Burundi

RÉPUBLIQUE DU BURUNDI
CAPITALE : Bujumbura
SUPERFICIE : 27 835 km_
POPULATION : 6,8 millions
CHEF DE L’ÉTAT ET DU GOUVERNEMENT : Pierre Buyoya, remplacé par Domitien Ndayizeye le 30 avril
PEINE DE MORT : maintenue
CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES : ratifiée
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES : signé

Le conflit a fait rage dans le pays pendant la plus grande partie de l’année. Plus de 100 civils ont été victimes d’exécutions extrajudiciaires perpétrées par les forces armées. Toutes les parties au conflit ont pillé et détruit les biens et les moyens de subsistance de la population civile pour la punir de son soutien présumé à l’ennemi. Le viol était couramment pratiqué par la plupart des forces impliquées. Les vols à main armée perpétrés par des bandes de malfaiteurs, bénéficiant parfois de la complicité des troupes gouvernementales et se livrant souvent au viol des victimes, ont considérablement augmenté. Les organisations humanitaires étaient de plus en plus souvent la cible d’attaques. Face à l’augmentation de l’insécurité, le gouvernement a accéléré sa politique d’armement de la population. Des arrestations arbitraires ou fondées sur des motifs politiques ont été effectuées ; elles s’accompagnaient souvent de mauvais traitements et de torture. Un certain nombre de « disparitions » ont été signalées. Au moins 5 000 personnes demeuraient en détention sans avoir été jugées. Deux soldats ont été condamnés à de courtes peines de prison pour leur participation au meurtre de plus de 170 personnes en 2002. La liberté d’expression a été battue en brèche. Au moins 14 condamnations à mort ont été prononcées. Le pays comptait environ 500 000 personnes déplacées, n’ayant souvent aucun accès à l’aide humanitaire. Quelque 90 000 réfugiés sont revenus de Tanzanie malgré l’insécurité qui régnait au Burundi. Au moins deux personnes ont été renvoyées de force au Rwanda où elles ont « disparu ».

Contexte

Au mois d’avril, le président Buyoya a remis le pouvoir à Domitien Ndayizeye, dirigeant du Front pour la démocratie au Burundi (FRODEBU). Cette passation de pouvoir inaugurait la seconde moitié de la période de transition définie au mois d’août 2000 par l’Accord de paix et de réconciliation au Burundi. Au mois d’octobre, un accord de partage du pouvoir était signé entre le principal groupe politique armé, le Conseil national pour la défense de la démocratie au Burundi - Forces pour la défense de la démocratie au Burundi (CNDD-FDD) de Pierre Nkurunziza, et le gouvernement de transition du Burundi. Un gouvernement élargi est entré en fonction à la fin du mois de novembre 2003.
Une formation politique a fait connaître son intention de continuer la lutte armée. Il s’agit du Parti pour la libération du peuple hutu - Forces nationales de libération (PALIPEHUTU-FNL ou FNL), d’Agathon Rwasa. Une force de l’Union africaine a été progressivement déployée dans le pays pour surveiller l’application de l’accord de cessez-le-feu.
Toutes les parties au conflit se sont rendues coupables de graves violations du droit international humanitaire, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre. Elles étaient responsables notamment du meurtre délibéré de civils non armés et autres personnes étrangères aux combats, de viols et du recrutement d’enfants soldats âgés de moins de quinze ans.
Il semble que les forces gouvernementales et celles de l’opposition aient réussi à se procurer d’importantes quantités de matériel militaire neuf. Avant la signature de l’accord en octobre, le conflit entre le CNDDFDD (Nkurunziza) et les forces gouvernementales s’était aggravé. Paradoxalement, les préparatifs devant conduire à la démobilisation de deux groupes politiques armés marginaux ont entraîné une intensification des recrutements, notamment d’enfants de moins de quinze ans, car les dirigeants de ces groupes tenaient à montrer qu’ils disposaient effectivement de forces combattantes. À la fin de l’année 2003, des combats entre le CNDD-FDD (Nkurunziza) et le FNL ont éclaté autour de la capitale, Bujumbura. Il y a eu un certain nombre d’exécutions sommaires et d’homicides illégaux.
Au mois de juillet, le FNL a lancé une offensive sur Bujumbura, occupant plusieurs quartiers de la ville pendant une semaine et provoquant la fuite d’environ 30 000 personnes. Près de 200 personnes ont été tuées, dont un nombre indéterminé de civils. Puis, alors que le FNL se retirait, les forces armées gouvernementales se sont livrées au pillage, y compris de l’aide d’urgence destinée aux personnes déplacées. Les deux parties ont dans un premier temps permis aux civils de quitter la zone des combats, mais perpétré des exécutions extrajudiciaires ;des soldats auraient notamment abattu 11 personnes dans une seule maison. Les combattants du FNL ont tiré des obus de mortier sur plusieurs quartiers ; ils visaient apparemment des cibles militaires, mais les tirs mal réglés ont fait aux moins deux victimes civiles. Le dernier jour des combats, un grand nombre d’enfants soldats ont été tués, dont au moins deux qui tentaient pourtant de se rendre. Ces jeunes combattants auraient été recrutés peu de temps auparavant par le FNL, qui niait cependant compter des enfants soldats dans ses rangs. À la fin de l’année, le FNL a pour la première fois étendu ses opérations au sud du Burundi.

Prolifération des armes légères

L’augmentation considérable de la criminalité était liée à la prolifération des armes légères. Celles-ci, notamment le matériel loué par les soldats des forces gouvernementales aux bandes de malfaiteurs, ont servi à perpétrer des vols à main armée et des viols. Les bandes armées se sont multipliées ; certaines ont été créées à l’initiative de combattants ou de membres des forces gouvernementales ou des Gardiens de la paix (une milice gouvernementale, sans formation et non rémunérée, responsable de nombreuses atteintes aux droits humains), d’autres par d’anciens combattants ou des déserteurs de l’armée, d’autres encore par des civils armés grâce à la complicité des forces de sécurité. Les organisations humanitaires internationales ont été la cible d’attaques répétées. Dans certaines provinces, les autorités ont réagi à la situation en distribuant encore plus d’armes aux civils.
Cette insécurité croissante a eu des effets catastrophiques sur la santé de la population, dont les moyens de subsistance et les stocks de nourriture ont été détruits. De nombreuses personnes ne dormaient plus chez elles, mais en plein air, dans l’espoir d’échapper à la mort et au viol. Le gouvernement a adopté une politique consistant à demander à une population appauvrie et comptant de nombreuses personnes déplacées de payer une partie des soins de santé ; cette mesure a encore réduit la possibilité de bénéficier de soins, malgré les efforts des organisations humanitaires internationales.

Violations des droits humains par les forces gouvernementales

En 2003, au moins 100 civils non armés ont été tués de manière délibérée et en toute illégalité par les forces gouvernementales, souvent à titre de représailles aux opérations militaires des groupes politiques armés. Une autre forme de représailles était aussi pratiquée : la destruction systématique des biens et des récoltes. Dans la province de Bujumbura-rural, après certaines opérations militaires, des malades, des personnes âgées et des enfants ont été tués à coups de baïonnette. Les forces gouvernementales ont tiré des obus de mortier au hasard. Après l’offensive de juillet, de violents combats ont secoué le Bujumbura-rural et, selon les informations reçues, au moins 24 civils sont morts sous les bombes et les obus des forces armées.
_Le 20 janvier, au moins 30 civils non armés ont été victimes d’une exécution extrajudiciaire par les forces gouvernementales. Les faits se sont déroulés dans le secteur de Muvumu, commune de Gisuru, en représailles à la mort de 10 soldats dans une embuscade tendue par le CNDD-FDD (Nkurunziza) deux jours plus tôt.
En octobre, au moins neuf civils non armés ont été tués dans le district de Ruziba, dans le Bujumburarural, quand des soldats qui avaient appelé les habitants à participer à une réunion publique ont ouvert le feu sur eux et pillé leurs maisons.

Exactions commises par les groupes politiques armés

Les groupes politiques armés ont tué des dizaines de civils non armés, des personnes soupçonnées d’avoir collaboré avec les forces gouvernementales et des fonctionnaires subalternes. Le CNDD-FDD (Nkurunziza) et le FNL ont l’un et l’autre « taxé » une population déjà pauvre, dépouillé des civils en très grand nombre et pris certains d’entre eux en otage pour obtenir des rançons. Les deux groupes ont tué des civils en tirant au mortier sur des cibles militaires situées dans des zones urbaines sans se préoccuper du sort de la population.
_En juin, 11 civils, dont quatre députés du FRODEBU, ont été enlevés par le CNDD-FDD (Nkurunziza) dans la province de Ruyigi, en guise de riposte, semble-t-il, aux informations selon lesquelles le FRODEBU avait lancé une campagne politique. Ils ont été relâchés après sept à trente jours de détention, selon les cas.
En juillet, le CNDD-FDD (Nkurunziza) aurait enlevé trois employés d’une organisation humanitaire internationale dans la province de Makamba.
Dans la province de Bujumbura-rural, le FNL a tué, de manière délibérée et en toute illégalité, plusieurs fonctionnaires locaux ainsi que des personnes soupçonnées d’appartenir à des factions rivales de l’opposition. De très nombreux civils qui auraient transmis des informations aux autorités locales ou aux forces armées ont été tués ou maltraités. Le FNL a continué à organiser des « procès » de civils accusés de collaboration avec l’ennemi, de vol, d’adultère ou d’ivresse ; un nombre indéterminé d’entre eux ont été sommairement exécutés. Au moins huit personnes ont été sommairement exécutées immédiatement après l’offensive de juillet. Elles étaient soupçonnées d’avoir collaboré avec les forces armées. Parmi elles se trouvaient trois enfants âgés de onze à quatorze ans.

Violence contre les femmes

Le nombre de viols commis par les forces gouvernementales et celles de l’opposition, en particulier par le CNDD-FDD (Nkurunziza), inclinait fortement à penser que le recours au viol était devenu une stratégie délibérée et une arme de guerre. Les témoignages de civils faisaient aussi état de dizaines de cas de viol et de violence sexuelle imputables aux bandes de malfaiteurs ; certaines des victimes étaient des fillettes.
Entre mai et août, l’hôpital de la seule province de Ruyigi a traité 60 cas de viol. Les victimes avaient entre neuf et soixante-dix-sept ans.

« Disparitions »
Plusieurs « disparitions » ont été rapportées.
Au mois de novembre, trois hommes soupçonnés d’avoir des liens avec un mouvement politique armé anti-rwandais présent en République démocratique du Congo ont « disparu » après avoir été gardés à vue par la gendarmerie à Rumonge, une ville du sud du Burundi. Deux d’entre eux étaient des ressortissants rwandais, dont l’un était reconnu réfugié en Ouganda ; ils auraient été livrés aux forces de sécurité rwandaises à Bujumbura. Leur sort ultérieur n’est pas connu. Des membres des forces de sécurité ont affirmé que le troisième homme, de nationalité congolaise, avait été remis à l’ambassade du Congo à Bujumbura ; d’autres soutenaient qu’il avait été libéré.

Torture

Cette année encore, des détenus ont été soumis à des mauvais traitements et à la torture. Il arrivait fréquemment qu’ils soient attachés dans des positions très pénibles, bras et jambes liés dans le dos, ou passés à tabac, ou encore blessés à coups de couteau.
En juillet, Désiré, âgé de dix-huit ans, a été détenu sans inculpation pendant neuf jours dans le centre de Bujumbura. Il aurait été placé en détention par des militaires qui lui ont attaché les bras et les jambes dans le dos et l’ont roué de coups. Ils auraient aussi menacé de le faire sauter avec une grenade ou de le tuer à coups de baïonnette s’il n’avouait pas avoir participé à l’offensive de juillet du FNL.

Fonctionnement de la justice

Le mois de septembre a vu l’adoption d’une loi concernant les accusés passibles de la peine capitale ou de la réclusion à perpétuité, désormais jugés par les tribunaux de grande instance. Cette mesure a instauré de fait un droit d’appel, car depuis la réouverture des tribunaux, en 1996, c’étaient les cours d’appel qui jugeaient ces affaires en première et dernière instance.
Plus de 5 000 détenus, sur une population carcérale d’environ 8 000 personnes, attendaient d’être jugés. Beaucoup étaient soupçonnés d’avoir participé aux massacres qui avaient suivi l’assassinat, en 1993, du seul président démocratiquement élu du Burundi.
Le procès de cinq personnes accusées d’avoir participé, en 2001, au meurtre de Kassi Manlan, chef de la délégation de l’Organisation mondiale de la santé au Burundi, s’est ouvert en février devant la cour d’appel de Bujumbura. Les audiences ont cependant été reportées à plusieurs reprises. En octobre, quatre policiers de haut rang ou membres des services de renseignement et un civil ont été arrêtés dans le cadre de cette affaire.
Il y a eu peu d’amélioration dans l’administration de la justice pour les mineurs délinquants et ceux-ci ont continué à être maltraités, isolés et victimes de violations de leurs droits. La législation burundaise interdit la détention d’enfants de moins de treize ans. Alexandre Nzeyimana, âgé, semble-t-il, de douze ans au moment de son arrestation, en avril 2002, a finalement été libéré en février 2003. La population avait de plus en plus souvent recours à une justice sommaire et au lynchage, et elle comptait sur les groupes politiques armés pour rendre « justice ».

Verdict du procès d’Itaba

Les autorités n’ont pas traduit en justice les officiers de l’armée présumés responsables du meurtre de 173 à 267 civils non armés, dont nombre de femmes et d’enfants, commis dans la commune d’Itaba en septembre 2002. En février, un conseil de guerre a reconnu deux officiers coupables d’avoir désobéi aux ordres et les a condamnés à une peine de quatre mois d’emprisonnement - déjà purgée au cours de leur détention provisoire -, avant de les libérer. Le procureur général de la République a ordonné la réouverture du dossier, mais aucune nouvelle enquête ne semblait avoir été entreprise.

Justice internationale

Le projet de loi autorisant la ratification du Statut de Rome de la Cour pénale internationale a été adopté au mois de juin par l’Assemblée nationale. Il a toutefois été retiré de l’ordre du jour du Sénat quand le gouvernement a annoncé son intention de déclarer, au titre de l’article 124 du Statut de Rome, que le Burundi ne reconnaîtrait pas, pendant une période de sept ans, la compétence de la Cour pour les crimes de guerre commis au Burundi ou par des ressortissants burundais. La Cour constitutionnelle a soutenu la protestation émise par l’Assemblée nationale après l’intervention du gouvernement et le projet de loi a été soumis pour signature au président. À la fin de l’année il n’avait pas encore été adopté.

Liberté d’expression

La liberté d’expression a de nouveau été battue en brèche, même si un projet de loi un peu plus favorable aux médias a été adopté en décembre. En mars, à la suite de la rupture des négociations avec le CNDD-FDD (Nkurunziza), le président Buyoya a donné aux stations de radio l’ordre de ne pas diffuser ni mentionner les déclarations de ce groupe armé ou du FNL. En septembre, deux stations de radio indépendantes ont été interdites pendant plusieurs jours parce qu’elles avaient diffusé une interview d’un porte-parole du FNL.

Personnes déplacées et réfugiés

On estimait à 500 000 le nombre de personnes déplacées au Burundi. Des dizaines de milliers d’entre elles, qui ont dû à de nombreuses reprises dormir en plein air pour échapper aux attaques, ont été fragilisées et rendues vulnérables aux maladies. Pendant de longues périodes, l’insécurité et les interdictions décidées par les commandants militaires ont empêché les organisations humanitaires de parvenir jusqu’aux populations déplacées, en particulier dans la province de Ruyigi.
Malgré l’insécurité qui régnait au Burundi, environ 90 000 réfugiés sont rentrés de Tanzanie, pour la plupart parce que les conditions d’hébergement dans les camps y étaient déplorables mais aussi parce qu’ils craignaient d’être dépossédés de leurs terres. De très nombreuses autres personnes ont été renvoyées de force au Burundi après avoir été arrêtées à l’extérieur des camps de réfugiés.

Peine de mort

Au moins 14 condamnations à la peine capitale ont été prononcées ; au total, le pays comptait à la fin de l’année plus de 450 condamnés à mort. Aucune exécution n’a eu lieu.

Visites d’Amnesty International

Des délégués d’Amnesty International se sont rendus au Burundi en juillet et en septembre pour y recueillir des informations. Ils ont aussi rencontré les autorités gouvernementales et se sont rendus dans un certain nombre de prisons.

Autres documents d’Amnesty International

Burundi. Déploiement des observateurs du cessez-le-feu : un moment essentiel (AFR 16/002/2003).
Burundi : Des journalistes soumis à des attaques constantes (AFR 16/004/2003).
Burundi. Pas de justice pour les victimes du massacre d’Itaba (AFR 16/005/2003).
Burundi. Il faut réagir d’urgence à la guerre contre les civils (AFR 16/009/2003).
Burundi. Le sommet régional doit accorder la priorité à la protection des droits humains (AFR 16/011/2003).
Burundi. Pas de paix durable sans respect des droits fondamentaux de la personne humaine (AFR 16/015/2003).

L’avortement est un droit. Parlementaires, changez la loi !

L’avortement est un droit humain et un soin de santé essentiel pour toute personne pouvant être enceinte. Ceci sonne comme une évidence ? Et bien, ce n’est pourtant pas encore une réalité en (…)

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