Népal

Plusieurs initiatives prises par le gouvernement n’ont fait que renforcer l’impunité dans le pays : nomination à des postes de la haute fonction publique de responsables présumés de violations des droits humains, abandon des poursuites pénales engagées contre eux et tentative de mise en place d’un mécanisme de justice transitoire habilité à recommander des amnisties pour des crimes de droit international. Des débats sur la question du fédéralisme ont entraîné des violences politiques dans plusieurs régions du pays. Des cas de détention arbitraire, de torture et d’exécution extrajudiciaire ont été signalés tout au long de l’année.

RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE FÉDÉRALE DU NÉPAL
Chef de l’État : Ram Baran Yadav
Chef du gouvernement : Baburam Bhattarai

Contexte

L’Assemblée constituante a été dissoute le 27 mai sans être parvenue à élaborer une nouvelle Constitution, les partis politiques n’ayant pas réussi à s’entendre sur plusieurs points clés malgré quatre ans de négociations. Les avis politiques divergents concernant le modèle de fédéralisme à adopter, et les demandes en faveur d’une plus grande autonomie pour les minorités ethniques et les peuples indigènes ont entraîné des dissensions et de violents affrontements entre partis politiques et en leur sein même. En octobre, le gouvernement a annoncé avoir mené à terme le processus d’intégration d’anciens combattants maoïstes dans l’armée népalaise, conformément aux dispositions de l’Accord de paix global et de la Constitution intérimaire de 2007. En janvier, le gouvernement a adopté une loi visant à renforcer le contrôle de l’État sur le travail de la Commission nationale des droits humains.

Justice de transition

Le 28 août, le Conseil des ministres a proposé un texte instaurant une Commission d’enquête sur les personnes disparues et de vérité et réconciliation, écartant ainsi l’idée d’instaurer deux commissions distinctes pour traiter ces questions. Cette nouvelle commission devait avoir le pouvoir de recommander des amnisties pour de graves atteintes aux droits humains, mais ne devait pas être habilitée à recommander des poursuites contre les auteurs présumés de crimes, au mépris des obligations juridiques qui incombent au Népal d’engager des poursuites pour les crimes de droit international. Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme [ONU] a publié en octobre un rapport sur les violations du droit international relatif aux droits humains et du droit international humanitaire commises au cours du conflit armé au Népal, ainsi que des archives comportant près de 30 000 documents et cas étayant ce rapport.

Impunité

Le fait que le gouvernement ait promu des responsables présumés de violations de droits humains à de hauts postes de la fonction publique a gravement compromis les efforts déployés pour garantir l’obligation de rendre des comptes pour les atteintes aux droits humains et le respect du droit des victimes d’obtenir justice, vérité et réparation.
 Kuber Singh Rana, qui était encore sous le coup d’une enquête pénale concernant la disparition forcée et l’exécution extrajudiciaire de cinq étudiants dans le district de Dhanusha en 2003, a été nommé inspecteur général de la police au mois de septembre.
 Raju Basnet, un colonel soupçonné d’avoir participé à des crimes de guerre, a été promu général de brigade en octobre. Cette promotion, largement condamnée par les militants des droits humains, a été suspendue par la Cour suprême au cours du même mois.
Le gouvernement a continué de demander l’abandon des poursuites pénales contre des membres de partis politiques afin de respecter l’engagement qu’il avait pris, dans le cadre de l’Accord de paix global et d’autres accords ultérieurs, de renoncer aux poursuites engagées dans des affaires de nature « politique ». Cependant, le concept d’« affaire politique » n’était pas clairement défini, et de nombreuses affaires dont l’abandon avait été recommandé impliquaient des homicides, des enlèvements et d’autres crimes graves.

Droits des travailleurs migrants

Les agences de recrutement se livraient toujours au trafic de travailleurs migrants, les soumettant à l’exploitation et au travail forcé. Elles leur facturaient des commissions dépassant les plafonds fixés par le gouvernement et les contraignaient de ce fait à souscrire des prêts importants à des taux d’intérêt élevés. De nombreux migrants étaient trompés sur leurs conditions d’emploi et de rémunération par les recruteurs. Les agences de recrutement qui violaient la loi népalaise étaient rarement punies. Les mécanismes de réparation et de compensation étaient centralisés, peu connus et difficilement accessibles.
 Au mois d’août, le gouvernement a interdit aux femmes de moins de 30 ans de migrer en Arabie saoudite, aux Émirats arabes unis, au Koweït ou au Qatar pour y devenir employées domestiques, en raison de plaintes d’abus sexuels et d’autres violences physiques enregistrées dans ces pays. Cette interdiction risquait de mettre davantage en danger les femmes, qui étaient dès lors obligées de chercher du travail par le biais de réseaux informels. Deux ministres du Travail ont successivement été contraints par le Premier ministre à quitter leur poste, sous l’accusation de faits de corruption. Cependant, les agences de recrutement restaient au-dessus des lois, et rares sont celles qui se sont vu retirer leurs licences pour activités illégales.

Torture et autres mauvais traitements

Alors qu’il avait adhéré à la Convention contre la torture [ONU] en 1991, le Népal n’avait toujours pas érigé la torture en infraction pénale dans sa législation nationale. En avril, le Conseil des ministres a annoncé qu’un projet de loi dans ce sens était envisagé. Cette initiative n’avait toutefois pas été menée à bien au moment de la dissolution de l’Assemblée constituante. En juillet, le Comité des droits de l’homme [ONU] a rappelé au gouvernement qu’il était tenu de promulguer un texte législatif qui définisse et incrimine la torture, et d’abroger toutes les lois qui accordent l’immunité aux responsables présumés d’actes de torture et de disparition forcée. Les femmes, les hommes et les enfants détenus par la police étaient couramment soumis à la torture ou à d’autres formes de mauvais traitements. Dans son rapport annuel, le Comité contre la torture [ONU] a conclu que la torture était utilisée au Népal de façon routinière, délibérée et généralisée, et qu’elle constituait pour conclure une pratique systématique.

Violences dans la région du Teraï

Les groupes armés présents dans la région du Teraï ont été moins actifs, selon les informations disponibles. Cependant, en raison de l’absence d’obligation de rendre des comptes pour les violations commises par le passé et de la culture de l’impunité régnant de longue date dans le pays, des cas d’atteintes aux droits humains perpétrés par la Force de police armée, la police népalaise et des groupes armés ont continué d’être signalés. Il s’agissait notamment de cas de détention arbitraire, de torture et d’exécution extrajudiciaire. La très grande insécurité qui régnait dans la région et la crainte de représailles constituaient pour les victimes et les défenseurs des droits humains des obstacles de taille à l’accès à la justice.

Discriminations

Les discriminations fondées sur la caste, l’origine ethnique, la religion, le genre, la situation économique ou le handicap étaient toujours aussi vives. En octobre, Bhim Bahadur, un dalit du district de Dailekh, aurait été hospitalisé pour des blessures graves après avoir été frappé à coups de faucille parce qu’il avait touché la porte d’entrée d’une maison appartenant à un membre d’une caste dominante. Les femmes et les filles dalits ou issues de familles rurales pauvres étaient victimes de discriminations dans l’accès à la justice, à l’enseignement et aux soins.

Santé maternelle

La pauvreté, la discrimination fondée sur le genre, la malnutrition, le manque d’assistants obstétriques qualifiés et de soins obstétricaux d’urgence, le maintien des charges de travail pendant la grossesse et après l’accouchement sont autant de facteurs qui contribuaient au nombre élevé de prolapsus utérins au Népal. On estime qu’en 2012, 600 000 Népalaises ont souffert de cette pathologie et que 200 000 d’entre elles nécessitaient un traitement chirurgical d’urgence. Le gouvernement a mis en place des camps de chirurgie pour traiter cette affection, mais de nombreuses femmes n’ont pas été informées de leur existence. Le Népal n’avait pas suffisamment investi dans les mesures préventives, les alternatives à la chirurgie ou les soins de suivi. Selon certaines informations, 24 498 femmes ont été opérées d’un prolapsus utérin entre 2008 et 2011, mais on ne disposait que de très peu d’informations sur leur état de santé.

Toutes les infos
Toutes les actions
2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit