RÉPUBLIQUE D’INDONÉSIE
CAPITALE : Djakarta
SUPERFICIE : 1 919 445 km_
POPULATION : 219,9 millions
CHEF DE L’ÉTAT ET DU GOUVERNEMENT : Megawati Sukarnoputri
PEINE DE MORT : maintenue
CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES : ratifiée avec réserves
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES : signé
La répression des activités des mouvements indépendantistes s’est intensifiée, entraînant une détérioration de la situation des droits humains dans certaines régions. En mai, les autorités ont déclaré l’état d’urgence militaire, afin de combattre le mouvement indépendantiste armé dans le district spécial de l’Aceh (Nanggroe Aceh Darussalam). Il en a résulté une augmentation des exécutions extrajudiciaires, des « disparitions », des détentions arbitraires, des actes de torture, des violences sexuelles, des déplacements forcés de populations et des destructions de biens. Les opérations militaires menées en Papouasie contre des militants indépendantistes, armés ou non, se sont également accompagnées de violations des droits humains, notamment d’arrestations arbitraires et d’actes de torture. Dans d’autres régions, la police a fait un usage excessif de la force pour disperser des manifestants. Au moins 30 personnes ont été condamnées à des peines d’emprisonnement ; Amnesty International les considérait comme des prisonniers d’opinion. Des prisonniers d’opinion et des prisonniers politiques ont été jugés dans le cadre de procès qui ne respectaient pas les normes d’équité internationalement reconnues. Des détenus auraient été torturés. Les efforts déployés pour que les responsables présumés d’atteintes aux droits humains rendent compte de leurs actes ont connu un revers important lorsque les procès de personnes accusées d’avoir commis des crimes contre l’humanité dans la République démocratique du Timor-Leste (précédemment connue sous le nom de Timor oriental) ont pris fin sans que la vérité ait été établie ni que la justice ait été rendue.
Contexte
L’Indonésie a connu une année de relative stabilité politique et économique. Toutefois, le manque de détermination des autorités et la corruption généralisée ont entravé les avancées dans certains domaines clés, freinant notamment les réformes dans l’appareil judiciaire et la législation. La décision de lancer des opérations militaires dans le district spécial de l’Aceh a été perçue comme le signe d’une assurance accrue de l’armée et d’un regain d’influence des militaires sur la politique gouvernementale.
Législation en matière de sécurité
Une Loi relative à la lutte contre les actes de terrorisme a été adoptée. Amnesty International a déploré que ce texte ne définisse les actes de « terrorisme » qu’en des termes vagues et n’offre pas aux suspects de garanties complètes quant à leurs droits.
Plus de 100 personnes ont été arrêtées en vertu de cette loi. La majorité d’entre elles étaient des membres présumés de la Jemaah Islamiyah (JI, Communauté islamique), organisation qui prône le recours à la violence en vue de l’instauration d’un État panislamique en Asie du Sud-Est et qui aurait été à l’origine de plusieurs attentats à l’explosif en Indonésie, notamment celui perpétré en août à l’hôtel Marriott de Djakarta. Trois hommes qui figuraient parmi les personnes appréhendées ont été condamnés à mort pour leur rôle dans l’attentat qui, en octobre 2002 à Bali, avait causé la mort de plus de 200 personnes.
En mai, cinq responsables du groupe armé Gerakan Aceh Merdeka (GAM, Mouvement pour l’Aceh libre), qui représentaient ce mouvement dans les négociations de paix entamées avec le gouvernement, ont également été arrêtés en vertu de cette loi, alors qu’ils s’apprêtaient à rencontrer les autorités. Déclarés coupables de rébellion et d’actes de « terrorisme », ils ont été condamnés à des peines comprises entre douze et quinze années d’emprisonnement. L’un d’eux s’est plaint d’avoir été menacé de mort et maltraité en garde à vue. Amnesty International craignait que leurs procès n’aient pas été conformes aux normes d’équité.
L’absence de protection des suspects détenus en vertu de cette loi a également suscité des inquiétudes après qu’il eut été révélé que, selon certaines informations, des militants islamistes avaient été torturés et maltraités et que leurs familles n’avaient pas été informées dès le début de leur détention de l’endroit où ils se trouvaient.
Répression des activités des mouvements indépendantistes
La situation des droits humains s’est fortement dégradée dans le district spécial de l’Aceh après la proclamation de l’état d’urgence militaire le 19 mai, au lendemain de l’échec du processus de paix engagé par le gouvernement et le GAM. Les restrictions imposées aux observateurs internationaux chargés de surveiller la situation en matière de droits de la personne, aux membres d’organisations humanitaires et aux journalistes étrangers qui souhaitaient se rendre en Aceh, ainsi que les manœuvres d’intimidation et de harcèlement auxquelles étaient soumis les journalistes et les défenseurs locaux des droits humains, empêchaient toute surveillance indépendante de la situation. Selon les autorités, plus de 1 100 personnes, dont 470 civils, avaient trouvé la mort à la fin de l’année. Des organisations locales de défense des droits humains ont affirmé que le nombre de victimes civiles était beaucoup plus élevé. Des membres de la Commission nationale des droits humains ont déclaré publiquement qu’aussi bien les forces gouvernementales que le GAM étaient responsables d’atteintes aux droits fondamentaux. Ils ont ajouté qu’ils avaient recueilli des informations sur des exécutions extrajudiciaires, notamment d’enfants, des détentions arbitraires, des actes de torture, des violences sexuelles et des « disparitions ».
Des dizaines de milliers de personnes ont été déplacées, parfois de force, à la suite des opérations militaires. La sécurité et le bien-être des personnes déplacées constituaient un motif de profonde préoccupation. On s’inquiétait notamment du sort des personnes qui se trouvaient dans des camps mis en place par le gouvernement et où, selon des sources non confirmées, des agents des forces de sécurité se seraient livrés à des violences sexuelles.
Le gouvernement a annoncé qu’au total, à la fin de l’année, 2 000 membres du GAM s’étaient rendus ou avaient été capturés et plusieurs centaines d’entre eux avaient été jugés. Les détenus n’ont pas été autorisés à consulter un avocat. Il était à craindre qu’ils ne soient soumis à des actes de torture ou à des mauvais traitements, pratiques apparemment souvent infligées aux personnes se trouvant aux mains de la police ou de l’armée.
Le GAM s’est lui aussi rendu coupable d’exactions, notamment d’enlèvements. À partir de mai, ce groupe aurait enlevé plus de 150 personnes, dont des représentants des autorités locales et des journalistes.
Les manifestations pacifiques en faveur de l’indépendance de la Papouasie étaient interdites. Plusieurs personnes qui avaient participé à des levées de drapeau ou à d’autres actions symboliques ont été traduites en justice. Trois d’entre elles ont été condamnées à des peines allant jusqu’à deux ans d’emprisonnement pour avoir pris part, à Abepura, en décembre 2002, à une cérémonie pacifique de soutien à l’indépendance. Neuf autres qui avaient participé à une action similaire à Manokwari à la fin de 2002 ont également été condamnées à des peines d’emprisonnement, dont certaines d’une durée de quinze mois. Plus de 40 personnes ont été interpellées à l’issue de cérémonies similaires qui se sont déroulées à la fin de l’année ; sept d’entre elles ont été par la suite inculpées de rébellion.
La Commission nationale des droits humains a signalé que sept personnes étaient mortes en avril au cours d’une opération militaire menée dans le district de Jayawijaya pour récupérer des armes et des munitions qui avaient, semble-t-il, été dérobées à l’armée par des membres de l’Organisasi Papua Merdeka (OPM, Organisation de la Papouasie libre), un groupe armé d’opposition. Deux soldats ont été tués lors de ces événements. Des villageois auraient été torturés et maltraités ; des maisons ainsi que d’autres biens ont été détruits ou endommagés. Au moins 30 personnes, dont des défenseurs des droits humains, ont été arrêtées. L’une d’entre elles est morte en détention, apparemment des suites de torture, et d’autres auraient été blessées. Aucun responsable de ces violations n’a été poursuivi ; en revanche, 16 personnes ont été déclarées coupables d’infractions liées à l’opération militaire et certaines auraient été condamnées à la détention à perpétuité. Amnesty International craignait que leurs procès n’aient pas été conformes aux normes d’équité.
Prisonniers d’opinion et procès inéquitables
Trente prisonniers d’opinion ont été condamnés à des peines d’emprisonnement au cours de l’année. Dix-neuf personnes ont été inculpées aux termes d’articles du Code pénal qui répriment les injures au chef de l’État ou au gouvernement. Ces dispositions sont contraires au droit à la liberté d’expression.
Au nombre des prisonniers d’opinion figuraient des militants syndicaux et politiques ainsi que des partisans pacifiques de l’indépendance de l’Aceh et de la Papouasie. Des journalistes ont également été traduits en justice, ce qui constituait un motif de préoccupation pour Amnesty International, dans la mesure où ces procès représentaient une menace grave pour la liberté de la presse en Indonésie.
Des prisonniers d’opinion et des prisonniers politiques ont été condamnés à l’issue de procès inéquitables. Parmi les irrégularités de procédure figuraient le maintien au secret et la restriction, voire l’interdiction, des contacts avec les proches et avec un avocat. Des cas de torture et de mauvais traitements infligés à des suspects ont également été signalés.
Six membres du Front Pemerintah Rakyat Miskin (FPRM, Front pour le pouvoir des pauvres) ont été arrêtés après avoir participé, au mois de janvier, à une manifestation dans la ville de Kendari (province de Sulawesi-Sud) au cours de laquelle des portraits de la présidente et du vice-président ont été brûlés. Pendant leur détention à Kendari, ces six personnes auraient été battues, giflées et frappées à coups de poing et avec différents objets par des policiers. Elles n’ont pas pu consulter librement un avocat. Déclarées coupables d’avoir injurié le chef de l’État, elles ont été condamnées à quatre mois et demi d’emprisonnement ; cette durée couvrait celle de leur détention provisoire. Aucune enquête ne semblait avoir été effectuée sur leurs allégations de torture et de mauvais traitements. Toutefois, un policier qui avait, selon certaines informations, participé aux passages à tabac, aurait été muté.
Deux rédacteurs du quotidien populaire Rakyat Merdeka ont été condamnés à des peines d’emprisonnement avec sursis pour avoir injurié des responsables politiques. Karim Paputungan a été déclaré coupable de diffamation et condamné à cinq mois d’emprisonnement pour avoir publié un dessin jugé insultant pour un dirigeant politique. Supratman a été condamné à six mois d’emprisonnement pour « injure au chef de l’État », à la suite de la publication d’un titre critiquant l’intention du gouvernement d’augmenter le prix du carburant et de certains produits de base.
Défenseurs des droits humains en danger
Les défenseurs des droits humains étaient toujours en danger, particulièrement en Aceh, où les forces de sécurité ont publiquement accusé les organisations de défense des droits humains, entre autres, de liens avec le GAM. Deux membres d’organisations de défense des droits humains actives dans le district auraient été exécutés de manière extrajudiciaire et trois autres ont « disparu » au cours de l’année. Au moins 11 militants ont été détenus pendant une courte période en vertu de l’état d’urgence. En octobre, les forces de sécurité ont interrompu un atelier organisé par la Commission des droits humains en Aceh sur le thème de la surveillance de la situation des droits humains. Les cas de 18 autres défenseurs qui auraient été victimes d’exécutions extrajudiciaires ou qui auraient « disparu » depuis 2000 dans ce district n’avaient toujours pas été élucidés.
Dans d’autres régions, plusieurs défenseurs des droits humains ont été inculpés de diffamation ; cette mesure visait apparemment à les dissuader de poursuivre leurs activités, pourtant légitimes.
Mukhlis Ishak, vingt-sept ans, et Zulfikar, vingt-quatre ans, ont « disparu » après avoir été arrêtés, au mois de mars, par des hommes en civil qui appartenaient, semble-t-il, à une unité des services de renseignements de l’armée. L’arrestation, qui a été photographiée, a eu lieu alors que les deux hommes accompagnaient des villageois qui manifestaient devant le bureau du responsable du district de Bireuen, en Aceh. Mukhlis Ishak et Zulfikar sont membres de l’organisation d’aide aux personnes déplacées Link for Community Development.
En octobre, le chef de la police de la province de Sulawesi-Sud a intenté un procès en diffamation contre Inda Fatinaware, directrice du Forum indonésien pour l’environnement (Wahli), après que trois agriculteurs eurent été abattus, en juillet et en octobre, au cours de manifestations contre une entreprise d’exploitation de plantations dans le district de Bulukumba. Le Forum avait diffusé un communiqué de presse imputant la responsabilité des homicides aux policiers et réclamant la démission du chef de la police locale.
Obligation de rendre des comptes pour les violations des droits humains
Le dernier des 12 procès engagés à la suite des violences perpétrées au Timor-Leste avant et après le référendum de 1999 sur l’indépendance a pris fin au mois d’août : le général Adam Damiri, ancien commandant régional du Timor-Leste, a été condamné à trois ans d’emprisonnement. Il était au nombre des six personnes reconnues coupables de crimes contre l’humanité mais, à l’instar de ses coaccusés, il est resté en liberté en attendant qu’il soit statué sur son appel. Il occupait en outre toujours ses fonctions dans l’armée. Douze autres personnes ont été acquittées à l’issue de procès qui avaient débuté en 2002. Les problèmes rencontrés lors des procès précédents n’ont pas été résolus et les procédures étaient toujours caractérisées par la faiblesse de l’accusation, qui ne présentait pas de dossiers crédibles au tribunal. De nombreux témoins et victimes originaires du Timor-Leste refusaient de comparaître parce que leur sécurité ne pouvait pas être garantie.
La réticence de l’Indonésie à traduire en justice les responsables des violences commises en 1999 au Timor-Leste a été confirmée par la persistance de son refus de transférer dans ce pays quelque 280 suspects qui résidaient en Indonésie et que le procureur général du Timor-Leste avait mis en accusation, certains pour crimes contre l’humanité.
D’autres procès qui feront date se sont ouverts en septembre, lorsque 13 militaires de grade élevé, dont le responsable actuel du Commandement des forces spéciales, ont comparu devant un tribunal chargé de juger les violations des droits humains. Ils étaient inculpés dans une affaire liée à la mort de manifestants musulmans, tués en 1984 à Tanjung Priok (district nord de Djakarta). Les procès n’étaient pas terminés à la fin de l’année, mais on constatait déjà des irrégularités semblables à celles qui avaient nui à l’efficacité et à la crédibilité des procès au Timor- Leste ; il y a eu notamment des allégations d’intimidation de témoins et de victimes.
Un tribunal militaire a condamné sept membres du Commandement des forces spéciales à des peines comprises entre douze et quarante-deux mois d’emprisonnement. Il a été déclaré coupable d’avoir causé la mort, en 2001, de Theys H. Eluay, dirigeant du mouvement indépendantiste civil de Papouasie. Ces procès ont été critiqués au motif que les peines prononcées étaient légères et que la responsabilité de la hiérarchie n’avait pas été établie. Après le verdict, le chef d’état-major de l’armée de terre a qualifié publiquement les sept condamnés de « héros ».
L’armée a mené quelques enquêtes sur des violations des droits humains commises en Aceh sous l’état d’urgence. Toutefois, ces investigations, qui n’ont concerné qu’une part infime des cas signalés, n’ont pas été suffisamment indépendantes ni impartiales. À la connaissance d’Amnesty International, 10 soldats ont été condamnés par des tribunaux militaires - dont trois, accusés d’avoir violé quatre femmes en juin dans le district de l’Aceh septentrional, à des peines allant jusqu’à trois ans et demi d’emprisonnement.
La plupart des violations des droits humains signalées n’ont fait l’objet d’aucune enquête ; là où des investigations ont été effectuées, il n’y a pas eu de procès. En octobre, le Sénat des États-Unis a voté le maintien de l’interdiction d’entraîner les forces armées indonésiennes car l’enquête sur le meurtre d’un Indonésien et de deux enseignants américains, perpétré en août 2002 dans le district de Mimika, en Papouasie, à proximité de la mine américaine de PT Freeport Indonesia, n’avait pas progressé. Certaines sources soupçonnaient l’armée indonésienne d’être impliquée dans ces homicides.
Peine de mort
Neuf personnes ont été condamnées à la peine capitale, ce qui portait à au moins 61 le nombre de condamnés à mort en Indonésie. Aucune exécution n’a eu lieu.
Manque d’indépendance du pouvoir judiciaire : rapport d’un rapporteur spécial des Nations unies
Le rapporteur spécial des Nations unies sur l’indépendance des juges et des avocats a rendu public son rapport sur sa visite en Indonésie en juillet 2002. Il exprimait sa profonde préoccupation à propos de l’absence de culture d’indépendance du pouvoir judiciaire et de la corruption généralisée de l’appareil judiciaire et de la police.
Autres documents d’Amnesty International
Indonesia & Timor-Leste : International responsibility for justice (ASA 03/001/2003).
Indonesia : Protecting rights in Nanggroe Aceh Darussalam during the military emergency (ASA 21/020/2003).
Indonesia : Protecting the protectors : human rights defenders and humanitarian workers in Nanggroe Aceh Darussalam (ASA 21/024/2003).
Indonesia : Old laws - new prisoners of conscience (ASA 21/027/2003).
Indonesia : Press freedom under threat (ASA 21/044/2003).