Philippines

Les défenseurs des droits humains et les journalistes risquaient d’être victimes d’homicides illégaux, et plusieurs milliers de cas de graves violations des droits fondamentaux n’ont toujours pas été élucidés. Des victimes de violations des droits humains, commis notamment sous l’état de siège de 1972 à 1981, continuaient de se voir refuser l’accès à la justice, à la vérité et à des réparations. Les Philippines ont adhéré en avril au Protocole facultatif à la Convention contre la torture [ONU] mais n’avaient pas encore établi de mécanisme de contrôle du traitement des détenus, comme ce texte l’exige. L’accès aux soins de santé reproductive demeurait soumis à des restrictions. Une loi sur cette question a été adoptée en décembre.

RÉPUBLIQUE DES PHILIPPINES
Chef de l’État et du gouvernement : Benigno S. Aquino III

Contexte

Le gouvernement et le Front de libération islamique moro (MILF) ont signé en octobre un accord-cadre qui ouvrait la voie à une résolution pacifique du conflit armé engagé depuis plusieurs années sur l’île de Mindanao, mais qui ne tenait pas compte de façon exhaustive des droits humains. Le Congrès a adopté en octobre la Loi sur la prévention de la cybercriminalité, qui réprime d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à 12 années la publication sur Internet de commentaires jugés diffamatoires. Devant le tollé déclenché, la Cour suprême a suspendu l’application de ce texte dans l’attente d’un examen judiciaire. Les Philippines ont adopté en novembre la déclaration des droits humains de l’ANASE, un texte qui était toutefois bien en deçà des normes internationales.

Homicides illégaux

Une quinzaine de militants politiques, d’opposants aux activités minières et de membres de leur famille, ainsi que six journalistes au moins, ont été victimes d’homicides illégaux.
 Des journalistes de la radio ont été abattus par des hommes armés à moto : Christopher Guarin en janvier, Rommel Palma et Aldion Layao en avril, Nestor Libaton en mai, et Julius Causo en novembre. Les quatre premiers travaillaient pour la radio de Mindanao, Julius Causo pour celle de Cabanatuan. En septembre, le corps du journaliste et homme politique Eddie Apostol a été retrouvé dans la province de Maguindanao. Il présentait des blessures par balle à la tête.
 En septembre, des inconnus ont tiré sur Timuay Lucenio Manda, chef de la tribu subanen et militant mobilisé contre les activités minières, alors qu’il conduisait son fils de 11 ans, Jordan, à l’école. Timuay Manda a été blessé et Jordan tué. Deux suspects ont été arrêtés.
 En octobre, des soldats ont ouvert le feu sur la maison de Daguil Capion, chef de la tribu b’laan militant contre les activités minières, dans la province de Davao del Sur. Sa femme, Juvy, qui était enceinte, et leurs deux enfants, Jordan (13 ans) et John (huit ans), ont été tués. Les autorités ont annoncé que 13 soldats seraient jugés par un tribunal militaire, mais on ignorait s’ils seraient également poursuivis devant la justice civile.
Trois ans après le massacre de Maguindanao, au cours duquel des milices armées par l’État et dirigées par des agents du gouvernement avaient tué 57 personnes, la moitié des 197 suspects n’avaient toujours pas été arrêtés par la police. Alors que les procès des auteurs présumés suivaient leur cours, les témoins potentiels du ministère public, les autres témoins et leurs proches continuaient d’être la cible de menaces.
 Alijol Ampatuan, un témoin dont l’identité avait été tenue secrète et qui était prêt à identifier des membres de l’Organisation de volontaires civils ayant participé au massacre, a été tué en février.
 Toujours en février, Hernanie Decipulo, un policier considéré comme témoin du ministère public, se serait suicidé en garde à vue.
 En mai, Esmail Amil Enog, qui avait témoigné devant la justice, a été retrouvé mort, découpé en morceaux à l’aide d’une tronçonneuse.
 La police a indiqué en juin que trois proches de témoins dans l’affaire du massacre de Maguindanao avaient été tués depuis les faits.
En octobre, le Comité des droits de l’homme [ONU] a conclu que le gouvernement devait renforcer l’efficacité du programme de protection des témoins et enquêter « de façon approfondie sur tous les cas d’homicide de témoins et d’actes présumés d’intimidation de façon à mettre fin au climat de peur qui plane sur les enquêtes et les poursuites ».

Torture et autres mauvais traitements

Trois ans après sa promulgation, la Loi contre la torture était toujours faiblement appliquée et personne n’avait encore été déclaré coupable de ce crime. Les victimes de torture, notamment les suspects de droit commun, hésitaient à porter plainte car ils craignaient de subir des représailles et de s’engager dans une longue procédure.
 L’affaire Darius Evangelista se poursuivait. Des images vidéo montrant une séance de torture subie par cet homme en 2010 et permettant d’identifier les tortionnaires existaient. Sur les sept policiers suspects, deux seulement ont été inculpés. Ils ont initialement été placés en garde à vue mais, selon la Commission philippine des droits humains, ils ont disparu en avril 2012 et étaient toujours en fuite à la fin de l’année.

Disparitions forcées

Des informations ont de nouveau fait état de disparitions forcées de militants, d’insurgés et de délinquants présumés.
 En janvier, après l’atterrissage à l’aéroport de Manille de leur vol en provenance de Zamboanga, Najir Ahung, Rasbi Kasaran et Yusoph Mohammad ont été appréhendés, apparemment par les forces gouvernementales. On était sans nouvelles de ces trois agriculteurs depuis. Les autorités ont refusé de remettre aux avocats assurant leur défense les enregistrements du système vidéo en circuit fermé et la liste des forces de sécurité en service à l’aéroport au moment de leur disparition.
Après plus de 20 années de pressions de la part de la société civile, le Congrès a adopté en octobre le projet de loi contre les disparitions forcées ou involontaires. L’entrée en vigueur de ce texte, qui érige la disparition forcée en infraction et prévoit des peines allant jusqu’à la réclusion à perpétuité, était subordonnée à la signature du président.

Impunité

L’impunité persistait pour les actes de torture, les disparitions forcées et les homicides illégaux, bien que le gouvernement se soit engagé à éradiquer ces crimes et à traduire leurs auteurs en justice. Les affaires relatives aux violations des droits humains commises sous l’état de siège (1972-1981) ont été classées sans suites ou demeuraient au point mort. En novembre, le président a ordonné la création d’une commission interinstitutions chargée d’enquêter sur des cas plus récents de violations graves de ce type.
 Raymond Manalo, un homme qui avait été victime de torture et de disparition forcée, a été appelé à témoigner devant le Bureau du médiateur en janvier, plus de trois ans après avoir porté plainte contre ses ravisseurs pour enlèvement, détention arbitraire et torture. Avec plusieurs autres personnes, il avait été soumis à une disparition forcée et torturé en 2006, semble-t-il par des soldats répondant aux ordres du général Jovito Palparan. Celui-ci échappait à toute arrestation depuis 2011.

Droit à la santé

Le gouvernement a publié en juin les résultats de l’enquête sur la santé familiale réalisée en 2011. Ils montrent que la mortalité maternelle a augmenté entre 2006 et 2011, passant de 162 à 221 décès pour 100 000 naissances d’enfants nés vivants. S’appuyant sur ces données, la ministre de la Santé a estimé que 11 femmes mouraient chaque jour de complications liées à la grossesse ou à l’accouchement qui pourraient être facilement évitées.
Après une décennie d’actions de pression de la part de groupes de la société civile, la loi relative à la santé reproductive a finalement été adoptée en décembre. Le texte prévoyait le financement public préventif des méthodes de contraception modernes et rendait obligatoire l’éducation à la santé et à la sexualité.

Visites et documents d’Amnesty International

 Des délégués d’Amnesty International se sont rendus aux Philippines en septembre.
 Philippines. Des tortionnaires échappent à la justice sous le mandat de Benigno Aquino (ASA 35/004/2012).
 Philippines : Amnesty International submission to the Human Rights Committee – 106th session (ASA 35/006/2012).
 Philippines : “Cybercrime” law threatens free speech and must be reviewed (ASA 35/008/2012).

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