UNION DU MYANMAR
CAPITALE : Yangon (ex-Rangoon)
SUPERFICIE : 676 577 km_
POPULATION : 49,5 millions
CHEF DE L’ÉTAT : Than Shwe
CHEF DU GOUVERNEMENT : Khin Nyunt depuis le 25 août
PEINE DE MORT : maintenue
CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES : ratifiée avec réserves
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES : non signé
Le 30 mai, alors qu’ils se déplaçaient dans le nord du Myanmar, des dirigeants et des sympathisants de la National League for Democracy (NLD, Ligue nationale pour la démocratie), dont Daw Aung San Suu Kyi, la secrétaire générale de ce parti qui est la principale formation d’opposition, ont été attaqués par des partisans du gouvernement. Au moins quatre personnes ont été tuées et de très nombreux détracteurs du régime ont été arrêtés. Beaucoup de ceux qui ont été appréhendés au lendemain du 30 mai ont été condamnés à de longues peines d’emprisonnement. Les pourparlers entre le State Peace and Development Council (SPDC, Conseil national pour la paix et le développement), l’instance militaire au pouvoir, et Daw Aung San Suu Kyi n’ont pas progressé cette année. Les civils appartenant à des minorités ethniques ont continué de subir d’importantes atteintes à leurs droits fondamentaux lors d’opérations anti-insurrectionnelles menées par le SPDC dans certaines zones des États chan, kayin, kayah et mon. Certains ont notamment été astreints au travail forcé.
Contexte
Durant le premier semestre de l’année, Daw Aung San Suu Kyi et d’autres dirigeants de la NLD se sont rendus dans de nombreuses régions du pays pour rencontrer leurs sympathisants et rouvrir les bureaux du parti. Après l’attaque du 30 mai, tous ces derniers ont été fermés par le SPDC ; ils l’étaient toujours à la fin de l’année.
À la faveur d’un remaniement ministériel intervenu au mois d’août, le général Soe Win a été nommé au poste de premier secrétaire du SPDC. Le même mois, le général Khin Nyunt a annoncé une « feuille de route » en sept points pour la transition du régime militaire vers la démocratie.
En août, le SPDC a annoncé que la Convention nationale, qui ne s’était pas réunie depuis mars 1996, serait à nouveau convoquée. L’organe dirigeant avait institué la Convention nationale en 1992 pour établir les principes d’une nouvelle constitution destinée à remplacer celle de 1974, abrogée lorsque l’armée avait repris le pouvoir en septembre 1988. Le SPDC a mis en place deux comités pour organiser la Convention nationale, mais à la fin de l’année 2003 la liste des participants n’avait pas été rendue publique. Certains groupes appartenant à des minorités ethniques et favorables au cessez-le-feu étaient d’accord pour y prendre part, mais on ignorait si la NLD, qui avait remporté plus de 82 p. cent des sièges au Parlement lors des élections de 1990, serait présente.
En février, des pans du secteur bancaire privé se sont effondrés, ce qui a encore accru les difficultés économiques du pays.
Comme les années précédentes, des accrochages se sont produits entre l’armée et l’Union nationale karen (UNK), le Parti national progressiste karenni et la Shan State Army-South (SSA-South, Armée de l’État chan - Sud) et de petits groupes armés d’opposition dans l’État mon. En décembre, le SPDC a entamé des pourparlers en vue d’un cessez-le-feu avec l’UNK et le Parti national progressiste karenni. Il a également conclu, ce même mois, une trêve avec l’UNK, mais des combats mineurs étaient toujours signalés.
Peine de mort
En août, la Cour suprême a confirmé les peines capitales prononcées contre trois des petits-fils et le gendre du général Ne Win, qui a dirigé le régime militaire de 1962 à 1988. Neuf autres personnes, dont des journalistes et des militants politiques, ont été condamnées à mort en novembre pour haute trahison, à l’issue de procès politiques inéquitables. Aucune exécution n’a été signalée.
Les événements du 30 mai et leurs répercussions
L’attaque du 30 mai menée contre des dirigeants et des partisans de la NLD a eu lieu de nuit, près de Depeyin, dans une région isolée de la division de Sagaing. Le SPDC a affirmé que quatre personnes avaient été tuées et 50 autres blessées. Selon des sources de l’opposition, le bilan serait beaucoup plus lourd. Le SPDC n’ayant pas permis la réalisation d’une enquête indépendante, il n’a pas été possible de déterminer le nombre de victimes. Les attaquants ont frappé les partisans de la NLD avec des barres de fer et des bambous taillés en pointe ; certains de ces coups ont été mortels. Plusieurs femmes ont été violemment battues et ont eu leurs vêtements déchirés.
Vingt-quatre des très nombreux dirigeants et sympathisants de la NLD interpellés au cours de la nuit suivante étaient toujours détenus à la fin de l’année 2003 à la prison de Kalay ; âgé de plus de soixante-quinze ans, le vice-président de la NLD, U Tin Oo, se trouvait parmi eux. Daw Aung San Suu Kyi, assignée à domicile, n’a été autorisée à rencontrer que son médecin ainsi que des membres du personnel des Nations unies et du Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Elle a déclaré au rapporteur spécial des Nations unies pour le Myanmar qu’elle refusait d’être libérée tant que les autres personnes placées en détention pendant ou après les attaques du 30 mai ne seraient pas également remises en liberté.
Arrestations et incarcérations politiques
Plus de 1 350 détenus politiques, dont de très nombreux prisonniers d’opinion, étaient toujours derrière les barreaux.
_Au moins 24 personnes étaient toujours en détention administrative au titre de la Loi de 1975 relative à la protection de l’État, qui autorise le placement en détention sans inculpation ni jugement ni contrôle d’une autorité judiciaire pendant une durée de cinq ans. Le maintien en détention d’U Kyaw San, un prisonnier d’opinion âgé, a été prolongé d’un an en septembre. Élu au Parlement lors du scrutin de 1990, ce député de la NLD n’a jamais été autorisé à exercer ses fonctions. En décembre, les prisonniers d’opinion U Htwe Myint et U Thy Wai, des dirigeants du Parti pour la démocratie âgés et affaiblis, ont vu leur détention prolongée d’une année.
Les religieuses bouddhistes Ma Than Than Htay et Ma Thin Thin Oo ont été arrêtées en janvier pour avoir organisé une manifestation pacifique à Yangon. Elles ont été condamnées en juin à quinze ans d’emprisonnement aux termes de la Législation d’exception de 1950, très souvent utilisée pour réprimer les activités de l’opposition pacifique, et de la Loi birmane relative à l’immigration (Législation d’exception de 1947), pour avoir quitté le Myanmar et y être entrées illégalement. Avant les événements du 30 mai, le SPDC n’avait libéré que 30 prisonniers politiques, un nombre bien inférieur à celui des trois années précédentes.
_Le prisonnier d’opinion Salai Tun Than a été libéré au mois de mai. Cet universitaire âgé de soixante-quinze ans appartient à la minorité ethnique chin. Certaines des personnes arrêtées lors des violences du 30 mai et remises en liberté par la suite ont été de nouveau interpellées en décembre. Les arrestations arbitraires de militants d’opposition pacifiques effectuées par le Service de renseignements de l’armée se sont accrues après cette date. Au moins 52 personnes appréhendées par la suite étaient toujours derrière les barreaux ; nombre d’entre elles ont été condamnées à de lourdes peines d’emprisonnement.
Maung Maung Lay et Ne Win, deux membres de la NLD résidant à Yangon, ont été arrêtés en juin et condamnés à sept ans d’emprisonnement au mois d’octobre pour avoir diffusé des informations sur les violences du 30 mai.
Daw Tin Tin Nyo, membre de la NLD résidant à Dallah (division de Yangon), a été appréhendée en juin et condamnée à sept ans d’emprisonnement pour avoir écrit une lettre à Daw Aung San Suu Kyi sur la médiocrité de l’enseignement.
Phone Aung, un ancien soldat membre de la NLD, a été arrêté en septembre après avoir mené, seul, une action de protestation à l’hôtel de ville de Yangon en vue d’obtenir la libération de tous les prisonniers politiques. Au mois de décembre, il a été condamné à une peine de cinq ans d’emprisonnement au titre de la Législation d’exception de 1950.
Plus de 30 élus au Parlement étaient détenus à la fin de l’année 2003 ; 13 d’entre eux avaient été arrêtés lors des événements déclenchés le 30 mai.
U Saw Naing Naing, prisonnier d’opinion et député de la NLD au Parlement élu, purgeait toujours la peine de vingt et un ans de détention qui lui a été infligée parce qu’il avait, en septembre 2000, condamné les arrestations et les restrictions visant son parti politique.
Le CICR a poursuivi ses visites des prisons et des camps de travail du pays. La nourriture et les soins médicaux fournis aux prisonniers politiques étaient insuffisants, et ceux qui avaient été blessés et arrêtés le 30 mai ne recevaient pas le traitement dont ils avaient besoin. L’armée a continué d’utiliser fréquemment les détenus de droit commun comme porteurs et comme éclaireurs lors de passages dans de possibles champs de mines.
Les prisonniers politiques en détention provisoire étaient maintenus au secret et à l’isolement, ce qui facilitait l’usage de la torture et des mauvais traitements pendant les interrogatoires. Les procès politiques étaient très loin d’être conformes aux normes internationales d’équité : souvent, les détenus étaient privés du droit d’être assistés par un avocat, et de lourdes peines ont été prononcées sur la seule foi de déclarations faites par des membres du Service de renseignements de l’armée ou de la police.
Minorités ethniques et religieuses
Selon les informations reçues, l’armée a continué de saisir de grandes étendues de terre appartenant à des civils sans fournir d’indemnisation appropriée ; la pratique du travail forcé s’est en outre poursuivie. Elle a été signalée dans le district de Ye (État mon), le district de Yebyu (division de Tanintharyi), certaines parties de l’État d’Arakan et des États kayin, kachin et chan, ainsi que dans des zones soumises au cessez-le-feu ou encore dans des endroits où aucun conflit armé n’était en cours.
Dans le nord-ouest de l’État d’Arakan, des membres de la minorité ethnique musulmane rohingya auraient été contraints de travailler à la construction d’une route entre Rathedaung et le district de Maungdaw. Les civils rohingya étaient toujours soumis à de graves restrictions de leur droit de circuler librement et n’étaient pas reconnus comme citoyens du Myanmar. Quelque 3 000 Rohingya ont été renvoyés du Bangladesh dans l’État d’Arakan ; selon de nombreux témoignages, beaucoup d’entre eux ont quitté les camps de réfugiés contre leur gré. En octobre et en novembre, des violences communautaires perpétrées par des bouddhistes contre des musulmans ont été signalées dans les divisions de Mandalay et de Yangon. Des musulmans ont été massacrés et leurs biens détruits.
Initiatives internationales
L’envoyé spécial du secrétaire général des Nations unies s’est rendu à deux reprises au Myanmar pour tenter de renouer le dialogue entre la NLD et le SPDC et aider à la libération des prisonniers politiques. Le rapporteur spécial des Nations unies chargé d’examiner la situation des droits de l’homme au Myanmar s’est rendu sur place en mars et en novembre. Il a écourté sa visite du mois de mars après avoir découvert un dispositif d’écoute clandestin alors qu’il s’entretenait avec des prisonniers.
En avril, la Commission des droits de l’homme des Nations unies a adopté par consensus, pour la douzième fois, une résolution prolongeant d’une année le mandat du rapporteur spécial chargé d’examiner la situation des droits de l’homme au Myanmar. En décembre, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté par consensus une résolution dans laquelle elle déplorait les violences du 30 mai, les arrestations qui ont suivi et les violations persistantes des droits humains visant les minorités ethniques. Elle a demandé au SPDC de resserrer la coopération avec l’envoyé spécial du secrétaire général au Myanmar et avec le rapporteur spécial.
En juillet, l’Association des nations de l’Asie du Sud- Est (ANASE) a critiqué publiquement un de ses membres - une première dans l’histoire de l’organisation - en publiant une déclaration dans laquelle elle appelait le gouvernement du Myanmar à libérer Daw Aung San Suu Kyi. L’Union européenne, qui a adopté certaines sanctions contre le Myanmar, a de nouveau affirmé sa position commune en avril, et l’a renforcée après les violences du 30 mai. Les États-Unis ont consolidé leurs sanctions économiques au mois d’août.
En mai, le bureau de liaison de l’Organisation internationale du travail (OIT) de Yangon a conclu avec le SPDC un Plan d’action prévoyant la nomination d’un médiateur pour aider les victimes de travaux forcés à obtenir réparation. Toutefois, à la suite des événements du 30 mai, l’OIT a décidé de ne pas mettre en œuvre le Plan, parce que le climat « d’incertitude et d’intimidation » ne permettait pas aux victimes d’entrer en contact avec le médiateur en toute sécurité.
Visites d’Amnesty International
Lors de la toute première visite d’Amnesty International au Myanmar, aux mois de janvier et de février, des délégués de l’organisation ont rencontré des représentants du gouvernement, des prisonniers politiques et des membres de la société civile. Au cours d’une visite plus longue effectuée en décembre, des représentants d’Amnesty International ont mené des recherches sur l’emprisonnement politique et l’administration de la justice. Ils se sont entretenus avec 35 prisonniers politiques détenus dans trois établissements pénitentiaires différents.
Autres documents d’Amnesty International
Myanmar : Justice on trial (ASA 16/019/2003).
Myanmar. Violente attaque contre les membres d’un parti politique Une enquête indépendante doit avoir lieu (ASA 16/028/2003).
Myanmar : Amnesty International’s second visit to Myanmar - Official statement (ASA 16/037/2003).