VIÊT-NAM

La répression contre les personnes critiques à l’égard du gouvernement et contre les militants s’est durcie. La liberté d’expression, d’association et de réunion restait soumise à de sévères restrictions. Au moins 25 dissidents pacifiques, dont des blogueurs et des paroliers, ont été condamnés à de lourdes peines d’emprisonnement à l’issue de 14 procès qui ne respectaient pas les normes internationales. Des membres de groupes ethniques ou religieux ont été victimes d’atteintes à leurs droits fondamentaux. Au moins 86 personnes ont été condamnées à mort, ce qui portait à plus de 500 le nombre de prisonniers sous le coup d’une sentence capitale.

RÉPUBLIQUE SOCIALISTE DU VIÊT-NAM
Chef de l’État : Truong Tan Sang
Chef du gouvernement : Nguyen Tan Dung

Contexte

Le pays a été secoué par une crise politique engendrée par des accusations de mauvaise gestion de l’économie nationale ayant entraîné un taux d’inflation et un niveau d’endettement considérables, ainsi que par un certain nombre de scandales concernant des affaires de corruption au sein d’entreprises d’État. Le Parti communiste au pouvoir s’est livré pendant plusieurs mois à un exercice confidentiel de « critique » et d’« autocritique ». Le Premier ministre s’est publiquement excusé pour les erreurs de gestion économique commises, mais il est resté en place. Les autorités ont annoncé que la population allait être consultée sur un projet d’amendement de la Constitution de 1992, ainsi que sur le mariage homosexuel. L’escalade du conflit territorial avec la Chine dans la mer de l’Est (aussi appelée mer de Chine méridionale) s’est traduite par des manifestations antichinoises au Viêt-Nam. Un nombre croissant de litiges fonciers et d’expulsions forcées accompagnées de violences a été signalé. Le Viêt-Nam a annoncé son intention de briguer un siège au Conseil des droits de l’homme de l’ONU en 2014-2016. Le pays a adopté en novembre la déclaration des droits humains de l’ANASE, malgré les sérieuses réserves dont ce document faisait l’objet au motif qu’il n’était pas conforme aux normes internationales.

Liberté d’expression

La répression de la dissidence et les atteintes au droit à la liberté d’expression et de réunion se sont poursuivies. Des personnes qui participaient à des manifestations pacifiques ont été placées en détention de courte durée. Une trentaine d’agriculteurs, qui protestaient depuis trois jours devant un immeuble de l’administration, à Hanoï, pour dénoncer les conditions de leur expulsion forcée, trois ans plus tôt, ont été arrêtés en juin.
 En septembre, le Premier ministre s’est prononcé en faveur d’un contrôle renforcé d’Internet et a ordonné que des poursuites soient engagées contre les animateurs de trois blogs, nommément désignés, qui avaient couvert la crise politique.
Les autorités ont invoqué certaines dispositions, formulées en termes vagues, de la partie relative à la sécurité nationale du Code pénal de 1999 pour poursuivre des dissidents pacifiques porteurs de revendications politiques ou sociales. Plusieurs dizaines de militants politiques, sociaux ou religieux non violents se trouvaient en prison à la fin de l’année, certains en détention provisoire, d’autres purgeant une peine d’emprisonnement. C’était notamment le cas de Nguyen Phuong Uyen, une jeune étudiante de 20 ans arrêtée en octobre pour avoir distribué des tracts critiquant le gouvernement.

Prisonniers d’opinion

Au moins 27 prisonniers d’opinion, arrêtés avant 2012, étaient toujours en captivité, dont Nguyen Van Ly, un prêtre catholique condamné à huit ans d’emprisonnement pour avoir demandé le respect des droits humains, la liberté d’expression et un changement sur la scène politique.

Blogueurs
Plusieurs blogueurs ont été condamnés à de lourdes peines d’emprisonnement, manifestement à titre d’exemple, pour faire taire les autres. Ils avaient été inculpés de « propagande » et de vouloir « renverser » le gouvernement. Les dissidents étaient maintenus en détention provisoire prolongée, souvent au secret et parfois au-delà des limites autorisées par la loi vietnamienne. Des cas de brutalités perpétrées pendant des interrogatoires ont été signalés. Les procès n’étaient pas conformes aux normes internationales d’équité : les accusés ne bénéficiaient pas de la présomption d’innocence, n’avaient pas droit à une véritable défense et ne pouvaient pas citer des témoins à la barre. Les familles des prévenus étaient harcelées par les forces de sécurité locales et empêchées d’assister aux procès. Certains proches ont perdu leur travail ou n’ont pas pu poursuivre leurs études.
 Trois blogueurs connus du grand public – Nguyen Van Hai, alias Dieu Cay, Ta Phong Tan, à l’origine du blog « Justice et Vérité », et Phan Thanh Hai, surnommé AnhBaSaiGon – ont été jugés en septembre pour « propagande » contre l’État. Ils ont été condamnés à des peines de 12, 10 et quatre ans d’emprisonnement respectivement, peines assorties à leur libération d’une période de résidence surveillée de trois à cinq ans. Leur procès n’a duré que quelques heures et leurs proches ont été harcelés et arrêtés par les autorités, qui ne voulaient pas qu’ils y assistent. Ce procès avait été reporté à trois reprises, la dernière en raison de la mort de la mère de Ta Phong Tan ; celle-ci avait succombé à ses blessures après s’être immolée par le feu devant des locaux administratifs pour protester contre le traitement réservé à sa fille. En décembre, la peine de Phan Thanh Hai a été réduite d’un an en appel.
 Le militant écologiste et blogueur Dinh Dang Dinh a été condamné en août à six années d’emprisonnement, à l’issue d’un procès qui aura duré trois heures. Il était accusé de « propagande » hostile à l’État pour avoir lancé une pétition contre l’extraction de bauxite dans les montagnes du centre du pays. Selon sa femme, il était en mauvaise santé et il aurait été battu en prison par des surveillants.

Groupes ethniques et religieux
Les groupes de minorités ethniques ou religieuses perçus comme opposés au gouvernement étaient toujours exposés à des risques de harcèlement, d’arrestation et d’emprisonnement. C’était notamment le cas de certains groupes ethniques pratiquant leur religion dans des églises non autorisées ou de communautés mobilisées contre la confiscation de leurs terres par les pouvoirs publics. Un groupe de 14 blogueurs et militants sociaux catholiques arrêtés entre juillet et décembre 2011 dans la province de Nghe An se trouvaient toujours en détention provisoire.
 Le pasteur mennonite Nguyen Cong Chinh a été condamné en mars à 11 ans d’emprisonnement pour avoir, selon l’accusation, « saboté la politique d’unité nationale ». Il était accusé d’avoir incité des minorités ethniques à protester. Il avait dénoncé les actes de harcèlement menés par les autorités locales et les restrictions apportées à la liberté de culte dans les régions montagneuses du centre du pays. Sa femme a déclaré en octobre qu’elle n’avait pas pu le voir depuis son arrestation en avril 2011.
 Douze Hmongs accusés d’avoir participé aux importantes manifestations de mécontentement qui avaient secoué le nord-ouest du Viêt-Nam en mai 2011 ont été condamnés, en mars et décembre, à des peines allant de deux à sept ans d’emprisonnement pour « trouble à l’ordre public » et tentative de « renversement du gouvernement ». Aucune version claire de ces événements n’a été donnée et les autorités ont interdit l’accès au secteur où les troubles auraient eu lieu.
 Âgé de 85 ans, le patriarche suprême de l’Église bouddhique unifiée du Viêt-Nam (interdite), Thich Quang Do, était toujours en résidence surveillée. Il a appelé en juillet à des manifestations pacifiques contre les agissements de la Chine dans la mer de l’Est. La police a encerclé les monastères de l’Église interdite pour empêcher ses moines d’y participer.
 Trois membres de la Jeunesse catholique ont été jugés en septembre et condamnés à des peines allant de 30 à 42 mois d’emprisonnement, pour « propagande » contre l’État. Ils avaient participé à des manifestations antichinoises et signé des pétitions dénonçant le procès intenté au célèbre dissident Cu Huy Ha Vu.

Peine de mort

Un responsable des pouvoirs publics a déclaré en novembre que 508 prisonniers se trouvaient dans les couloirs de la mort, parmi lesquels une centaine risquaient d’être exécutés à tout moment. En raison du retard pris dans la mise en place de la procédure de mise à mort par injection, dû à l’interdiction d’exportation des substances nécessaires décrétée par l’Union européenne, aucune exécution n’avait eu lieu depuis juillet 2011.
Plus de 86 personnes ont été condamnées cette année à la peine capitale, dont deux pour détournement de fonds.

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