RÉPUBLIQUE SUD-AFRICAINE
CAPITALE : Pretoria
SUPERFICIE : 1 219 090 km_
POPULATION : 45 millions
CHEF DE L’ÉTAT ET DU GOUVERNEMENT : Thabo Mbeki
PEINE DE MORT : abolie
CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES : ratifiée
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES : non signé
Le gouvernement a annoncé la mise en œuvre d’un programme devant permettre aux personnes porteuses du VIH ou malades du sida d’accéder plus facilement aux soins sans être victimes de discrimination ; malgré cela, la plupart des quelque 5,3 millions de personnes séropositives ne recevaient toujours pas le traitement dont elles avaient besoin, notamment des médicaments antirétroviraux. Dans certaines régions, le nombre de viols de femmes et d’enfants signalés demeurait élevé, bien que la police et le parquet aient amélioré leur manière de traiter ces affaires. Le gouvernement a commencé à verser des dommages et intérêts aux victimes de violations des droits humains commises pendant la période de l’apartheid. Des enquêtes ont mis au jour les mauvais traitements infligés aux détenus par certains policiers et gardiens de prison ainsi que des cas de recours excessif à la force meurtrière par la police.
Contexte
Une commission d’enquête présidée par l’ancien juge Joos Hefer a été désignée en septembre ; elle a été chargée d’examiner des allégations selon lesquelles l’ancien directeur national du ministère public s’était livré à des activités d’espionnage pour le compte du gouvernement, sous le régime de l’apartheid, et abusait des pouvoirs conférés par l’Autorité nationale chargée des poursuites. La commission n’a rien constaté qui aurait confirmé ces allégations et elle a terminé ses auditions au mois de décembre. Elle devait présenter ses conclusions au président Thabo Mbeki au début de 2004.
Droit à la santé
Le 19 novembre, le gouvernement a annoncé la mise en œuvre d’un Plan opérationnel global d’accès aux soins et au traitement pour les personnes porteuses du VIH ou atteintes du sida, « fondé sur le principe de l’accès universel aux soins et au traitement pour tous, sans distinction de race, de couleur, de sexe ou de situation économique ». Les autorités ont par ailleurs fourni des informations détaillées sur le budget alloué à ce programme, qui prévoyait la fourniture de médicaments antirétroviraux, ainsi que sur les mesures visant à renforcer l’infrastructure des services de santé. Seul un petit nombre des quelque 5,3 millions de personnes séropositives ou malades qui avaient besoin d’un traitement antirétroviral ont pu en bénéficier, et cela dans le cadre de programmes médicaux privés ou mis en place par des entreprises, ou par l’intermédiaire de centres gérés par des organisations non gouvernementales (ONG).
Le Plan opérationnel a affecté des fonds pour le traitement des victimes de sévices sexuels, afin de réduire le risque de transmission du VIH. En avril 2002 déjà, le gouvernement s’était engagé à rendre ce traitement disponible mais, fin 2003, les victimes, et notamment les enfants, éprouvaient encore des difficultés à obtenir des médicaments antirétroviraux. En juillet, le gouvernement a supprimé un article du projet de modification du Code pénal concernant les agressions sexuelles qui aurait obligé l’État à fournir sans discrimination des soins et un traitement aux victimes de viol. À la fin de l’année, le ministère de la Santé n’avait pas terminé l’élaboration des directives nationales sur le traitement à dispenser à ces personnes. En décembre, le Conseil de la recherche médicale a révélé que les trois quarts des médecins et des infirmières qui soignaient ces patients n’étaient pas suffisamment formés et qu’un peu moins de la moitié des centres de santé ne disposaient pas d’une salle séparée pour l’examen des victimes de viol. Le ministre provincial de la Santé ainsi que certains hauts fonctionnaires de la province de Mpumalanga ont été démis de leurs fonctions en août. Ils faisaient l’objet d’une enquête pour corruption, notamment pour le détournement du budget de 19 millions de rands (environ 2,2 millions d’euros) affecté à la lutte contre le VIH et le sida dans la province.
Par une décision rendue en décembre, la chambre de la Cour suprême à Johannesburg a amélioré les conditions d’obtention de médicaments antirétroviraux pour les enfants orphelins séropositifs. L’AIDS Law Project (un groupe de travail se penchant sur les aspects légaux du VIH et du sida) et des pédiatres avaient dénoncé la loi qui empêchait les médecins de soigner des enfants en l’absence de leurs parents ou de leur tuteur.
Violence contre les femmes
Le 13 décembre, Lorna Mlofana, vingt et un ans, éducatrice de quartier de la Treatment Action Campaign (TAC, Campagne d’action en vue du traitement du sida) à Khayelitsha, dans la banlieue du Cap, a été violée par un groupe d’hommes qui l’ont ensuite frappée à mort après qu’elle eut révélé sa séropositivité. Son amie Nomava Mangisa, qui était venue à son secours, a été blessée à la tête. Deux hommes ont été arrêtés et déférés, le 22 décembre, devant le tribunal de première instance de Khayelitsha pour viol et meurtre.
Le rapport annuel de la police qui couvrait la période se terminant en mars 2003 a fait état d’une diminution de 5,7 p. cent du nombre de viols signalés. Selon les statistiques officielles, 52 425 viols ont été dénoncés, mais on estime que ce chiffre représente un tiers du nombre réel de cas. Plus de 40 p. cent des victimes étaient âgées de moins de dix-huit ans. Comme les années précédentes, seuls 7 p. cent des auteurs en moyenne ont été condamnés.
La police et le parquet ont poursuivi l’application de programmes visant à améliorer la manière dont étaient traitées les affaires de viol et d’agression sexuelle. Selon les statistiques de la police, au cours de l’année finissant en mars 2003, des dispositifs d’accueil destinés spécialement aux victimes ont été mis en place dans 78 postes de police, notamment dans ceux qui ont recueilli la moitié des plaintes pour viol. Diverses ONG, ainsi que l’organisation Business Against Crime, ont cependant continué de fournir une aide à la plupart des victimes. Au cours de l’année, l’Autorité nationale chargée des poursuites a créé 40 nouveaux tribunaux, régionaux ou non, spécialisés dans les délits sexuels et autres ; ces instances ont collaboré avec des ONG en vue de réduire le traumatisme des victimes de viol appelées à témoigner en justice, notamment lorsqu’il s’agissait d’enfants.
L’Independent Complaints Directorate (ICD, Direction indépendante des plaintes), mécanisme de contrôle de la police, a déploré que les responsables de la police n’aient pas veillé au respect, par leurs subordonnés, des obligations qui leur incombent au titre de la Loi relative à la violence domestique.
Indemnisation et réparation
L’action intentée par l’Inkatha Freedom Party (IFP, Parti de la liberté Inkatha) contre la Commission vérité et réconciliation a été réglée le 29 janvier, et la Commission a pu remettre au président Mbeki le volume 6 de son rapport de 1998. Elle a accepté d’y inclure une annexe contenant les modifications et rectifications apportées à ses conclusions contre l’Inkatha ; la Commission a accepté en outre de rendre publiques les objections formulées par l’Inkatha à propos de ses conclusions et de la procédure suivie. Toutefois, l’accord auquel les deux parties sont parvenues n’obligeait pas la Commission vérité et réconciliation à modifier ses principales conclusions, selon lesquelles l’Inkatha, l’ancien gouvernement et la police du Kwazulu Natal s’étaient rendus coupables d’atteintes graves aux droits humains.
Le volume 6 résumait en outre les travaux de la Commission d’amnistie. Lors de requêtes introduites par des membres des forces de sécurité sollicitant l’amnistie, la Commission d’amnistie a entendu des dépositions corroborant les allégations selon lesquelles, à la fin des années 80 et au début des années 90, les autorités auraient été complices de violences politiques. Ces témoignages confirmaient que la police avait régulièrement torturé des opposants au gouvernement.
La Commission vérité et réconciliation a exhorté le gouvernement à mettre en oeuvre les recommandations de 1998 concernant l’indemnisation des victimes d’atteintes graves aux droits humains et la mise en place de programmes de réadaptation. Le gouvernement a annoncé, en avril, le versement de dommages et intérêts à 22 000 victimes dont la liste avait été dressée par la Commission. Les groupes d’aide aux victimes et les ONG ont critiqué cette offre, très inférieure au montant que la Commission vérité et réconciliation avait recommandé. En octobre, le président Mbeki a approuvé une modification de la Loi relative à la promotion de l’unité nationale et de la réconciliation ; ce nouveau texte autorisait l’utilisation du Fonds présidentiel non seulement pour l’octroi de réparations aux victimes individuelles mais aussi pour la « reconstruction des infrastructures communautaires ». Les premières victimes à être indemnisées par le gouvernement ont reçu leur versement, unique, en novembre.
La nouvelle loi autorisait aussi le gouvernement à instaurer un mécanisme habilité à réexaminer les décisions de la Commission vérité et réconciliation, lorsqu’une telle mesure est ordonnée par la justice. En 2001, un tribunal avait enjoint au gouvernement de réexaminer le refus de la Commission d’accorder l’amnistie à Gideon Nieuwoudt, un ancien policier affecté à la sécurité, ainsi qu’à deux autres individus reconnus coupables de quatre meurtres commis, en 1989, à Port Elizabeth. Les lenteurs de la procédure de réexamen de cette affaire avaient entravé les poursuites contre d’autres auteurs d’atteintes aux droits humains commises pendant la période de l’apartheid. En mai, dans l’affaire du docteur Wouter Basson, la Cour suprême d’appel a considéré qu’elle n’était pas compétente pour examiner le recours introduit par l’accusation en vue d’obtenir le réexamen de certaines décisions prises par le juge au cours du procès de l’accusé. Celui-ci, un ancien responsable du programme militaire secret de guerre biologique et chimique pendant la période de l’apartheid, avait été acquitté, en 2002, de 46 chefs d’inculpation dont il faisait l’objet, notamment pour meurtre. Le juge avait, entre autres, décidé de ne pas examiner les charges relatives à des meurtres commis hors d’Afrique du Sud. Au mois de novembre, la Cour constitutionnelle a entendu les plaidoiries à la suite de l’appel interjeté par l’État contre la décision de la Cour suprême d’appel ; elle n’avait pas statué à la fin de l’année. Les poursuites qui auraient pu être engagées dans d’autres affaires de meurtres commis hors du pays ont été retardées par la décision du tribunal dans l’affaire Wouter Basson.
Mauvais traitements et utilisation excessive de la force
Au mois de novembre, l’Assemblée nationale a adopté le projet de loi relatif à la protection de la démocratie constitutionnelle contre le terrorisme et les activités connexes. À la suite des critiques émises par des ONG, notamment par Amnesty International, le texte final a renforcé les garanties contre les arrestations arbitraires, les perquisitions et les atteintes à la liberté d’expression, d’association et de réunion. Les autorités étaient en outre tenues d’accorder les garanties prévues par la législation ordinaire et par la Constitution aux suspects faisant l’objet d’une enquête ou susceptibles d’être extradés à la demande d’un pays étranger.
La Commission Jali a poursuivi ses auditions sur la corruption au sein des services pénitentiaires et sur les sévices infligés aux détenus. En novembre, un gardien de la prison de haute sécurité CMAX de Pretoria a affirmé devant la Commission qu’un membre du personnel de santé et un chef de division n’étaient pas intervenus lorsque des gardiens, dûment identifiés, avaient contraint de nouveaux arrivants à se déshabiller, ou lorsqu’ils les avaient giflés, frappés à coups de poing ou torturés à l’électricité. Cet homme a ajouté qu’on l’avait menacé pour l’empêcher de témoigner. La Commission a demandé sa mutation dans un autre établissement. En janvier, plus de 80 détenus de la prison de Vryheid qui avaient protesté contre une nouvelle méthode de fouille corporelle ont été agressés par des gardiens. Ces prisonniers se sont plaints d’avoir été contraints de se déshabiller et de s’allonger par terre, puis frappés à coups de matraque et piétinés ; des examens médicaux effectués par un organisme indépendant ont confirmé leurs allégations. Une action civile a été intentée contre la direction des services pénitentiaires.
Des informations ont fait état d’une utilisation excessive de la force par les membres des nouvelles polices municipales. C’est ainsi qu’en décembre, au Cap, un membre de la police municipale a aspergé de gaz lacrymogène ou de gaz moutarde des chauffeurs de taxis collectifs qui avaient été interpellés et qui étaient détenus à l’arrière d’un fourgon de police. L’un d’eux a fait un malaise grave et a dû recevoir des soins à l’hôpital. Il a par la suite porté plainte pour voies de fait contre la police municipale. L’ICD a également ouvert une enquête sur cette affaire. Au cours d’une procédure disciplinaire, 18 policiers ont affirmé dans des déclarations sous serment qu’ils n’avaient pas été suffisamment formés à l’utilisation de leur équipement, notamment des pistolets paralysants, des matraques métalliques, du gaz poivre et des armes à feu.
Entre avril 2002 et mars 2003, l’ICD a recensé 528 cas de mort en garde à vue ou à la suite d’actes commis par la police. Les policiers ont eu recours à la force meurtrière pour procéder à des interpellations ou poursuivre des suspects en fuite dans 189 cas, dont plus de la moitié ont été signalés dans les provinces de Gauteng et du Kwazulu Natal. L’ICD a fait savoir que malgré l’arrêt rendu en 2002 par la Cour constitutionnelle et interdisant le recours à la force meurtrière lorsque des vies ne sont pas menacées, des policiers avaient continué à l’utiliser sans justification. Le procès pour meurtre d’un policier de Vaalbank accusé d’avoir tué un jeune garçon de seize ans, Edward Molokomme, en septembre 2002, était en suspens à la fin de l’année. Le policier avait tiré sur Edward Molokomme et son ami Duncan Phiri, âgé de dix-sept ans, alors qu’ils s’enfuyaient dans la forêt afin de ne pas être arrêtés pour avoir brisé des bouteilles sur le bord d’une route. Duncan Phiri n’a pas été tué.
Entre avril 2002 et mars 2003, l’ICD a également enquêté sur 353 plaintes pour coups et blessures avec l’intention d’infliger des lésions corporelles graves ainsi que sur 23 cas de torture et 16 viols imputables à des policiers.
Défenseurs des droits humains
Des journalistes de l’agence de presse indépendante African Eye News Service à Nelspruit ont été harcelés par des fonctionnaires parce qu’ils avaient mené des enquêtes sur la corruption présumée des autorités provinciales. Fin 2003, des responsables de la police de Pretoria ont ouvert une enquête sur la réticence de la police locale à traiter les plaintes pour menaces et agressions déposées en 2002 par des journalistes contre des délinquants notoires.
Visites d’Amnesty International
Des délégués de l’organisation se sont rendus en Afrique du Sud en avril et en mai.
Autres documents d’Amnesty International
Afrique du Sud. Vérité et justice : un processus inachevé (AFR 53/001/2003).
South Africa : Submission to the Parliamentary Portfolio Committee on Justice and Constitutional Development, Parliament of South Africa, on the draft Criminal Law (Sexual Offences) Amendment Bill, 2003, from Amnesty International and Human Rights Watch (AFR 53/006/2003).