MALAISIE
CAPITALE : Kuala-Lumpur
SUPERFICIE : 332 965 km_
POPULATION : 24,4 millions
CHEF DE L’ÉTAT : Raja Tuanku Syed Sirajuddin
CHEF DU GOUVERNEMENT : Mahathir Mohamad, remplacé par Abdullah Ahmad Badawi le 31 octobre
PEINE DE MORT : maintenue
CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES : ratifiée avec réserves
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES : non signé
Six opposants ont été libérés après deux ans en détention sans jugement aux termes de la Loi relative à la sécurité intérieure. De très nombreuses personnes soupçonnées d’être des militants islamistes ont été arrêtées au titre de cette loi et les tentatives de contestation de la légalité des détentions sont restées sans effet. Des personnalités de l’opposition, des journalistes, des étudiants et d’autres membres de la société civile ont vu leur liberté d’expression, d’association et de réunion limitée par l’application sélective de lois restrictives. Des homicides illégaux, des tortures et des mauvais traitements infligés par la police à des suspects de droit commun ont été signalés. Des travailleurs immigrés sans papiers, des demandeurs d’asile et d’autres personnes étaient exposés à des mauvais traitements et à des conditions pénibles dans les camps où ils étaient détenus en attendant leur expulsion. Au moins sept personnes ont été condamnées à mort. Des centaines de détenus, dont des travailleurs immigrés clandestins et des demandeurs d’asile, se sont vu infliger des peines de bastonnade.
Contexte
Le Barisan Nasional (BN, Front national), coalition au pouvoir dirigée par l’Organisation d’union nationale malaise, a continué de dominer une scène politique stable. Au mois d’octobre, le Premier ministre Mahathir Mohamad a quitté ses fonctions après vingt-deux ans passés au pouvoir. Il a été remplacé par le vice-Premier ministre Abdullah Ahmad Badawi.
Le gouvernement a continué de justifier la détention sans jugement aux termes de la Loi relative à la sécurité intérieure comme un mode de lutte contre la menace du « terrorisme ». Il a également présenté au Parlement de nouvelles mesures « antiterroristes », dont des modifications à la Loi relative à la lutte contre le blanchiment d’argent, adoptée au mois de novembre, et au Code de procédure pénale. La nouvelle version de ce dernier conférait aux procureurs généraux des pouvoirs d’investigation supplémentaires dans les affaires liées au « terrorisme ».
Au mois de novembre, le Code pénal a été modifié de façon à imposer des sanctions pénales, notamment des peines d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à trente ans, aux juristes, comptables et autres personnes qui contribuent à des activités « terroristes » ou les facilitent. Amnesty International était préoccupée par l’ampleur de la définition des actes « terroristes » dans le nouveau texte et par l’extension de la peine capitale aux personnes déclarées coupables d’actes ayant entraîné la mort.
Détention sans procès aux termes de la Loi relative à la sécurité intérieure
La Loi relative à la sécurité intérieure autorisait la détention sans jugement, pour une période pouvant aller jusqu’à deux ans et renouvelable indéfiniment, de quiconque représentant, aux yeux des autorités, une menace potentielle pour la sécurité nationale ou l’ordre public. Les personnes interpellées risquaient de subir des interrogatoires musclés pouvant s’apparenter à des mauvais traitements ou à des actes de torture, en particulier durant les soixante premiers jours, lorsqu’elles étaient placées au secret pour les besoins de l’enquête. Au mois d’avril, la Suruhanjaya Hak Asasi Manusia (SUHAKAM, Commission malaisienne des droits humains) a publié un rapport dans lequel elle recommandait l’abrogation de cette loi et son remplacement par une législation globale conciliant les questions de sécurité nationale et le respect des droits humains. Selon les garanties juridiques proposées par la SUHAKAM, les infractions feraient l’objet de descriptions détaillées, les périodes de détention pour enquête seraient limitées, le droit à une révision judiciaire serait effectif et les personnes maintenues en détention seraient inculpées ou remises en liberté après une période maximale de trois mois. À la fin de l’année 2003, les autorités n’avaient pas donné suite à ces recommandations.
Militants de l’opposition
En juin, le ministre de l’Intérieur a décidé de ne pas renouveler les ordonnances de placement en détention pour deux ans prononcées au titre de la Loi relative à la sécurité intérieure contre six militants reformasi (réformistes), la plupart membres en vue du Parti Keadilan Nasional (PKN, Parti de la justice nationale). Ils avaient été placés en détention en 2001 pour avoir, semble-t-il, projeté de renverser le régime par des actions « militantes », notamment en organisant d’importantes manifestations. Aucune preuve à l’appui de ces accusations n’a été rendue publique. Les détenus - Saari Sungib, Tian Chua, Hishamuddin Rais, Mohamad Ezam Mohamad Nor, Badrul Amin Baharom et Lokman Noor Adam -, tous prisonniers d’opinion, ont été libérés sans qu’aucune restriction à leur liberté d’expression ou de mouvement ne leur ait été imposée aux termes de la Loi relative à la sécurité intérieure. Toutefois, la plupart étaient toujours sous le coup d’une procédure pénale liée à des poursuites engagées auparavant en vertu d’autres lois restrictives.
Militants islamistes présumés
De très nombreuses personnes auraient été interpellées au titre de la Loi relative à la sécurité intérieure pour leur appartenance présumée à des groupes islamistes « extrémistes » nationaux ou régionaux, notamment au Kumpulan Mujahidin Malaysia (KMM, Groupe des moudjahidin malaisiens) et à la Jemaah Islamiyah (JI, Communauté islamique), un réseau d’Asie du Sud-Est qui serait lié à Al Qaïda et impliqué dans les attentats à l’explosif commis à Bali en 2002. Au total, au moins 90 membres présumés de ces groupes auraient fait l’objet d’une ordonnance de placement en détention depuis 2000.
Les tentatives faites par des personnes détenues en vertu de la Loi relative à la sécurité intérieure pour contester la légalité et les motifs présumés de leur arrestation sont restées sans effet. En juillet, Ahmad Yani Ismail et Abdul Samad Shukri Mohamad, interpellés en 2001 pour leur appartenance supposée à la JI, ont introduit des requêtes en habeas corpus devant la haute cour de Kuala-Lumpur aux motifs que leur interpellation et leur détention étaient illégales et avaient été exécutées dans une intention frauduleuse. L’espoir de les voir retrouver leur liberté a été compromis en août par un arrêt de la Cour fédérale (la plus haute juridiction de Malaisie) concernant une requête en habeas corpus similaire, liée à la Loi relative à la sécurité intérieure. La Cour fédérale, se fondant sur le fait que les tribunaux ne doivent pas réexaminer les décisions du pouvoir exécutif en matière de sécurité nationale, a fait droit au recours présenté par le procureur général contre une décision de la haute cour de libérer un homme maintenu en détention au titre de cette loi, Nasharuddin Nasir. La haute cour avait jugé que la police n’avait présenté aucune preuve étayant les accusations selon lesquelles cet homme appartenait au KMM. Dès sa libération, il a de nouveau été arrêté au titre du même texte de loi.
Expulsés du Pakistan, où ils poursuivaient leurs études, 13 étudiants âgés de dix-sept à vingt et un ans ont été arrêtés en septembre dès leur retour en Malaisie. Les policiers ont déclaré vouloir enquêter sur des liens présumés avec la JI ou Al Qaïda. En décembre, cinq d’entre eux ont fait l’objet d’une ordonnance de mise en détention pour deux ans en vertu de la Loi relative à la sécurité intérieure. Les autres ont été libérés, mais quatre étaient frappés de mesures limitant leur liberté de mouvement.
Application sélective de lois restrictives
Des personnalités de l’opposition, des journalistes et d’autres membres de la société civile étaient toujours exposés à des poursuites pour motifs politiques et à l’application de lois imposant des limitations injustifiées à leurs droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion. En août, afin de garantir une meilleure protection de la liberté d’expression et d’information, la SUHAKAM a recommandé le réexamen et l’abrogation de certains articles de la Loi relative aux secrets d’État et de la Loi relative à la presse et aux publications. Les pouvoirs publics n’avaient pas réagi à la fin de l’année.
_En octobre, le mouvement de défense des droits humains a subi un rude coup avec la condamnation à douze mois d’emprisonnement d’Irene Fernandez, directrice de Tenaganita, une organisation non gouvernementale (ONG) de femmes. Reconnue coupable d’avoir enfreint la Loi relative à la presse et aux publications par la « publication de fausses nouvelles dans le dessein de nuire », elle est restée en liberté sous caution en attendant l’issue de son appel. Des poursuites avaient été engagées contre elle en 1996, après que Tenaganita eut publié un rapport attirant l’attention sur les mauvais traitements et les violences observés dans des camps de détention pour travailleurs immigrés et sur le fait que des personnes y seraient mortes des suites de maladies qui auraient pu être évitées ; ces faits semblaient relever d’une pratique bien établie.
_La police n’a pas toujours fait preuve de cohérence dans l’octroi des autorisations pour les assemblées publiques et dans ses interventions durant les manifestations. Au mois de mars, deux rassemblements distincts contre la guerre en Irak se sont tenus à Kuala-Lumpur. La plus importante des manifestations, organisée par des groupes bénéficiant du soutien des autorités, a été facilitée par la police. Une manifestation moins importante, organisée par des partis de l’opposition, a été bloquée par la police, qui a donné l’ordre aux manifestants de se disperser. Devant le refus de ces derniers, les forces de l’ordre ont fait usage de gaz lacrymogène et arrêté 12 personnes. En août, l’ONG All Women’s Action Society a déposé une plainte auprès de la SUHAKAM contre le rejet par la police, pour des « raisons de sécurité », de sa demande d’autorisation d’organiser en juillet un rassemblement contre l’augmentation du nombre de viols.
_Au mois de juillet a repris le procès de sept étudiants qui avaient été interpellés en 2001 et inculpés de participation à une réunion illégale parce qu’ils avaient, semble-t-il, pris part à une manifestation pacifique contre la Loi relative à la sécurité intérieure. La Loi relative à la police interdit les réunions de plus de trois personnes sans autorisation policière. Les étudiants risquaient jusqu’à un an d’emprisonnement et restaient temporairement exclus de leur établissement.
L’ordonnance de placement en détention prononcée en vertu de la Loi relative à la sécurité intérieure contre Mohamad Ezam Mohamad Nor, dirigeant de la section jeunesse du PKN, a expiré au mois de juin. Toutefois, cet homme n’a pas été remis immédiatement en liberté : en 2002, il avait été condamné au titre de la Loi relative aux secrets d’État pour avoir lu, lors d’une conférence de presse en 1999, des documents concernant des enquêtes que l’Agence de lutte contre la corruption avait menées sur des ministres de premier plan. Il a finalement été libéré sous caution, en attendant qu’il soit statué sur le recours formé contre sa condamnation de 2002.
Au mois de janvier, la police a perquisitionné dans les bureaux de Malaysiakini, un site Internet indépendant d’information en ligne, et en a confisqué les ordinateurs. Cette opération faisait suite à une plainte selon laquelle ce site avait publié une lettre contenant des propos séditieux qui remettaient en cause les mesures préférentielles prises en faveur des Malais. Cette plainte émanait de la section jeunesse de l’Organisation d’union nationale malaise. La diffusion des informations a été perturbée, mais aucun chef d’inculpation en vertu de la Loi relative à la sédition n’avait été retenu fin 2003.
_En avril, la Cour d’appel a débouté l’ancien vice-Premier ministre Anwar Ibrahim de son appel contre la peine de neuf ans d’emprisonnement à laquelle il avait été condamné pour sodomie en 2000 et a rejeté sa demande de mise en liberté sous caution. Elle a également rejeté le recours présenté par le coaccusé d’Anwar Ibrahim, Sukma Darmawan Sasmitaat Madja, et annulé la mesure de mise en liberté sous caution, lui ordonnant de commencer à purger une peine de six ans d’emprisonnement et le condamnant également à recevoir quatre coups de bâton. Amnesty International est convaincue que ces poursuites obéissaient à des motifs politiques et que les procès ne répondaient pas aux normes internationales d’équité. L’organisation considérait que les poursuites engagées contre Sukma Darmawan servaient uniquement à obtenir la condamnation d’Anwar Ibrahim ; elle déplorait vivement que les plaintes qu’il a déposées pour mauvais traitements, menaces et actes d’humiliation sexuelle infligés par la police pour le contraindre aux « aveux » n’aient pas fait l’objet d’enquêtes exhaustives et indépendantes et que les auteurs présumés de ces agissements n’aient pas été tenus d’en rendre compte. Les deux hommes étaient des prisonniers d’opinion.
Traitement des travailleurs migrants et des demandeurs d’asile
Selon les informations reçues, les travailleurs immigrés et les demandeurs d’asile sans papiers détenus dans des camps étaient toujours soumis à des mauvais traitements. Il était à craindre que les conditions de vie, notamment la fourniture de soins médicaux appropriés, n’étaient pas conformes aux normes internationales. Les demandeurs d’asile et les réfugiés risquaient toujours d’être détenus et expulsés du pays. En août, la police a érigé des barrages autour du bureau du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) de Kuala-Lumpur et a arrêté des personnes qui tentaient de déposer une demande d’asile. Elles étaient pour la plupart originaires du Myanmar et du district spécial indonésien de l’Aceh. Plus de 235 personnes ont été interpellées et transférées dans des camps. Le HCR s’est dit vivement préoccupé par cette opération sans précédent, exhortant les autorités à libérer les personnes détenues et à respecter le principe de non-refoulement. À la fin de l’année, au moins 170 de ces détenus avaient, semble-t-il, été expulsés. En novembre, huit demandeurs d’asile en détention auraient subi des mauvais traitements physiques et psychologiques après avoir refusé le rapatriement « volontaire ».
Brutalités policières et morts en garde à vue
Selon de nombreux témoignages, la police aurait fait un usage excessif de la force et commis des homicides illégaux lors d’arrestations de suspects de droit commun ; en outre, dans les cellules des postes de police et dans les prisons, des policiers et des membres du personnel pénitentiaire se seraient rendus coupables de coups et blessures, de mauvais traitements et de privations de soins médicaux. Au mois d’octobre, le ministère de l’Intérieur a annoncé une hausse du nombre moyen des morts en garde à vue, qui est passé de 19 à 26 par mois au cours du premier semestre.
_En juillet, Ho Kwai See, un négociant en noix de coco appréhendé parce qu’il était soupçonné d’infraction à la législation sur les stupéfiants, est mort en prison une semaine après son arrestation. Il avait été détenu pendant la majeure partie de la semaine dans les locaux de la police. Après avoir vu les hématomes qu’il portait sur le corps, les membres de sa famille ont tenté, en vain, de contester les premiers résultats de l’autopsie.
En octobre, le ministère de l’Intérieur a révélé que 27 personnes avaient été abattues par la police depuis le mois de janvier. Des groupes de défense des droits humains ont déclaré que nombre de ces homicides étaient illégaux.
_En octobre, la police a abattu trois hommes qui, selon ses dires, étaient des voleurs notoires qui avaient ouvert le feu après avoir, semble-t-il, refusé de se rendre. La famille de l’une des victimes, V. Vikenes, dix-neuf ans, a contesté cette version des faits et affirmé que des hématomes laissaient à penser qu’il avait subi des violences avant d’être abattu. Elle a déposé une plainte contre la police pour dissimulation de preuves.
Peine de mort et châtiments corporels
Au moins sept personnes ont été condamnées à mort, la plupart pour trafic de stupéfiants. La bastonnade, un châtiment cruel, inhumain ou dégradant, a été pratiquée tout au long de l’année en tant que peine complémentaire à l’incarcération. Des centaines d’immigrés, dont des demandeurs d’asile, déclarés coupables de violations de la Loi relative à l’immigration, ont également reçu des coups de bâton. Au mois de janvier, la SUHAKAM a recommandé une révision de la peine de la bastonnade, impérativement prévue par la loi pour les immigrés en situation irrégulière.
Visites d’Amnesty International
Des délégués d’Amnesty International se sont rendus en Malaisie en mai et en septembre.