Kénya

République du Kenya
CAPITALE : Nairobi
SUPERFICIE : 582 646 km²
POPULATION : 32,4 millions
CHEF DE L’ÉTAT et du GOUVERNEMENT : Mwai Kibaki
PEINE DE MORT : abolie en pratique
COUR PÉNALE INTERNATIONALE : Statut de Rome signé
CONVENTION SUR LES FEMMES : ratifiée
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR LES FEMMES : non signé

Les femmes, les jeunes filles et les fillettes continuaient d’être victimes de violences au foyer, dans leur ville ou leur village, ou en détention. Des informations ont à nouveau fait état d’actes de torture et de mauvais traitements infligés par des policiers. Des cas de recours excessif à la force et de coups de feu tirés arbitrairement par la police ont également été signalés. Les conditions de détention s’apparentaient souvent à un traitement cruel, inhumain ou dégradant. Cette année encore, des condamnations à la peine capitale ont été prononcées.

Contexte

La Conférence constitutionnelle nationale a achevé ses travaux en mars. Malgré la recherche d’un consensus, le processus permettant l’entrée en vigueur de la nouvelle Constitution s’est enlisé à maintes reprises. Parmi les points litigieux figuraient les chapitres relatifs à la structure du pouvoir exécutif, aux transferts d’autorité et au domaine judiciaire. L’adoption de ce texte fondamental, prévue initialement pour le 30 juin, a de nouveau été reportée, ce qui a déclenché des manifestations dans l’ensemble du pays et généré un climat d’hostilité envers le gouvernement. Le Kenya était toujours en attente d’une nouvelle Constitution fin 2004.
Des membres de l’ancien parti au pouvoir, la Kenya African National Union (KANU, Union nationale africaine du Kenya), ont été rappelés dans les rangs de l’exécutif à l’occasion d’un remaniement visant à constituer un gouvernement d’unité nationale pour remplacer l’équipe actuelle, dont les membres appartenaient tous à la National Rainbow Coalition (NARC, Coalition nationale Arc-en-Ciel). Le président du Forum for Restoration of Democracy-People (FORD-People, Forum pour le rétablissement de la démocratie - Branche populaire) s’est vu attribuer un portefeuille ministériel. La NARC, coalition regroupant 14 partis politiques différents, est arrivée au pouvoir à l’issue des élections de décembre 2002.
La police a déployé des efforts considérables pour lutter contre le nombre élevé de crimes violents enregistrés dans l’ensemble du pays, commis pour une grande part à l’aide d’armes à feu illégales. En mars, les hauts responsables de la force publique ont été soumis à une réorganisation complète et la direction de la police a présenté un plan stratégique de mise en place de réformes sur cinq ans.
En juillet, la Commission d’enquête mise en place afin d’étudier la répartition illégale ou anormale des terres a remis son rapport aux autorités. Après que l’opinion en eut exprimé la demande, le contenu de ce document a été publié en décembre. En septembre, des policiers ont recouru au gaz lacrymogène pour disperser une manifestation de Masaïs qui protestaient contre la perte de leur territoire durant l’époque coloniale. Plusieurs manifestants ont été arrêtés et l’un d’entre eux a été abattu par la police.
En octobre, Wangari Maathai, militante écologiste et fondatrice du Green Belt Movement (Mouvement de la ceinture verte), a reçu le prix Nobel de la paix pour sa contribution à la démocratie et au développement durable. Actuelle secrétaire d’État à l’Environnement, Wangari Maathai avait été victime de violences infligées par la police antiémeute dans les années 90, et maintes fois incarcérée à cause de son rôle clé dans certaines campagnes contre la déforestation et divers projets immobiliers.
Le procès de trois hommes inculpés du meurtre de 15 personnes qui avaient été tuées dans l’attentat à la bombe perpétré, en 2002, contre l’hôtel de Mombasa, se poursuivait à la fin de l’année. Les accusés ont renouvelé, en novembre, leur demande de mise en liberté sous caution. Ils ont allégué que rien ne leur garantissait qu’ils seraient jugés dans un délai raisonnable, dans la mesure où l’accusation avait sollicité une suspension d’audience. Leur demande a été rejetée.
De nouvelles personnes ont été arrêtées lors d’opérations de lutte contre le « terrorisme ». Le procureur général a annoncé, au mois de septembre, qu’une nouvelle version du projet de loi de 2003 relatif à la répression du terrorisme était en cours d’élaboration, afin de tenir compte des observations des organisations nationales et internationales de défense des droits humains.
Le Conseil de sécurité des Nations unies s’est réuni les 18 et 19 novembre à Nairobi. Ce n’est que la quatrième fois depuis 1952 que le Conseil se réunit dans son intégralité, pour une séance officielle, en dehors de son siège new-yorkais.

Violences contre les femmes

Malgré les actions entreprises par les autorités et par les organisations issues de la société civile, les violences contre les femmes, qu’elles soient commises par des représentants de l’État ou des particuliers, demeuraient monnaie courante.
Margaret Muthoni Murage était enceinte de six mois lorsqu’elle a été arrêtée, le 4 mai, à Nairobi. Accusée d’avoir volé des bijoux en or chez son employeur, cette jeune femme de dix-sept ans a été conduite au poste de police pour y être interrogée. Lorsque des délégués d’Amnesty International lui ont rendu visite dans sa prison, environ deux semaines plus tard, elle leur a expliqué que l’un des policiers l’avait frappée à de nombreuses reprises et lui avait donné des coups de pied dans les flancs. Il l’avait également projetée, ventre en avant, contre un mur, avant de la traîner sous un bureau. Margaret Muthoni Murage a ensuite été raccompagnée dans sa cellule. Peu de temps après, elle a perdu son enfant alors qu’elle se trouvait encore au poste de police. Fin 2004, aucune mesure n’avait été prise contre le policier en cause.
Des femmes et des jeunes filles ont été victimes de violences domestiques, d’agressions sexuelles, de viols (qui concernaient aussi de jeunes enfants), d’incestes, de mariages forcés et de mutilations génitales. Des viols collectifs ou commis lors de vols qualifiés, de vols avec effraction ou de vols de voiture occupée ont été signalés à de nombreuses reprises. Un nombre élevé de femmes et de jeunes filles ont été violées et assassinées. Entre janvier et août, la police a enregistré 1 895 affaires de viol, mais de nombreux autres cas ne lui ont pas été signalés. En 2003, on dénombrait 2 308 viols déclarés à la police. Une enquête sanitaire et démographique sur le Kenya, publiée en août, a révélé que plus de la moitié des femmes avaient subi des violences depuis leur quinzième anniversaire. L’étude indiquait que, dans 60 p. cent des cas, leur conjoint était l’auteur de ces violences.
D’après les associations de défense des droits des femmes, la faiblesse du nombre de condamnations dans les affaires de crimes sexuels s’expliquait par le manque de policiers et de magistrats spécifiquement formés dans ce domaine, mais aussi par la difficulté à conserver les preuves médicolégales d’un viol. Les établissements publics chargés de prendre en charge les victimes étaient inadaptés et n’offraient ni possibilité d’hébergement ni soutien psychologique. De plus, les personnes violées ne recevaient aucun traitement prophylactique post-exposition contre les maladies sexuellement transmissibles.
Les autorités ont annoncé l’adoption de plusieurs mesures pour lutter contre les violences à l’égard des femmes, notamment la création d’une unité spéciale chargée des crimes sexuels au sein du bureau du procureur général. De plus, un poste de police réservé aux femmes (celui de Kilimani, à Nairobi) a été mis en place. Il traite exclusivement les affaires de viol, les violences domestiques et les mauvais traitements infligés aux enfants. Au mois d’octobre, la Kenya Women Parliamentary Association (KEWOPA, Association des députées du Kenya) a soutenu une requête qui autoriserait le gouvernement à pratiquer la castration chimique sur les auteurs de viols. Cette question n’avait encore donné lieu à aucun débat à la fin de l’année.

Torture

De nombreuses plaintes faisaient état d’actes de torture et de mauvais traitements infligés à des détenus par des policiers. Bien que la loi ait été modifiée en 2003 afin d’interdire, lors de poursuites pénales, l’utilisation d’« aveux » recueillis sous la contrainte comme éléments de preuve, des pratiques s’apparentant à des actes de torture étaient toujours appliquées comme moyens d’enquête ou pour obtenir des « aveux ». Les autorités n’ont pas procédé à des enquêtes exhaustives et immédiates à la suite des plaintes déposées pour torture.
Les 24 et 25 janvier, sept suspects ont été torturés au poste de police de Matunda, dans le district de Lugari. Ils ont comparu devant le tribunal de Kitale le 30 janvier. Au vu de leur état, le juge a demandé que des soins médicaux leur soient immédiatement dispensés. Une plainte pour torture a été déposée auprès du service de police compétent. Aucune action n’avait été entreprise contre les policiers incriminés fin 2004.

Utilisation illégale d’armes à feu par des policiers

Des agents de la force publique ont utilisé des armes à feu selon des modalités très éloignées de celles autorisées par les normes internationales en matière de droits humains, que ce soit dans le cadre de la lutte contre la délinquance ou pour disperser des manifestations. Les informations recueillies faisaient état de plusieurs cas de recours excessif à la force et d’homicides perpétrés par des policiers dans des circonstances controversées.
Le 7 juillet, des policiers de la ville de Kisumu ont tiré à balles réelles sur des manifestants non armés qui protestaient contre le retard pris dans l’adoption de la nouvelle Constitution. La police a tué une personne et en a blessé grièvement au moins dix autres. Elle a également procédé à plusieurs interpellations.

Conditions carcérales et morts en détention

Malgré l’adoption de quelques réformes, les conditions de détention demeuraient très dures. La surpopulation chronique entraînait toujours de graves difficultés. On estimait qu’au moins 50 000 personnes étaient incarcérées dans les 92 prisons du pays, prévues pour accueillir un maximum de 19 000 détenus. Le manque d’hygiène élémentaire et de nourriture et l’absence d’installations sanitaires s’apparentaient à un traitement cruel, inhumain et dégradant. Des gardiens de prison, en effectifs insuffisants et sans formation adaptée, ont fait un usage excessif de la force pour maîtriser des détenus. Plusieurs personnes seraient mortes en détention à la suite de mauvais traitements.
Cinq détenus sont morts le 26 septembre dans la prison de Meru. D’après l’autopsie, ils ont succombé à des traumatismes causés par un instrument contondant et leurs corps présentaient de nombreuses lésions au niveau des tissus mous. Ils auraient reçu ce même jour des coups de pied et de matraque, surtout sur la tête et aux articulations. Ils auraient ensuite été contraints de passer la nuit dans une petite cellule avec 18 autres détenus. Ils ont été retrouvés morts le lendemain matin. Quarante-cinq détenus seraient morts dans des circonstances suspectes dans la prison de Meru au cours des neuf premiers mois de l’année, dont 14 durant le seul mois de septembre. Le tribunal de Meru a ouvert des enquêtes pour rechercher les causes des décès survenus le 26 septembre.

Peine de mort

Des peines de mort ont, cette année encore, été prononcées. Le Kenya n’a toutefois procédé à aucune exécution depuis 1986. La révision de la Constitution aurait pu être l’occasion d’abolir la sentence capitale dans le pays ; toutefois, le projet de constitution n’évoquait nullement cette éventualité. Cent un condamnés ont été remis en liberté sur décision de justice à la suite d’une erreur de procédure. Cette décision a été contestée, la législation prévoyant que les personnes sous le coup d’une condamnation à la peine capitale ne peuvent être libérées qu’après un jugement de la Cour d’appel ou une mesure de grâce présidentielle.
D’après des statistiques provenant de la prison de sécurité maximale de Kamiti (à Nairobi), il y avait, en juin, 946 prisonniers condamnés à mort. Parmi eux, 66 étaient en attente d’une grâce présidentielle après avoir usé de toutes les voies de recours, et 880 avaient interjeté appel de leurs peines.

Visites d’Amnesty International

Des délégués de l’organisation se sont rendus au Kenya en mai et en juin pour y mener des recherches.

Autres documents d’Amnesty International

. Kenya : Memorandum to the Kenyan Government on the Suppression of Terrorism Bill 2003 (AFR 32/003/2004).
. Kenya. Le gouvernement devrait mener une enquête exhaustive sur les décès en détention survenus récemment dans le district de Meru (AFR 32/006/2004).

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