AUTORITÉ PALESTINIENNE


Les violences entre factions au sein de l’Autorité palestinienne et de ses forces de sécurité, ainsi qu’entre groupes politiques et groupes armés, ont entraîné une dégradation de la situation sur le plan de la sécurité en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Les groupes armés ont multiplié les affrontements, les attaques et les enlèvements, et de nombreux Palestiniens ont été tués dans un climat d’anarchie grandissante. Les Israéliens tués par des groupes armés palestiniens ont été moins nombreux que les années précédentes. L’impunité restait généralisée, les forces de sécurité palestiniennes étant réticentes à agir - lorsqu’elles en avaient la possibilité - pour empêcher homicides et attaques et appréhender leurs auteurs présumés. Des membres des forces de sécurité palestiniennes ont également participé à des attaques et à des enlèvements, entre autres violences. Cinq Palestiniens reconnus coupables de meurtre ont été exécutés, ce qui a mis fin à un moratoire
de facto sur les exécutions observé depuis trois ans.

Contexte
Après l’élection, en janvier, du président Mahmoud Abbas, les groupes armés palestiniens ont accepté d’observer pour une durée indéterminée une trêve Durant laquelle ils s’abstiendraient d’attaquer des Israéliens. Les autorités israéliennes ont, pour leur part, annoncé la suspension des attaques visant des Palestiniens dans les territoires occupés. Les deux camps ont toutefois continue de mener des attaques, mais celles-ci ont été moins nombreuses que dans les années qui ont suivi le déclenchement de l’Intifada (soulèvement) d’Al Aqsa, en 2000. Quelque 190 Palestiniens, dont une cinquantaine d’enfants, ont été tués en 2005 par les forces de sécurité israéliennes, illégalement dans la plupart des cas (voir Israël et territoires occupés). Des membres de groupes armés palestiniens ont tué 50 Israéliens - essentiellement des civils, parmi lesquels figuraient six enfants - dans les territoires occupés et en Israël. La plupart de ces attaques ont été revendiquées par les Brigades des martyrs d’Al Aqsa (groupe issu du Fatah) et par le Djihad islamique. Des centaines de Palestiniens et d’Israéliens ont été blessés lors des attaques perpétrées par l’un et l’autre camp. Des groupes armés palestiniens ont également procédé, depuis la bande de Gaza, à des tirs de mortier visant des localités israéliennes voisines.
Aux mois d’août et de septembre, Israël a évacué ses 8 000 colons et l’ensemble de ses troupes de la bande de Gaza. L’armée israélienne conservait toutefois le contrôle de l’espace aérien, des eaux territoriales et des frontières terrestres de Gaza. De septembre à novembre, Israël a fermé le point de passage de Rafah, à la frontière égyptienne, seul passage permettant aux Palestiniens de quitter la bande de Gaza ou d’y rentrer.
Comme les années précédentes, les barrages routiers et les sévères restrictions qu’imposait l’armée israélienne dans toute la Cisjordanie limitaient, voire interdisaient l’accès des Palestiniens aux soins médicaux, aux terres et aux lieux de travail ou d’étude. Les soldats israéliens ont en outre mené de nombreux raids contre des villes et villages palestiniens. L’accélération de la construction du mur/barrière de séparation, qui devait s’étendre sur 600 kilomètres, et de postes de contrôle en Cisjordanie, notamment à Jérusalem-Est, isolait les villes et les villages les uns des autres. Ces restrictions empêchaient la reprise économique et provoquaient une hausse du taux de chômage ainsi qu’une extrême pauvreté en Cisjordanie et dans la bande de Gaza ; plus de la moitié des Palestiniens dépendaient de l’aide internationale.
Les élections municipales, qui avaient débuté en 2004, se sont déroulées dans plusieurs localités de Cisjordanie et de Gaza. Le scrutin législatif prévu pour le mois de juillet a été reporté à janvier 2006.

Aggravation du chaos et impunité
L’Autorité palestinienne a pris des mesures en vue de réformer ses services de sécurité, dont les infrastructures avaient été régulièrement prises pour cible et en grande partie détruites par l’armée israélienne au cours des années précédentes. En avril, le président Mahmoud Abbas a remplacé plusieurs responsables de ces services, mais les institutions chargées de la sécurité et de la justice, en proie à des luttes de factions et de pouvoir, n’étaient guère en état de fonctionner et étaient réticentes à agir, lorsqu’elles en avaient la possibilité, pour rétablir l’ordre. Les rares tentatives des forces de sécurité pour tenir tête aux groupes armés politiques et criminels entraînaient systématiquement des affrontements dans lesquels les premières étaient souvent contraintes de battre en retraite. Plusieurs responsables de l’Autorité palestinienne ont été attaqués par des membres de groupes armés. Dans certains cas, des agents des forces de sécurité ont participé à des attaques et à des exactions aux côtés de groupes armés. Certains des auteurs de ces agissements ont indiqué qu’ils entendaient ainsi réclamer des réformes de l’Autorité palestinienne et l’instauration de l’obligation pour celle-ci de rendre compte de ses actes. Comme les années précédentes, l’armée israélienne empêchait les forces de sécurité palestiniennes d’intervenir dans la plus grande partie de la Cisjordanie, notamment en leur interdisant d’être présentes ou de porter les armes dans de nombreux secteurs. Estimant que les forces de sécurité et les institutions judiciaires palestiniennes étaient incapables de traiter leurs plaintes, ou se montraient réticentes à le faire, de nombreux Palestiniens sollicitaient la protection ou la médiation des groupes armés pour régler leurs problèmes.
La prolifération des groupes armés, l’absence d’état de droit et l’impunité systématique renforçaient le climat d’insécurité. Les affrontements entre groupes armés et forces de sécurité, de même que l’utilisation inconsidérée d’armes et d’engins explosifs par des membres de groupes armés, ont tué de nombreuses personnes qui se trouvaient simplement sur les lieux des événements, notamment des enfants. Les tirs de mortier palestiniens visant des localités israéliennes manquaient souvent leur cible et touchaient des zones d’habitation de la bande de Gaza. Les groupes armés continuaient d’utiliser des enfants pour perpétrer des attaques et transporter des armes ou des explosifs. Plusieurs jeunes Palestiniens ont été arrêtés par l’armée israélienne qui les soupçonnait d’avoir participé à de telles activités. Les principaux groupes armés désapprouvaient, semble-t-il, l’utilisation d’enfants et certains d’entre eux imputaient ces agissements à des initiatives de cellules locales.
Quatre personnes au total - un responsable de la police palestinienne, un membre des forces de sécurité et deux passants - ont trouvé la mort, le 2 octobre, lors d’affrontements armés entre forces de sécurité palestiniennes et membres du Hamas à Gaza, d’une part, et d’une attaque menée par Al Jaish al Shaabi (L’Armée populaire), groupe inconnu jusqu’alors, à Khan Younis, une ville du sud de la bande de Gaza, d’autre part. Les affrontements ont éclaté alors que les forces de sécurité palestiniennes tentaient de faire appliquer un arête pris par l’Autorité palestinienne et interdisant aux membres des groupes armés de porter les armes dans les zones habitées. Plusieurs passants, ainsi que des dizaines de partisans du Hamas et d’agents des forces de sécurité, ont également été blessés.

Enlèvements
Plus de 20 Palestiniens et étrangers, notamment des journalistes et des employés d’organisations humanitaires, ont été enlevés par des Palestiniens armés dans la bande de Gaza. Dans la plupart des cas, les ravisseurs réclamaient des emplois ou protestaient contre la politique ou les actes de l’Autorité palestinienne. Les personnes enlevées ont généralement été relâchées saines et sauves au bout de quelques heures.
Deux employés du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) ont été enlevés à Gaza le 29 juillet par des proches d’un responsable des services de renseignement palestiniens qui avait été kidnappé la veille par des hommes armés liés au Fatah. Tous trois ont été relâchés sains et saufs quelques heures plus tard par leurs ravisseurs respectifs.
Le 8 août, à Khan Younis, trois employés de l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) ont été enlevés par des hommes armés. Ils ont été relâchés après quelques heures. Les ravisseurs réclamaient la libération d’un responsable du Fatah arrêté la veille par les forces de sécurité palestiniennes.

Homicides illégaux et attaques visant des « collaborateurs » présumés
Plus de 100 Palestiniens ont trouvé la mort à la suite de luttes politiques entre factions, de querelles entre familles et de règlements de comptes. Plusieurs ont été tués ou agressés par des membres de groupes armés qui les accusaient de « collaborer » avec les services de sécurité israéliens. La plupart des homicides ont été attribués aux Brigades des martyrs d’Al Aqsa et à d’autres groupes dissidents du Fatah.
Le général de division Musa Arafat, conseiller de l’Autorité palestinienne à la sécurité nationale et ancien chef des services de renseignement militaire, a été tué le 7 septembre à Gaza. Des hommes armés l’ont traîné hors de sa maison avant de l’abattre ; ils ont également enlevé son fils, qui a été relâché par la suite. Les membres des forces de sécurité palestiniennes basés dans un poste de police voisin ne sont pas intervenus.
En septembre, Farid Manasra a été enlevé dans le village de Beni Naim, en Cisjordanie, par des hommes armés qui l’ont torturé pendant quatre jours.
Les ravisseurs, parmi lesquels figuraient, selon certaines informations, des agents des forces de sécurité palestiniennes, l’accusaient de « collaborer » avec les forces israéliennes. Ils réclamaient une rançon ainsi que la publication d’un communiqué en échange de sa libération. Farid Manasra ayant refuse de payer, ils lui ont tiré une balle dans le pied et ont volé son argent, puis l’ont relâché.
En octobre, deux Palestiniens ont été enlevés dans la bande de Gaza par des membres des Fursan al Asifa (Chevaliers de la tempête), un groupe armé dissident du Fatah inconnu jusqu’alors. Les ravisseurs ont tenu une conférence de presse au cours de laquelle ils ont exhibé les deux hommes, ligotés et la tête recouverte d’une cagoule, en les accusant de « collaborer » avec Israël. Le porte-parole du groupe a indiqué qu’ils avaient été enlevés car les forces de sécurité palestiniennes ne faisaient rien pour traduire en justice les « collaborateurs ». Les ravisseurs ont blessé les deux hommes par balles aux jambes, avant de les relâcher quelques jours plus tard.

Peine de mort
Au mois de juin, le président Mahmoud Abbas a autorisé l’exécution de quatre prisonniers reconnus coupables de meurtre entre les années 1995 et 2000. Il s’agissait des premières exécutions depuis août 2002. Un cinquième condamné a été mis à mort en juillet. À la fin du mois de juin, Mahmoud Abbas a ordonné que les personnes condamnées à mort par la Cour de sûreté de l’État, supprimée en 2003, soient rejugées. On pense qu’une cinquantaine de Palestiniens restaient sous le coup d’une condamnation à la peine capitale.

Détentions illégales
En mai, l’Autorité palestinienne a libéré des personnes qui étaient maintenues en détention depuis plusieurs années dans la prison de Gaza, sans jugement ou en dépit de décisions de justice ordonnant leur remise en liberté. D’autres prisonniers étaient toujours maintenus en détention prolongée sans jugement ou au-delà de l’expiration de leur peine.

Violences contre les femmes
Les Palestiniennes, tout particulièrement dans les territoires occupés, étaient affectées par le conflit, notamment par les démolitions de maisons, les restrictions à la liberté de mouvement qui les privaient d’accès à l’éducation et aux soins médicaux, ainsi que par l’augmentation de la pauvreté. Elles étaient en même temps de plus en plus sollicitées pour s’occuper de la famille et subvenir à ses besoins. Le haut niveau de violence liée au conflit a entraîné une aggravation des violences domestiques et sociales, et de nombreuses femmes ont été victimes de sévices graves au sein de leur famille. Au moins quatre femmes ont été tuées par un proche pour des raisons dites « d’honneur ». En février, la rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes a demandé à l’Autorité palestinienne de se doter de dispositions législatives permettant que les auteurs de violences contre les femmes soient sanctionnés et que les victimes reçoivent réparation.

Visites d’Amnesty International
Des délégués d’Amnesty International se sont rendus dans les territoires relevant de l’Autorité palestinienne de mars à mai ; ils ont rencontré des responsables de l’Autorité.

Autres documents d’Amnesty International

 Israël et territoires occupés. Les femmes face au conflit, à l’occupation et au patriarcat (MDE 15/016/2005).

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