ROYAUME DU NÉPAL
CAPITALE : Katmandou
SUPERFICIE : 147 181 km_
POPULATION : 25,2 millions
CHEF DE L’ÉTAT : Gyanendra Bir Bikram Shah Dev
CHEF DU GOUVERNEMENT : Lokendra Bahadur Chand, remplacé par Suriya Bahadur Thapa le 4 juin
PEINE DE MORT : abolie
CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES : ratifiée
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES : signé
À la suite de la rupture des pourparlers de paix, en août, une multiplication des arrestations arbitraires, « disparitions », exécutions extrajudiciaires et actes de torture imputables aux forces de sécurité a été signalée. Cette dégradation de la situation en matière de droits humains contrastait avec la nette amélioration constatée au cours des sept premiers mois de l’année, après la conclusion d’un cessez-le-feu entre le gouvernement et le Parti communiste népalais (PCN) maoïste. L’augmentation des atteintes aux droits fondamentaux perpétrées par les deux camps a contribué à la rupture de la trêve. De nombreux appels ont été lancés, entre autres par les Nations unies et la Commission nationale des droits humains, en faveur de la mise en place d’un mécanisme efficace de surveillance de la situation des droits humains ; ils n’ont pas été suivis d’effet.
Contexte
Le gouvernement et le PCN maoïste ont déclaré le cessez-le-feu le 29 janvier. En mars, les deux parties ont accepté d’observer un code de conduite contenant un certain nombre de dispositions relatives aux droits humains, mais aucun mécanisme n’a été mis en place pour surveiller leur application. Trois cycles de pourparlers de paix ont eu lieu entre le gouvernement et le PCN maoïste, en avril, mai et août. Critiqué par les principaux partis politiques, le Premier ministre, Lokendra Bahadur Chand, a démissionné le 30 mai. Suriya Bahadur Thapa, membre du même parti monarchiste, le Rashtriya Prajatantra Party (RPP, Parti démocratique national), lui a succédé à la tête du gouvernement. En mai, cinq des principales formations politiques ont lancé une campagne en faveur du rétablissement du Parlement. Le processus de paix a été interrompu le 27 août, le PCN maoïste indiquant qu’il se retirait des négociations parce que le gouvernement n’appliquait pas certains accords conclus au cours du deuxième cycle de pourparlers et s’opposait à la mise en place d’une assemblée constituante.
La Commission des femmes et la Commission des dalits (opprimés), mises en place par le gouvernement en 2002 sous forme de services ministériels, ont préparé un projet de loi relatif à leur création officielle, qui était en instance. Quatre-vingt cas de violations des droits des femmes, notamment des atteintes aux droits à la propriété et à l’héritage ainsi que des cas de violence au sein de la famille, ont été signalés à la Commission des femmes. Au mois de février, la Commission des dalits a publié un document de stratégie visant à promouvoir une meilleure interaction avec les organismes publics afin d’éradiquer les discriminations fondées sur l’appartenance ethnique et sur l’ascendance dans le pays. Elle estimait que les dalits étaient victimes d’atteintes aux droits humains imputables à l’une et l’autre parties au conflit.
Exécutions extrajudiciaires
Des cas d’exécutions extrajudiciaires imputables aux forces de sécurité ont été portés à la connaissance d’Amnesty International pendant la période où le cessez-le-feu était en vigueur ; ces signalements se sont multipliés après la reprise des hostilités. Le 17 août, les forces armées ont encerclé une maison située à Doramba, dans le district de Ramechhap, où avait lieu une réunion de militants maoïstes. Elles ont abattu un homme et arrêté 19 autres personnes, dont cinq femmes. Ces personnes ont dû marcher, les mains liées, jusqu’à Dandakateri, où elles auraient été exécutées sommairement. Une équipe d’enquêteurs dépêchée par la Commission nationale des droits humains est parvenue à la conclusion que la plupart des victimes avaient été tuées d’une balle dans la tête, tirée à bout portant. L’Armée royale népalaise a affirmé dans un premier temps que les victimes étaient des rebelles tués au cours d’une embuscade. Elle a ensuite annoncé qu’elle mènerait une enquête, mais les conclusions de ces investigations n’avaient pas été rendues publiques fin 2003.
La Commission nationale des droits humains a également enquêté sur des allégations - qu’elle a confirmées - selon lesquelles l’armée, le 13 octobre, avait ouvert le feu sans discrimination sur un groupe d’élèves participant à un programme culturel organisé par les maoïstes dans l’établissement d’enseignement secondaire de Sharada, dans le comité de village de Mudabhara (district de Doti). Quatre élèves, dont trois mineurs, ont été abattus.
« Disparitions »
À la suite de la rupture du cessez-le-feu, en août, plus de 150 personnes auraient « disparu » après avoir été arrêtées au cours d’opérations anti-insurrectionnelles menées par les forces de sécurité à Katmandou et dans d’autres districts. Sept femmes figuraient parmi elles. On pensait que nombre de ces « disparus » étaient détenus au secret dans des casernes, un peu partout dans le pays.
Une femme, Nirmala Bhandari, et six hommes - Krishna Katri Chhetri, Min Kumar Koirala, Lokendra Dhwaj Kand, Prakash Chandra Lohani, Pradeep Adhikari et Amrit Kadel - étaient au nombre des étudiants qui ont « disparu » après avoir été arrêtés par des membres des forces de sécurité à Katmandou en septembre. Selon certaines sources, plusieurs d’entre eux appartenaient à des syndicats d’étudiants liés au PCN maoïste.
Des enseignants et des journalistes ont également été pris pour cible. Madhab Ghemere et Udaya Raj Gautam, tous deux membres de l’Organisation des enseignants du Népal, proche des partis de gauche, ont « disparu » après avoir été appréhendés à Katmandou fin septembre. Tej Narayan Sapkota, employé de l’imprimerie Sarbottam, a été arrêté fin novembre et a « disparu ».
Cinquante-huit requêtes en habeas corpus ont été introduites auprès de la Cour suprême en faveur de personnes qui avaient « disparu » après la reprise des hostilités. Toutefois, comme au cours des années précédentes, les forces de sécurité n’ont pas coopéré avec la justice dans les affaires impliquant des combattants maoïstes présumés.
Pendant l’année, Amnesty International a attiré l’attention du Groupe de travail des Nations unies sur les disparitions forcées ou involontaires sur 42 dossiers faisant état de « disparitions », qui ont été transmis au gouvernement pour éclaircissements.
Torture et mauvais traitements
Des cas de personnes torturées ou soumises à d’autres mauvais traitements alors qu’elles étaient aux mains de l’Armée royale népalaise, des forces de police armées ou de la police civile étaient toujours signalés régulièrement.
Au mois d’avril, des policiers auraient passé à tabac sept hommes placés en garde à vue à Katmandou, qu’ils considéraient comme des homosexuels. Ces hommes auraient été roués de coups de pied, de crosse et de matraque et auraient été frappés au moyen de ceintures.
_Le 20 septembre, à la suite d’une bagarre avec un chauffeur de taxi, Deepak Thapa a été appréhendé par deux policiers qui l’ont battu à coups de crosse et roué de coups de pied jusqu’à ce qu’il tombe par terre. Pendant sa garde à vue dans les locaux de la police du district de Hanuman Dhoka, des policiers l’auraient frappé sur les cuisses et les bras, lui auraient asséné des coups sur la plante des pieds (falanga) et lui auraient roulé un bambou lesté sur les cuisses (belana). Il n’a pas reçu de soins médicaux.
_Om Bahadur Thapa a été arrêté le 11 septembre dans son magasin de réparation de montres parce que les autorités le soupçonnaient de sympathies pour le PCN maoïste. Selon les informations recueillies, il a été placé en détention à la caserne de Singha Durbar où, les yeux bandés, il a été battu et privé de nourriture pendant plusieurs jours.
Sept membres de la police civile dépendant du poste de Kohalpur, dans le district de Banke, auraient violé deux adolescentes de quatorze et seize ans le 27 septembre. Les fonctionnaires impliqués ont été appréhendés et placés en détention provisoire, mais des craintes subsistaient quant à la sécurité des deux jeunes filles, qui ont été la cible de menaces visant à leur faire retirer leurs déclarations.
Dans un communiqué de presse conjoint publié par les Nations unies en novembre, le rapporteur spécial sur la torture, le rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression et la présidente-rapporteuse du Groupe de travail sur la détention arbitraire ont exprimé la vive préoccupation que leur inspiraient des informations selon lesquelles des dizaines de personnes étaient détenues secrètement au Népal et risquaient d’être torturées ou soumises à des mauvais traitements.
Arrestations arbitraires
Plus de 1 000 membres et dirigeants des cinq principaux partis politiques ont été arrêtés au cours de manifestations organisées à Katmandou entre mai et août. La plupart d’entre eux ont été libérés dans les vingt-quatre heures. Ces manifestations s’inscrivaient dans le cadre d’une campagne visant au rétablissement de la démocratie. Amnesty International considérait les personnes détenues comme des prisonniers d’opinion. À la suite de la rupture du cessez- le-feu, en août, plusieurs centaines de personnes ont été arrêtées et maintenues en détention en vertu de la Loi relative à la prévention et à la répression des activités terroristes et déstabilisatrices. Ce texte permet aux forces de sécurité de placer des personnes en détention pour une période pouvant aller jusqu’à quatre-vingt-dix jours.
Poursuite d’auteurs présumés de violations des droits humains et persistance de l’impunité
Un tribunal militaire a condamné deux soldats à des peines de prison pour des violations des droits humains commises dans les années 2002 et 2003 dans les districts de Katmandou et de Bardiya. Selon certaines sources, la cellule des droits humains de l’Armée royale népalaise enquêtait sur dix autres cas, mais aucune information à ce sujet n’a été rendue publique. La Commission nationale des droits humains a mené des investigations sur des allégations selon lesquelles des militaires s’étaient livrés à des exécutions extrajudiciaires dans les districts de Ramechhap et de Doti, et a conclu que de graves violations des droits humains avaient été commises par les forces armées. Des enquêtes internes de l’armée sur ces événements étaient en cours.
La cellule des droits humains de l’armée a mené des investigations sur des informations selon lesquelles deux jeunes musulmanes, Tabsum et Tarnum Maniyar, respectivement âgées de seize et dix-huit ans, avaient été violées. Elle est parvenue à la conclusion que les allégations de viol étaient dénuées de fondement, mais que l’un des militaires mis en cause était coupable d’arrestation illégale. On ignorait si des sanctions internes avaient été prises contre cet homme.
Des observateurs ont formulé des critiques sur les enquêtes menées par les cellules des droits humains de l’armée, de la police et des forces de police armées. Ils ont indiqué que ces investigations manquaient de transparence et qu’elles étaient peu susceptibles de remettre en cause l’impunité dont bénéficient les membres des forces de sécurité.
En septembre, le haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme par intérim, Bertrand Ramcharan, a appelé le gouvernement à intervenir rapidement à la suite des conclusions rendues par la Commission nationale des droits humains au sujet des allégations faisant état d’exécutions extrajudiciaires dans le district de Ramechhap. Il a appelé les deux parties au conflit à se conformer au droit international humanitaire.
Exactions perpétrées par le PCN maoïste
Des exactions imputables au PCN maoïste ont été signalées pendant la période de cessez-le-feu ; leur nombre est allé croissant après la reprise des hostilités. À la suite de la rupture du cessez-le-feu, certaines sources ont indiqué que 30 civils avaient été tués par les combattants maoïstes. Ceux-ci étaient également responsables de plus de 40 enlèvements ; plusieurs des otages auraient été torturés.
_En juin, quatre membres du Parti communiste népalais (Union marxiste-léniniste) ont été enlevés par des rebelles maoïstes du village de Jubithan, dans le district de Kalikot, au motif qu’ils faisaient l’objet d’une « enquête » menée par les dirigeants maoïstes locaux. Ils auraient été torturés par les insurgés, qui leur auraient brisé les bras et les jambes.
_Le 1er septembre, en représailles aux exécutions extrajudiciaires qui auraient été perpétrées par l’armée dans le district de Ramechhap, des combattants maoïstes ont tué Reli Maya Muktan, une professionnelle de la santé rurale qui occupait un poste à responsabilité à Doramba. Les maoïstes l’accusaient d’être une informatrice.
_Fin septembre et début octobre, 21 habitants de Bijuli, dans le district de Piuthan, dont des membres du Jana Morcha Nepal (Front populaire du Népal), ont été enlevés par des rebelles maoïstes. La plupart ont été relâchés très rapidement, mais six d’entre eux ont été retenus captifs pendant soixante-quatorze jours.
Enfants soldats
Selon certaines informations, le PCN maoïste a continué à enlever et à enrôler des jeunes âgés de quinze à dix-huit ans. Un très grand nombre d’élèves de l’enseignement secondaire auraient ainsi été enlevés dans des établissements situés dans les régions du Moyen-Ouest et de l’Extrême-Ouest, et maintenus en détention pendant de courtes périodes à des fins de « rééducation ». Le PCN maoïste aurait tiré parti du cessez-le-feu pour accroître le nombre de mineurs dans ses rangs. Cette formation a soutenu que tous les jeunes qu’elle recrutait et formait à l’usage des armes avaient au moins seize ans.
Réfugiés
Dix-huit demandeurs d’asile tibétains, dont huit mineurs, ont été renvoyés en Chine contre leur gré le 31 mai, malgré les appels lancés en leur faveur par la communauté internationale. Ils faisaient partie d’un groupe de 21 Tibétains qui avaient été appréhendés par la police en avril et s’étaient vu condamner à des peines d’emprisonnement allant jusqu’à dix mois pour être entrés clandestinement dans le pays.
Human Rights Watch a publié en septembre un rapport où elle dénonçait le système d’enregistrement en usage dans les camps regroupant les réfugiés bhoutanais de langue népalaise. Selon cette organisation, ce système établissait une discrimination à l’égard des femmes, les cartes de rationnement étant délivrées aux hommes. Cette politique privait les réfugiées d’un accès indépendant aux vivres, aux abris et aux produits de première nécessité et condamnait à de grandes difficultés celles qui tentaient d’échapper à un homme violent.
Surveillance de la situation des droits humains
Aucun mécanisme n’a été mis en place pour suivre l’application des dispositions relatives aux droits humains énoncées dans le code de conduite régissant le cessez-le-feu. La Commission nationale des droits humains a élaboré en mai un projet d’accord relatif aux droits humains, qui la mandatait pour mettre en place cinq bureaux régionaux chargés de surveiller la situation des droits humains avec l’assistance technique des Nations unies. Ce document a été présenté au gouvernement et au PCN maoïste, qui lui ont donné un accord de principe. Toutefois, à la fin de l’année, aucune des deux parties ne l’avait signé. La Commission nationale des droits humains a enquêté sur des violations du cessez-le-feu, notamment celles signalées dans les districts de Ramechhap, Panchthar, Siraha et Doti, et est parvenue à la conclusion que de graves atteintes au droit international relatif aux droits humains et au droit international humanitaire avaient été commises. En décembre, le gouvernement a mis sur pied un Centre de promotion des droits humains chargé de veiller au respect des droits fondamentaux. Certains craignaient que cet organisme ne remette en cause l’indépendance de la Commission nationale des droits humains.
Visites d’Amnesty International
Des délégués d’Amnesty International se sont rendus au Népal en juillet. Ils se sont entretenus avec des ministres et des médiateurs participant au processus de paix, ainsi qu’avec des responsables de la police et des forces de police armées. Les membres de la délégation ont déploré le fait que le chef de l’Armée royale népalaise et les dirigeants du PCN maoïste ne les aient pas rencontrés.
Autres document d’Amnesty International
Nepal : Widespread “disappearances” in the context of armed conflict (ASA 31/045/2003).