Myanmar

Dans un contexte de réformes politiques, juridiques et économiques, les autorités ont remis en liberté plusieurs centaines de prisonniers d’opinion. Un très grand nombre restaient malgré tout derrière les barreaux. Cette année encore, des membres des forces de sécurité et d’autres agents de l’État se sont rendus coupables de violations des droits humains. Ils ont notamment commis des homicides illégaux, fait un usage excessif de la force, procédé à des arrestations arbitraires, torturé et infligé d’autres mauvais traitements, et confisqué ou détruit illégalement des biens et des moyens de subsistance. L’impunité persistait pour les auteurs de crimes commis dans le passé, y compris en cas de crimes contre l’humanité.

RÉPUBLIQUE DE L’UNION DU MYANMAR
Chef de l’État et du gouvernement : Thein Sein

Contexte

Le Myanmar a organisé en avril des élections partielles, qui ont été considérées comme globalement libres et équitables par les observateurs internationaux. La Ligue nationale pour la démocratie (NLD, opposition) a remporté 43 des 44 sièges qu’elle briguait, et ses élus ont été autorisés à siéger au Parlement.
En août, l’ex-prisonnière d’opinion Aung San Suu Kyi a été nommée présidente du Comité sur l’état de droit et la stabilité, organe parlementaire nouvellement créé. La Commission nationale des droits humains a été acceptée comme membre du Forum d’Asie du Sud-Est des institutions nationales des droits humains en septembre, et comme membre associé du Forum d’Asie-Pacifique en novembre. Des inquiétudes subsistaient toutefois au sujet de sa capacité de surveillance indépendante des droits humains.
Le Myanmar a adopté en novembre la déclaration des droits humains de l’ANASE mais celle-ci, de l’avis de beaucoup, ne répondait pas aux normes internationales en la matière. Également en novembre, le président Thein Sein a autorisé le CICR à reprendre ses visites des établissements pénitentiaires et a annoncé que le gouvernement prévoyait d’élaborer un mécanisme intergouvernemental d’examen des dossiers de prisonniers.
Au cours du premier semestre de 2012, l’Australie, le Canada, les États-Unis, la Suisse et l’Union européenne ont suspendu la plupart des sanctions pesant sur le Myanmar. Les embargos sur les armes demeuraient toutefois en vigueur.

Conflit armé interne

Le gouvernement a signé des accords de paix initiaux ou de cessez-le-feu avec les branches politiques de huit groupes d’opposition recrutant parmi les minorités ethniques, dont le Parti de libération de l’État d’Arakan, l’Union nationale karen, l’Armée de l’État chan-Nord et l’Armée de l’État chan-Sud. Cependant, des informations ont continué de faire état d’affrontements sporadiques dans l’est du pays. Le conflit armé sévissant dans l’État kachin et le nord de l’État chan s’est intensifié ; les forces armées ont eu recours à des frappes aériennes ciblant les postes avancés de l’Armée pour l’indépendance kachin (KIA) à la fin de l’année. Ce conflit avait éclaté en juin 2011, après que l’armée régulière eut rompu l’accord de cessez-le-feu signé avec la KIA. Les tentatives de pourparlers entre le gouvernement et le groupe armé sont restées infructueuses en 2012. Un programme d’action du Bureau international du travail (BIT) sur l’enrôlement des mineurs et le plan d’action conjointe sur les enfants touchés par des conflits armés, prévu par la résolution 1612 du Conseil de sécurité de l’ONU, ont été signés en juin. Les autorités ont officiellement démobilisé 42 enfants soldats en septembre.
Dans les zones de conflit armé, en particulier dans l’État kachin et le nord de l’État shan, les villageois ont cette année encore été victimes de multiples atteintes aux droits fondamentaux – arrestations arbitraires, homicides illégaux, violences sexuelles, torture, disparitions forcées et destructions de moyens de subsistance, notamment.
 En janvier, les avocats de la famille de Sumlut Roi Ja ont saisi la Cour suprême à Nay Pyi Taw. Cette femme kachin a disparu, selon certaines informations, après avoir été arrêtée par les forces armées en octobre 2011. Son mari, qui a déclaré avoir été témoin de son enlèvement, n’a pas été autorisé à témoigner. En mars, la Cour suprême a classé l’affaire, invoquant l’insuffisance des éléments de preuve.
 Quatre Kachins qui gardaient des bêtes ont été arrêtés en juin par des militaires qui les soupçonnaient de liens avec l’Organisation pour l’indépendance kachin (KIO) et avec la KIA. Selon des informations crédibles, les quatre hommes ont été torturés.
 Le 1er juillet, des soldats ont arrêté 27 villageois kachins en raison de leurs relations présumées avec la KIA. La plupart de ces hommes ont été rapidement remis en liberté. Le corps de Galau Bawm Yaw, qui figurait parmi ceux maintenus en détention, a été retrouvé le 22 juillet. Il portait des traces de torture.

Personnes déplacées

Le conflit dans l’État kachin avait entraîné le déplacement de plus de 75 000 personnes à la fin de l’année. La plupart vivaient dans des camps de fortune installés dans des zones contrôlées par la KIA à proximité de la frontière chinoise, où elles étaient mal nourries, mal soignées et n’avaient pas accès à de véritables installations sanitaires. Les organisations humanitaires n’ont pas pu apporter d’aide durable dans les zones contrôlées par la KIA et la KIO en raison de restrictions imposées par le gouvernement.
Plus de 400 000 personnes étaient toujours déplacées dans l’est du Myanmar. À ces personnes venaient s’ajouter, dans l’État d’Arakan, 115 000 musulmans (Rohingyas ou non) déplacés à la suite d’atteintes aux droits humains et de violences interethniques. Les organismes humanitaires souhaitant venir en aide aux personnes déplacées qui ne vivaient pas dans les camps officiels se sont heurtés à des obstacles, en particulier fin octobre et début novembre. Les camps étaient surpeuplés et les conditions sanitaires y étaient déplorables.

Violences intercommunautaires

Début juin, de violents heurts ont opposé des Rakhines bouddhistes et des communautés musulmanes, notamment des Rohingyas, après le viol et le meurtre présumés d’une Rakhine bouddhiste par trois musulmans, le 28 mai dans l’État d’Arakan, suivis en représailles du meurtre de 10 musulmans. Le président a décrété l’état d’urgence le 10 juin. Les mois de juillet et d’août ont été émaillés d’épisodes violents, avant que d’intenses affrontements intercommunautaires n’éclatent de nouveau entre les 21 et 30 octobre. D’autres communautés musulmanes, par exemple la minorité ethnique kaman, ont alors été prises pour cible. Quelque 160 personnes sont mortes au cours de ces événements, d’après les chiffres officiels, mais le nombre réel de victimes pourrait être bien plus élevé.
Le 17 août, une commission chargée d’enquêter sur l’origine des violences dans l’État d’Arakan a été nommée par le gouvernement. Elle comptait parmi ses membres différentes parties intéressées, y compris d’anciens prisonniers politiques et six membres de la communauté musulmane – mais les Rohingyas n’étaient pas représentés. Deux représentants musulmans ont été relevés de leurs fonctions en novembre. La commission n’avait pas rendu public son rapport définitif à la fin de l’année.

Conflits fonciers

Les saisies de terres et les expulsions ont déclenché des manifestations durant l’année. Une commission parlementaire a été mise en place pour enquêter sur les litiges fonciers. Sur les 4 000 cas de confiscation de terres qui auraient été soumis à son attention, elle avait, selon les informations disponibles, examiné plusieurs centaines d’affaires au cours du dernier trimestre de 2012 et devait présenter ses conclusions devant le Parlement début 2013.
 Le 29 novembre au petit matin, la police a dispersé par la force des manifestants pacifiques qui s’étaient installés sur le site de la mine de cuivre de Letpadaung, dans le district de Monywa (division de Sagaing). Certains d’entre eux, dont des moines, ont été gravement blessés. Les manifestants entendaient protester contre l’expansion de la mine, les spoliations de terres qui y étaient liées et l’impact qu’aurait déjà eu l’exploitation de cette mine sur l’environnement. En décembre, Aung San Suu Kyi a été nommée à la tête d’une commission chargée d’enquêter sur le projet d’expansion minière et la répression déclenchée contre les contestataires. La Loi relative aux terres agricoles et celle relative à la gestion des terres en friche, en jachère et non occupées, promulguées toutes les deux en 2012, n’offraient pas de garanties satisfaisantes aux agriculteurs contre la réquisition de leurs terres par les autorités.
La Loi relative à l’administration des circonscriptions et des villages a été modifiée en mars. Le travail forcé a été érigé en infraction. Le gouvernement a approuvé en juillet un plan d’action pour mettre fin à toutes les formes de travail forcé d’ici à 2015. Cependant, cette pratique perdurait, en particulier dans les zones peuplées de minorités ethniques.

Liberté de réunion

Le gouvernement a promulgué en juillet la Loi de 2011 relative au droit de réunion et de manifestation pacifiques. Exigeant des intéressés qu’ils demandent l’autorisation de manifester au moins cinq jours à l’avance, ce texte prévoyait que « la demande ne [devait] être refusée que dans la circonstance où il y aurait atteinte à la sûreté de l’État, à l’état de droit, à l’ordre public et aux lois en vigueur protégeant la population ».
Des personnes qui, sans autorisation, avaient organisé des manifestations pacifiques ou participé à de tels rassemblements ont été inculpées au titre de l’article 18 de cette loi et elles encouraient un an d’emprisonnement pour chaque district où elles étaient passées lors du mouvement de protestation non autorisé.
 Plusieurs personnes ont été inculpées au titre de la Loi relative au droit de réunion et de manifestation pacifiques après avoir organisé en septembre une marche pacifique sans y être autorisées. Les participants étaient passés par plusieurs districts et étaient poursuivis dans chacun d’entre eux.
 En décembre, au moins six militants ont été inculpés au titre de l’article 18 de la loi pour avoir manifesté le 1er décembre à Yangon sans autorisation. Ils entendaient protester contre la répression violente déployée en novembre contre les protestataires de la mine de Monywa, dans la division de Sagaing.

Liberté d’expression

Le 20 août, le ministère de l’Information a annoncé la fin de toutes les procédures de censure avant parution. Le même jour, il a émis une liste stricte de directives de publication interdisant, entre autres, les critiques négatives des politiques publiques. Les articles, une fois publiés, devaient toujours être transmis au Service d’enregistrement et de surveillance de la presse.
Le gouvernement a créé début août le Conseil de la presse du Myanmar, organe intérimaire chargé de contrôler et traiter les questions liées aux médias jusqu’à la promulgation de la nouvelle loi relative aux médias. Le manque d’indépendance de cet organe, sa composition et les pouvoirs qui lui étaient dévolus ont été vivement contestés par les journalistes. Un nouveau Conseil de la presse provisoire a été établi à la mi-septembre ; plus de la moitié de ses membres étaient journalistes.

Arrestations et détentions arbitraires

Plusieurs centaines de personnes, y compris des enfants, ont été arrêtées arbitrairement, détenues au secret et soumises à des traitements cruels, inhumains et dégradants dans des lieux de détention, où elles ne recevaient pas de soins médicaux adéquats. De nouveaux cas de tortures et d’autres mauvais traitements en détention ont été signalés, certains ayant entraîné la mort de la victime.
 Le prisonnier d’opinion Tun Aung était toujours derrière les barreaux à la fin de l’année. Ce médecin, également président du Conseil des affaires islamiques du district de Maungdaw (État d’Arakan), a été arrêté le 11 juin pour avoir déclenché des émeutes intercommunautaires dans le district. Il a été condamné à 11 ans d’emprisonnement. Il était semble-t-il persécuté en raison de son rôle de chef de file de la communauté musulmane du district.
 Myo Myint Swe est mort en juillet dans un poste de police de Yangon après avoir été accusé de participation à un meurtre. Son corps portait des traces de torture.

Grâce de prisonniers

Les autorités ont remis en liberté plus de 8 500 détenus, dont plusieurs centaines de prisonniers d’opinion. La plupart ont obtenu une libération conditionnelle au titre de l’article 401 du Code de procédure pénale. Ils pouvaient être de nouveau incarcérés pour purger le restant de leur peine s’ils ne respectaient pas les conditions de leur libération conditionnelle.

Peine de mort

Début janvier, le président a commué en peines de réclusion à perpétuité les sentences capitales de tous les condamnés à mort. Au moins 17 condamnations à mort ont toutefois été prononcées durant l’année.

Impunité

La Commission nationale des droits humains n’était pas habilitée à recevoir et instruire les plaintes liées aux violations des droits humains commises avant sa formation, le 5 septembre 2011. Comme il n’existait pas au Myanmar de mécanisme exhaustif et indépendant chargé d’enquêter sur les crimes de guerre et crimes contre l’humanité présumés, il était difficile pour les victimes et leurs proches de connaître la vérité et d’obtenir justice et réparation. Les personnes impliquées dans de graves atteintes aux droits fondamentaux n’avaient pour la plupart pas été traduites en justice.

Visites et documents d’Amnesty International

 Des délégués d’Amnesty International se sont rendus au Myanmar en mai, novembre et décembre.
 Myanmar. Le point sur la situation des droits humains (ASA 16/003/2012).
 Le Myanmar doit immédiatement faire face aux besoins humanitaires de la population et s’attaquer à la discrimination systémique (ASA 16/008/2012).
 Myanmar : Open letter to the Minister of Home Affairs (ASA 16/016/2012).

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