D’autres personnes ont été tuées illégalement en raison de leurs liens avec des responsables du gouvernement renversé.

Luis Ocante da Silva, ami proche de l’ancien chef d’état-major des forces armées, José Zamora Induta, est mort des suites des coups que lui ont infligés des soldats. Le 6 novembre, plusieurs militaires sont venus le chercher à son domicile. Ils l’ont battu et emmené dans un lieu secret. Deux jours plus tard, des soldats ont apporté son corps à la morgue de l’hôpital central. La famille de Luis Ocante da Silva n’a été autorisée à voir que son visage, et elle n’a pas pu récupérer le corps pour lui donner des funérailles.

Ces homicides, tout comme les autres violations des droits humains perpétrées par des militaires, n’ont fait l’objet d’aucune enquête. Les assassinats politiques commis en 2009 restaient également impunis.

Torture et autres mauvais traitements

Après le coup d’État du mois d’avril, des soldats à la recherche de représentants du gouvernement renversé ont frappé des proches, des amis et des employés de ces derniers, et ont saccagé leur maison. La plupart des ministres sont entrés dans la clandestinité et y sont restés pendant plusieurs mois. Un certain nombre ont fui la Guinée-Bissau. Des membres d’organisations de la société civile ont eux aussi été pris pour cible. Certains, dont plusieurs membres de la Ligue guinéenne de défense des droits humains, ont reçu des menaces de mort et se sont réfugiés dans des ambassades.

Le lendemain de l’attaque d’octobre contre la base militaire, des soldats ont arrêté et frappé Iancuba Indjai, président du Parti de la solidarité et du travail (opposition), et porte-parole du Front national contre le coup d’État, qui rassemble des partis politiques et des groupes de la société civile opposés au coup d’État du mois d’avril. Iancuba Indjai a été abandonné sur le bord d’une route, à une cinquantaine de kilomètres de Bissau. Il a été découvert, gravement blessé, par des habitants du secteur, qui ont prévenu sa famille. Il a par la suite été hospitalisé à l’étranger.

Le même jour, des soldats se sont présentés au cabinet de Silvestre Alves, avocat et président du Mouvement démocratique, à Bissau. Ils l’ont frappé avant de l’emmener. Il a été retrouvé inconscient sur le bord d’une route, à 40 kilomètres de la capitale, par des habitants du secteur qui l’ont conduit à l’hôpital. Silvestre Alves a été emmené à l’étranger pour y recevoir des soins médicaux.

Visites et documents d’Amnesty International

 Guinea-Bissau : Amnesty International’s concerns following the coup in April 2012 (AFR 30/001/2012).

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