MOLDAVIE

La torture et les mauvais traitements étaient monnaie courante et les conditions de vie des personnes en détention provisoire très médiocres. Plusieurs traités garantissant les droits de la femme ont été ratifiés, mais la traite des êtres humains (hommes, femmes et enfants), à des fins d’exploitation sexuelle ou autre, constituait toujours un phénomène préoccupant ; en outre, les mesures destinées à protéger les femmes de la violence domestique étaient insuffisantes. Un certain nombre de modifications ont été apportées à la Constitution afin d’y inscrire l’abolition de la peine de mort. La liberté d’expression a fait l’objet de restrictions et certains opposants ont été en butte à des actes de harcèlement.





Torture et mauvais traitements
Dans le rapport sur sa visite de 2004 (publié en février 2006), le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) concluait que ces pratiques restaient répandues en Moldavie et que certaines garanties importantes destinées à éviter que des actes de torture ne soient commis n’étaient pas respectées.
Dans trois affaires distinctes, la Cour européenne des droits de l’homme a estimé que la Moldavie avait violé l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme. Elle a jugé dans l’un des cas que le bureau du procureur général n’avait pas mené une enquête satisfaisante sur les allégations de torture formulées par le demandeur, Mihai Corsacov, et qu’en refusant d’ouvrir des poursuites contre les policiers mis en cause, il l’avait privé du droit d’obtenir réparation pour les mauvais traitements subis lors de son arrestation en 1998. De nombreux cas de torture et de mauvais traitements ont été signalés tout au long de l’année.
Vitalii Kolibaba a été arrêté le 21 avril à Chi ?in ?u et accusé d’avoir blessé un agent des forces de l’ordre lors d’une rixe. Trois policiers l’auraient suspendu à une barre, puis frappé à la tête et au cou jusqu’à ce qu’il perde connaissance. Il n’a pas eu le droit de voir un avocat pendant six jours. Lorsque son conseil a finalement écrit aux services du procureur pour se plaindre du traitement réservé à son client, ce dernier aurait de nouveau été roué de coups à titre de punition. Un examen pratiqué par un médecin légiste en présence des trois policiers accusés de l’avoir torturé n’a révélé aucun signe de mauvais traitement. Vitalii Kolibaba a été libéré sous caution en mai ; à la fin de l’année, la procédure judiciaire intentée contre lui suivait toujours son cours.
Le 18 janvier, les services du procureur ont rejeté une demande d’ouverture de poursuites judiciaires contre des policiers qui étaient accusés d’avoir torturé Sergueï Gourgourov à Rîscani (un quartier de Chi ?in ?u) en octobre 2005, à la suite de son arrestation pour un vol de téléphone portable. En avril 2006, Sergueï Gourgourov a de nouveau été arrêté, pour violation des termes de sa mise en liberté conditionnelle. Son avocat avait pourtant expliqué que son client n’avait pas pu se présenter au poste de police comme prévu parce qu’il avait dû se faire soigner pour des blessures consécutives aux actes de torture dont il avait été victime. Le 12 mai, la cour d’appel de Chi ?in ?u a jugé sa détention illégale.

Des avocats victimes de harcèlement
Ana Oursatchi et Roman Zadoïnov, deux avocats ayant étroitement collaboré avec Amnesty International dans les affaires concernant Vitalii Kolibaba et Sergueï Gourgourov, ont été informés en juin qu’ils faisaient l’objet de poursuites pénales pour diffusion de fausses informations portant sur des violations des droits humains en Moldavie et pour atteinte à l’image de leur pays sur le plan international. Dans une lettre adressée à l’Ordre des avocats de Moldavie, les services du procureur général ont indiqué que les deux avocats étaient accusés d’« exercice abusif d’une fonction officielle » en vertu de l’article 335 du Code pénal, ce qui signifiait qu’ils risquaient jusqu’à cinq ans d’emprisonnement.

Conditions de vie inhumaines dans les centres de détention provisoire
Dans le rapport consacré à sa visite de 2004, le CPT qualifiait de « désastreuses » les conditions de détention dans les établissements dépendant du ministère de l’Intérieur, précisant que, bien souvent, ces conditions constituaient de fait un traitement inhumain ou dégradant.
Amnesty International a exprimé en cours d’année sa préoccupation quant aux conditions qui régnaient dans les cellules du poste de police d’Ohrei. Situées en sous-sol, ces cellules, initialement destinées à accueillir quatre détenus, en abritaient souvent sept, voire plus, selon certaines informations. Elles étaient mal ventilées et infestées de puces et de poux. De nombreux détenus souffraient de maladies de peau, mais il était rare qu’ils puissent consulter un médecin. Ils disposaient pour seules toilettes d’un seau par cellule, sans aucune possibilité de s’isoler. Selon certains témoignages, ils étaient contraints de dormir à tour de rôle, sur une surface en brique, sans drap ni couverture ni matelas.

Violences contre les femmes
La Moldavie a ratifié le 28 février le Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes [ONU]. Le 19 mai, elle a été le premier pays à ratifier la Convention sur la lutte contre la traite des êtres humains [Conseil de l’Europe]. Au mois de février, un projet de loi visant à prévenir et combattre la violence domestique a été déposé devant le Parlement, mais ce texte ne prévoyait pas de mesures de protection suffisantes pour les victimes et ne permettait pas de poursuivre efficacement les auteurs des violences.
Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes [ONU] a examiné en août les deuxième et troisième rapports périodiques de la Moldavie. Il s’est dit préoccupé par l’importance de la violence familiale, déplorant en outre la tendance à la hausse du trafic de jeunes femmes et jeunes filles à des fins sexuelles. Il a également estimé que les victimes ne bénéficiaient pas d’une protection suffisante. Le Comité a recommandé l’adoption du projet de loi sur la violence domestique, sous réserve d’un certain nombre d’amendements.

Liberté d’expression
Le manque de respect manifeste des autorités moldaves pour la liberté d’expression était préoccupant.
Le 28 avril, le maire de Chi ?in ?u a refusé d’autoriser l’organisation non gouvernementale (ONG) GenderDoc-M à tenir une manifestation homosexuelle dans la capitale, au motif que certains groupes religieux avaient menacé de mener des actions de protestation si le rassemblement avait lieu.
Le secrétariat du maire de Chi ?in ?u a refusé d’autoriser une manifestation en faveur de l’élévation d’une statue à la mémoire d’un écrivain roumain. Bien que l’ONG Hyde Park ait finalement obtenu cette autorisation en appel, la police a interpellé tous les manifestants et les a retenus pendant quarante heures dans des conditions déplorables au commissariat du quartier de Buiucani, sans qu’ils puissent contacter un avocat. Des poursuites ont ensuite été intentées contre ces personnes pour participation à une réunion non autorisée, rébellion et injures à agents. Des enregistrements sonores réalisés lors des interpellations au moyen d’un téléphone portable ne font état d’aucune résistance de la part des manifestants. Toutes les charges ont été abandonnées par la suite.
Le 4 octobre, le maire de Chi ?in ?u a refusé d’autoriser la structure d’Amnesty International en Moldavie à organiser, le 10 octobre, un rassemblement contre la peine de mort devant les ambassades biélorusse et américaine. Le 15 novembre, la Cour suprême a déclaré cette interdiction illégale.

Des opposants poursuivis en justice
Un certain nombre d’opposants politiques ont manifestement été pris pour cible par les autorités en raison de leurs opinions.
Gheorghe Str ?isteanu, ancien parlementaire et fondateur de la première société de télévision privée de Moldavie, a été arrêté le 21 août. Connu pour ses critiques à l’égard du gouvernement, à qui il reprochait de ne pas respecter la liberté des médias, il a été inculpé de menaces de mort sur la personne du maire de ?ig ?ne ?ti, Mihai Mistre ?. Selon l’accusation, ces menaces auraient été proférées à la suite de la décision du conseil municipal de révoquer le bail d’un terrain qu’il louait. Des verres d’eau de Javel ont été jetés à deux reprises dans la cellule de Gheorghe Str ?isteanu, qui a perdu connaissance. Il a été remis en liberté et placé en résidence surveillée le 28 novembre. Gheorghe Str ?isteanu avait été arrêté une première fois en 2005. Il avait alors été inculpé d’une série de vols importants commis dans des véhicules.

Abolition de la peine de mort
Le 29 juin, le Parlement moldave s’est prononcé à l’unanimité en faveur de la modification de l’alinéa 3 de l’article 24 de la Constitution, qui prévoyait la peine de mort dans certains cas exceptionnels. La peine capitale a ainsi été abolie dans les textes. Le Parlement a par ailleurs ratifié, le 29 juillet, le Protocole n° 13 à la Convention européenne des droits de l’homme, relatif à l’abolition de la peine de mort en toutes circonstances, ainsi que le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort. Le Parlement avait voté l’abolition de la peine capitale en 1995. Toutes les condamnations à mort avaient été commuées l’année suivante et les dispositions prévoyant ce châtiment avaient été retirées du Code pénal.

République (autoproclamée) moldave du Dniestr

La République (autoproclamée) moldave du Dniestr, qui n’était pas reconnue par la communauté internationale, a voté le 17 septembre en faveur du maintien de l’indépendance de facto du territoire vis-à-vis de la Moldavie et pour son union future avec la Russie.
Toudor Petrov-Popa et Andreï Ivan ?oc étaient toujours incarcérés à Tiraspol, malgré l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme (juillet 2004) qui les avait jugés victimes d’une détention arbitraire contraire à la Convention européenne des droits de l’homme. Tous deux faisaient partie des « Six de Tiraspol » condamnés à des peines d’emprisonnement en 1993 pour « actes terroristes », et notamment pour le meurtre de deux représentants des autorités du territoire. Les quatre autres membres de ce groupe ont été libérés en 1994, 2001 et 2004. Le Comité des ministres du Conseil de l’Europe a adopté le 10 mai 2006 une quatrième résolution intérimaire concernant cette affaire et demandant l’exécution de l’arrêt de la Cour. Le Comité encourageait les autorités de la République de Moldova à poursuivre leurs efforts pour obtenir la libération des deux hommes et priait la Russie de se conformer à l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme.

Autres documents d’Amnesty International

 Europe and Central Asia : Summary of Amnesty International’s concerns in the region, January-June 2006 (EUR 01/017/2006).

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