République d’Indonésie
CAPITALE : Djakarta
SUPERFICIE : 1 919 445 km²
POPULATION : 222,8 millions
CHEF DE L’ÉTAT et du GOUVERNEMENT : Susilo Bambang Yudhoyono
PEINE DE MORT : maintenue
COUR PÉNALE INTERNATIONALE : Statut de Rome non signé
CONVENTION SUR LES FEMMES : ratifiée avec réserves
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR LES FEMMES : signé
Bien que la situation se soit améliorée dans la province de l’Aceh (Nanggroe Aceh Darussalam) après la signature d’un accord de paix entre le gouvernement et le Gerakan Aceh Merdeka (GAM, Mouvement pour l’Aceh libre), l’impunité caractérisant les graves atteintes aux droits humains restait un motif de préoccupation. Dans la province de Papouasie, des cas de torture et de placements en détention arbitraires étaient signalés. La police a fait usage d’une force excessive pour disperser des manifestations en divers endroits du pays et les cas de mauvais traitements dans les lieux de détention et les cellules des postes de police étaient courants. Deux personnes, peut-être davantage, ont été passées par les armes et au moins dix autres ont été condamnées à mort. La liberté d’expression demeurait extrêmement limitée et au moins 18 personnes ont été placés en détention pour avoir critiqué le gouvernement.
Contexte
Pour la première fois, c’est un Indonésien qui a préside la session annuelle de la Commission des droits de l’homme [ONU], à Genève. Au mois de septembre, le Parlement a pris les mesures nécessaire pour approuver la ratification du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.
Divers groupes religieux minoritaires ont été la cible de menaces. Des attaques ont visé des membres de la communauté ahmadie, les poussant parfois à fuir. Le Jaringan Islam Liberal (Réseau de l’islam libéral) a également été visé et plusieurs églises chrétiennes ont dû fermer à Java. Aux Moluques et dans la province de Sulawesi-Centre, les tensions ethniques et religieuses ont continue d’entraîner des violences.
Le 1er octobre, des attentats à la bombe ont fait 23 morts à Bali.
Nanggroe Aceh Darussalam
Le 15 août, un protocole d’accord signé par le gouvernement et le GAM a fixé un cadre permettant de sortir pacifiquement du conflit qui avait éclaté en Aceh vingt-neuf ans plus tôt. Plus de 200 observateurs de l’Union européenne et de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE) ont été déployés pour veiller au respect de l’accord. À la fin de l’année, plus de 30 000 policiers et militaries avaient quitté la province et la quatrième phase du désarmement du GAM était terminée. Il existait un espoir de voir aboutir le processus de paix. La préparation des élections locales était bien avancée.
En janvier, pour la première fois depuis la déclaration de la loi martiale en mai 2003, des observateurs de la situation des droits humains, des organisations humanitaires et des journalistes ont été autorisés à se rendre en Aceh. Bien qu’essentiellement limitée aux zones sinistrées par le tsunami de 2004, leur présence contribuait à renforcer le sentiment de sécurité dans la province.
Au mois de mai, dans le cadre des efforts du gouvernement pour reconstruire et redresser le pays après le raz-de-marée, l’état d’urgence civil a été requalifié en retour à l’ordre civil, avec toutefois peu de changement concret puisque les opérations militaires se sont poursuivies. L’accord de paix a toutefois permis une amélioration significative de la situation des droits humains.
Malgré les efforts humains et financiers considérables investis dans la reconstruction, le fait que les organisations d’aide humanitaire ne consultaient pas la population locale et étaient mal coordonnées a suscité de très nombreuses critiques. En novembre, plus de 130 000 personnes étaient encore hébergées sous des tentes ou dans des baraquements, dans l’attente d’un logement définitif. On pouvait craindre que les besoins élémentaires d’une majorité d’entre elles ne soient pas satisfaits.
En août, plus de 1 400 prisonniers politiques et au moins deux militants des droits humains incarcérés en Aceh et à Java ont bénéficié de l’amnistie accordée aux combattants présumés du GAM et à leurs partisans. En octobre, des observateurs notaient avec inquiétude qu’au moins 115 membres du GAM n’avaient pas été libérés. Durant les périodes d’état d’urgence militaire puis civil, des militants et des sympathisants présumés du GAM ont été jugés sans pouvoir bénéficier d’un procès équitable. De nombreux prévenus n’ont pas pu consulter normalement un avocat et ont été condamnés sur la base d’« aveux » qui auraient été extorqués sous la torture.
D’après les organisations locales de défense des droits humains, 80 civils ont été tués uniquement pendant l’état d’urgence civil (mai 2004 - mai 2005) : trois ont été torturés à mort, 64 ont été assassinés, six ont été enlevés et tués et sept ont été tués au cours d’échanges de coups de feu. Amnesty International craignait que les violations des droits humains commises dans le passé ne soient pas sanctionnées et que l’impunité ne compromette les chances d’une paix durable. Le protocole d’accord prévoyait la création d’un tribunal spécial chargé de traiter les atteintes aux droits humains, mais le gouvernement a annoncé que cette instance ne serait pas compétente pour juger les affaires passées.
Papouasie
Au mois de mars, l’armée a annoncé qu’elle comptait adjoindre 15 000 soldats aux troupes stationnées en Papouasie. D’aucuns craignaient que de nouvelles violations des droits humains ne soient perpétrées dans cette province. Selon certaines informations, des centaines de soldats ont été envoyés en renfort à Merauke en octobre. On craignait également que les troupes retirées de l’Aceh ne soient redéployées dans la province de Papouasie.
Les restrictions sévères qui régissaient l’entrée en Papouasie des observateurs internationaux, ainsi que le harcèlement et les actes d’intimidation visant les militants locaux, entravaient la surveillance indépendante de la situation des droits humains. Au moins deux indépendantistes pacifiques ont été condamnés à de longues peines d’emprisonnement. Des cas d’arrestations arbitraires, de torture et de mauvais traitements ont été signalés.
En avril, les prisonniers d’opinion Yusak Pakage et Filep Karma ont été condamnés respectivement à dix et quinze ans d’emprisonnement pour avoir hissé le drapeau papou en décembre 2004. Les deux homes ont été incarcérés à Djayapura, en Papouasie. À la fin de l’année 2005, ils avaient formé un appel devant la Cour suprême.
Législation en matière de sécurité
Entre avril et juin, au moins 64 civils ont été arêtes aux termes de la Loi relative à la lutte contre les actes de terrorisme. Cette loi, qui comportait une définition trop large des actes de « terrorisme », prévoyait le maintien en détention jusqu’à six mois sans réexamen par une autorité judiciaire et autorisait en outre la peine capitale, demeurait un sujet de préoccupation. Selon certaines informations, au moins 36 de ces civils avaient fait l’objet d’une arrestation arbitraire et quatre avaient subi des mauvais traitements.
En juin, quatre paysans - Jumaedi, Jumeri, Mastur Saputra et Sutikno - interpellés pour leur rôle présumé dans un attentat à la bombe perpétré en mai à Tentena, dans le district de Sulawesi, auraient été battus durant l’interrogatoire policier. Une enquête interne a été lancée, mais Amnesty International redoutait qu’elle n’aboutisse pas à des poursuites en bonne et due forme contre les responsables.
Recours excessif à la force
À de multiples reprises, des membres de la police ont fait un usage excessif de la force, y compris contre des manifestants et des détenus.
En septembre, 37 personnes auraient été blesses par les tirs de policiers lors du rassemblement d’environ 700 paysans à Tanak Awuk, sur l’île de Lombok. Cette réunion avait été organisée pour célébrer la Journée nationale des paysans et discuter de problèmes fonciers. La police a déclaré avoir riposté à des attaques. En octobre, la Commission nationale des droits humains a dépêché une équipe sur place pour enquêter sur l’incident.
Torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants
Une enquête conduite par une organisation non gouvernementale indonésienne a montré que plus de 81 p. cent des personnes arrêtées entre janvier 2003 et avril 2005 et détenues au centre de détention de Salemba ou dans les prisons de Cipinang et Pondok Bambu - trois établissements situés à Djakarta - avaient été torturés ou maltraités. Ces violences avaient eu lieu durant l’interrogatoire dans 64 p. cent des cas, mais aussi au moment de l’arrestation (43 p. cent) ou pendant la détention (25 p. cent).
Pour la douzième année consécutive, la requête adressée par le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture en vue d’effectuer des recherches dans le pays a été rejetée.
Au moins 29 hommes reconnus coupables d’avoir joué de l’argent, et deux femmes, ont subi la peine de fustigation prévue par la charia (droit musulman), en vigueur dans la province de l’Aceh.
Impunité
Les tribunaux chargés de juger les violations des droits humains n’ont pas pu traduire en justice les auteurs d’atteintes graves aux droits fondamentaux, notamment celles commises à Tanjung Priok, au Timor-Leste et à Abepura.
Dans un rapport présenté au Conseil de sécurité des Nations unies, la commission d’experts nommée par le secrétaire général de l’ONU pour examiner les procédures ouvertes après les violations graves des droits humains perpétrées en 1999 au Timor-Leste (ex-Timor oriental) concluait que les poursuites judiciaires engagées devant le tribunal spécial des droits humains pour le Timor-Leste étaient « manifestement » inadéquates, que ce soit sur le plan des enquêtes, des instructions ou des procès. La commission a également signalé que certaines dispositions figurant dans le mandat de la Commission vérité et amitié, que les gouvernements d’Indonésie et du Timor-Leste avaient officiellement constituée en mars pour faire la lumière sur les événements de 1999, étaient « incompatibles avec les normes internationales qui refusent de laisser impunis les crimes graves ». Elle précisait en particulier que la Commission vérité et amitié ne devait pas amnistier les crimes de génocide, les crimes contre l’humanité et les autres violations graves des droits humains. Malgré ces critiques, la Commission vérité et amitié s’est mise en place en août sans que son mandat soit modifié de manière appropriée.
En juillet, une décision du tribunal des droits humains à Djakarta a été annulée en appel. Il s’agissait de la condamnation de 12 officiers accuses d’avoir placé en détention, torturé et tué des manifestants musulmans à Tanjung Priok (Djakarta) en 1984. Personne n’a eu à répondre de ces crimes.
En septembre, deux policiers accusés d’être responsables, de par leurs fonctions hiérarchiques, de la mort de trois personnes et des tortures infligées à de nombreuses autres à Abepura (Papouasie), en 2000, ont été acquittés par le tribunal des droits humain à Makassar. Les victimes n’ont pas eu droit à des réparations. L’enquête initiale avait été entachée d’allégations concernant des intimidations de témoins. La procédure avait accumulé les retards durant l’instruction et le procès proprement dit. Les victimes et leurs familles ont fait appel.
Les enquêtes sur d’autres violations des droits humains sont restées au point mort. Le rapport de la Commission nationale des droits humains, soumis au procureur général en septembre 2004 et laissant entendre que les forces de sécurité avaient perpétré des crimes contre l’humanité à Wasior, en juin 2001, et à Wamena, en avril 2003, n’avait pas été suivi d’effet en 2005.
Liberté d’expression
Au moins 19 personnes ont été condamnées à des peines d’emprisonnement en raison de leurs seules opinions ou convictions ; trois autres, condamnées avant 2005, demeuraient incarcérées. Il s’agissait de militants politiques et indépendantistes pacifiques, de membres de minorités religieuses, d’étudiants et de journalistes. Des actions en diffamation ont également été intentées contre des militants des droits humains, en guise d’avertissement à toute la communauté des défenseurs des droits fondamentaux.
En septembre, le tribunal de district d’Indramayu (Java occidental) a condamné Rebekka Zakaria, Eti Pangesti et Ratna Bangun à une peine de trois ans d’emprisonnement chacune pour non-respect de la Loi de 2002 relative à la protection de l’enfance. Ces prisonnières d’opinion étaient accusées par le Conseil indonésien des oulémas d’avoir incité des enfants à participer à une classe du dimanche pour tenter de les convertir au christianisme. Le procès a été perturbé par les menaces de mort que des islamistes ont proférées contre les prévenues à l’intérieur et à l’extérieur de la salle d’audience. En novembre, la Haute Cour a confirmé la sentence.
Peine de mort
Au moins dix personnes ont été condamnées à mort - dont deux pour des accusations liées au terrorisme - ce qui portait à 82 au moins le nombre de prisonniers officiellement sous le coup d’une sentence capitale. Au moins une femme, Astini, et un homme, Turmudi bin Kasturi, ont été passés par les armes. Tous les deux avaient été reconnus coupables de meurtre
Violences contre les femmes
Les organisations de femmes ont fait part de leur inquiétude au sujet de la non-application de la Loi 23/2004 sur l’élimination de la violence domestique. En novembre, la Commission nationale sur la violence contre les femmes a indiqué que cette loi n’avait pas contribué à faire baisser les chiffres de la violence domestique et que le manque de clarté de ses définitions et de ses textes d’application empêchait qu’elle soit pleinement mise en œuvre par la police et la justice indonésiennes.
Autres documents d’Amnesty International
– Recommendations to the Government of Indonesia on the occasion of the election of Ambassador Makarim Wibisono as Chair of the United Nations Commission on Human Rights (ASA 21/001/2005).
– Indonésie. Le rôle des droits humains au lendemain du tremblement de terre et du tsunami. Exposé à l’attention des membres du groupe consultatif sur l’Indonésie (19 - 20 janvier 2005) (ASA 21/002/2005).
– A briefing for EU and ASEAN countries concerning the deployment of the Aceh Monitoring Mission to Nanggroe Aceh Darussalam Province (ASA 21/017/2005).