RÉPUBLIQUE ISLAMIQUE DU PAKISTAN
CAPITALE : Islamabad
SUPERFICIE : 803 940 km_
POPULATION : 153,6 millions
CHEF DE L’ÉTAT : Parvez Moucharraf
CHEF DU GOUVERNEMENT : Mir Zafar Ullah Khan Jamali
PEINE DE MORT : maintenue
CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES : ratifiée avec réserves
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES : non signé
Les violences interconfessionnelles ont connu une forte recrudescence au cours du second semestre, tout particulièrement dans les provinces du Sind et du Baloutchistan. Des centaines de personnes ont été arrêtées arbitrairement dans le contexte de la « guerre contre le terrorisme » menée par les États-Unis. Les autorités continuaient de fermer les yeux sur les violences perpétrées contre les femmes, les enfants et les membres de minorités religieuses. Des restrictions sévères ont été imposées à la liberté d’expression dans la province de la Frontière du Nord-Ouest, où les musiciens et les artistes ont été particulièrement pris pour cible. Au moins 278 personnes ont été condamnées à mort et huit ont été exécutées.
Contexte
Les modifications apportées en 2002 à la Constitution en vertu de l’Ordonnance sur le cadre juridique étaient une source de profonde préoccupation. Le président Parvez Moucharraf, qui était à la fois chef de l’État et chef d’état-major, conservait des pouvoirs étendus. Le gouvernement a mis à l’écart les principaux partis d’opposition et il n’a mené de négociations à propos de l’Ordonnance sur le cadre juridique qu’avec le Muttahida Majlis-e Amal (MMA, Conseil d’action uni), alliance regroupant des partis religieux d’opposition. Les pourparlers, entamés en juillet, n’ont pas abouti, le gouvernement n’ayant pas fixé la date à laquelle le président Moucharraf démissionnerait de sa fonction de chef d’état-major.
L’appareil judiciaire restait inefficace, particulièrement au niveau inférieur de juridiction, et exposé aux ingérences des instances politiques et à la corruption. En juin, le MMA a mis en application la charia (droit musulman) dans la province de la Frontière du Nord-Ouest et introduit un Code pénal conservateur rappelant celui appliqué par les talibans lorsqu’ils exerçaient le pouvoir en Afghanistan. Au cours de manifestations à Peshawar et dans la région, des partisans du MMA ont détruit des panneaux d’affichage sur lesquels étaient représentées des femmes, ce qui, affirmaient-ils, était « contraire à l’islam ». Les médias locaux et internationaux ont critiqué le MMA et des entreprises multinationales ont menacé dans un premier temps de retirer leurs investissements de la province si les autorités ne mettaient pas fin à ces agissements.
Le Pakistan, qui a accédé au statut de puissance nucléaire en mai 1998, a continué de procéder à des essais de missiles à courte et moyenne portée. En juin, un porte-parole du ministère des Affaires étrangères a affirmé que le programme du pays ne serait pas réduit. Une série d’essais nucléaires a eu lieu au mois d’octobre.
Violences interconfessionnelles
Au moins 76 personnes ont trouvé la mort au cours d’actes de violence interconfessionnelle perpétrés dans la plupart des cas par des tueurs non identifiés qui appartenaient, semble-t-il, à des groupes sectaires organisés.
En juin, à Quetta, des tireurs non identifiés ont ouvert le feu sur un véhicule, tuant 12 élèves policiers hazaras. Plusieurs enquêtes ont été ouvertes, mais elles étaient au point mort à la fin de l’année.
En juillet, au moins 50 fidèles chiites ont été tués et plus de 80 autres blessés à la suite d’une attaque contre une mosquée de Quetta. Une série de meurtres de sunnites et de chiites a suivi, notamment à Karachi. Aux mois d’août et de septembre, six sunnites et sept chiites ont trouvé la mort lors d’attentats ciblés à Karachi.
Les tensions se sont exacerbées en octobre après le meurtre d’Azam Tariq, un dignitaire sunnite abattu à Islamabad en même temps que son chauffeur et ses trois gardes du corps alors qu’il se rendait au Parlement. Ces actes n’ont pas été revendiqués.
Arrestations arbitraires
Le soutien du gouvernement à la « guerre contre le terrorisme » menée par les États-Unis a entraîné de nouvelles restrictions des garanties en matière de droits humains. Des centaines de personnes ont été arrêtées et expulsées en violation de la Loi de 1974 relative à l’extradition. Plus de 500 talibans ou membres présumés d’Al Qaïda ont été arrêtés arbitrairement et livrés aux autorités américaines ; parmi eux figuraient des Pakistanais et des étrangers, dont des Afghans et des ressortissants de plusieurs pays arabes.
_Khalid Sheikh Mohammad a été arrêté en février et livré aux autorités américaines au début du mois de mars. Ses deux jeunes fils - Yousaf al Khalid, neuf ans, et Abed al Khalid, sept ans -, qui avaient été placés en détention en septembre 2002 apparemment pour que leur père soit forcé de se rendre, auraient été transférés aux États-Unis en mars. La Central Intelligence Agency (CIA, Services de renseignements des États-Unis) et le gouvernement pakistanais ont démenti cette information. À la fin de l’année, on ignorait où se trouvaient les deux enfants.
Violence contre les femmes
Comme les années précédentes, des femmes et des jeunes filles ont été victimes de violence dans leur famille, dans la collectivité ou en détention. Les auteurs de ces agissements bénéficiaient toujours de l’impunité. Les femmes très pauvres et celles appartenant aux minorités religieuses risquaient tout particulièrement d’en être victimes. Selon l’organisation locale de défense des droits humains Lawyers for Human Rights and Legal Aid (Avocats pour les droits humains et l’assistance juridique), au moins 631 femmes et six jeunes filles ont été victimes d’un « crime d’honneur » durant les huit premiers mois de l’année. Environ la moitié des homicides ont été recensés dans la province du Sind. Beaucoup d’autres ont eu lieu au Baloutchistan et dans la province de la Frontière du Nord-Ouest, mais n’ont pas été signalés officiellement.
En septembre, Riasat Bibi a été tuée à Peshawar. Le père de cette femme a accusé son ex-fiancé. Les voisins pensaient toutefois que Riasat Bibi avait été tuée par ses proches car elle avait elle-même choisi son futur mari. Personne n’avait été arrêté pour ce meurtre à la fin de l’année.
Les conclusions de la Commission nationale sur le statut des femmes, qui avait été chargée du réexamen des lois discriminatoires annoncé en 2002, n’avaient pas été rendues publiques fin 2003.
Atteintes aux droits des enfants
Le gouvernement n’a pris aucune initiative pour faire en sorte que les membres de l’appareil judiciaire aient connaissance de l’Ordonnance de juillet 2000 relative à la justice pour mineurs. Contrairement à ce que prescrit cette dernière, des enfants ont continué à comparaître menottés et à être jugés par des magistrats non habilités à examiner leur cas. Des tribunaux ont en outre continué à condamner à mort des enfants, ce qui constituait une violation de ce texte et du droit international. Au mois de décembre 2001, le président Moucharraf avait annoncé la commutation des condamnations à la peine capitale prononcées contre des mineurs avant l’entrée en vigueur de l’Ordonnance. Pourtant, plusieurs enfants jugés avant cette date étaient toujours sous le coup d’une condamnation à mort.
En octobre, le Comité des droits de l’enfant des Nations unies a déploré que l’Ordonnance de juillet 2000 ne soit pas véritablement suivie d’effets et que des responsables de son application en ignorent l’existence. En effet, les autorités n’ont généralement pas respecté ses dispositions en matière d’arrestation, de jugement et d’incarcération des mineurs.
En septembre, une affaire d’exploitation sexuelle qui durait depuis plus de vingt ans a été dévoilée dans une école publique de Peshawar. Plusieurs enseignants et autres employés de l’établissement ont été accusés d’avoir prostitué des élèves qu’ils livraient aux clients d’un hôtel. Cinq membres du personnel de l’école, dont deux enseignants, ont été suspendus par les autorités responsables de l’éducation, mais la police n’a pris aucune mesure.
Restrictions à la liberté d’expression
Dans la province de la Frontière du Nord-Ouest, le gouvernement du MMA a introduit une série de mesures visant à restreindre la liberté d’expression qui, dans la pratique, ont empêché les musiciens et les artistes de se produire en public. La police aurait ordonné la fermeture des volets de tous les magasins vendant des instruments de musique afin que ceux-ci ne soient pas visibles depuis la rue. Les balakhanas (lieux de rencontre pour les musiciens) du bazar de Dabgari, à Peshawar, ont été arbitrairement fermés. Des dizaines de musiciens qui avaient des boutiques dans ce quartier ont été directement affectés par cette mesure. Plusieurs artistes se sont plaints d’avoir été harcelés, arrêtés et mis à l’amende par la police pour avoir joué de la musique.
_Fazal Wahab Wahab, un habitant de Mingora (district de Swat), dans la province de la Frontière du Nord-Ouest, a été abattu en janvier par des inconnus en raison, semble-t-il, de ses écrits politiques. Des observateurs locaux pensaient que cet homme avait été tué car il avait rédigé plusieurs ouvrages dans lesquels il critiquait le rôle des religieux au Pakistan. Selon certaines sources, la police connaissait les tueurs, mais n’a pris aucune mesure contre eux.
Discrimination religieuse
Comme les années précédentes, la Loi relative au blasphème a été utilisée abusivement pour emprisonner des personnes du fait de leurs croyances, ce qui a contribué à encourager la violence à motivation religieuse. Le président Moucharraf avait annoncé, dans le courant de l’année 2001, des modifications du texte qui devaient en limiter les abus potentiels. Les partis et groupes religieux s’étant opposés avec véhémence à cette initiative, les autorités avaient rapidement renoncé à la modification et la loi a continué d’être utilisée abusivement pour régler toutes sortes de conflits personnels.
_En février, Mushtaq Zafar a été abattu par deux tueurs non identifiés ; il revenait de la haute cour qui l’avait remis en liberté sous caution dans le cadre d’une procédure pour blasphème engagée contre lui par ses voisins. En novembre 2001, à la suite d’un différend avec ces derniers, sa maison avait été incendiée et il avait été la cible de tirs qui avaient causé la mort d’un de ses amis. Les voisins ont été arrêtés pour meurtre ; la procédure n’était pas terminée à la fin de l’année. Toutefois, selon le fils de Mushtaq Zafar, les proches des voisins avaient exercé des pressions sur son père afin qu’il retire sa plainte et l’accusation de blasphème formulée contre lui visait à l’intimider. Des proches et des amis des voisins auraient écrit à des chefs religieux pour exiger la mort de Mushtaq Zafar.
Torture, mauvais traitements et morts en détention
La torture et les mauvais traitements dans les postes de police et les prisons sont restés monnaie courante et les responsables n’ont que rarement eu à rendre compte de leurs actes. Plusieurs personnes sont mortes en détention.
_En mai, Nasim Bibi a été accusée, en vertu de la Loi sur le blasphème, d’avoir profané le Coran. Dans un premier temps, elle a été mise en liberté sous caution par la haute cour de Lahore, avant d’être à nouveau placée en détention. Elle est morte, en août, dans la prison de Kot Lakhpat à Lahore, où Yousuf Ali, également accusé de blasphème et maintenu à l’isolement, était mort en 2002. Nasim Bibi, qui était asthmatique, aurait été privée de soins médicaux pendant sa détention. La Commission des droits humains du Pakistan a réclamé l’ouverture d’une enquête sur les circonstances de la mort de cette femme. Le directeur adjoint de la prison a affirmé que Nasim Bibi souffrait d’une maladie cardiaque antérieure à sa détention et qu’elle avait succombé à un infarctus.
Peine de mort
Au moins 278 condamnations à mort ont été prononcées, portant à plus de 5 700 le nombre total de personnes sous le coup d’une sentence capitale à la fin de l’année. Huit prisonniers au moins ont été exécutés. Les difficultés rencontrées pour établir l’âge des détenus ne permettaient pas de connaître le nombre réel de mineurs sous le coup d’une condamnation à mort. Dans la seule province du Pendjab, on estimait que l’âge des condamnés à mort avait été contesté dans plus de 300 cas.
Visites d’Amnesty International
Des délégués d’Amnesty International se sont rendus au Pakistan en juin et en juillet.
Autres documents d’Amnesty International
Pakistan : Denial of basic rights for child prisoners (ASA 33/011/2003).